Pretty Woman [Blue]

« Mesuré ? Tu y arriverais ? »

Répondis je avec un brin de rire dans la voix. J’étais soulagée qu’il le prenne bien, après tout, il aurait tout aussi pu se vexer même si j’avais essayé d’y mettre les formes. J’avais appréhendé cette soirée qui finalement, se déroulait tranquillement, sereinement même et j’en venais a me demander de quoi j’avais eu peur.

Je fini même par lui avouer comment j’étais quand j’avais bu. Cela semblait le faire rire et l’amuser, mais il n’avait jamais vraiment été victime de mon « affection » alcoolisée et je veillerais a ce que ça n’arrive pas. J’aurais l’air fine accrochée a lui façon chimpanzé amoureux quoi ! Je ne savais pas quoi penser de sa curiosité a l’égard de Crazy mais je lui répondit honnêtement. Ce qu’il avait fait pour se retrouver en tôle et le parallèle que Kieran fit avec lui m’étonna un peu.

« Faut te laisser du temps, Kieran et perso, j’te trouve pas instable. »

Je souris légèrement avant de nos entrées n’arrivent et que je me mette a observer une crevette sous toute les coutures avant de l’avaler. Je plaisantais a propre d’Adam certainement pas heureux de me voir débouler avec un mec. C’était faux en plus…Mais la pensée de Kieran me rendit un peu songeuse.

« Il l’a été au début de ma désintox, maintenant, un peu moins j’pense, mais il risque d’être un peu jaloux en imaginant que tu as pris sa place tout en étant content que j’sois pas toute seule. Adam est un type bien malgré tout. »

Finis je par dire en haussant une épaule. Ouais, il serait quand même content pour moi, soulagé aussi, il se faisait du soucis, même si il savait que je pouvais me débrouiller toute seule. Cela dit, il pouvait aussi se méprendre sur ma relation avec Kieran…Quoique non même pas en fait. Il me connaissait trop bien pour ne pas deviner mais il saurait certainement pourquoi je ne disais rien. Je piquais une autre crevette.

« Au fait, il va comment Aaron ? Ca fait un bail que je l’ai pas vu tiens. »

Je pris un air faussement vexé alors qu'elle me demandait si je parviendrais à être plus mesuré. Mais oui, bien sûr que je pourrais. Avec un gros effort, c'était possible. J'étais sanguin, mais pas décérébré.

- "Tu veux parier?"

Serait-elle joueuse? Oserait-elle prendre le pari? C'était aussi une façon stimulante de garder cela à l'esprit et de ne pas déraper à l'avenir. Nous discutions facilement de tout et de rien, de sujets légers et graves, avec un naturel qui me surprenait. Nous aurions pu être amis depuis des années, que cela n'aurait pas été différent. Je me sentais bien avec elle, en confiance, pouvant parler librement en sachant pertinemment que je ne serais pas jugé ni condamné. C'était un peu comme avec Sorcha, sauf que j'avais une retenue vis à vis de Sorcha, parce que j'étais son frère, que je n'avais pas envers Sasha.

Nous abordâmes le sujet de l'alcool, de l'accident de mes parents, de mon caractère, de son pote, Crazy, en tôle pour homicide involontaire, parce qu'il avait cogné trop fort et s'était laissé emporter. J'avais peur de mal tourner moi aussi si je continuais mes conneries, mais Sasha n'était pas de cet avis. C'était réconfortant quelque part, même si j'espérais que ce n'était pas parce qu'elle n'était pas objective me concernant. Je lui confiais alors avoir peur de mes propres réactions, disproportionnées et qui me donnaient l'impression d'être instable, par la fragilité que je camouflais. Sasha se montra réconfortante encore une fois et je lui souris doucement, reconnaissant.

Les entrées arrivèrent. Crevettes pour Sasha, terrine pour moi. J'avais bon appétit. Je l'avais perdu dans les semaines qui avaient suivi le drame, mais c'était revenu. Surtout en bonne compagnie. Nous commençâmes à manger, alors que je lui demandais si je pouvais rencontrer Crazy, en tôle. Elle semblait d'accord, même si elle me mit en garde qu'il pouvait ne pas apprécier ma présence. Ou notre relation. Je plaisantais à ce sujet, ne sachant ci c'était du lard ou du cochon, une boutade ou un réel avertissement.

- "Je ne pense pas pouvoir prendre sa place un jour. Et puis, tu as assez de place dans ton cœur pour nous deux, non?"

Le coeur humain était formidable en ce sens. On pouvait aimer plusieurs personnes de façons différentes et même parfois de façons identiques. Sans que l'un prenne plus d'importance que l'autre. Sauf en ce qui concernait l'amour avec un grand A, évidemment. Mais c'était encore différent, et un petit ami ne remplaçait pas un ami ou des parents, ou une sœur, il les complétait.

- "Je n'en doute pas, tu ne serais pas si attachée à lui si ce n'était pas quelqu'un de bien."

Je repris une bouchée de ma terrine, avant que Sasha ne m'interroge sur l'état de santé d'Aaron. J'avais soudainement moins faim, ce n'était pas un sujet facile à aborder.

- "Ça va. Enfin autant que ça peut aller, évidemment."

Je haussais une épaule, mal à l'aise. J'étais soudainement très concentré sur mon assiette. Il ne fallait pas trop que je parle de lui ou j'allais encore m'épancher sur mes angoisses. Je ne voulais pas qu'elle pense que j'avais peur de tout non plus.

Un éclat malicieuse naquit dans mon regard alors qu’il me proposait un pari. Je croisais les bras, le considérant avec un léger sourire aux lèvres.

« Et qu’est ce que t’as a mettre en jeu ? »

Règle numéro 1, ne pas accepter de pari sans connaitre ce que l’on peut perdre. J’étais tout de même surprise de si bien m’entendre avec lui, mais ça me plaisait, même cela restait frustrant par certain coté. Je repoussais cette sensation au fin fond de moi. Finalement, qu’importe ce que j’étais pour lui, ça m’allait du moment que je pouvais le côtoyer.

Tour à tour sérieuse et légère, notre conversation était tranquille. J’avais eu un peu peur des blancs, des vides, mais même pas. J’avais pris la sale habitude de poser ma main sur sa tête et je ne dérogeais pas a cela, encore une fois, bien que le faire dans un restaurant était un peu délicat, j’étais a moitié allongée sur la table. Mais les entrées arrivèrent et je goutais avec précaution une crevette. C’était bon, bien plus que ce que je mangeais d’habitude. Quoique, un bon kebab…Enfin bref ! Je jouais un instant avec un brin de salade lorsqu’il parla de mon cœur…Oui, sans doute.

« Oui et puis de toute manière, ce n’est pas la même chose. »

Fis je avant de porter la feuille de salade martyr a mes lèvres et de l’achever sur un soupir de contentement. Je hochais doucement la tête, cela me faisait bizarre de parler d’Adam. Il ne restait que peu de personne avec qui je pouvais l’évoquer. Dire qu’il me manquait. Donner des nouvelles, parfois, je me demandais si il n’avait pas été tout simplement oublié

« Sans doute »

Répondis je en me grattant la tempe, foutu signe de nervosité tiens ! Il faudrait que je pense a en changer…Je demandais soudainement des nouvelles d’Aaron et a voir la tête de Kieran, c’était pas la chose la plus intelligente que je pouvais faire. Alors je me contentai de sa réponse laconique, scrutant son visage sans rien dire avant de changer diamétralement de sujet. Sautant du coq a l’âne avec surprise, même pour moi. Jusqu’au présent, je n’avais jamais envisagé cela en fait.

« Tu crois qu’il est possible de rattraper 10 ans de non scolarité ? »

Parce que si je comptais bien, ça faisait dix ans au moins que je n’avais plus mit les pieds a l’école. Séchant. Vagabondant, tombant dans des pièges à la con. Finalement, aujourd’hui, en ayant grandi, je me disais que je pouvais pas faire pire comme connerie…Mais restait a savoir si c’était récupérable et là…je savais pas du tout.

Elle était maligne. Je me doutais bien qu'elle n'accepterait pas sans connaître les conditions, elle évoluait quand même dans un milieu où c'était plutôt monnaie courante. Elle me demanda ce que j'avais à mettre en jeu. Je pris le temps de la réflexion. Qu'est-ce que j'avais à mettre en jeu? Bonne question...

- "J'en sais rien, franchement... Si je craque, tu pourras me demander ce que tu veux, je le ferais. Et si je ne craque pas... Ben rien, moi, j'aurais gagné un meilleur caractère. Ça te va?"

La conversation se continuait, sans temps morts, de façon plaisante, avec des sujets divers. Je ne regrettais pas cette soirée, par une seule seconde. J'étais bien en sa compagnie, très à l'aise. Ça me changeait agréablement. Plus le temps passait, plus je l'appréciais. Sa présence m'était devenue indispensable, c'était presque flippant.

Nous abordâmes le sujet de Crazy et j'appris son histoire, avant de désirer le rencontrer, même si elle m'avoua qu'il pouvait ne pas apprécier que je prenne sa place. Je rétorquais alors qu'elle avait bien de la place pour nous deux. Je souris à sa réponse.

- "Ah bon? Et pourquoi ce n'est pas la même chose?"

Elle m'assura alors qu'il était un type bien et je ne la contredis pas. Je ne le connaissais pas, je ne pouvais pas le juger. Le fait qu'il l'ai aidé était un point en sa faveur. Sans lui, elle serait décharnée, sur le trottoir pour se payer sa dose aujourd'hui. Ou elle serait morte. Elle me demanda alors des nouvelles d'Aaron et je me refermais comme une huitre, mon sourire disparaissant pour ne laisser que des ombres dans mon regard à l'évocation de mon cousin. Ma réponse fut brève, je ne voulais pas m'attarder là dessus et Sasha n'insista pas, ce dont je lui fus gré.

Elle posa alors une question qui me prit par surprise. Aucun rapport avec le sujet dont nous parlions une minute plus tôt. Je comprenais alors ce que cela pouvait faire quand je sautais du coq à l'âne en suivant le fil de mes pensées mais en larguant mes interlocuteurs en route.

- "Euh, oui, ça doit être possible, mais pas en un an, ni même en deux..."

Je penchais la tête sur le côté, intrigué. Elle ne posait pas la question à la légère. Avait-elle des projets?

- "Tu envisagerais éventuellement de rattraper ces 10 ans?"

« Non ça va pas. Dans les deux cas, j’y gagne. Donc s’pas réellement un pari... »

Voyons, voyons, qu’est ce que je pourrais faire, dire ou…Offrir ? Je ne savais pas vraiment en fait. C’était difficile de trouver quelque chose qui lui ferait plaisir en quelque sorte.

« Donc si je perds…Je te montrerais a quoi je ressemble avec un coup de trop dans le nez ! »

Riais je subitement en me disant que là, ce ne serait pas moi le puni, mais lui !

« Non, ce n’est pas équitable, alors on dira que je mettrais ce que tu veux, même une mini jupe. »

Seulement, j’étais un peu trop en confiance, tellement que je fis une boulette idiote si bien que sur le coup, je ne sus pas quoi lui répondre. En quoi c’était différent hein ? Ben je n’avais pas envie d’embrasser Adam ? Ouais, mais non, alors je haussais une épaule.

« Adam, c’est comme un frère…Toi…Et ben t’es mon meilleur ami. Y a des trucs que je pourrais pas dire a Adam mais que je pourrais te dire a toi, t’vois ? »

Sauf l’essentiel. Ah…Je n’étais pas en train de mentir là ? Si, sans doute, mais disons que c’était pour son bien en quelque sorte. Il semblait d’accord avec moi lorsque j’évoquais Adam. Oui, il avait fait des conneries, mais moi, j’oublierais jamais ce qu’il avait fait pour moi. Cela dit, je mis allégrement les pieds dans le plat en parlant d’Aaron. Je ne comprenais pas vraiment la réaction de Kieran, ils avaient pourtant l’air de bien s’entendre, surement qu’il me manquait un élément mais je ne cherchais pas a savoir. Je voyais bien qu’il n’était pas a l’aise et je ne voulais pas le fermer. Alors, je sautais subitement du coq a l’âne, le surprenant au passage.

Je fis une petite moue lorsqu’il me répondit, me rendant compte que j’étais un peu comme ces enfants qui veulent tout apprendre tout de suite, sans attendre. Evidemment que ce n’était pas possible…Et je reposais ma fourchette lorsqu’il me questionna sur ce que je comptais faire.

« Eventuellement. T’avais raison, je pourrais pas faire ça toute ma vie, même si c’est plus facile de se dire qu’on verra plus tard…Le plus tard arrive bien assez tôt alors je sais pas… »

Répondis je en tripotant ma fourchette a tel point qu’une crevette sauta de mon assiette pour finir sur la nappe. Arf…Je la rattrapais vite fait.

« Je ne sais même pas ce dont je suis capable alors c’est difficile de se faire une idée… »

J'aurais du m'en douter. Elle avait déjà du mal à accepter que je lui paye quoi que ce soit, que je l'invite, alors engager un pari dans lequel elle n'était pas en danger, c'était utopique. J'attendis sagement qu'elle propose alors quelque chose. Si elle avait une idée, j'étais preneur. Elle proposa d'abord de me montrer ce qu'elle donnait en mode koala, avant de se rétracter et de me proposer de s'habiller comme je le voulais... Même en mini jupe. Je souris par devers moi. C'était intéressant comme enjeu, je pourrais m'en servir pour l'aider à progresser davantage dans sa féminité.

- "D'accord, pari tenu."

Même si quelque chose me disait que je n'avais pas besoin du prétexte d'un pari pour qu'elle s'habille comme je le voulais. Cela irait plus vite avec un pari, mais j'y arriverais sans doute à force de patience. Et de confiance en elle.

Nous parlâmes d'Adam-Crazy. Il était en taule, il était son grand frère de cœur, il n'apprécierait peut-être pas que je prenne sa place. Sauf que je ne prenais aucune place. Sasha était d'accord avec moi et je lui demandais d'approfondir un peu sa pensé. Il était le grand frère, j'étais le meilleur ami. Il y avait des choses qu'elle pouvait me dire et ne lui diraient jamais. J'acquiesçai quand elle me demanda si je comprenais.

- "Parfaitement."

Comme je l'avais sous entendu plus tôt, il y avait des choses que je pouvais lui dire que je cachais à Sorcha. Pour la protéger, pour maintenir mon image de grand frère fort et qui n'a pas besoin d'aide. Qui sait où il va. Et quoi faire. C'était complètement illusoire.

Elle me demanda des nouvelles d'Aaron et je restais évasif. Je ne lui avais pas dit qu'il était malade et j'ignorais si Aaron l'avait fait. Dans le doute, je préférais laisser planer le doute. Si elle ne savait pas, elle trouverait mes paroles peut être un peu étranges. Si elle savait, elle comprendrait. Elle n'insista pas, si bien que je n'eus aucun indice pour savoir si elle était au courant ou non.

Elle me demanda alors subitement si elle pouvait rattraper 10 ans de scolarité perdue. Une question étrange, qui me força à réflechir avant d'y répondre. Oui, c'était envisageable, mais avec le temps et en y accordant plus que 8h par jour. Je demandais si elle envisageait de reprendre des études. Et en effet, cette idée trottait dans sa tête. Un grand sourire se dessina sur mon visage à sa réponse.

- "Je suis content que tu l'envisages. Que tu envisages un avenir tout court. Je pense que tu es capable de beaucoup de choses. Surtout en étant motivée. Tu es loin d'être stupide Sasha. Tu vas déjà apprendre à lire et écrire correctement et on verra après pour un enseignement plus poussé."

Ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Se concentrer sur une tâche à la fois et ne pas s'éparpiller. C'était important. On ramassa nos entrées, on apporta le plat. C'était la valse des assiettes et ma foi, c'était délicieux. Sasha et moi discutions à bâtons rompus et il était 22h30 quand on nous amena l'addition. Nous avions fait durer le plaisir. En même temps, la boite n'ouvrait qu'à 23h, nous avions le temps de traîner un peu. Quand le ticket avec le prix arriva, je m'en emparais, je laissant pas le temps à Sasha de protester. Je l'invitais, point. Si elle avait été Blue, j'aurais surement fait chacun sa part, mais elle était une fille, moi un mec qui l'avait invitée, je payais. Point. Si elle n'était pas contente, c'était pareil. Il fallait qu'elle peste contre mon éducation.

Nous quittâmes le restaurant, louvoyant dans les rues de Londres pour nous rendre jusqu'à la fameuse boîte qui faisait si peur à Sasha. Il y avait une file d'attente assez importante et nous la prîmes sagement, en attendant notre tour. Je décidais alors de la chambrer un peu :

- "Alors, première apparition en fille, réussie. Première fois au restaurant, réussie également. Aucune raison de s'en faire pour ta première boite de nuit."

Je ne sais pas pourquoi je lui posais soudainement cette question. Peut être pour avoir un peu d’encouragement, d’assurance parce que je savais que ce ne serait pas facile, que décider a presque 18 ans de rentrer dans le rang était impossible. A vrai dire, je l’envisageais mais je ne savais pas si j’en étais capable, ni même ce que je pourrais faire. Ma vie était trop instable, trop prise. Je devais bosser pour vivre alors où trouver le temps d’étudier ? Mais peut être que si je me débrouillais bien..Je ne savais pas.

« Tu compte continuer mon enseignement ? »

Fis je mutine a ses mots, ça me faisait plaisir qu’il l’envisage a si long terme. Oui long pour moi. Deux ans, c’était énorme quelque part. Je n’arrivais même pas a me projeter vers ces 2 ans. Est-ce qu’il sera encore là pour m’aider ou aura-t-il disparu de ma vie ? Je préférais la première idée. Et la valse des plats commença réellement. Je me régalais ! Et pas qu’un peu, j’avais si peu l’habitude de ce genre de repas que je n’en perdis pas une miette. Faire sa mijaurée en calculant le nombre de calories ingérées, c’était pas mon truc. Vraiment pas ! Et quand la note arriva…

« Kieran ! »

Trop rapide pour moi. Bon sang mais ! Je le fusillais gentiment du regard, il me tuait a vouloir prendre soin de moi comme ça. Il me traitait réellement comme une fille et c’était troublant, véritablement troublant. Finalement, j’ai dus céder en fait, il ne me laissait pas le choix mais je n’étais pas dépourvu de ressources, je trouverais bien quelque chose pour le remercier. Le mot dette avait plus de mal a s’imprimer en moi, mais plutôt…j’avais envie de lui rendre ce qu’il faisait pour moi. Restait a savoir comment et là…

Finalement, nous primes le chemin de la boite et, intérieurement, je me préparais a la pire soirée de ma vie…Kieran m’avait prévenu, on ne pourrait pas discuter alors qu’est ce que je ferais ? Enfin, pire, c’était sans doute exagéré, vu que je la passais avec lui et que rien que ça…Bref !

Il me guida dans la file d’attente. Je jetais des coups d’œil autour de nous. Tout des jeunes, certains collés les uns contre les autres. D’autre, en bande, qui regardait, disséquait les filles présentes et vis versa. En fait, les filles étaient autant perverses quand on regardait bien. Bizarre, y avait pas ce jeu de séduction dans l’Under, certainement parce que chacun savait ce qu’il voulait. Je ne le quittais pas d’une semelle tout en grinçant des dents alors qu’il payait également l’entrée de la boite. J’allais le tuer a ce rythme ! La musique était assourdissante et même si j’en avais l’habitude, ce n’était pas le style que je cotoyais. Je tirais sur la manche de Kieran pour attirer son attention, le forçant a se baisser vers moi pour me tendre l’oreille.

« Tu sais quoi ? J’serais une vieille mémé que j’dirais que c’est de la musique de sauvage ! Comment tu peux danser la d’sus ? »

Non là, ça me dépassait un peu…On aurait dit des robots quoi, tous formatés pour tel pas de danse ou tel autre...

Continuerais-je son enseignement? Peut-être... C'était à envisager. Même si j'avais peur de ne pas pouvoir tenir le rythme. Pas avec mes propres études en parallèle. J'hésitais encore entre plusieurs choix quant à mon futur, mais aucun n'était facile. Tous demandaient énormément de travail. Je visais haut. Et je n'aurais pas autant de temps à accorder à Sasha qu'en étant au lycée, j'en avais conscience. Peut-être que des cours par correspondance seraient préférables pour elle. Mais dans tous les cas, je ne l'abandonnerais pas, je continuerais à la soutenir et lui filer un coup de main de temps en temps.

Le diner passa à une vitesse folle. Je retrouvais ce que j'avais aimé chez Blue chez Sasha : sa conversation. Si la forme avait changé, le fond, lui, restait le même. En mieux peut être, parce qu'elle se livrait davantage que Blue. Instaurant une complicité, un lien assez fort entre nous. Un lien que j'adorais, mais qui m'effrayait aussi, inconsciemment.

Quand il fut l'heure de payer l'addition, je ne lui laissais pas le temps de réagir, la prenant de vitesse, non sans un superbe sourire en coin à son exclamation, la narguant au passage. Je savais qu'elle s'offusquait de ma conduite, mais j'avais été bien élevé. Quand on invitait une femme, on ne lui faisait pas payer son repas. Elle allait devoir s'y faire. J'étais galant.

Je l'entrainais alors dans les rues de Londres. Je n'étais pas encore à mon aise, mais je me débrouillais et j'avais repéré le chemin sur internet. Aussi arrivâmes-nous sans encombre à destination. Il y avait déjà du monde et nous prîmes la file d'attente. Je remarquais que Sasha avait les yeux grands ouverts, regardant autour d'elle. Nous patientâmes ainsi quelques minutes, avant d'entrer à notre tour. Je payais l'entrée, sentant le regard noir de Sasha sur moi. Au moins le videur ne fit-il aucune difficulté quant à notre âge. Enfin, celui de Sasha, moi, j'étais bel et bien majeur.

Nous entrâmes dans l'atmosphère feutrée de la boite. Il y avait des miroirs autour de la piste de danse, des lumières de toutes sortes, des lasers... Des podiums avec des barres où des jeunes filles commençaient déjà à faire les belles. Sasha tira sur ma manche et je souris devant ce geste qui commençait à devenir familier, me penchant vers elle pour entendre ses commentaires. J'éclatais de rire d'ailleurs.

- "Tu sais, j'ai trouvé que votre musique était encore plus sauvage la première fois que je suis venu dans l'under. Laisse-toi le temps de t'y habituer."

Avec un sourire espiègle, je lui pris la main et l'entrainai vers la piste de danse qui commençait déjà à se remplir.

- "C'est facile de danser, regarde."

C'était un jeu d'enfants. Certains mecs étaient raides ou mal à l'aise, moi non. J'aimais bien sortir et j'avais forcément apprit à danser. J'avais la chance d'avoir du rythme, ça aidait bien.

Je passais a coté d’une fille en mini jupe se déhanchant sur un podium. Merde ! Comment elle arrivait a faire ça ?! Me demandais je en penchant légèrement la tête alors que son popotin faisait des trucs…bizarres quoi. Enfin de mon point de vue, mais ça semblait plaire aux mecs placés autour d’elle. Je retins une petite toux avec les fumigènes et restais collée a Kieran. Là, c’était pas mon monde, je connaissais rien du tout, l’impression d’entrer en terrain miné prenait subitement tout son sens. Surtout ne pas quitter Kieran d’une semelle ou j’allais me faire manger toute crue quoi !

Je ne pu m’empêcher de faire une réflexion sur la musique. Alors ouais, le rythme je connaissais, mais là, c’était du formaté, genre boite a rythme quoi. Electronique même si certaine sonorité me plaisait. Il se mit a rire et je fis une petite moue alors qu’il me disait avoir ressentit la même chose dans l’Under. Oui mais non quoi ! C’était pas du tout la même chose !

« Mouais…S’y habituer… »

Avant de me retrouver entrainée sur la piste, j’ouvris de grands yeux. Non…Non mais il plaisantait là ! Je pouvais pas danser quoi ! Je savais pas comment on faisait ! J’aurais l’air idiote !

« Kieran, attends ! »

Ouais, sauf qu’avec la musique plein tube, il ne m’entendit pas du tout aussi me retrouvais je les deux pieds sur la piste, totalement immobile alors que ça s’agitait de partout. Je me grattais la tempe, me demandant si je n’allais pas plutôt fuir par la gauche, vu que la droite était rendue inaccessible par un type aux grands gestes. Le plus simple était encore de reculer. Bon sang ! J’aurais bien aimé me faire un pétard là ! Gauchement, je me perchais sur le bord de la piste et Kieran qui me faisait un geste pour venir, je secouais la tête en souriant. N’y va pas trop fort avec moi quand même ! Lui par contre, il avait l’air totalement a l’aise et ça se voyait. Pour un peu j’en restais bouche bée et je me fis la réflexion idiote qu’il était carrément sexy quand il dansait. Il suivait le rythme sans fausse note, semblait même glisser sur cette musique de sauvage avec un naturel que je lui enviais sur le coup quoi ! Les autres faisaient un peu pâle figure a coté et je me rendis compte que je ne regardais que lui. Et que j’étais pas la seule d’ailleurs. Depuis quand on pouvait coller comme ça…Limite se frotter ? Je fronçais légèrement les sourcils devant l’énervement que ces espèces de…de…de greluches provoquaient. Elles voulaient pas aller danser ailleurs ?! De mieux en mieux, voilà que j’étais verte de jalousie…Et je me rendis compte que j’avais posé un pied sur la piste lorsqu’on me bouscula légèrement et je tournais subitement la tête, piquant un fard heureusement dissimulé par les lumières de la boite. Chiotte ! Sauf que durant ces quelques secondes, je perdis Kieran de vue. Ah nan !

Il était passé où ? Arg…On pouvait se perdre facilement dans l’Under, mais je n’avais aucun mal a trouvé mon chemin mais là…Je survolais la piste des yeux et vu ma petite taille, c’était limite mission impossible, mais je ne trouvais pas sa tête brune. J e n’osais pas vraiment bouger, ne sachant de quel côté allez quand un verre fit soudainement son apparition devant mon nez. Je suivis la main qui le tenait, puis le bras pour finir par remonter sur le visage de Kieran. Le soulagement me fit sourire.

« Désolée Kieran, mais s’t’encore un peu trop tôt pour moi ça… »

De l’index, je désignais une rousse incendiaire qui se déhanchait de manière…comment dire…langoureuse ? Ouais, c’était sans doute ça. Je penchais légèrement la tête sur le coté. Ouais non, pas pour moi ça quoi ! Déjà j’avais pas les même formes, pas la même expérience non plus…Je trempais mes lèvres dans mon verre, tiens, vodka orange…Donc a consommer lentement.

« Tu trouve ça sexy comme danse ? »

Demandais je soudain en me disant que j’aurais mieux fait de me coller des baffes quoi…

J'y étais allé un peu trop fort, je le vis au visage paniqué de Sasha alors que je l'entrainais sur la piste. Où elle ne bougea pas d'ailleurs. Elle préféra se réfugier sur le bord de la piste et observer. Bon, pas grave, nous avions des heures devant nous. Je lui adressai un regard moqueur, dansant, non sans lui jeter de fréquents coups d'œil. C'est là que je sentis les regards de quelques filles, moins farouches que les autres. Je ne pouvais pas nier aimer quand elles me frôlaient et dansaient lascivement contre moi. C'était un truc qui me faisait toujours de l'effet. Sauf qu'aujourd'hui, je ne sortais pas entre copains... Enfin si, mais avec une fille. Et cela changeait tout.

Je m'échappais donc, direction le bar, commandant deux vodka orange pour Sasha et moi. Il fallait qu'elle se détende. Absolument. Sans la saouler, mais que je la mette en confiance, comme au restaurant. j'agitais le verre devant elle et je la vis sourire, alors qu'elle s'excusait disant que cela allait un peu trop vite.

- "Pas de problèmes, on a tout notre temps."

Sauf que je n'avais pas vu qu'elle me montrait quelqu'un en fait. Je ris quand je vis ce qu'elle désignait. Oui, non mais là... Mollo, elle acceptait à peine de se montrer en fille, je ne la voyais pas danser sensuellement en jouant de ses attributs. Sa question, par contre, eu le don de me déstabiliser. C'était quoi cette question? Je me passais une main dans les cheveux, un peu gêné. Mais je n'allais pas mentir non plus.

- "Franchement, oui, je trouve ça sexy. C'est un bon moyen d'attirer les regards masculins, je le reconnais."

J'avais 18 ans et j'étais sensible aux charmes féminins. Néanmoins, je n'aimais pas la vulgarité. Et parfois, la frontière était bien mince entre sensualité et vulgarité. Pour la rousse, c'était un sans faute.

- "Tu en penses quoi? Tu aimerais réussir à faire ça?"

J'avais un petit sourire en coin. J'avais du mal à l'imaginer danser ainsi, mais si elle y parvenait, je ne niais pas que j'adorerais. Nous discutâmes ainsi en sirotant nos verres, moi, plus rapidement qu'elle. La chaleur grimpait dans le coin. Je tapotais mon jean du bout des doigts, en rythme. J'étais un brin frustré de rester sur le côté, mais je n'aurais abandonné Sasha pour rien au monde. C'est alors que la musique changea. Un sourire incurva mes lèvres. Quart d'heure de slows. Et bien voilà un truc qu'elle saurait danser. Je pris son verre vide et allais le poser sur le bar, avant de revenir vers elle et de l'attirer doucement sur la piste, m'emparant de ses deux poignets. Je nouais ses mains derrière mon cou, avant de poser les miennes sur ses hanches.

- "Cette fois, tu ne t'échapperas pas Sasha."

Je parlais dans son oreille, pas forcément très bas étant donné le volume sonore.

- "Tu ne te stresses pas, tu me suis simplement."

Ça allait doucement, elle n'avait que moi à suivre, pas de tempo, pas d'énergumènes pour nous rentrer dedans. J'imprimais le mouvement, la sentant un peu gauche dans ses mouvements, mais je ne la lâchais pas pour autant.

Alors ça c’était sensé être sexy. Mouais…Enfin moi j’étais une fille, je risquais pas de baver la dessus quand a attirer les regards masculins, c’était pas trop mon truc en fait. Quoique, je n’y avais jamais réellement songé en fait. J’éclatais de rire a la question de Kieran.

« Ouais ben c’est pas demain la veille si tu veux mon avis »

Non fallait pas rêver ou alors avec plus de verres dans le nez histoire que je fasse une amnésie le lendemain quoi ! Surtout que moi j’aurais l’air ridicule a me tenter a l’exercice surtout quand on savait pas du tout danser comme moi. Il n’empêche que des filles comme ça y en avait plein ! Je faisais office de poteau a coté sans formes ou presque quoi…Et puis bizarrement la musique se calma et, surprise, je levais les yeux vers le DJ. Tiens ? J’eus a peine le temps de finir mon verre qu’il se retrouva hors de mes mains et que des doigts m’enserraient les poignets. Hein ?! Jetant un coup d’œil au alentour, je vis que ça c’était un peu calmer aussi niveau piste de danse mais je me voyais pas faire…ça !

Sauf que je n’eus pas trop le choix, mes mains se retrouvèrent accrochés a la nuque de Kieran tandis que les siennes prenaient possession de mes hanches.

« Tu tiens sérieusement a m’achever en fait… »

Marmonnais je alors que je frissonnais sous la chaleur de son souffle contre mon cou. On respire, on reste calme ! Bon…Je hochais la tête a ses mots avant de scruter les autres. Bon alors, ça paraissait pas si difficile que ça en fait.…Je réduisis les dix centimètres qu’il y avait entre moi et lui non sans rougir au passage parce que comment dire…Je me retrouvais tout de même collée a lui là, mais si j’en jugeais par les autres couples sur la piste, c’était comme ça que ça se dansait. Evidemment, on allait éviter de lui dévorer le cou de baiser comme nos voisins, ça ne le ferait pas vraiment, mais sinon, je calquais au mouvement prêt la position de la fille tout en faisant attention de suivre Kieran comme il me l’avait demandé. Il faisait vraiment trop chaud.

« Comme ça ? »

Vraiment beaucoup trop chaud. Je n’allais pas réussir a sortir vivante de cette soirée en fait. C’était comme danser sur un fil trop fragile pour supporter le poids de la danseuse.

Je souris à l'éclat de rire de Sasha. Elle n'avait pas répondu à ma question au demeurant, mais c'était assez classique chez elle. Je ne le lui fis pas remarquer, me disant seulement qu'il ne fallait jamais dire jamais. La musique changea, se faisant plus douce et propice à quelque chose à deux et je sautais sur l'occasion pour l'embarquer contre son gré. Un petit slow n'allait pas la tuer n'est-ce pas? Je nouais ses mains autour de mon cou, posant les miennes sur ses hanches et me mettant à danser.

Au début, je faisais ça pour m'amuser. Vraiment. Sauf que je fus un peu pris dans mon propre piège quand Sasha se rapprocha brutalement de moi, se collant à moi, si bien que je pouvais parfaitement sentir sa poitrine contre mon torse. La température grimpa en flèche. Et le désir monta en flèche lui aussi. Merde, ce n'était vraiment pas le moment là, pas alors qu'elle était si collée contre moi. Et pourtant, loin de la repousser, mes mains glissèrent dans son dos, et je résistais à l'envie de les descendre sur ses fesses.

Qu'est-ce qu'il m'arrivait là au juste? C'était une amie, juste une amie. Je n'allais quand même pas encore tout gâcher comme avec Blake. Je m'étais planté avec elle. J'étais assez malin pour apprendre de mes erreurs. Je pouvais quand même être proche d'une fille sans forcément chercher à l'emballer... Je n'étais pas si en manque que ça. Ni si pervers.

- "Oui comme ça."

Sasha n'était pas si raide que je le pensais. Moi en revanche... Je faisais un effort phénoménal pour penser à quelque chose d'absolument pas sexy afin d'éviter de trahir les réactions de mon corps. Ce serait vraiment trop gênant et je n'oserais plus regarder Sasha en face. Sa tête se posa sur mon épaule et là, je déglutis avec difficulté. J'étais en train de perdre les pédales. Je me tendais quand elle, elle se détendait enfin. A la fin du morceau, je la lâchais, m'écartant avec un petit sourire.

- "J'ai besoin de sortir 5 minutes, je reviens."

Je sortis mon paquet de clopes de ma poche, jouant avec l'une d'entre elles, avant de décamper rapidement, histoire de reprendre un peu mes esprits et de me rafraichir les idées. Je me faufilais vers la sortie, rejoignant les fumeurs dehors, inspirant une bouffée et fermant les yeux pour tenter de chasser ce tiraillement dans mon bas ventre.

En fait, j’aurais pas du tenter d’imiter ceux d’a coté. C’était franchement une très mauvaise idée…Mais d’un autre coté…Je me pris a en profiter, parce que finalement, je n’avais jamais été aussi proche de lui que là, sous couvert d’une danse. Il ne pourrait pas se méprendre n’est ce pas ? Tout le monde le faisait alors je pouvais le faire sans vraiment me trahir. Alors autant en profiter un peu, même si c’était mal. Finalement, c’était facile, il suffisait de suivre ses pas, le mouvement de son corps contre le mien…J’aurais dit que tout cela était agréable, si je n’avais pas l’impression que ses mains marquaient mon dos au fer rouge, ni la sensation de son corps contre le mien. C’était n’importe quoi ! J’aurais aimé me décoller juste un peu, histoire de retrouver mon souffle qui menaçait de m’échapper définitivement mais j’en étais brusquement incapable. En vérité, je haïssais autant que j’aimais cette danse finalement. Si je pouvais éviter de sentir mon ventre me bruler ou oublier ses bras autour de moi…Je fermais les yeux en priant que la musique finisse, tout en voulant qu’elle dure encore. C’était pas bon du tout…Je me sentais vaciller dangereusement, a tel point que je n’entendis même pas la dernière note.

Kieran me lacha et j’inspirais profondément, résistant a l’envie débile de retourner contre lui. Il montra son paquet de clopes et je hochais la tête. Oui, bonne idée…va donc fumer. Il décampa rapidement et moi, je me passais une main tremblante sur le visage. J’avais chaud, je bouillais littéralement…Il me fallait un truc a boire et fort si possible histoire de me remettre les idées en place. Je me dirigeais donc vers le bar, demandant un whisky sec, provoquant l’étonnement de la serveuse avant d’être servie, de payer et de souffler un bon coup avant de m’envoyer le tout au fond de la gorge. La brulure de l’alcool me fit légèrement grimacer, d’habitude, je buvais plutôt doucement mais là…

Je reposais mon verre. Ca allait un peu mieux mais une chose était sure, je n’étais pas prête de renouveler l’expérience…Kieran n’étant toujours pas revenu et voulant me changer les idées, je m’approchais de la piste, trop prêt ! un bras me ceintura et je n’eus pas le temps de dire ouf que je me retrouvais plaquée contre un grand blond tout sourire alors que la musique reprenait sur un tempo, si ce n’est calme, plutôt langoureux. Les yeux grands ouverts, je le fixais quelques secondes sans rien dire, trop soufflée avant de poser mes mains sur ses avant bras pour qu’il me lache.

« Lâche moi ! »

J’eus droit a un sourire colgate et un :

-Ah non ! J’ai trouvé une cavalière, je ne vais pas la laisser m’échapper !

Son haleine sentait un peu l’alcool et je lui assénais un regard a faire trembler Crazy…Sauf que ce n’était pas Crazy. Je me tortillais tant bien que mal, regrettant mes boots qui lui aurait bien déchiré les genoux mais cet abruti me serrait trop fort.

« Je veux pas danser, lâche moi merde ! »

-Détends toi, chaton, j’veux juste une danse après promis, je te lâche.

Ouais mais non, pas même une danse ! j’aimais déjà pas qu’on me touche, mais encore moins quand c’était un inconnu qui me prenait pour sa propriété !

« J’ai dis que j’voulais pas ! t’es bouché ou quoi ?! »

Je serrais déjà mon petit poing dans l’intention de le lui écraser sur la figure. Je me ferais mal, mais je pouvais garantir que lui aussi.

Il fallait que je me vide la tête à tout pris, pour revenir serein. Je me demandais ce que j'étais en train de faire finalement. J'avais suivi une impulsion, une intuition, sans réflechir aux conséquences. J'étais de moins en moins impulsif, mais là, je m'étais viandé en beauté. Qu'est-ce que j'espérais en la sortant ainsi, hum? Qu'est-ce que j'attendais d'elle? Elle avait tout fait pour me plaire, absolument tout, sans rechigner, sans chercher à m'envoyer promener alors que tout à coup j'empiétais sur sa vie, balayant des années de façon de vivre pour imposer MA vision de ce que sa vie aurait du être. Je la faisais ressembler à une fille, l'invitait à diner comme une fille, l'emmenais en boite et dansais un slow avec elle... Pas comme avec une simple amie, je devais être honnête avec moi. Ce que je ressentais pour elle, allait au delà de la simple amitié. Je m'étais planté avec Blake, me méprenant sur notre complicité. N'étais-je pas en train de recommencer avec Sasha? Oui? Non? Je ne savais plus.

Je m'adossais au mur, terminant ma clope et la jetant. Je passais une main dans mes cheveux, inspirant une bonne bouffée d'air frais. Qu'est-ce que je fais maintenant? je la ramène chez elle. La soirée était terminée. J'étais en train de jouer au con et je ne voulais surtout pas jouer avec elle et détruire ce qui existait entre nous. Laisse tomber Kieran, pas la peine de jouer les casanova avec elle, elle avait mieux que ça.

Je rentrais à l'intérieur, la cherchant du regard, fronçant les sourcils en ne l'apercevant nulle part. Merde, où était-elle passée? j'approchais du bar, retournai aux toilettes, aucun résultat. Je sentis une pointe d'angoisse irrationnelle monter. Pas la peine de paniquer, c'était ne grande fille. Et soudain, je l'aperçus, en prise avec un grand blond collant qui ne semblait pas décider à la lâcher alors que tout dans son attitude trahissant le fait qu'elle n'avait qu'une envie : fuir.

Là, je vis rouge. Je me frayais un chemin parmi les danseurs, attrapant Sasha par les épaules pour l'arracher aux griffes de ce type et la faisant passer derrière moi, plantant bien mon regard dans celui de cet enfoiré qui osait me prendre MA Sasha.

- "Dégage mec, elle a déjà un cavalier."

- "Ola relax, t'étais pas là, laisse les autres profiter."

Profiter? Je serrais les poings, mais je me contenais. Respire, calme-toi, tu as un pari à gagner.

- "Maintenant, je suis là, alors du vent."

Sauf que l'autre relou n'avait pas l'air de bien saisir. Je me tournais vers Sasha, posant une main dans son dos, avant de l'attirer à moi et de prendre son visage de mon autre main, levant son menton vers moi, pour finalement unir nos lèvres. Ce baiser, il m'obsédait depuis des heures, j'en prenais brutalement conscience. Et là, rien de comparable avec ce que j'avais ressenti pour Blake. C'était différent. Et je venais de joyeusement fouler aux pieds toutes mes résolutions prises dehors, deux minutes plus tôt. Merde. Je cessais brutalement, remarquant que l'autre chiant avait dégagé pour trouver une nana libre. Puis, je regardais Sasha mortifié. Je ne voulais pas... Enfin, si j'avais envie, très envie même, mais je venais de définitivement ruiner toute amitié entre nous.

J’allais le lui coller en plein milieu de la tronche ! J’allais le faire quand je me sentis attrapée et repoussée loin de ce grand machin pour découvrir la silhouette de Kieran placé devant moi. Je me penchais sur le coté pour entendre ce qu’il se passait, pas calmée pour autant. J’avais horreur d’être une chose, considérée comme une chose et ce type c’était exactement ce qu’il avait fait. Dans l’Under, je n’avais jamais eu ce problème. Habillée comme d’habitude, je ne l’aurais pas eu non plus remarquez, mais je ne m’en prenais pas a Kieran pour ça, c’était la faute de ce connard aux hormones trop débordantes.

Je baissais les yeux sur les poings de Kieran serrés si fort que les jointures en étaient blanchies mais il ne céda pas a la violence…Il fit…autre chose. Je sentis son bras soudainement sur ma taille alors qu’il m’approchait de lui, sa paume sur ma joue et j’ouvris grands les yeux en me rendant compte de ce qu’il allait faire. La surprise me cloua tellement sur place que je fus incapable d’en profiter. Il…Il m’embrassait et pas comme une amie, pas du tout même. Je ne savais même plus quoi penser, tout était embrouillé dans ma tête. Est-ce qu’il faisait ça pour éloigner l’autre type ? Est-ce qu’il le faisait parce qu’il en avait envie ? Est-ce qu’il avait trop bu ? Sur le coup, toute ses questions tournèrent sans trouver de réponses. Mais ces réponses, il n’y avait que moi pour les avoir non ?

Immobile, je le fixais avec un regard agrandit par la surprise alors même qu’il venait de me lacher, portant des doigts un peu mal assurés sur mes lèvres. Elles étaient chaudes et là, autant le dire, je crois que je pétais un câble, lui sautant carrément au cou, enroulant mes jambes autour de lui. Tant pis pour mes bonnes résolutions, j’avais trop de questions, je voulais des réponses. J’en avais envie depuis longtemps, trop longtemps et là, je n’arrivais plus a faire semblant ou même a me retenir. Tant pis si je me prenais un râteau, j’aurais au moins essayé, songeais je avant d’encadrer son visage de mes mains, accrochées a ses hanches et d’enfin l’embrasser comme j’en avais envie depuis des lustres. Ne me lassant pas du gout de ses lèvres, ni de la douceur de sa bouche…Avant de me rendre compte qu’on était en plein milieu d’une piste de danse bourrée de monde…Osef en fait ! Ou pas…

Je cessais brusquement avant de le regarder avec des yeux ronds…

« Désolée… »

Oui, très intelligent sur le coup mais je voyais pas quoi dire d’autre, ni quoi faire, résultat, j’étais toujours accrochée a lui en mode koala sans même avoir bu, une première, si, si, si.

J'allais m'excuser. Et spontanément, ce furent les mots, je ne voulais pas, qui me vinrent à l'esprit, me rappelant trop cruellement ceux que Blake avaient pu proférer. Si je ne m'étais pas réconcilié avec elle, nul doute que là, je l'aurais fait, en comprenant enfin ce qu'elle avait bien pu ressentir. Pourquoi est-ce que j'avais embrassé Sasha? Pour que l'autre type s'éloigne en comprenant qu'elle était prise? Oui, c'était le but de la manœuvre, mais j'avais surtout eu très envie de l'embrasser. Jetant aux orties ce que j'avais pu décider plus tôt. Super. Les sentiments et la raison n'étaient pas d'accord et, encore une fois, j'avais laissé les premier dicter ma conduite, au risque de me mordre les doigts ensuite.

Je ne dis donc rien. J'étais désolé de ruiner une amitié, mais pas désolé de l'avoir embrassé, parce que j'en avais eu vraiment envie. Et je ne risquais pas de le lui faire comprendre en m'embrouillant dans des explications foireuses. Je restais donc pétrifié, alors qu'elle portait sa main à ses lèvres, le regard agrandi par la surprise.

Et là, ce fut moi, qui demeurais immobile quand elle me sauta au cou avec vivacité, entourant ma taille de ses jambes et encadrant mon visage de ses mains fines pour m'embrasser à pleine bouche, comme si faire le premier pas avait fait sauter toute retenue en elle, lui permettant de se lâcher. Forcément, je me lâchais moi aussi, alors que mes mains glissaient sous ses fesses pour la soutenir et que mon baiser se faisait beaucoup moins chaste que précédemment. Je sentais la fièvre s'emparer de mon corps, brutalement. Et l'envie revint, plus violemment que jamais, sans que je ne puisse l'empêcher cette fois.

Elle cessa alors, me laissant presque étourdi. Elle ne pesait presque rien. Elle m'avoua alors être désolée et je ne pus m'empêcher de sourire en coin.

- "Pas moi."

J'émis un petit rire rauque.

- "Alors c'est ça le mode koala? Tu n'es pourtant pas saoule... j'aime beaucoup."

Doucement, je la déposais à terre, non sans laisser mes mains s'attarder sur ses fesses. je l'attirais ainsi contre moi, avant de me rappeler avec un temps de retard que j'étais toujours trop à l'étroit dans mon jean et que maintenant, elle risquait fort de le sentir. Tant pis. Je ne pouvais pas tout contrôler malheureusement. Ses bras étaient toujours noués autour de mon cou et j'enfouis mon visage dans le sien, embrassant la chair tendre et fine de son cou, avant de parler à son oreille :

- "Finalement, céder à ses impulsions a du bon, tu ne trouves pas?"

J’avais la tête qui me tournait et je savais très bien que ce n’était pas l’alcool. Tellement que je sortis la première bêtise qui me passa par la tête parce que désolée, non je ne l’étais pas vraiment. Il ne m’avait pas laché, pas repoussée bien au contraire. Il avait glissé sa langue contre la mienne, joué avec mes lèvres, ses mains me retenaient contre lui alors que j’avais noué mes jambes autour de ses reins. Seulement voilà, je me disais que j’avais fait une boulette quand même. Impression qui s’envola alors qu’il me répondait avec son fameux sourire en coin qui avait le don de me rendre tout chose. Quoique là…Je l’étais déjà.

« J’aurais pu prévenir avant quoi… »

Ouais au risque de ne pas avoir la chance de re gouter pleinement a ses lèvres étant donné que la première fois j’étais totalement passée a coté, trop surprise. Donc quelque part, je n’avais pas prévenu sciemment. Il y a une semaine j’étais un gosse a ses yeux. Un pote mais sans plus, finalement si je m’étais prêtée a son jeu quelque part était ce pas pour qu’il me voit autrement ? Sans doute un peu même si je ne réussissais pas totalement a être a l’aise ainsi.

« Nan, le mode Koala n’a pas l’option baiser normalement. »

Fis je avec un léger sourire, les yeux pétillants, finalement, je dénouais mes jambes pour retrouver le sol, laissant mon corps glisser contre le sien avec un plaisir certain. Plaisir partagé d’ailleurs me rendis je compte en sentant sa virilité contre ma hanche. Je résistais a l’envie de piquer un fard, non pas que je ne savais pas ce qu’était le désir, fallait pas déconner mais je ne savais tout simplement pas réagir face au sexe en lui-même. Je me doutais ne pas être vierge, vu ma vie, le contraire aurait été miraculeux mais je ne savais pas réellement ce que c’était que faire l’amour…Pourtant j’avais envie de le découvrir avec lui…Je ne me sentais pas mal a l’aise comme j’avais pu le craindre. Ni même gauche. Non je sais pas ça me paraissait naturel en fait et j’étais sur un petit nuage. Le désir coulant dans mes veines alors que je tentais de l’étouffer. Je ne savais pas si j’étais prête pour ça en vérité.

Il enfouit son visage au creux de mon cou et je sentais ses lèvres se promener sur ma peau avant que son souffle n’effleure mon oreille, me faisant frissonner. J’eus un léger rire malicieux avant de répliquer :

« Ca veut dire que tu as perdu ton pari ? »

Sauf si il parlait de mon impulsion, incapable que j’avais été de la contrôler. Je m’étais retenue trop longtemps, tombant de plus en plus amoureuse de lui a chaque fois que je le voyais. Il arrive un moment où tout explose parce que trop fort, trop puissant.

« S’tu parle de moi, je dirais que c’est pas grave par ce que je compense par mon calme, donc j’ai droit a trois fois par mois, c’est comme ça. »

Je soupirais soudainement, comme délestée d’un poids, m’adoucissant contre lui.

« Mais oui, finalement, ça a du bon. »

- "Non, surtout pas. J'aime la spontanéité."

J'aimais sa spontanéité en fait. Cela n'aurait pas eu le même effet si elle m'avait demandé avant. Ou si elle m'avait prévenu. Je ne l'aurais pas arrêté d'ailleurs. Non, je n'aurais pas eu le courage de l'arrêter. J'avais trop savouré notre baiser. Le second, pas le premier. Le premier avait été un avant goût, trop rapide. Le second, en revanche... Avait été langoureux, passionné, profond. Nos langues avaient joué, s'étaient trouvées. Et je sentais l'impatience m'étreindre.

- "Alors tu as inventé un mode rien que pour moi? Je suis flatté."

Elle me relâcha alors, mais je ne m'éloignais pas d'elle pour autant. Au contraire, je pressais mon corps contre le sien, au risque qu'elle sente d'ailleurs combien j'avais envie d'elle et combien je voyais bien qu'elle était une fille. Oh ça, aucun doute, et inconsciemment, j'avais deviné depuis longtemps que ce n'était pas un garçon. Je ris contre sa peau à sa question.

- "Non, je l'aurais perdu si j'avais frappé ce connard... Mon impulsion était plutôt positive, non?"

Je souris de plu belle quand elle compléta sa réponse, dévorant son cou de baisers.

- "Seulement trois fois par mois?"

Cela serait dommage qu'elle se bride, vraiment. Nouveau changement de musique. La série slow était terminée. On enchainait sur quelque chose de plus rythmée, mais tout aussi langoureux et je me refusais à la lâcher. Elle ne savait pas danser? Pas de problème, je danserais pour deux. J'imprimais le mouvement avec mon bassin, posant mes mains sur ses hanches. Doucement, je la fis pivoter, me retrouvant dans son dos, embrassant sa nuque. D'autres couples jouaient la carte de la sensualité et en profitaient. Sasha m'avait affirmé que je n'étais pas prêt de la voir danser langoureusement. J'étais en train de lui prouver le contraire, même si elle n'en avait pas encore conscience.

Et j’étais loin d’être spontanée par certain coté. Cela m’avait trop couté parfois, mais je redécouvrais ce plaisir avec lui, ne serait ce que pour le surprendre. Je ne sais pas, il y avait quelque chose d’excitant, de neuf et en même temps, de terriblement naturel, comme coulant de source. Notre complicité était encore là et je la chérissais, je ne voulais pas la voir se ternir de gêne parce que notre relation venait de changer.

« J’ai décidé d’innover, des remarques ? »

Et rien que pour lui en plus…Sauf que j’avais rien prémédité en fait. C’était arrivé…Comme ça, parce que j’en avais envie, parce que j’avais décidé de prendre son baiser comme un consentement avant de me le voir confirmer. Je finis par reposer les pieds sur terre, notant au passage que l’image de Blue c’était définitivement effacée de sa mémoire, me rendant fière et confuse dans le même temps. Mais je me poserais ces questions plus tard. Je tentais tant bien que mal de conserver le fil de la conversation, mais c’était difficile lorsque ses lèvres butinaient mon cou de cette façon, traçant des chemins brulant sur ma peau et, durant une seconde, je me demandais si je n’allais pas le violer sur la piste en fait…Mauvais plan. Je le taquinais a propos de notre pari, mais n’eus pas gain de cause, ce qui provoqua une légère moue sur mon visage. Flute ! Quoique je le préférais maitre de lui et non en proie a une colère irraisonnée…

« J’confirme, très positive. »

Parce que sans ça, combien de temps aurais je tenu sans rien dire ? Sans m’oublier littéralement ? Sans le blesser au passage, maladroite, gauche ? Je ne le savais pas, sans doute pas bien longtemps finalement. Cela avait été lent, doux et en même temps fulgurant, déstabilisant. Pourtant, je ne lui disais toujours rien. Le désir était une chose, je le savais, l’amour une autre. J’étais novice dans les deux domaines en quelque sorte, mais j’avais une expérience de la vie me permettant de prendre un certain recul. Je ne voulais pas lui poser cette question, je ne voulais pas me prendre la tête la dessus, chaque chose en son temps, il nous faudrait déjà nous habitués a cela….

« Seulement, et sois content, t’as eu la première. »

Répliquais je mutine sans me rendre compte que c’était du flirt en quelque sorte. Je ne savais même pas faire ça et pourtant, ça venait tout seul. La musique changea et je retins subitement mon souffle, coupé par ses mains soudainement sur mes hanches, sur le mouvement qu’il imprimait a nos deux corps. Serrés l’un contre l’autre. Je me mordis la lèvre…Je savais qu’il allait me tuer…Puis, il glissa dans mon dos, sans lâcher mes reins, promenant sa bouche sur ma nuque, provoquant des frissons incandescent sur ma peau. Alors je décidais de ne plus réfléchir réellement, juste de me laisser porter par lui, là où il le voulait, je m’en moquais. Sans même que j’en eus conscience, mon dos s’imprima contre lui, se cambrant doucement, mes mains se posèrent sur ses avants bras, souhaitant que jamais il cesse de me toucher, ondulant contre lui au rythme langoureux de la musique…Finalement ce n’était pas si difficile, même si je n’avais pas conscience ou trop conscience justement de nos êtres se frôlant, s’effleurant a la faveur des notes de musique. Si je ne savais pas dire que je l’aimais, si je ne savais pas dire que j’avais envie de lui, mon corps savait le crier instinctivement.

Je secouais négativement la tête à sa question, avant de lâcher dans un soupir :

- "Absolument aucune."

Si elle décidait d'innover plus souvent, j'étais preneur. Nous jouions à ce moment précis. Je découvrais son corps, elle découvrait le mien et je cherchais à la séduire davantage encore. Je jouais avec le feu, j'attisais son désir, mais le mien également et j'avais de plus en plus de mal à garder la tête froide alors qu'elle se pelotonnais contre moi, que ses fesses frottaient contre mon bas ventre, en rythme, comme un appel. Comme un idiot, je me chauffais tout seul. J'allais me brûler à cette vitesse. Je brûlais déjà. J'avais été spontané avec elle, écoutant une intuition, une envie. Elle me demanda si cela signifiait que j'avais perdu mon pari. Oh non, je l'aurais perdu si j'avais cédé à mon envie première de coller une droite à ce crétin qui la collait. Point qu'elle m'accorda. Je n'avais donc rien perdu pour le moment. Pas encore. En fait, j'avais même tout gagné, puisque j'avais Sasha.

Je souris à sa dernière remarque, résistant à l'envie de parier avec elle que je pourrais augmenter le nombre. La danse parlait pour nous et il me semblait que l'air était chargé d’électricité. Elle se cambrait, comme un appel inconscient de son corps pour le mien. Oula, stop, je m'emballais. Je ne pouvais pas faire ce que je voulais dans cette boite, trop de monde, trop de témoins et je n'étais pas comme ça, pas avec une fille comme Blue. Je m'arrêtais brutalement, fermant les yeux pour essayer de conjurer l'envie, mais rien n'y fit. C'était une mauvaise idée de danser avec elle. Je lui pris la main.

- "Viens, on s'en va, j'ai besoin d'un peu de calme."

Et d'air frais, au passage. Je l'attirais au dehors, main dans la sienne, quittant le bruit, l'odeur, la foule, pour marcher dans les rues de Londres. Je cessais de marcher pour allumer une clope, avant de passer une main nerveuse dans mes cheveux. Je n'arrivais pas à me calmer en fait.

- "Désolé, j'écourte un peu la soirée mais... Je ne m'attendais pas à tout ça en fait..."

Quoique... Ne l'avais-je pas cherché inconsciemment? En l'invitant ainsi, en dansant ainsi, en me montrant galant, n'avais-je pas cherché à abolir cette barrière que nous avions mise entre nous? J'eus un petit rire de dérision.

- "J'avais besoin d'un peu d'air frais en fait, tu me fais... beaucoup d'effet."

Je détournais le regard, gêné. Mais toujours sincère. Qu'elle ne pense pas que je regrettais quoique ce soit, ce n'était pas vrai. ou que je fuyais son contact. Au contraire. Sauf que pour le moment, c'était un peu trop douloureux pour moi.

Je ne me rendais pas tellement compte de la torture qu’il subissait, trop perdue dans la mienne, en proie a ce feu qui me dévorait le ventre, trop soudain, trop violent. J’avais déjà ressenti du désir pour lui, c’est vrai, mais pas comme ça, pas aussi puissant. Peut être parce que je me sentais libre de le ressentir finalement.

Il s’arrêta brusquement, provoquant une frustration intense et je réprimais un soupir presque plaintif. Putain mais on faisait quoi là ?! Ouvrir les yeux, c’était ce confronter a la réalité, des gens autour de nous, de la musique a fond, de l’ambiance si chaude…

« Bonne idée tiens… »

Approuvais je alors qu’il me signalait notre départ, glissant ma main dans la sienne en confiance avant d’inspirer profondément l’air du dehors. Mes oreilles bourdonnaient encore de la musique, mon corps brulait encore du sien et je doutais parvenir a l’apaiser avec juste une bouffée d’air frais. Nous nous éloignâmes de la boite avant de nous arrêter a deux rues d’un petit café situé en bord de tamise qui avait l’avantage de rester ouvert toute la nuit, d’être tranquille et on pouvait même prendre un truc a emporter.

« Ecourter ? «

Fis je en riant, non elle s’arrêterait lorsqu’il me quitterait pas avant, du moins je le voyais comme ça. Je me grattais la tempe alors qu’il avouait ne pas s’être attendu a..ça…

« Ouais moi non plus, t’es mal à l’aise ? »

Et non je parlais pas de l’étroitesse qu’il devait ressentir dans son pantalon, je parlais de ce qu’il ressentait là maintenant. Il avait tout a fait le droit d’être mal à l’aise. Après tout, il n’y a pas longtemps, j’étais un garçon a ses yeux. Peut être trouvait il le changement trop rapide, même si c’était lui qui l’avait amorcé. J’allumais a mon tour une cigarette et expira doucement la fumée, la regardant s’enfuir vers le ciel avant de rire doucement. C’était presque indécent la manière que j’eu de ressentir cette fierté nouvelle chez moi alors qu’il me disait avoir envie de moi. Je n’avais jamais réellement sentit ça. J’aimais quelque part. Finalement, je glissais mes doigts dans sa main libre et l’entrainait vers le café.

« Viens, on va boire un truc chaud au bord de l’eau crade de la Tamise. »

Fis je avant de pousser la porte du café, de commander un café pour moi, ce qu’il voulait pour lui et de traverser la salle pour débouler sur une pelouse entretenue bordant l’eau noirâtre du fleuve. Je m’installais en tailleur, mon café réchauffant mes paumes.

« J’veux pas que tu sois gêné Kieran, vraiment pas. Ni qu’tu sois mal a l’aise avec moi. »

Fis je finalement en levant les yeux vers lui, résistant a l’envie de me caller contre lui parce que pas sur qu’on retrouverait un semblant de sang froid comme ça.

Non... Non, je n'étais pas mal à l'aise. Enfin si, mais pas pour son histoire de mec devenu fille. Ça n'avait rien à voir. J'étais mal à l'aise parce que je la désirais bien trop fort pour ma propre santé mentale et que j'avais besoin d'y voir un peu plus clair.

- "Non, ce n'est pas ça...."

Sauf que je ne trouvais pas les mots pour m'exprimer, étonnamment. Cela m'arrivait très rarement d'être à court de mots pour décrire ce que je ressentais. Je préférais fumer pour évacuer la tension et la nervosité, en espérant que mon désir allait enfin redescendre. Parce que là, ça faisait mal. Je lui avouais d'ailleurs avoir envie d'elle ou du moins qu'elle me faisait de l'effet. beaucoup trop. Elle rit doucement et je lui lançais un regard de reproche :

- "Et ça te fait marrer en plus..."

Elle aurait pu être un peu charitable quand même. Mais j'adorais son rire, ce rire qui m'avait paru étrange dans la bouche d'un jeune garçon, mais terriblement sensuel dans celui de la jeune femme que je découvrais. J'aurais accepté qu'elle se moque de moi à longueur de temps pour entendre ce rire.

Sa main s'empara de nouveau de la mienne et je lui jetais un regard surpris. Elle me proposa de boire quelque chose et m'entraina dans un café. J'aimais bien me laisser guider et ne pas tout contrôler, qu'elle fasse preuve d'initiative. Je commandai un Irish Coffee. Suivant de nouveau Sasha jusqu'à la terrasse dehors. Enfin terrasse... Non, pas vraiment, nous étions sur la pelouse et elle s'y assit sans plus de cérémonie. Moi, je restais debout, levant le nez vers le ciel, avant de baisser le visage vers elle quand elle me demanda de ne pas être mal à l'aise avec elle.

- "Oh non, Sasha, ce n'est vraiment pas le cas... Enfin si, mais..."

Je soupirais, farfouillant dans mes cheveux indisciplinés. Je ne savais pas comment lui faire comprendre mon problème. Si c'en était vraiment un, parce que je ne pensais pas que ce soit le cas. Finalement, je vins m'asseoir derrière elle, posant mon verre près de moi, avant de l'entourer de mes bras, ressentant sa chaleur. Pas terrible pour mes frustrations, mais je ne voulais pas qu'elle se méprenne sur mes gestes ou attitudes. Ou même paroles.

- "Ça n'a rien à voir avec ce que tu étais il y a encore peu... c'est bon, j'ai dépassé ça. Je crois que l'intelligence de Blue, notre complicité, me séduisaient déjà. Que tu ai été un... garçon, ça ne rendait pas la situation facile pour moi et je me suis mis des barrières. Mais maintenant que je sais que tu es une fille et bien... Tout parait rentrer dans l'ordre, comme si chaque chose était à sa place. Notre complicité est encore plus forte qu'avant, notre attirance est... bien présente."

Mais il n'y avait pas que ça. Oh non, ce n'était pas que de l'entente et du désir, c'était plus complexe. J'étais tombé amoureux d'elle. Peut-être l'avais-je déjà été un peu quand elle était Blue. Mais quand je l'avais vu en fille, ça avait été un choc. Une révélation?

- "Tu me plais Sasha. Énormément. De toutes les façons possibles."

J'approchais mes lèvres de son oreille, soufflant doucement :

- "Je crois que je suis tombé amoureux de toi."

« Désolée, j’compatirais pas. »

Avouais je avec un léger sourire amusé, le sombre de mes iris ondoyant de contentement et de fierté aussi. Finalement, on avait besoin tout les deux de laisser la pression retombée, de remettre les choses dans l’ordre. Trop de changements d’un coup sans doute alors je l’entrainais vers un petit café sympathique. Pas trop rempli et l’ambiance plutôt intimiste.

Je me laissais tomber dans l’herbe fraiche avant de lui dire sans détour que je ne voulais pas qu’il soit mal à l’aise, qu’une certaine tension vienne se mettre entre nous. Je ne parlais pas de sexe, c’est vrai, même si cette tension là était bien présente.

Il répondit évasivement et je penchais légèrement la tête sur le coté, attendant la suite. Il ne m’avait pas habituée a laisser ses phrases incomplètes ou a esquiver d’ailleurs. Je le regardais s’installer a son tour, glissant dans mon dos et je m’y appuyais avec un soupir satisfait. Et il continua alors, me rassurant quelque part parce que j’avais vraiment eut peur que le changement soit trop brutal, qu’il soit perdu et en vienne a faire des conneries…Comme sortir avec moi par exemple. J’étais étonnée de l’avoir presque…séduit en étant un garçon en fait. Même si bien sur, la barrière du genre n’aurait rien rendu possible a ce moment là, évidemment. Je ne répondis rien, le laissant parler sans l’interrompre, levant le café a mes lèvres avant de me figer totalement.

Il…Il venait de dire quoi là ? J’oscillais soudainement entre la surprise qui me clouait sur place et l’envie démentielle de le coucher par terre pour l’embrasser sauvagement. Surprise oui, parce que je ne m’étais pas attendue a ce qu’il m’aime en fait. J’étais pas assez bien. J’avais une vie totalement en décalage, je n’étais même pas instruite, j’étais une ex camée qui n’était même pas foutu de se souvenir de ses années glauques. Qu’est ce que j’avais qu’il aimait au juste ? C’était vrai, je pouvais paraitre assurée et je l’étais bien souvent, mais pas là, là je me mettais a douter de moi-même en fait.

« T’as toujours réussis a parler sincèrement… »

Murmurais je un peu jalouse de ça avant de soupirer doucement, glissant une main sur son avant bras qui me barrait le ventre.

« Moi je suis pas douée pour ça. J’ai jamais bien sut en fait. Je sais pas ce que j’ai pour que tu arrive a m’aimer, Kieran mais je sais pourquoi moi je t’aime. »

Parce qu’il était lui. Juste lui. Compréhensif, empathique, doux, violent parfois, entier…Sans doute parce qu’il voyait la vie en noir ou blanc, peut être cette vulnérabilité qu’il cachait a tout le monde mais qui était a fleur de peau.

« Depuis longtemps en fait…Mais le mensonge a ça de terrible, il t’enferme. Je voulais pas ça, j’ai fais comme si y avait rien et, finalement, j’ai accepté parce que c’était le mieux a faire…C’est idiot en fait. »

J’eus un demi sourire en laissant ma tête reposée sur son épaule.

J'émis un petit rire grave quand elle me répliqua que j'avais toujours su parler sincèrement. Pas toujours, non. Mais souvent. j'étais détendu, je me doutais que Sasha m'aimait bien aussi, ou m'aimait tout court, alors je n'avais pas peur de me lancer et de lui dire ce que je ressentais. Il y avait trop de risques de malentendus avec les non dits. Plus jamais de malentendus.

- "J'ai eu du mal à me lancer."

Elle posa alors sa main sur mon avant bras et je poussais un petit soupir à mon tour, un soupir d'aise. J'étais bien. Et mon désir était momentanément calmé. J'étais davantage tendre qu'excité. Peut-être l'atmosphère. J'avais eu envie de parler avec elle, la boite de nuit ne le permettait pas. Je haussais un sourcil quand elle m'avoua qu'elle ne savait pas pourquoi je l'aimais, mais qu'elle savait pourquoi elle m'aimait. Ah oui? Elle m'aimait alors? Je ne m'étais pas planté en misant là dessus.

Je souris à son aveu. Elle était tombée amoureuse de moi bien avant que je ne sache qu'elle était une fille. Sauf que coincée, en garçon, elle n'avait rien pu avouer et après, n'avait plus osé. Oui, c'était idiot. Je pris sa tasse et la posais à côté de nous, avant de la lâcher et de me lever pour venir devant elle. Accroupi, je m'emparai de son visage.

- "Complètement idiot en fait."

Malgré moi, je l'embrassai, la poussant légèrement pour qu'elle s'allonge dans l'herbe. De nouveau, je ressentis cette pression dans mon bas ventre. De nouveau, j'avais envie d'elle. Je cessais de l'embrasser, effleurant ses lèvres des mienne, alors que ma main se glissait sous son débardeur pour se poser sur son ventre, sans aller plus haut ou plus bas. Je murmurais alors :

- "Tu ne sais pas pourquoi je t'aime?"

Je laissais planer le silence, avant d'embrasser l'angle de sa mâchoire :

- "Parce que tu es toi. Parce que tu es une battante, tu es forte, tu es intelligente, réaliste, compréhensive. Tu ne juges pas, tu ne condamnes pas, tu écoutes."

Je ponctuais chaque compliment, chaque qualité d'un baiser, descendant vers sa gorge et son décolleté, avant de cesser et de la regarder droit dans les yeux.

- "Et pour ne rien gâcher, tu es vraiment belle."

Ma tasse en carton m’échappa soudainement et je levais un regard surpris sur Kieran alors qu’il bougeait pour venir s’accroupir face a moi. Complètement idiot oui mais c’était ce que j’avais ressenti. Je ne voulais pas perdre ce que nous avions en avouant un amour dont il ne voudrait peut être pas. Donc il ne saurait pas quoi faire. Oui, c’était idiot au vu de notre situation maintenant mais avant ? Est-ce que cela avait été si imbécile ?

Je fermais les yeux lorsqu’il m’embrassa et je me rendis compte que j’avais une envie folle qu’il le refasse. Je ne risquais pas de m’en lasser et je voulais aussi me dire que rien n’était fantasme tiré de ma frustration. Je me sentais basculer en arrière et je ne fis rien pour l’empêcher…Si j’avais cru avoir maté mon désir c’était mort, il revint en force, liquéfiant ma chair a tel point que je lâchais un petit gémissement. Mes paumes glissèrent sur son corps, recherchant sa peau, sa chaleur alors que mon ventre se consumait sous sa main juste déposée sur ma chair. J’ouvris a peine les yeux, ne laissant qu’un éclat noir filtrer entre mes cils alors qu’il quittait mes lèvres…Je secouais négativement la tête. Non je ne savais pas. Je ne voyais pas pourquoi. Alors il entreprit de me l’expliquer, glissant sur ma peau, jusqu’au creux de mon décolté, me soumettant a une torture particulièrement délicieuse…Finalement, il me laissa respirer malgré mes jambes mêlées aux siennes, mes hanches collées au siennes…Et mes lèvres s’étirèrent lentement dans un sourire un peu tremblant. Il était trop sincère pour moi parfois…

« J’ crois que ça fait sept…. »

Murmurais je doucement en glissant mes bras autour de sa nuque, me serrant contre lui parce qu’il me faisait fondre, parce qu’il me faisait chavirer, parce que je ne voulais plus jamais quitter ses bras.

« Bon sang Kieran ! si tu me fais pleurer, j’t’en voudrais a mort. »

Parce que j’étais a deux doigts de le faire, mais pas de tristesse non, pas de douleur…juste parce que ce que je ressentais pour lui se coinçait dans ma gorge, comprimait mon souffle, explosait trop fort en moi. Je posais un index sur sa lèvre inférieure, rêveuse, amoureuse.

« J’ai beau me dire que t’es pas pour moi…Que j’suis pas vraiment une fille bien…J’veux pas te laisser. »

» Sasha "Blue"
» J'ai besoin de l'oubli [Blue]
» Sasha "Blue" Erwin FINI
» Mais t'es vraiment une fille! [Blue]