L'ombre n'est rien | Blake & Erin

A vrai dire je rongeais mon frein. L'intervention d'Alice m'avait fait brièvement sourire. Effectivement, j'étais marié. A une petite fille, mais je l'étais tout de même. Avec inquiétude, j'avais vu le stress de Blake augmenter au rythme des oeillades incendiaires d'une jeune fille qui n'avait pas froid aux yeux. Je ne l'avais même pas regardé, ignorant ces sous entendu avec une froideur polaire, mais si j'étais capable de flegme, ce n'était pas le cas de Blake. Stressée, anxieuse, elle avait fini par craquer et je savais que ce n'était pas seulement dût a sa grossesse. Je n'avais pas tenté de la retenir, cela n'aurait servit a rien, mais j'avais été secrètement soulagé de voir Alice se lever a son tour pour la rejoindre. Mesquinement, j'avais placé mon alliance bien en vu de la jeune peronnelle avec un sourire plus fin.

Effectivement, elle n'avait aucune chance aussi l'ignorais je tout le temps qu'il me restait, refreinant mon envie d'aller voir dans le couloir ce qu'il se disait.

Quand la sonnerie de fin de cours retentie, je regardai un instant les elèves quitter ma classe avant de me présenter sur le seuil de celle ci. Un rapide coup d'oeil m'apprit que certains de mes élèves trainaient autour en discutant mais je repérais rapidement Blake flanquée d'Alice.

"Mademoiselle Earl. Nous avons a parler. Dans ma classe. Immédiatement."

J'avais volontairement parlé d'un ton sec et indifférent. C'était un coup risqué tant Blake pouvait être a fleur de peau ces derniers temps mais je n'avais guère le choix. Je comptais sur Alice pour la raisonner a ce sujet. Evitant son regard, je rentrai dans ma classe, allant m'installer a mon bureau tout en faisant tourner mon alliance a mon doigt, comme un reflexe devenu inconscient.

Je levai les yeux sur sa silhouette un peu allourdie par le bébé, le notre, une petite fille avant de lui faire signe d'entrer, attendant qu'elle ai fermé la porte dérrière elle.

Un sourire amusé et tendre se dessina sur mes lèvres lorsque je fus sur que personne ne pouvait nous entendre.

"J'adore te voir jalouse mon coeur, mais honnêtement...Penses tu sincèrement que la première dinde venue pourrait me détourner de toi ?"

La discussion avec Alice m'avait fait du bien, même si j'avais tout de même catégoriquement refusé de retourner dans la salle de cours. Nous aurions pu nous en aller et sécher le reste de la journée, mais nous étions restées dans les couloirs, moi assise par terre, la tête appuyée contre le mur, écoutant distraitement la voix de Liam filtrant à travers, yeux mi-clos. Alice était restée, toujours présente quand il le fallait, me tenant la main en silence. De temps en temps, l'une de nous formulait une remarque qui faisait rire l'autre d'un rire doux, presque timide, et nous replongions dans nos pensées. Je n'avais pas bougé parce que je voulais rester près de Liam, avais-je eu conscience après coup, trop effrayée à l'idée de m'éloigner de lui alors qu'une fille le poursuivait de ses avances, alors même que je savais qu'elle n'obtiendrait jamais rien de plus qu'un sourire froid, qu'un mur nous séparait, et que le seul moyen pour mon époux de me rassurer était de me faire entendre sa voix débitant un cours de littérature. Stupide, mais rien que l'entendre, ça me faisait du bien. Et je constatai au moins avec satisfaction que l'autre greluche s'était plus ou moins calmée avec ses remarques idiotes.

Lorsque la cloche sonna, Alice m'aida à me relever avant que les élèves envahissent le couloir, et nous restâmes sans bouger sans doute un instant de trop puisque Liam eut le temps de sortir après notre classe et de m'épingler d'une voix sèche et sévère, à mille lieues que celle qu'il employait en privé avec moi. Je détestais quand il jouait ainsi au méchant prof. En classe, c'était une chose, adressé directement à moi, c'en était une autre et ça m'insupportait. Je n'eus cependant pas le courage de le fusiller du regard, préférant regarder mes chaussures - ou plutôt mon ventre - et marmonner d'un ton guère aimable :

- Oui m'sieur...

Je pressai une dernière fois la main d'Alice et entrai dans la salle de cours, bougonnant à moitié, avant de fermer la porte et de m'appuyer contre une table. Je daignai enfin lever le regard sur lui, une lueur de rébellion dans mes yeux verts, comme pour le défier d'oser m'engueuler pour ma sortie impromptue de son cours. Qu'il n'essaye même pas, ou je pourrais très bien oublier le secret et gaffer en écrivant malencontreusement Hartwood au lieu de Earl sur une quelconque feuille d'inscription ! Mais ma colère n'était due qu'à mes hormones, je savais qu'il ne ferait pas ça, et son sourire fit instantanément fondre ma rancœur - qui n'était pas vraiment dirigé à son égard mais plutôt contre la situation, en fait.

- Ben non, c'est pas ça le problème, mais...

Je levai les doigts, attrapant l'alliance suspendue à une chaîne autour de mon cou, la tripotant en un geste malheureux.

- Cacher notre relation, je m'y suis faite. Te voir m'ignorer, je m'y suis faite. Mais franchement, voir des imbéciles pareilles te draguer en m'insultant au passage sans que je puisse dire que tu es à moi, ça, c'est plus que je ne peux en supporter !

Un rien de mystère enveloppa mon sourire alors que je la regardais. Son air frondeur. Décidée. en vérité, même si ce n'était qu'une enfant parfois, j'adorai ce petit air délicat qui tordait sa bouche en une moue délicieuse.

Je me levai, félin pour un homme de ma carrure avant de marcher vers elle, me penchant au dessus d'elle, posant doucement mes mains sur les siennes, cherchant son regard.

"Blake...Combien pourrais tu cacher ton alliance, la mienne ne l'ai pas. Elle clame assez fort que je suis un homme marié, heureux de l'être. Je sais que tu crève d'envie d'exhiber la tienne...Ne me mens pas, je le vois tout les jours. D'ici quelque mois, tu pourras le faire librement et...Casser le nez de toute ces petites dindes."

J'utilisais l'humour non pour la vexer, mais pour alléger son humeur. humeur assez instable avec la grossesse et l'afflu d'hormones qu'elle ne controlait pas toujours. Ma paume glissa sur sa joue et mon pouce esquissa le dessin de sa lèvre pulpeuse.

"Ne fais pas attention a elles. J'y suis habitué et cela n'a pas d'effet sur moi. Bizarrement, je préfère les petites filles hargneuses."

Je baisai doucement son front avant de laisser mes doigts errer sur sa taille....

"Quoique petite fille ne te conviens pas. En vérité, tu me fais penser a une fée. Une fée égarée dans le monde des hommes..."

Aussi vulnérable, délicate et frondeuse qu'elles. Mes doigts se perdirent dans l'éclat chaud de ses boucles, la grossesse avait rendu sa chevelure plus que lumineuse, plus qu'aérienne.

"Même si tu ne peux le leur hurler au visage, tu sais que je suis a toi, rien ne peut changer cela alors regarde les avec un amusement dédaigneux parce que jamais elles ne sauront provoquer ce que tu éveille en moi."

Je fronçai le nez à ses paroles. D'ici quelques mois... C'était long quelques mois, et moi je voulais le faire maintenant ! C'était maintenant que ces petites idiotes le draguaient, c'était maintenant que je voulais affirmer ma... propriété. Le mot était fort, terriblement égoïste sans aucun doute, mais je n'en voyais aucun autre, et d'ailleurs j'étais sienne autant qu'il était mien. C'était ainsi, c'étaient les mots que nous avions échangés à notre mariage. Qu'elles sachent qu'il était marié ne les retiendrait en rien ; une femme inconnue, évanescente, ça ne les empêcherait pas à grand-chose. Et puis elles devaient aussi se dire qu'après tout, une relation prof/élève était interdite, alors s'il pouvait passer outre ça avec elles, ça ne le dérangerait sans doute pas de tromper une épouse au passage...

Oh, moi, je savais qu'il ne le ferait pas. Ce n'était plus ça le problème. Mais elles, elles ne le savait pas, et oui, j'aurais voulu rabattre leur caquet, de toutes mes forces.

- Mais c'est maintenant que je veux le faire, moi. Pas dans quelques mois, quand elles seront toutes parties du lycée et qu'elles t'oublieront aussi sec. Euh, sans vouloir te vexer, rajoutai-je.

Je me laissai embrasser sur le front, savourant précieusement le moindre de ses geste envers moi, terriblement consciente de ses doigts effleurant mon dos, ma taille, de ses lèvres sur ma peau. J'avais appris depuis longtemps à me gorger du moindre contact entre nous, trop rares qu'ils étaient au début. Maintenant, ce n'était plus tellement nécessaire, mais c'était devenu un réflexe, surtout au lycée.

- Et puis, je ne suis pas hargneuse, déjà.

Cependant, ses petites moqueries amicales faisaient déjà partir le froncement de nez et de sourcils, aussi fort tentais-je de faire la moue. Et son compliment acheva de faire céder mes barrières, alors que j'oubliais ma rancœur et qu'un large sourire émerveillé s'étalait sur mon visage.

- Une fée, hein ? Comme dans les histoires de Sorcha... Je ne me suis peut-être pas attachée à tous ces irlandais sans raison, fis-je malicieusement.

Le dédain, ce n'était pas mon style, hélas. J'avais beau savoir que c'était vrai, Alice avait toujours été beaucoup plus douée que moi pour ça. Regarder les autres de haut et les ignorer, en te riant d'eux en ton for intérieur, c'était tout à fait son style, combien même pouvait-elle pleurer au fond d'elle-même, elle gardait une dignité de princesse en toutes circonstances. Je ne pouvais pas, incapable que j'étais d'intérioriser mes émotions, et c'était encore plus valable maintenant que j'étais enceinte.

- Je le sais, ça. J'essaye de me retenir, vraiment... Mais je n'y arrive pas, c'est aussi simple que ça. Pas quand elles sont aussi... lourdes et insistantes !

Mes bras, si fins par rapport à sa taille, l'enserrèrent du mieux qu'ils purent avec mon ventre gênant la manœuvre. Mon tour de taille s'arrondissait régulièrement et rapidement, je n'osais imaginer ce que cela donnerait d'ici deux ou trois mois, alors je me collais sans cesse à lui, tant que je le pouvais encore. je me hissai sur la pointe des pieds, posant mes lèvres sur les siennes. J'avais encore un cours après, et j'irais, mais à l'instant, j'avais juste besoin d'un break. Cinq minutes de pause dans l'enfer du lycée et du secret, était-ce trop demander ?

J'éclatai de rire.

"Je ne suis pas vexé et pour tout de dire, ça m'arrange un peu qu'elles m'oulient aussi facilement."

Un sourire amusé incurva mes lèvres alors que je la couvai d'un regard amoureux, m'approchant pour la toucher, baisant son front avec tendresse.

"Blake, nous étions d'accord, je sais que je t'en demande beaucoup mais tu sais que ce n'est pas définitif et tu sais ce qu'il faut faire."

Une lueur malicieuse passa dans mes iris glace. Je sous entendait bien évidemment réussir son bac par exemple. Un léger rire passa ma gorge alors qu'elle ronchonnait.

"Peut être pas hargneuse alors."

admis je doucement, passant mes mains dans ses cheveux, me gorgeant de leur texture riche. Je sus que j'avais désarmorçé sa colère et sa rancoeur lorsqu'un sourire éblouissant se peignit sur ses lèvres.

"Et encore, je suis sûr qu'elle ne t'en a pas raconté la moitié."

Parce que l'Irlande possédait un monde imaginaire riche, fantastique et, bizarrement, je n'étais pas plus étonné que cela de voir Blake y plonger les yeux fermés. Je soupirai doucement lorsqu'elle passa ses bras autour de moi, plaquant son corps arrondit contre le mien tandis que mes paumes faisaient des allers retours sur son dos.

"Lourdes est le bon terme."

Approuvais je avec un sourire amusé en baisant le sommet de son crâne.

"Ne t'inquiètes pas, je mettrais les choses au point."

Parce qu'il me semblait que je n'avais plus le choix, la vue d'une alliance ne semblait pas les refroidir. Bien au contraire. Etonnant comme de si jeunes filles, a l'air pesque innocent, pouvaient se révéler totalement dénué de morale lorsqu'elles voulaient avoir ce qu'elles ne pouvaient pas même effleurer.

Je soupirai d'aise alors qu'il trouvait les mots pour me contenter. Ça ne durerait qu'un temps, je le savais. J'y songerais pendant une semaine, je les invoquerais pour garder mon calme, me souvenant de son corps contre le mien, de ses doigts caressant mes cheveux, et puis petit à petit, les sensations s'estomperaient et je sombrerais dans nouveau dans la rancœur. Alors il recommencerait. Mais peu m'importait ce cycle sans fin tant qu'il fonctionnait. Il ne restait plus que quelques mois avant l'accouchement, et alors ma situation ne sauterait pas ainsi autant aux yeux qu'avant, même si on ne pourrait l'oublier. Déjà, partant de là, ça se passerait un peu mieux, d'autant que mes hormones cesseraient de me jouer sans arrêt des tours. OK, il y aurait la fatigue, mais rien que je ne saurais apprendre à gérer.

Et puis, je lui faisais confiance. Liam ne disait jamais rien à la légère. S'il disait qu'il allait mettre les choses au point, c'était qu'il le ferait, si besoin en convoquant séparément chacune des péronnelles qui le faisaient tourner en bourrique pour lui dire d'arrêter immédiatement son petit jeu. Plus que quelques mois... Je m'accrochais à ce que m'avait dit Alice. Plus que quelques mois... Ça semblait tellement être une éternité ! Mais enfin, avant les échéances, tout semblait toujours être une éternité. J'avais cru que le voyage en Irlande n'arriverait jamais, j'avais cru que la dernière année scolaire ne se terminerait jamais, et encore avant j'avais cru que je ne cesserais jamais de haïr Liam Hartwood. Qui aurait su dire, il y a un an de cela, que douze mois plus tard je porterais son nom ?

Dressée sur la pointe des pieds, mes mains entourant son cou, je l'embrassais, faisant fi de l'endroit où nous étions. J'en avais assez de devoir toujours faire excessivement attention. Après tout, que risquions-nous ? Il n'avait pas cours à l'heure suivante et la porte de la salle était fermée. Personne n'avait aucune raison d'y entrer, personne ne risquait de nous surprendre ainsi, moi accolée à son bureau, emprisonnée entre ses mains caressant mes cheveux et me maintenant la taille. Bientôt, et c'était déjà assez difficile, je ne pourrais même plus me cambrer comme cela contre lui. J'aimais sentir ses doigts au creux de mes reins, tandis que les miens glissaient de sa nuque pour s'accrocher à sa chemise, comme pour mieux le rapprocher de moi.

Le bruit de la porte jouant sur ses gonds me fit totalement descendre de mon petit nuage. Je le repoussai brutalement et il s'éloigna de deux pas, suivant mon mouvement, alors que je jetai un regard terrifié vers la porte, puis sur Liam. C'était Miss Phillips, la CPE. Et à en juger par son regard effaré, il était évident que nous ne nous étions pas séparés assez rapidement.

Et tout ce que je parvins à faire fut de m'écrouler en larmes sur le sol.

Pétrifiée.

J'étais totalement pétrifiée et sur le cul, passez moi l'expression. Et je devais avoir l'expression d'un poisson sorti hors de l'eau et qui cherche à respirer. So glamour ! Mais en même temps, je ne m'attendais absolument pas à trouver Liam et Blake ici. Encore que, trouver une élève et un professeur dans une salle de classe, ce ne soit pas si étrange... Mais quand la dite élève était collée contre le professeur et que tous les deux s'écartaient brusquement comme pris en flagrant délit, il y avait que dois buguer méchamment en s’apercevant qu'on avait assisté à un truc qu'on aurait préféré ignorer... Parce que j'aimais beaucoup Liam, c'était un collègue, mais surtout un homme que j'appréciais, bien qu'il n'y ai jamais eu d'équivoque entre nous et là, me rendre compte que c'était un pervers... Ça faisait un drôle d'effet.

Je regardai Blake s'effondrer en larmes par terre. Qu'elle pleure donc, je n'étais pas du genre amadouable. Et je ne savais pas si elle pleurait parce que je venais de les chopper ou parce qu'elle n'avait pas pu repousser les avances de Liam. Elle n'avait pas eu l'air de se débattre beaucoup au demeurant. Je refermai la porte derrière moi, avant de m'y adosser, leur coupant toute fuite et le regard sévère. Ok, dans le genre professeur sévère, il y avait vraiment pire que moi, mais n'empêche que même si je frayais dans l'Under, même si je me permettais des joints et de rentrer ivre, même si j'avais une vie sexuelle assez débridée, il y avait certaines limites à ne pas franchir.

Une règle que semblait avoir oublié Liam.

- Je pourrais te faire renvoyer Liam.

S'enfermer dans une salle de classe avec une élève et se faire surprendre en situation compromettante... De quoi ruiner sa carrière et afficher un magnifique pédophile pervers sur son front.

- Mais bon sang, qu'est-ce que tu fiches avec une élève ? Et Blake, arrête de pleurer !

Parce que ça, ça m'énervait franchement.

- Tu l'as forcée ou... ?

Ou bien vous aviez de réels sentiments ? Ce ne serait pas le premier mais je savais que les histoires entre élèves et professeurs ne finissaient pas toujours bien. Je n'arrivais pas à voir Liam comme un pervers sexuel à l'affut de la chair fraîche... Je côtoyais Adam depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il ne fallait pas se fier aux apparences et qu'il y avait toujours une explication... Et soudain, alors que j'avisais Blake au sol, je portai les mains à ma bouche pour étouffer un petit cri d'horreur alors que je comprenais subitement quelque chose...

- Oh mon dieu... Ce bébé... c'est le tien ?!

Ma voix n'était qu'un murmure stupéfait, limite horrifié. Mon dieu, mon dieu, mon dieu, mais dans quoi j'étais tombée là ? La 4e dimension ?

Merde !

Oui, très constructif, mais sur le coup, je ne voyais pas d’autre expression pour désigner l’entrée d’Erin. Erin que je n’attendais pas d’ailleurs, me laissant aller avec Blake, imprudent. Je ne fus même pas étonné de la voir s’écrouler en larme, choquée. Elle avait les nerfs a fleur de peau ces temps ci, Erin était la goutte d’eau. Je m’accroupis, saisissant Blake par les épaules.

« Du calme, arrête de pleurer et laisse moi m’occuper de ça. »

Mais l’empêcher de pleurer était utopiste, très utopiste, même si je la remis en position debout. Mon regard glissa sur Erin.

« Oui. »

Je n’avais pas besoin d’extrapoler quinze ans, effectivement, Erin pourrait me faire renvoyer, mais, étrangement, je m’en moquais. La mère de Blake m’avait déjà menacé de ça, je savais rebondir, aussi me contentai je de m’appuyer contre mon bureau, un léger sourire aux lèvres, tenant la taille arrondie de ma femme d’un bras, par peur qu’elle s’effondre encore plus.

Je penchai légèrement la tête sur le côté. Presque narquois. Je n’étais pas de ceux pliant devant une menace quel qu’elle soit.

« Qu’est ce que je fiche avec ma femme ne te regarde pas, Erin. »

Parce que même la loi anglaise ne pouvait rien contre ce contrat de mariage fait en Ecosse. Je le savais. A la question de savoir si je l’avais forcé, je me contentai d’un demi sourire. Non, je ne l’avais pas forcé, j’avais juste été incapable de lui résister. Etait ce une excuse ? Je n’en savais rien, mais Erin devrait faire avec, d’accord ou pas. Et là, la révélation. Je baissai les yeux sur Blake avant de les reporter sur Erin.

« Cela me semble évident, je ne te prendrais pas pour une idiote a nier. »

Ma voix était tranquille, absolument pas honteuse, parce que je n’avais pas honte de ce bébé, de cette petite fille qui serait la prunelle de mes yeux, au même titre que sa mère.

Je regardais Liam enjoindre à Blake de se calmer alors qu'il allait régler cette affaire... Mouais, de toute évidence, la jeune lycéenne était incapable d'expliquer la situation et de faire face à la CPE qui venait de la découvrir en train de fricoter avec le professeur de littérature. Et moi qui étais d'un naturel doux et patient, l'entendre pleurnicher me donnait simplement envie de la relever et lui mettre une gifle pour qu'elle se secoue et assume ses actes. Une façon d'agir fort peu académique et qui risquait de me valoir des ennuis. A eux aussi remarquez... Un prof qui embrasse une élève dans une salle de classe isolée, ça pouvait faire jaser. Même si Blake était majeure, elle restait une élève et Liam un homme qui avait plus de 10 ans qu'elle. Ce qui pouvait fortement porter préjudice à sa carrière et faire tâche sur son CV.

Il avait de la chance que je n'étais pas du genre hystérique, à hurler que c'était intolérable, avant de tourner les talons et d'aller prévenir la direction. parce que sinon, ils auraient été dans de beaux draps. A moins que Liam ne m'ait rattrapé avant et empoigné, avant de me menacer ? Comment savoir de quoi il était capable finalement ? je ne le connaissais pas si bien que ça et toute mon opinion à son sujet venait de s'envoler en fumée devant un acte que j'avais du mal à comprendre et à ne pas juger.

Je savais juste que c'était quelqu'un que j'appréciais et que ce n'était pas un pervers, même si c'était le premier adjectif qui m'était venu à l'esprit en les voyant tous les deux. Je lui dis que je pouvais le faire renvoyer et il se contenta d'opiner du chef, bien conscient... Mais sachant aussi que je ne le ferais pas, pas sans une bonne raison. Il enlaça Blake avant qu'un coup de tonnerre ne résonne quand il me rétorqua que je n'avais pas à savoir ce qu'il faisait avec sa femme. Hein ? Ola, attendez, ça va trop vite, je me sens pas bien là... Je m'adossai à la porte, sentant la tête me tourner devant cette révélation choc.

- Ta femme ?

Mon regard passait de l'un à l'autre...

- Mon dieu, mais qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que VOUS avez fait ?

Il était taré ou quoi ? Épouser une gamine ! Un mariage secret, parce que personne n'était au courant et mieux valait que cela soit ainsi. Mariés... Et ils allaient avoir un bébé ! Oh mon dieu, mon dieu, mon dieu... Je portai mes mains à ma bouche pour étouffer un petit bruit d'horreur en les regardant tous les deux.

- Mais pourquoi je suis entrée dans cette classe ?

Je levai les yeux au ciel... Allez Erin, on respire, ça va bien aller... Liam avait fait n'importe quoi pour le coup, et je n'approuvais absolument pas, mais je ne pouvais pas non plus le dénoncer, si Blake était consentante dans toute cette histoire.

- Qui est au courant ?

Je l'observais entrainer Blake dehors, loin de cette salle, prenant les choses en main. C'était sans doute préférable. Et quand il ouvrit la porte, il s'adressa à une tierce personne. Je me démanchais le cou pour voir qui c'était, avant d'aviser Alice. Ah ben évidemment, l'une sans l'autre, ce n'était pas concevable et la jeune française devait tout savoir des tracas de son amie. De sa situation, du fait que le père de son enfant était un professeur. Je ne concevais pas que deux meilleures amies se cachent ce genre de choses. Alice cautionnait-elle cela ? Je commençais à me dire que tous les problèmes qu'avaient eu les deux jeunes élèves en fin d'année dernière venaient peut-être de cette situation pesante et absolument pas contrôlée.

Blake disparut dans les bras d'Alice et Liam referma la porte, nous laissant discuter entre deux adultes. Liam n'était pas du genre à fuir et de toutes façons, il n'y avait rien à nier. Ils étaient pris sur le fait et quelque part, je hurlais mentalement contre son arrogance naturelle qui lui faisait prendre cette situation comme toute naturelle et sous contrôle. Il n'y avait donc rien pour le décontenancer ?

Il me répliqua que la mère de Blake était au courant, ainsi que Lyam, notre collègue. Alors là, j'étais soufflée. Pas pour la mère de Blake, elle avait du se rendre compte que sa fille était enceinte quand même et demander des comptes... Je n'imaginais même pas sa stupeur en apprenant qu'elle allait être grand mère. A sa place, j'aurais été folle. Mais Lyam... Je ne voyais pas ce qu'il venait faire là dedans. Cependant, je ne demandais pas, et me contentais de pointer la porte fermée du bout du menton :

- Et Alice je suppose.

Avec sa morgue habituelle, il me demanda si j'aurais préféré qu'il l'abandonne enceinte et je soupirais.

- Non, bien sûr que non... j'aurais préféré qu'un homme mûr, quitte à s'éprendre d'une élève, aurait au moins la jugeote de faire attention à la contraception... C'est désespérant enfin ! On se tue à faire des campagnes d'information aux jeunes et on n'est même pas foutus de donner l'exemple !

J'émis un petit ricanement.

- Encore heureux que tu es conscient de tes actes. J'espère juste que tu ne le regretteras pas dans quelques années...

Je m'assis sur une des tables, en face de lui, me passant une main dans les cheveux. Restait-il avec elle par amour ou par devoir ? Et dans 10 ans, que resterait-il de ce couple atypique, hein ? Ce n'étaient pas mes oignons et même si je réprouvais, je n'étais pas une balance et j'avais moi-même une morale assez élastique qui m'aurait rendu hypocrite de le dénoncer. Finalement, je me remis debout, passablement agitée, avant de m'avancer vers lui et de planter mon index dans sa poitrine à chaque mot :

- Votre petit secret sera vite éventé si vous n'êtes pas foutus de calmer vos ardeurs d'adolescents enamourés. Je tiendrais ma langue, mais vous aurez moins de chance la prochaine fois, alors évitez de vous tripoter dans le lycée.

Et je le plantai là, ne voulant pas en savoir davantage, mais résolue à garder un œil sur Blake et Alice. Pas question qu'elles loupent leurs bacs cette année ! Liam aurait affaire à moi si c'était le cas. Je sortis et claquai la porte, avant de retourner dans mon bureau, remontée.

[RP TERMINE]