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| Hello Goodbye [Blake] | |
| | Auteur | Message |
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Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Hello Goodbye [Blake] Jeu 28 Avr - 9:24 | |
| La vie à Londres n'était pas si désagréable finalement. Ce n'était pas l'Irlande et j'avais un violent mal du pays, mais ça allait. Il y avait des endroits assez cool. J'avais fait mon entrée au bahut. Le petit nouveau. L'irlandais. Mon accent était assez reconnaissable et je ne prenais pas la peine de le cacher. Pour ce que je parlais de toutes façons... j'avais appréhendé ma rentrée. Sorcha et moi avions été le centre d'attention... Enfin, surtout elle, avec ses beaux cheveux roux, si rares ici. Sorcha était une fille très jolie, avec un visage doux et des yeux pétillants de malice. Malgré les évènements, elle était moins sombre que moi. Nous nous étions séparés à la sonnerie, rejoignant chacun nos classes respectives. J'avais 18 ans et je devais faire une année de plus au lycée. Génial.
J'avais du demander mon chemin pour trouver ma classe. Nouveau bahut, nouvelles classes, nouvelles têtes. Et bien sûr, j'avais eu le droit à me tenir debout devant tout le monde alors que le professeur me présentait à la classe. Le truc que je haïssais par dessus tout. Suite à cela, on ne m'avait plus entendu et je n'avais fait que répondre par oui ou non quand on essayait de me parler. Une fille m'avait accosté. Blake qu'elle s'appelait. J'étais nouveau et elle proposait de me montrer le bahut. Sympa. Je n'eus pas à cœur de la remballer. Elle parlait pour deux en plus. Je lui demandai seulement si elle était la préposée à l'accueil des nouveaux. Apparemment, oui. Parce qu'elle me présenta sa copine, Alice, qui n'était pas anglaise. Je me plaignais de mon accent, mais le sien était pire. Mais charmant cela dit. L'accent français avait un petit quelque chose de très sensuel.
Après cela, je passai mon temps à éviter tout rapport humain avec les autres. Je détestais les travaux de groupe et de devoir me mettre en binôme avec quelqu'un en chimie.
Au bahut, ça allait.
A la maison, c'était un brin différent. Aaron vivait dans sa chambre et sa belle mère ne semblait pas souffrir sa présence. Ma cousine était toujours aussi superficielle et garce et mon oncle... Il laissait faire. Si bien que Sorcha et moi étions consignés dans la chambre d'Aaron également. Ça faisait un peu trop de monde dans une seule pièce. J'avais besoin d'espace et je supportais mal la promiscuité. Pour Sorcha, ça devait être pire... coincé avec deux mecs, l'horreur. Aaron était sympa. Et on se ressemblait de façon troublante. Physiquement, mais aussi dans nos travers. En d'autres circonstances, on se serait surement très bien entendus, mais je gardais mes distances et restais sur la réserve avec lui. Ce qui semblait bien lui convenir.
J'avais besoin d'air, d'espace. J'avais découvert un parc tranquille à Camden Town. En plus, on pouvait trouver de la drogue. C'était parfait. Je m'installais à même l'herbe, ayant pris ma guitare avec moi et commençai à gratter les cordes, concentré et à la fois rêveur. Aaron aussi en jouait, nous en avions brièvement discuté. Ça aurait été sympa de se faire un truc ensemble, mais cela revenait à l'accepter dans ma vie et il en était hors de question.
Joint au coin des lèvres, je jouais l'air de Hello Goodbye, des Beatles. Sorcha disait que j'étais doué. Mais je la soupçonnais de ne pas être très objective. Quoiqu'il en soit, dans ce petit parc, en fin d'après-midi, je grattais ma guitare, indifférent à tout. Ou presque. Parce que je vis une paire de chaussures devant moi et en levant la tête, reconnus Blake. J'étais impressionné par sa facilité à se lier avec les gens. Très sociable la nana. Et pas prête à s'avouer vaincu par mon air renfrogné. Je cessai alors et soupirai.
- "Salut Blake. J'ignorais que tu trainais dans ce genre de quartier."
Ça se droguait dans le coin. C'était assez... cool. Blake était du genre gentille fille obéissante. Du moins, en apparence. | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 1 Mai - 6:01 | |
| Plutôt que de me concentrer sur ce qui se passait avec Liam Hartwood - rien que de voir que désormais, je prononçais son nom en entier, et pas simplement son nom de famille sur un ton agressif, ça m'inquiétait - je m'étais résolument tournée vers les deux nouveaux qui tombaient à pic. Je m'étais surtout occupée de Kieran qui était dans ma classe, parce que je n'avais presque pas eu l'occasion de voir sa petite sœur. Elle affichait un sourire pâle et visiblement forcé mais tâchait vaillamment de faire bonne figure. C'était touchant. Lui, il en avait visiblement rien à faire de donner le change. Je m'étais tout de suite lancé le défi de réussir à le faire quitter sa bouille renfrognée. C'était un objectif comme un autre pour me détourner de mes propres problèmes, non ? Problèmes qui apparaissaient bien pâles par rapport aux leurs, mais l'assiette du voisin est toujours plus remplie, et je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'au moins, eux n'étaient pas confronté au leur tous les jours ou presque.
Les cours de lettres étaient devenus un véritable supplice. Je restais collée à Alice, l'ignorant résolument, bien déterminée à faire ce que nous avions décidé. Oublier. Comment parvenir à oublier alors que tout me frappait de plein fouet dès que son regard croisait le mien ? J'y serais peut-être parvenu s'il était resté aussi froid et neutre qu'auparavant. Le problème, c'est que ce n'était pas le cas. Je savais qu'il s'y efforçait, et de toute façon, en apparence, rien n'avait changé. Ses cours se déroulaient exactement comme avant, mis à part que je ne m'amusais plus à les troubler. On chuchotait qu'il m'avait eu à l'usure, que j'en avais eu assez de mes heures de colle, et ça me convenait parfaitement. Non, personne n'aurait pu se douter de la drôle de relation qui nous liait, une relation que nous nous employions tous les jours à envoyer au diable pour reprendre celle qu'il avait avec tous mes autres camarades de classe.
Mais il avait beau rester froid, m'ignorer savamment sans pour autant me dédaigner, toute la vérité passait dans son regard. Peut-être le faisait-il inconsciemment, peut-être le faisait-il exprès pour me convaincre de venir vers lui, ou peut-être n'arrivait-il tout simplement pas à masquer son trouble. Mais je voyais son désarroi et sa tristesse chaque fois que ses yeux se posaient sur moi. Je n'arrivais plus à le détester. Comment aurais-je pu ? Il devait vivre un enfer pire que le mien encore, et je ne pouvais rien faire pour l'en tirer. Je ne voulais pas l'aider. Mais son émoi me contaminait, et je devenais malheureuse comme les pierres. Voir des émotions aussi fortes dans un regard que j'avais toujours haï pour sa froideur était perturbant et déstabilisant. Je détestais notre nouvelle situation.
Ainsi avais-je décidé de m'atteler à la lourde tâche de dérider Kieran Cahill. Je savais d'avance que ce ne serait pas une mince affaire, mais ce serait un jeu d'enfant plutôt que d'essayer de démêler l'imbroglio qui me liait à son compatriote. Décidément, l'Irlande ne m'apportait que des problèmes. Cependant, alors que je rêvassais en marchant dans un parc, je n'avais absolument pas prévu de le croiser là. Quand je l'avais reconnu de loin, accroché à une guitare, j'avais été contente de le voir, ça me changerait les idées. Il jouait bien.
J'étais au courant de l'accident qui était arrivé à leurs parents. L'administration du lycée, en me disant que j'aurais de nouveau quelqu'un à accueillir, m'avait prévenue afin que j'évite les gaffes, que je sache être précautionneuse. On m'avait regardé d'un air absolument soupçonneux en disant cela ; tout le monde dans ce bahut savait que la précaution et moi étions ennemies jurées depuis longtemps. Mais devant mon expression de petite fille sage - pratique parfois, cette bouille - et sachant que cela faisait désormais un bout de temps que je n'avais plus fait les quatre cents coups, on avait fini par me laisser partir sans m'assener des leçons de savoir-vivre pendant des heures.
Hé, moi aussi j'avais perdu quelqu'un il n'y a pas longtemps.
Je m'arrêtai devant lui et eus un petit sourire lorsqu'il m'adressa la parole. Je ne l'avais toujours pas lassé, il était résistant. Et c'était la première fois qu'il ouvrait la bouche sans que je lui adresse la parole avant. Je haussai les épaules et m'assis d'autorité à côté de lui. Oui, je m'imposais, et alors ? Il serait toujours temps de partir si je sentais qu'il voulait être seul.
- Pourquoi ? Quel genre de quartier ? Je ne suis pas une adolescente BCBG bien propre sur soi, tu sais. C'est même tout l'inverse. J'ai toujours besoin de me défouler.
Je n'avais pas pris un ton de reproche, ça me faisait plutôt rire, au contraire. Je ne m'étais presque jamais droguée et je n'étais pas fan de ces trucs, trop surexcitée au naturel pour ça. Mais j'aimais ces quartiers où l'on était loin des problèmes terre à terre de tous les adultes, ça me changeait agréablement de l'ambiance à la maison.
- Je ne savais pas que tu jouais de la guitare. Tu te débrouilles bien. C'est juste comme ça ou tu voudrais en faire quelque chose d'un peu plus sérieux ?
J'aimais l'art, sous toutes ses formes, même si je ne les pratiquais pas toutes - la musique, j'y passais via la danse, mais j'étais incapable de jouer d'un instrument, à part gratter trois accords comme tout le monde. Naturellement, tout le monde me disait que ce n'était pas sérieux, que je ne pourrais pas en vivre, mais j'étais fermement décidée à entrer aux Beaux-Arts, le dessin étant ma drogue, encore bien plus que le théâtre ou la danse. Et je m'intéressais à tous ceux qui pouvaient être dans le même cas que moi. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 1 Mai - 6:37 | |
| Ce qui me faisait délirer avec cette nana, c'était sa façon de paraître naturellement à l'aise partout. Et sans gêne. Ce n'était pas une critique, j'aimais bien son attitude positive. Et sa façon de s'accrocher pour essayer de me dérider et de percer ma carapace. C'était pour ça que je ne l'avais pas encore rembarré violemment. Je la trouvais sympathique et quelque part, je me disais que cela ne me ferait pas de mal de la laisser pénétrer mon intimité. J'étais sinistre en ce moment. Sorcha me l'avait fait remarquer. Elle essayait de se raccrocher à sa fantaisie, mais moi, je n'avais pas ce genre de chose. Je devais vivre avec ma culpabilité et je n'y parvenais pas. Je tenais la tête hors de l'eau, mais c'était à peu près tout.
Je la regardais s'asseoir à côté de moi, comme si lui parler avait été une invitation et elle répondit d'ailleurs à ma remarque. Aimablement, mais en me détrompant. Je haussais les épaules, avant de répliquer simplement :
- "Désolé, t'as trop un look de petite fille sage."
Et ici, c'était plus... stone, dirons-nous. Je ne l'imaginais pas se fumer un joint ou se bourrer la tronche, mais encore une fois, j'avais peut-être tort de juger si vite à l'apparence. Surtout que je ne l'avais vu qu'à l'école, où tout était formaté. Je ne devais pas paraître beaucoup plus rebelle quand j'y étais. Là non plus, je ne l'étais pas d'ailleurs. Un jean, un sweat, très classique, mais je ne ressemblais plus à un pingouin endimanché au moins.
Je continuais à gratter les cordes tout en parlant et elle me complimenté sur ma façon de jouer, avant de demander si c'était un loisir ou quelque chose de plus sérieux.
- "C'est juste comme ça. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans une carrière internationale. Je ne me vois pas vivre que de ça, c'est un peu trop précaire."
Et je n'avais pas les moyens de jouir de ce genre de luxe. J'avais des responsabilités et il me faudrait une source de revenus stable. J'étais bien ancré dans la réalité, quand Sorcha était plus fantasque. Vivre de la musique? Non, trop peu y parvenaient et je n'estimais pas avoir le talent nécessaire pour cela. Je cessai de jouer, la dévisageant avec curiosité :
- "Et toi? Tu comptes devenir une actrice reconnue un jour?"
Je savais qu'elle faisait du théâtre. En revanche, je n'avais aucune idée si elle était douée ou pas. C'était bien de faire quelque chose, c'était autre chose que d'y exceller. N'empêche, elle avait là la preuve que même si je semblais enfermé dans ma bulle, je savais m'intéresser à mon entourage et savoir ce qu'ils pouvaient bien faire au lycée. | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 1 Mai - 12:12 | |
| Sa franchise m'amusa. Il avait l'air timide, mais ne l'était pas du tout finalement. Quelqu'un de réellement timide n'aurait pas osé dire ça comme ça. Non, il était juste renfermé sur lui-même. Je pouvais le concevoir avec ce qui lui était arrivé, mais je ne croyais pas que c'était la bonne solution. Il ne ferait qu'y penser davantage, que se morfondre de plus en plus. Il fallait qu'il se change les idées, cela ne l'empêcherait pas de se souvenir de ses parents...
Mais enfin, ça ne me regardait pas. L'administration du lycée m'avait mise au courant parce que j'étais dans une situation particulière vis-à-vis de lui, et j'ignorais même s'il savait que je savais. peut-être qu'avec sa sœur, ils voulaient rester discrets sur ce qui les avait amené en Angleterre. Dans ce cas-là, ce ne serait pas moi qui vendrais la mèche la première. Je souris, d'un sourire triste et sans joie. Cela commençait à faire un bout de temps que je n'arrivais plus à réellement m'amuser. L'esprit trop pollué par ce qui me poursuivait.
- C'est énervant, la plupart du temps, que les gens vous prennent pour une gentille petite gamine. Mais ça peut être utile !
Songeuse, je repris plus sérieusement :
- Tu sais, je suis hyperactive. J'évite tout ce qui peut aggraver ma tendance à la surexcitation, je le suis assez dans mon état naturel. C'est pas pour autant que je n'aime pas ce genre de coin. L'ambiance est détendante.
Et Dieu sait si j'avais besoin d'être détendue en ce moment. Une expression rieuse traversa mes yeux verts lorsqu'il prononça les mots "trop précaires". Je les connaissais par cœur, ces deux-là ! Depuis deux ans que je m'étais soudainement tournée et absorbée tout entière dans le dessin, jurant que j'en vivrais un jour, on me les répétait jour et nuit. Je m'en fichais éperdument ; que je devienne une brillante designeuse ou que je gagne ma vie en dessinant les portraits de touristes étrangers, je savais grâce auquel de mes talents je voulais vivre. C'était le dessin. La précarité, elle pouvait bien aller au placard ! Du coup, je ne pus m'empêcher de rire lorsqu'il me parla de théâtre.
- Oh non ! Enfin, j'adore le théâtre. Je pourrais pas vivre sans. Comme la danse. Mais je veux travailler dans le dessin. Je passe ma vie à dessiner, tu as dû t'en rendre compte si tu as aperçu mes cahiers... ou les tables où je suis placée en cours. C'est de ça que je veux vivre.
J'avais peut-être l'air d'une sage petite fille mais ça ne m'empêchait pas de vouloir sortir des sentiers battus. Ceci dit, il me critiquait mais lui aussi avait l'un d'un gamin bien propre sur soi. Rien d'original. Il me disait lui-même qu'il n'aurait pas voulu essayer de vivre de sa musique. Qui était le plus cadré, finalement ?
- Et toi, monsieur le rebelle, tu veux faire quoi plus tard ? Si ta guitare ne te suffit pas ?
Ma pique était dite sans méchanceté. Mais je me posais sincèrement la question. Il fallait bien engager la conversation d'une quelconque manière, non ? | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 3 Mai - 11:32 | |
| - "Sûrement... Désolé, mais le fait d'acceuillir les nouveaux, la bouche en coeur, comme un petit boy scout, ça peut prêter à confusion aussi, tu vois."
Cela dit sans amertume ou aucune ironie. Cela dit, je soulevais quand même le fait qu'elle se soit précipitée sur moi le premier jour et ai joué la petite élève modèle, premier prix de camaraderie du lycée. C'était son truc ou bien une demande du proviseur? Je n'en savais rien et peut-être allait-elle m'éclairer sur ce sujet alors que je jouais les naïfs.
- "Je vois... Donc, tu as banni les substances illicites qui risqueraient d'aggraver ton hyperexcitation, c'est ça?"
Donc, pas de drogues. Elle se tenait tranquille, parce qu'elle n'avait pas besoin de cela. Mais toutes les drogues n'aggravaient pas l'excitation, certaines détendaient aussi et ça lui aurait peut être fait du bien. Cela dit, je n'allait pas faire l'apologie de la drogue.
- "Ouais, l'ambiance est sereine. Tu en as besoin?"
Elle pouvait tout à fait éviter ma question et ne pas y répondre, je ne m'en formaliserais pas. Je la voyais comme une nana sans histoires, tranquille dans sa petite vie bien rangée, je me trompais peut être. Ce n'était pas parce que j'avais perdu mes parents que les problèmes des autres étaient insignifiants. Nous parlâmes un instant de musique et elle me demanda si je comptais en faire mon job. Oh non, j'étais trop ancré dans la réalité pour ça et je vis son regard pétiller quand je lui servis un discours bien plombant à ce sujet. Un vrai vieux quand je parlais ainsi. Je lui demandais pourtant, si elle, elle voulait vivre de sa passion du théâtre. Marrant comme elle pouvait s'animer. Je m'étais trompé, ce n'était pas le théâtre son rêve, mais le dessin. Je dus faire une drôle de tête d'ailleurs, avant d'esquisser un sourire.
- "J'ai à faire à une artiste, une vraie, polyvalente en plus. Tu vas tenter les Beaux-Arts?"
Je ne pris pa sombrage de sa question en retour. Monsieur le rebelle. Ben voyons. J'essayais peut-être de me donner des airs, mais c'était à peu près tout. Finalement, rebelle, je ne l'étais pas.
- "Je vais déjà essayer d'intégrer une fac. Après, je ne sais pas trop... Je pourrais me lancer dans l'économie, ou bien des études d'architecte. Je n'ai surement pas un aussi bon coup de crayon que toi, mais ça me botterait bien. Mais j'ai intérêt à cartonner au bac."
Je haussai les épaules, gratouillant les cordes de ma guitare, avant de reprendre, avec un petit sourire en coin :
- "Et si je n'y arrive pas, ben, je ferais des concerts improvisés dans le métro."
Je commençai alors une mélodie, tandis qu'une idée me traversait la tête et que je demandais, impulsivement et sans chercher à réfréner mon envie, cette fois :
- "Tu sais chanter aussi?" | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 3 Mai - 17:26 | |
| - Ah ben ça ! Je suis du genre ouverte, tu as dû le remarquer, donc le lycée m'a sacrée hôtesse d'accueil. Mais enfin, finalement, ça ne change pas grand-chose. C'est juste qu'en plus de sauter sur le dos des nouveaux, ce que je faisais même avant, j'ai la responsabilité de les guider, de les aider un peu.
Je lui jetai un regard en coin.
- Évidemment, il y en a des plus farouches que d'autres.
Un sourire franc caressa mes lèvres. Ça me faisait rire, finalement. Généralement, je parvenais à intégrer n'importe qui en un quart d'heure, et Kieran résistait obstinément à toutes mes tentatives, visiblement déterminé à rester solitaire et à ne rencontrer personne. Je ne voulais pas lui parler de la mort de ses parents, non. Mais je ne pensais vraiment pas qu'il employait la bonne méthode. Aller de l'avant et profiter de la vie en ignorant ses mauvais côtés était une philosophie que je m'efforçais d'appliquer chaque jour.
Bon, en ce moment, j'avais un peu plus de mal. Pourtant, en me concentrant sur Kieran, en essayant d'attirer un sourire sur ses lèvres, est-ce que je n'essayais pas déjà de m'éloigner de mes propres problèmes ? Je confirmai ses propos en opinant du menton, et ne pus m'empêcher de me rencogner quelque peu sur moi-même à la question qu'il me posa ensuite.
- Oui. J'ai besoin de me changer les idées en ce moment. Enfin, rien de grave, mais bon...
Rien de grave ? Mais quel foutage de gueule. Ça me semblait la chose la plus gravissime qui puisse jamais m'arriver. Et je disais que ce n'était rien, mais la bonne blague ! Je me trouvais hilarante parfois.
Mais mine de rien, il savait retrouver ses troupes. J'étais ravie d'enfin discuter vraiment avec lui. Il n'était pas muet, le Kieran, et il savait s'intéresser aux autres, j'étais presque sûre qu'il ne me posait pas ces questions par simple politesse. Alors pourquoi s'obstinait-il à lutter contre ça ? C'était dommage, un vrai gâchis. Son air renfrogné rebutait pas mal de monde qui aurait eu envie de lui parler, c'était tellement dommage. Mes yeux verts s'illuminèrent d'une étincelle de joie. Il fallait que je fasse gaffe à ne pas partir en live ou j'allais lui faire peur.
- Oui, et j'ai vraiment hâte. J'en ai assez du lycée, les trois quarts de mes cours m'insupportent. Si j'arrive à entrer aux Beaux-Arts, je serai vraiment libre. Je pourrai me laisser aller sans risquer de me faire taper sur les doigts au moindre pas de travers !
Au mot économie, je grimaçai, à celui d'architecte, j'eus un sourire. Ça n'avait pas grand-chose à voir, mais pourquoi pas... Visiblement, il était encore dans le flou. Je ris franchement à sa plaisanterie.
- Je t'accompagnerai ! Je n'ai pas franchement envie de vivre une vie trop carrée. Si je pouvais, je deviendrais gitane.
Je posai mon menton sur mes genoux, fermai les yeux, et dodelinai de la tête, me laissant voguer sur la musique s'élevant de ses doigts agiles. Je murmurai d'une voix qui paraissait presque endormie :
- Pour le théâtre. C'est mieux de savoir chanter. Et puis ça libère...
Sa mélodie improvisée se transforma petit à petit. L'air me titillait, sans que la chanson ne revienne à ma mémoire. Je me mis à chanter des notes sans paroles, d'une voix tremblotante et mal assurée. Cet air me faisait un drôle d'effet. Indéniablement joyeux, mais avec ce petit quelque chose de nostalgique qui me donnait envie de pleurer. La chanson typique que l'on jouait autour d'un feu de camp en soupirant après les vacances qui venaient de s'achever. Les paroles me revinrent brusquement et je chantai d'une voix légèrement plus assurée et plus forte.
Noie-moi dans la musique, Kieran, fais-moi oublier mes problèmes.
Do you hear me, I'm talking to you Across the water across the deep blue ocean Under the open sky, oh my baby, I'm trying Boy I hear you in my dreams I feel your whisper across the sea I keep you with me in my heart You make it easier when life gets hard... | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 3 Mai - 18:41 | |
| - "Allons, où serait le plaisir si c'était facile à chaque fois?"
D'accord. C'était difficile de rester renfrogné avec une fille comme ça. Elle dégageait quelque chose d'ouvert naturellement. Au lycée, je pouvais la fuir, il y avait du monde, cela n'était pas propice à la discussion. Mais là, j'étais seul avec elle et la miss n'était pas du tout de mauvaise compagnie. Si bien que je me surprenais à sortir de ma coquille et à me montrer... amical. Sans me forcer en plus. Mais c'était le naturel qui revenait au galop. Mon sourire était plus sincère, pas encore épanoui, mais bien présent, un signe encourageant pour elle.
Cela dit, je dus poser une question gênante, parce que je vis l'étincelle quitter son regard et elle se renfrogna légèrement, répondant à ma question de façon assez vague.
- "Dommage qu'on n'ai rien à boire, j'aurais bien levé mon verre et porté un toast aux personnes qui ont besoin de s'aérer l'esprit."
Je ne cherchais pas à en savoir davantage. Chacun ses tracas. Moi, j'avais tué mes parents. Blake, je ne savais pas, mais qu'importe ce que c'était, ça la minait et elle avait envie d'oublier momentanément. Ça m'allait. Je n'étais pas le genre à vouloir accueillir les confidences. D'ailleurs, le sujet dériva sur notre avenir, sur l'art. Blake voulait dessiner et je lui demandai si elle voulait intégrer les Beaux-Arts. De nouveau, son visage s'éclaira. C'était vraiment son truc, l'art, il n'y avais aucun doute là dessus.
- "Tu idéalises un peu là... C'est aussi dur que n'importe quelle filière et t'as intérêt à être exceptionnelle, pour pouvoir vivre de ta passion."
Je n'étais même pas certain que c'était moins rigoureux. Il fallait faire ce que le prof exigeait et se démarquer du lot. Comme les comédiens. Il y en avait beaucoup qui faisaient des études, mais combien devenaient célèbres et en vivaient? Une poignée. Elle me renvoya ma question et je lui fis part de mes grandes incertitudes. Mes choix ne semblaient pas lui convenir et cela me fit sourire. J'ajoutai que je ferais l'artiste indépendant dans le métro pour faire bonne mesure et elle répondit qu'elle m'accompagnerait, rêvant d'être une gitane.
- "En tout cas, tu as l'esprit bohème, ça ne fait guère de doute. Tu ferais une jolie gitane."
Blake était une jolie fille. Sympathique. Pas une pure bombe à vous faire triquer, mais un beau brin de fille quand même. Dans le style à la fois sage et délurée. Je me remis à jouer, d'abord au hasard, avant qu'une mélodie ne me trotte dans la tête. Je demandai alors à ma camarade si elle savait chanter. Elle répondit par l'affirmative :
- "Je me demande ce que tu ne sais pas faire."
La mélodie prit forme. Joyeuse et mélancolique à la fois. Cela convenait bien à mon état d'esprit et me trahissait, finalement. Blake se mit à fredonner, avant de reconnaître l'air. Sa voix féminine accompagna alors la mélodie et je souris doucement. Elle avait une jolie voix. Très douce. Pas du genre puissante, mais très agréable à écouter. Elle chanta le premier couplet, de plus en plus assurée, de plus en plus libérée. On se foutait de notre environnement et la musique nous réunissait momentanément. Deuxième couplet... Et finalement, je me laissais prendre au jeu de cette petite improvisation. Ma voix se mêla à la sienne, pour le refrain et cela la prit au dépourvu, la faisant cesser à la première phrase. Je la regardai et elle sourit, reprenant finalement.
I'm Lucky I'm in love with my best friend Lucky to have been where I have been Lucky to be coming home again Oohhhohhhohhhohhohhohhhohh
They don't know how long it takes Waiting for a love like this Every time we say goodbye I wish we had one more kiss I'll wait for you, I promise you I will
I'm Lucky I'm in love with my best friend Lucky to have been where I have been Lucky to be coming home again I'm Lucky we're in love in every way Lucky to have stayed where we have stayed Lucky to be coming home someday
J'avais cessé de la regarder, me concentrant sur mes notes. Nos voix se mélangeaient bien. La mienne, grave, suave allait bien avec son timbre doux. Mon accent irlandais donnait des consonances encore plus musicales. On disait que tous les irlandais savaient chanter. Cela m'amusait, mais ce n'était pas totalement faux. Blake, s'arrêta, me laissant entreprendre le couplet suivant, seul :
And so I'm sailing through the sea To an island where we'll meet You'll hear the music fill the air I'll put a flower in your hair
C'était ainsi qu'elle devait être chantée et tout naturellement, je la laissais faire son propre solo ensuite, avant de conclure avec elle, sur le refrain. Ce petit moment de musique avait eu un effet très apaisant sur moi et m'avait fait tout oublier, l'espace de quelques minutes. Je cessais de jouer, surpris d'avoir prit tant de plaisir à chanter avec elle.
- "Tu as une belle voix. Ça faisait une éternité que je n'avais pas joué pour quelqu'un d'autre que moi-même ou Sorcha." | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 3 Mai - 23:36 | |
| [Navrée pour t'avoir lâchée sans prévenir >.< J'ai adoré ton message *_*]
C'est sûr qu'il devait avoir sacrément besoin de s'aérer l'esprit, lui. Non seulement il se retrouvait seul avec sa sœur, mais en plus, dans un pays qui ne lui ressemblait visiblement pas. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure qu'il ne se sentait pas bien ici. Kieran était le type même du déraciné, et à présent que je discutais enfin un peu plus profondément avec lui, j'étais sincèrement désolée pour tout ce qu'il avait accumulé. Je ne lui disais pas, pourquoi ? Je sentais confusément que la fragile complicité qui s'était tissée entre nous se briserait à la moindre allusion à ce sujet. C'est compliqué, la compassion. On se sent gêné de ne rien dire mais il y a toujours la peur de se la reprendre en pleine figure. A sa place, je l'aurais sans doute rembarré et signifié clairement de se mêler de ses oignons. Alors je me taisais, sagement. Les gens croyaient qu'à cause de mon tempérament de feu, j'étais du genre gaffeuse, sans doute pensaient-ils que je parlais trop pour pouvoir être à l'écoute des sentiments d'autrui. Mais ce n'était pas vrai, je me faisais même un point d'honneur à réussir à réconforter les gens qui allaient mal. Comment y parvenir si l'on ne savait faire preuve d'empathie ?
Il me fit redescendre sur terre quant à mes envies fantasques. Oui, peut-être que j'idéalisais, mais enfin, je me comprenais. Je serais peut-être à la solde de professeurs exigeants, certainement même plus qu'au lycée, mais... ce serait de l'art. Et j'étais prête à me soumettre à n'importe quelle exigence pour y arriver. J'étais paradoxale dans un sens, mais je suppose que c'était ça, être passionnée... Je fus flattée lorsqu'il m'affirma que j'avais un esprit bohème. C'était une idée que j'aimais bien.
Je la cultivais en me perdant dans la musique aérienne de sa guitare. Ma voix flottait, timide, discrète et douce, et j'avais gardé les yeux fermés, me balançant légèrement au rythme de la musique. J'effaçais peu à peu le monde qui m'entourait, m'enfonçant dans ma bulle de bien-être. Je me sentais délicieusement apaisée, alors que le flot d'énergie qui électrisait en permanence mes veines se calmait, sans doute en se transfusant dans ma voix qui était de plus en plus assurée alors que j'avançais dans les couplets. Et puis ma bulle éclata, et je rouvris les yeux, surprise, écoutant sa voix grave et bien timbrée reprendre le refrain. Mes yeux vert d'eau croisèrent les siens brun chocolat, presque noirs, et en souriant, presque en riant, je repris la chanson avec lui.
Je me sentais transportée, soulagée. Tous mes problèmes s'envolaient alors que les battements de mon cœur s'apaisaient, que ma nervosité permanente s'effaçait. Nos voix se mêlaient harmonieusement et je fus presque déçue de m'arrêter en le laissant chanter seul son couplet. Puis la sienne s'éteignit alors que la mienne s'élevait de nouveau, toute gracile, virevoltant dans le vent léger qui soufflait dans nos cheveux.
Though the breezes through the trees Move so pretty you're all I see As the world keeps spinning round You hold me right here right now
Lucky I'm in love with my best friend Lucky to have been where I have been Lucky to be coming home again Lucky we're in love in every way Lucky to have stayed where we have stayed Lucky to be coming home someday
Le grave et l'aigu s'entremêlaient et lorsque la chanson se termina, je fus surprise de remarquer que nous ne fredonnions plus comme au début. Plus assurés, nous chantions franchement, et l'on avait dû nous entendre de loin dans ce parc où les voix portaient à cause des étangs le parsemant. Il y eut un instant de silence, juste le temps que les cordes cessent de vibrer. Je me sentais... calme.
Ça ne m'était arrivée qu'une fois. Quand un certain professeur de théâtre avait réussi à m'emplir de mon personnage...
Le plus sérieusement du monde, je répondis :
- Kieran, je crois que tu ne peux pas comprendre le bien fou que ça m'a fait. Je suis certaine que ta sœur est adorable, mais ne garde pas ça que pour elle. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Jeu 5 Mai - 18:07 | |
| C'était un moment en dehors du temps. Il n'y avait plus rien rien d'autre que la musiques, la mélodie, nos voix qui s'accordaient joliment. Je me sentis apaisé pour la première fois depuis bien longtemps et cela, je le devais à une fille culottée qui avait décidé de faire du forcing. Si bien que quand j'eus terminé et qu'elle prit la parole, sérieusement, et apparemment aussi transcendée que moi, je ressentis une violente émotion qui me noua la gorge. La chanson était magnifique. Pourquoi m'était-elle venue en tête, je n'en savais rien, mais elle persistait et me touchait. Trop violemment. J'avais muselé beaucoup trop d'émotions ces derniers mois, ne m'autorisant à pleurer que quand j'avais apprit le décès de mes parents. Depuis, mes yeux étaient restés secs. Pour Sorcha, je devais être fort, être un pilier inébranlable.
Et là, j'avais l'impression de craquer. Sauf qu'il était absolument hors de question que je pleure devant une fille, une quasi inconnue en plus. Les mecs ne pleuraient pas, merde. Je pris une lente inspiration et fermai les yeux, comptant mentalement jusqu'à 10 avant de retrouver assez de self control pour répondre :
- "Je suis content si cela t'a fait du bien. C'était rien du tout."
J'avais encore une boule dans la gorge quand même et je m'éclaircis la gorge :
- "Ben écoute, si jamais ça ne fonctionne pas plus tard, toi et moi, on pourra toujours se reconvertir comme chanteurs de métro, qu'est-ce que tu en dis? A moins qu'on ne tente la prochaine édition d'X-factor?"
Voilà, un peu de dérision pour éviter de s'attarder sur quelque chose de trop sensible. Cela dit, j'avais beaucoup aimé ce petit moment avec elle. Je la regardais un instant, avant de reprendre :
- "J'ai bien aimé ce petit moment... Même si ça me fait autant de bien que de mal... Mais si ça a pu t'aider... Enfin, si t'as envie qu'on remette ça, je ne suis pas contre."
Pas facile de prononcer ces mots. N'avais-je pas décidé de vivre dans mon coin? Et là, qu'est-ce que je faisais? J'invitais Blake à entrer dans ma bulle. Finalement, j'avais besoin de compagnie, je n'étais pas fait pour la solitude. C'était me leurrer que de m'obstiner.
- "Comme tu veux, je te force à rien... T'as surement d'autres trucs à faire avec tes potes."
Allez, stop, on arrête de parler, on s'enfonce. | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 8 Mai - 0:56 | |
| Rien du tout ? Mais n'importe quoi. C'était tout, au contraire, il ne pourrait sans doute jamais comprendre la prouesse que c'était d'avoir réussi à m'apaiser. Il ne me connaissait pas assez, et puis je doutais que quiconque puisse réellement comprendre, à moins d'être dans le même cas que moi. J'eus un petit sourire à sa plaisanterie. OK, donc toi, t'es bien un mec, tu refuses de montrer tes émotions, j'ai compris. Je n'insistai pas, j'étais déjà plutôt fière de ce que j'avais réussi à faire. Si ce matin encore il ne serait jamais venu m'adresser la parole de lui-même, voilà qu'il chantait et riait avec moi ! Blake, tu es géniale. Et tellement modeste. Je l'écoutai patiemment bafouiller sans faire le moindre effort pour l'aider. J'avais trop peur de le brusquer. Je ne voulais surtout pas risquer de le faire rentrer dans sa coquille. Il me faisait penser à un escargot hésitant à déplier ses antennes.
- Moi non plus. Je suis toujours partante pour me détendre avec des amis.
J'avais sciemment utilisé ce mot. Pouvait-on réellement dire que c'était un ami ? Évidemment non, mais après tout, je l'aimais bien, il n'avait pas l'air d'avoir quelque chose contre moi, alors après tout pourquoi pas, hein ? J'avais besoin de me changer les idées. Je voulais oublier son regard, je voulais oublier notre dernière dispute où j'avais tellement fait l'idiote. Je me giflai intérieurement en constatant que je me remettais à divaguer, et que nécessairement, mes pensées me ramenaient vers lui. C'était inexorable. Mais je ne voulais pas, moi ! Pour le coup, je ne remarquai même pas à quel point Kieran s'enfonçait, en semblant me supplier de refuser.
- Tu sais, comme ça, je m'entends avec tout le monde, je suis là à toutes les fêtes, mais en réalité j'ai pas tellement de vrais potes. Je t'ai présenté Alice... A part elle, il n'y a personne à qui je tiens réellement. Et puis en ce moment, les soirées c'est pas trop mon truc. Je suis un peu déprimée.
Je lui jetai un regard incisif, me maudissant de cette dernière phrase. Balancer que tu es déprimée à quelqu'un qui vient de devenir orphelin, bravo, mais quel tact, Blake ! Pourquoi j'étais déprimée ? Parce que je m'étais fourrée dans une espèce d'embrouille sentimentale à deux sous avec un de nos profs. Ah mais chapeau, dans les ennuis magistraux, tu touches la palme, Kieran, lui, il peut aller se rhabiller !
- Du coup, entre gens déprimés, si on peut se remonter le moral... Tu joues super bien, tu sais ? Et tu as une belle voix. Alors oui, ça me dirait de recommencer. Je te prendrai pour modèle pendant que les passants te jetteront des pièces, fis-je en riant.
D'un seul coup, je ne savais plus où me mettre. Cette allusion maladroite que j'avais faite, et qu'il n'avait pourtant certainement pas relevée - après tout, il avait vraiment l'air déprimé, croirait-il que j'avais deviné quelque chose ? - m'avait totalement déstabilisée, alors même que je parvenais à le faire sourire un peu. Pourtant, ce n'était pas le genre de choses qui me gênait d'habitude. Nouvelle preuve que j'allais vraiment pas bien ces derniers temps, comme si j'en avais besoin pour le savoir, aha. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 8 Mai - 15:27 | |
| Ses paroles résonnèrent un instant dans mon esprit. Toujours partante pour se détendre avec ses amis. Sauf que nous n'étions pas amis, on ne devenait pas amis en 10 minutes, n'est-ce pas? Être amis, cela signifiait partager des trucs, savoir pouvoir se confier à un autre sans crainte d'être jugé, être soutenu dans toutes les situations mais aussi être critiqué avec franchise quand on déconnait. Blake et moi n'avions fait que partager un petit intermède musical... Rien que ça... Vraiment? Non, personnellement, j'avais l'impression qu'on avait partagé beaucoup plus que ça. Que nos émotions avaient filtré dans cette musique. Ma peine, ma rancœur, ma mélancolie. Et de son côté, elle avait fait de même. Car Blake avait des soucis, je le sentais bien, même si je ne demandais pas de quoi il s'agissait et qu'elle essayait de le masquer.
Elle m'avoua aussi ne pas avoir tant d'amis que cela. Des camarades, des potes... Elle allait dans des fêtes, mais cela s'arrêtait là. Alice était sa seule amie.
- "Mieux vaut une seule bonne amie, qu'une nuée de copains."
A elle, elle devait pouvoir tout confier. Avec ses potes, on s'amusait, on délirait, on faisait le con. Mais cela restait superficiel. Au moins avait-elle quelqu'un sur qui compter. Ici, je n'avais aucun ami. Et en Irlande... Je ne savais plus vraiment si un jour, quelqu'un avait compté réellement pour moi et que j'avais compté pour lui. C'est en cas de coup dur qu'on compte ses amis. Et force était de constater que les miens s'étaient éloignés. Par gène peut être, parce qu'ils ne savaient pas comment se comporter avec moi. Je pouvais le comprendre, j'aurais sans doute agi pareillement. Son allusion à sa petite déprime ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd.
- "C'est marrant, quand je suis déprimé, j'ai plutôt tendance à vouloir me noyer dans les fêtes, justement pour oublier..."
Enfin, quand je suis déprimé... C'était un euphémisme. Déprimé, je l'étais tout le temps en ce moment. Et je ne passais pas mon temps à fumer et boire, à sortir et draguer. Pour Sorcha, je retenais mes envies quelque peu auto destructrices. Je n'insistai pas concernant le pourquoi de sa déprime et elle changea de sujet, revenant à notre petit concert. je haussai les épaules à ses compliments :
- "Parait que tous les irlandais savent chanter. Mais je crois que c'est encore un cliché, ou une idéalisation."
Je souris légèrement à sa proposition, avant de pencher la tête, intrigué :
- "Me prendre pour modèle? Tu dessines si bien que ça?"
Elle saurait carrément, faire un portrait? j'étais admiratif.
- "Actrice, chanteuse, dessinatrice... Je me demande ce que tu ne sais pas faire."
Puis, avec un brin de malice dans la voix alors que je sentais une certaine gène chez elle, je repris :
- "J'oubliais aussi cette faculté à dérider les déprimés... Ou dépressifs. Je crois que j'ai dépassé le stade de la petite déprime depuis un moment."
J'en parlais avec un certain détachement et je me surpris à ne pas me sentir gêné de parler de moi ainsi avec elle. Elle faisait des efforts louables et elle réussissait à son coup. Tout n'étais peut être pas perdu. Et finalement, comme plusieurs fois depuis la mort de mes parents, je me surpris à penser qu'il n'était pas difficile de revivre normalement après tout ça, mais que je me punissais moi même en m'interdisant toute forme de bonheur qui soulagerait ma culpabilité.
- "Je dois te reconnaître une chose : tu es persévérante. Et plutôt douée en fait. J'aime bien ta compagnie."
Je me raclai la gorge, soudain conscient d'avoir peut-être été un peu trop franc et me lançai dans la contemplation d'un brin d'herbe très intéressant. | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 10 Mai - 22:34 | |
| J'opinai sans prononcer un mot. Oui, j'aurais volontiers vendu tous les prétendus amis que j'avais s'il l'avait fallu pour garder Alice. Mais avoir un ami, au moins un vrai ami, ça me semblait terriblement important, voire indispensable. Comment aurais-je pu surmonter cette histoire avec Hartwood si Alice n'avait pas été là pour me soutenir et m'appuyer ? Jamais j'aurais pu. Elle était la personne la plus importante du monde à mes yeux, et j'aurais tout sacrifié sans la moindre hésitation pour la sauver. C'était Alice, c'est tout, ça se passait de mots. Trop fort et trop rapide pour que ce soit descriptible. Ce qui était surprenant était sans doute que ce soit si récent. Est-ce que j'étais un monstre de penser que c'était grâce à la mort de Giulia ?
- Moi, c'est précisément l'inverse. Je suis incapable de faire illusion, quand je suis joyeuse, je ne peux pas compatir aux problèmes de quelqu'un, et quand je déprime... eh bien je ne peux pas du tout faire la fête.
Ou du moins je suis celle qui la gâche, à rester dans son coin et tout critiquer. La seule exception à mon humeur sans masque était le théâtre, évidemment. Sur scène, je n'étais plus moi-même, et je pouvais faire n'importe quoi, quels que soient mes sentiments du moment. Mais ce n'était pas la même chose de jouer un rôle sur scène et de mentir quant à soi dans la réalité. Enfin, pour moi, ce n'était pas du tout la même sensation. Et d'ailleurs, à moins de m'y être longuement préparée avant, j'étais incapable de mentir. D'où ma franchise parfois désarmante. Cacher des vérités parfois difficiles à avouer, oui, mais les déformer, impossible !
Je souris légèrement à ce qu'il m'apprit ensuite. Je ne connaissais pas ce cliché, mais après tout, pourquoi pas ? L'Irlande était réputé comme étant un pays fantasque, de conte de fées. On imaginait bien ses habitants chanter des histoires au coin du feu ou réunis dans une auberge de l'ancien temps. L'atmosphère qui se dégageait de cette île se prêtait bien à une telle croyance. Mon sourire se fit plus franc lorsqu'il me demanda à quel point je savais dessiner. J'adorais chercher des visages dans la rue dont j'aimerais faire le portrait. Alice, avec sa bouche bien dessinée, ses yeux délicats, ses traits droits et son profil tendu, était mon sujet préféré. Je pris le temps de l'observer, penchant la tête, sans penser qu'être soumis à un tel examen pourrait le gêner. Je fis la moue, songeuse, et finis par déclarer :
- Tu as un petit quelque chose dans les yeux que j'adorerais essayer de saisir. Ce n'est pas vraiment ton physique mais plutôt l'impression que tu dégages que je pourrais dessiner avec toi.
Je passai ma main dans ses cheveux épais.
- Et puis j'adore croquer des crinières comme la tienne. Je pourrais passer des heures sur une seule mèche.
Mes doigts retombèrent, se noyant dans la pelouse fraîche. Je haussai les épaules.
- En plus, tout ça, je ne le fais guère que depuis deux ans. C'est juste que... je me suis investie à fond. Tu vois, avant, je ne dessinais que de l'abstrait, puis j'ai essayé de recopier des photos, puis des paysages... Enfin, ça vient vite, mine de rien. Le chant, j'ai appris en même temps que le théâtre... C'est lié. La danse, c'est pour me défouler, je fais ça comme d'autres feraient du jogging.
Hum, ouais, sauf que je faisais du jogging aussi si on y réfléchissait. Je passai sous silence mes réveils soudains à cinq heures du matin qui se transformaient en trot autour du parc juste en bas de chez moi pour vider l'énergie brusque qui m'avait envahie durant la nuit. Il allait finir par me prendre pour une hystérique. Ce en quoi il n'aurait peut-être pas eu tout à fait tort. Pourquoi je n'avais jamais tenté le yoga, tiens ? Il faudrait que j'y réfléchisse. Enfin, si je continuais à faire vingt activités différentes, je finirais par ne plus avoir de temps pour dormir.
Je fus tentée de lui sortir une banalité. Mais non, faut pas dire ça, t'es pas dépressif, juste un peu solitaire, t'inquiète pas, ça ira mieux quand tu connaîtras du monde... Mais je savais pertinemment pourquoi il était comme ça, et je savais qu'il ne me mentait pas. Je n'avais pas envie d'être hypocrite avec lui. Brusquement, j'avais l'impression de lui mentir. Je n'avais pas le droit de lui cacher que j'étais au courant d'un tel événement, alors même qu'il commençait à bien m'apprécier. Je baissai la tête, rougissante. On arrivait au stade où je commençais à avoir peur des garçons. Je l'avais presque oublié. En temps normal, jamais, jamais un tel climat d'intimité n'aurait pu s'installer entre moi et un garçon, et là, il me disait par-dessus le marché qu'il aimait bien ma compagnie. Mayday, mayday ! Va te planquer, Blake ! Je me mordis la lèvre et murmurai en butant quelque peu sur les mots :
- C'est gentil de ta part. Moi aussi je me sens bien avec toi. Et je crois que c'est normal que tu sois dépressif avec ce qui t'est arrivé.
Je relevai la tête, une lueur de défi dans mon regard vert, comme pour l'empêcher de m'en vouloir.
- L'administration du lycée m'a mise au courant pour que je ne gaffe pas. Mais je trouve que c'est normal que tu saches que je sache, non ? Je ne sais pas trop si tu en fais un secret d'état ou pas...
Je ne savais pas trop si j'avais envie qu'il me rejette pour lui avoir caché ça ou s'il me disait que ça ne posait pas de problème. Je me sentais tellement apaisée avec lui, je n'aurais voulu pour rien au monde perdre ça. Mais la sensation sournoise de peur si familière rampait déjà en moi. A quoi bon devenir amie avec lui, si c'était pour qu'il me repousse au moindre problème ? Tous les garçons étaient comme ça... Ils n'assumaient jamais rien... Et c'était nous qui payions les pots cassés... Le visage crispé par la fatigue et les larmes de ma mère dansait dans mon esprit. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Ven 13 Mai - 18:14 | |
| - "Tu es entière."
Je ne savais pas si c'était un mal ou un bien... Je ne cherchais pas à faire illusion, loin de là. J'étais mal et tout le monde le sentait dans mon attitude. Et se noyer dans l'alcool, s'embrumer dans la drogue, c'était une attitude criante de détresse dans mon cas. Je ne cherchais à leurrer personne. Juste à tenter d'aller moi mal. C'était pour moi, pas pour les autres. Pourtant, je faisais semblant d'assumer cette nouvelle situation, pour Sorcha. Je ne voulais pas qu'elle voie combien j'étais ravagé par tout cela. Elle savait que j'étais triste, mais je tentait de minimiser cette tristesse. Qui était en fait de la dépression. Je n'étais pas suicidaire, mais je n'avais plus non plus beaucoup de goût pour la vie.
Néanmoins, en cet instant, j'en oubliais cette puissante mélancolie. Je faisais ce que j'aimais : chantonner, jouer. Avec une fille qui avait du talent et était sympa. Et qui avait de a conversation. J'aimais bien les filles bien roulées, pour coucher avec. Mais j'avais besoin qu'elles aient de la conversation. Je n'étais pas idiot, mes parents avaient toujours tout fait pour stimuler notre intellect à Sorcha et moi. Résultats, j'étais plus intello que je n'en avais l'air. Elle parlait de dessiner pendant que je chantais et cela m'intrigua. Elle me dévisagea alors, d'un regard d'artiste plus qu'autre chose, mais cela ne m'empêcha de me sentir mal à l'aise devant cet examen minutieux de ma personne. Et ses paroles me surprirent.
- "Mes yeux?"
Quelque chose dans mes yeux, une impression que je dégage... Sans doute ce qui m'était arrivé qui se lisait un peu trop facilement et faisait de moi le ténébreux secret. Sa main vola dans mes cheveux indisciplinés. Les mêmes qu'Aaron.
- "Et bien, cela va en prendre du temps, s'il te faut des heures pour une simple mèche."
Je ne savais pas si je devais être sensible à son compliment. Si c'était pour moi, ou pour le modèle que je pouvais représenter. Incertain quant à l'interprétation, je décidai de rester prudemment neutre à ce sujet. Blake avait bien des talents et en parlait comme si cela était naturel. Faux. Personnellement, je ne savais pas dessiner autre chose que des bonhomme bâtons. Je n'avais jamais fait de théâtre. J'avais une bonne mémoire, mais ce n'était pas du tout mon truc. Et niveau danse... Bon, je me démerdais en boîte, point barre. Je lui avouais être plus que déprimé. Pas pour me faire plaindre, loin de là, et je fus heureux qu'elle ne réponde rien. Avant de lui dire que j'aimais bien sa compagnie. Son attitude changea et elle fit soudainement la timide. Je ne m'attendais pas à ça. J'avais plutôt misé sur une réponse bien sentie et enlevée, mais là, j'avais touché un point sensible.
Malgré moi, je me raidis quand elle me répondit que c'était normal d'être dépressif avec ce qui m'était arrivé. Je tendis le dos en attendant la suite. Elle m'avoua savoir que j'avais perdu mes parents et avoir été dépêchée par l'administration pour m'aider à m'intégrer. Je détournai le regard, un instant déçu d'avoir eu la confirmation de ce que j'avais deviné. Avant de finalement répliquer d'une voix lasse :
- "Non, ce n'est pas un secret d'état... Juste que je ne veux pas en parler au premier venu. Que je ne veux pas qu'on me prenne en pitié. Je ne veux pas me demander si on m'approche par curiosité malsaine ou pour jouer les Saint Bernard auprès du pauvre petit orphelin."
Mes doigts s'agitèrent de nouveau et une mélodie s'éleva. Pour briser le silence que je venais d'installer. Finalement, je repris, sans la regarder :
- "Tu sais donc que mes parents sont morts dans un accident de voiture et que ma sœur et moi étions avec eux? Que nous avons été gravement blessé tous les deux et avons passé des semaines à l'hôpital, avant d'être trimballés par les services sociaux, jusqu'à ce que mon oncle accepte de nous accueillir?"
Finalement, je plongeai mon regard dans le sien, avant de finir, brutalement :
- "Mais je suppose que tu ne sais pas que c'est ma faute. Que j'ai tué mes parents et mutilé ma sœur. Ne perds pas ton temps avec moi, tu t'es bien acquittée de ta mission, tu m'as accueillie comme il se doit. Tu n'es pas obligée de faire ça."
Je la rejetais en bloc. Pas à cause d'elle. Cela n'avait rien à voir avec elle. Elle avait fait ce qu'elle devait, mais je n'avais pas besoin d'elle. Je n'avais besoin de personne et je m'étais bercé d'illusions en pensant que nous serions amis. Elle avait pitié, comme les autres... | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 17 Mai - 7:44 | |
| J'étais tendue comme la corde d'un arc. J'avais balancé ça violemment, presque volontairement, comme on lâche soudainement un vase de porcelaine sans la moindre raison au-dessus du carrelage. J'avais eu la sensation brutale de lui mentir, de lui devoir cette vérité, et en même temps je m'en étais servie pour déchirer sans remords le climat qui s'était installé entre nous. Je ne voulais surtout pas de cette proximité malsaine avec un garçon. Je ne voulais pas être amie avec un garçon. J'avais déjà été beaucoup trop loin avec lui, je devais tout arrêter avant qu'il soit trop tard.
C'était peut-être même déjà trop tard. Je m'étais sentie tellement bien, tellement calme, quand nous nous étions mis à chanter ensemble sans raison, juste pour le plaisir de partager un moment de créativité, que maintenant, cela allait forcément me manquer atrocement. Comme quand j'avais réussi à interpréter Juliette... Hartwood avait fait les frais de ma déception et de mon manque. C'était exactement ça, le calme me faisait l'effet d'une drogue tellement c'était un état d'esprit étrange pour moi, une drogue qui me rendait accro en une seule prise.
Donc, quelque part, j'étais déjà droguée à Kieran. Parce qu'il avait un effet délicieusement apaisant sur moi, venant de la nonchalance avec laquelle il caressait les cordes de sa guitare, de son accent irlandais mélodieux, de sa mélancolie sirupeuse qui vous touchait et vous enveloppait sans que vous vous en rendiez seulement compte. Le problème était que je venais seulement de le réaliser. Après avoir tout gâché. Alors, Blake, vas-tu te venger à ta manière habituelle, toi la rancunière ? En faisant de la vie d'un gars orphelin qui ne t'avait rien demandé un enfer juste parce que tu n'es pas foutue de faire confiance à un garçon ? Et brusquement, je me mettais à prier pour qu'il ne le prenne pas mal.
Évidemment qu'il le prenait mal, qui l'aurait bien pris ?
Je voulus rompre le silence qui s'était installé, lui expliquer que de toute façon, orphelin ou pas, j'aurais été vers lui, que ça n'avait strictement rien à voir avec ma démarche. Mais il me coupa l'herbe sous le pied en se remettant à jouer, et je fermai la bouche, incapable de réussir à m'expliquer clairement alors qu'il m'avait coupé dans mon élan. Ses paroles me catastrophèrent. Je secouai obstinément la tête, de plus en plus fort, mais il ne me voyait pas, j'aurais voulu me boucher les oreilles, le bâillonner, ou mieux encore, lui crier que je ne savais rien de tout ça. On ne m'avait pas raconté sa vie non plus ! On m'avait juste dit que ses parents venaient de mourir et qu'il déménageait chez un proche, d'où son arrivée en cours d'année.
Quand ses yeux noirs se plantèrent dans les miens, je fus choquée par ce que j'y lus. Une colère noire, mais soutenue par une détresse profonde. une blessure que j'étais bien en peine d'analyser, sans doute provoquée par tout ce qu'il venait de me balancer dans la figure. C'était ça que j'avais vu tout à l'heure, ça que j'aurais voulu réussir à coucher sur papier. Je pris conscience que lorsque je contemplais des gens en imaginant ce que je pourrais faire de leur visage, je devais paraître aussi insensible qu'un scientifique disséquant un cadavre. Je m'empourprai et je dus avoir une expression particulièrement effrayée lorsqu'il me jeta brutalement que c'était lui le responsable de l'accident.
Je me serais giflée. J'étais choquée, bouche bée, je cherchais désespérément quelque chose à répondre. Je l'avais cherché, pourtant, n'était-ce pas ce que j'avais voulu ? Et maintenant, qu'est-ce que je voulais ? Laisser les choses en l'état pour ne plus le revoir ou réparer les dégâts ? Quand je repris la parole, sans vraiment avoir réfléchi auparavant, ma voix était froide :
- Tu as une piètre opinion de moi. Tu crois que je suis venue vers toi parce que le lycée m'a forcée ? Parce que j'ai eu pitié de toi ? Je pensais que tu aurais compris que je n'avais pas besoin de raison pour aller voir les gens qui m'entourent. J'ai été mise au courant pour éviter une bêtise aussi simple que la question bateau « Ils travaillent dans quoi, tes parents ? » ou autre maladresse du genre. Je n'avais aucune idée des détails, ça ne me regardait pas. Et pourquoi ce serait de ta faute, déjà ?
J'avais parlé sans reprendre mon souffle et je ne m'en voulais même pas de lui avoir dit ça sur ce ton. Au fond, j'étais réellement blessée qu'il puisse croire que je n'étais venue vers lui que par curiosité morbide, ou pitié déplacée. Je n'étais pas comme ça, et j'espérais fort ne jamais l'être. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Mar 17 Mai - 20:08 | |
| Je me montrais volontairement cassant avec elle. Pour qu'elle fuit, qu'elle s'en aille, qu'elle me laisse me morfondre. Je ne méritais pas l'apaisement. Pas après ce que j'avais fait. En plus, elle faisait ça par charité, ce qui enlevait tout de sa spontanéité à mes yeux. Je ne voulais pas de sa compassion, ni de sa pitié et quelque part, j'hésitais entre me lever et hurler ma colère ou me mettre à pleurer de déception. Pleurer de tristesse, tout simplement. J'avais enfoui tellement de choses en moi qui ne demandaient qu'à sortir dés que je n'étais plus sur mes gardes...
Je détournai le regard, choisissant de l'ignorer, mais elle ne partit pas. Non, elle resta plantée là et sa voix me frappa de plein fouet. Je préférais infiniment son timbre chaud et enjoué à cette voix froide et sans âme qui me fit l'effet d'un seau d'eau froide. Non, mais, c'était pas vrai! Comment s'y prenait-elle pour inverser les rôles et me faire maintenant culpabiliser d'avoir été aussi vache avec elle? Encore un truc de fille. Et ça marchait, c'était ça le pire. Non, elle ne faisait pas la charité, elle était comme ça et elle était juste venue me parler pour être sympa. Et on l'avait briefé pour qu'elle évite une gaffe.
Je me sentais con et ma colère s'envola aussi vite qu'elle était apparue. Je relevai le regard vers elle, penaud, l'observant comme si je la voyais pour le première fois, avant de finalement reprendre lentement :
- "Je ne voulais pas te juger et te vexer. Désolé, je suis à cran depuis plusieurs mois et je me braque facilement."
Ma voix était redevenue douce. Je n'avais pas envie de me fâcher avec elle. Vraiment pas. Je ne méritais sans doute pas sa compagnie, mais elle me faisait du bien. Et je l'avais blessée. Je ne voulais pas lui faire du mal. Ce n'était pas mon genre. Ça ne l'était plus. Pas après ce qu'il s'était passé.
- "C'est ma faute parce que j'étais un sale con, que j'ai provoqué une dispute, que mon père a été distrait et qu'il n'a pas vu le camion arriver."
Ma voix était devenue blanche désormais et mon teint avait pâli. Pourquoi la scène se rejouait dans mon esprit avec autant de clarté? De netteté? Comme si c'était hier? pourquoi cela ne pouvait-il pas être flou? Disparaître à jamais de mon esprit et me laisser tranquille?
- "Alors tu vois, je n'aime pas en parler, pas seulement parce que j'ai perdu mes parents et que c'est déjà un manque atroce, mais surtout parce que si j'avais été moins con, je serais resté tranquille et je ne serais pas dans une ville étrangère aujourd'hui, à vivre chez mon oncle qui est effacé face à ma tante et ma cousine qui sont des garces avec un cousin que je commence à apprécier, alors qu'il sera mort d'ici quelques mois."
Voilà le résumé de ma vie ces derniers mois. Une vie de merde, une vie de chien, qui ne me disait vraiment plus rien. Je pris une grande inspiration un peu tremblante et passai une main dans mes épais cheveux noirs, qui plaisaient tant à Blake.
- "Et en fait, ce petit moment avec toi, ce court instant de partage musical, ben ça m'a fait un bien fou. Ça m'a apaisé et en même temps, énormément... remué. C'est compliqué." | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 22 Mai - 4:15 | |
| Il s'apaisa aussi soudainement qu'il s'était énervé. De mon côté, je ne fus pas rassurée aussi facilement. Ça ne pouvait pas être aussi simple que ça, j'avais trop l'habitude que ce soit compliqué. Il y aurait autre chose, hein ? Je ne voulais pas vraiment réussir à être proche de lui. Je ne réalisais pas que là, je voulais voir des problèmes où il n'y en avait plus. Si j'avais été normale, j'aurais haussé les épaules et lancé un « Normal, ne t’inquiète pas » désinvolte pour effacer cette dispute éphémère et j'aurais pu repartir sur de bonnes bases. Mais je n'osai pas prononcer un mot et restai coite alors qu'il me disait sans fioritures pourquoi il s'estimait responsable de la mort de ses parents.
Je le vis pâlir, alors qu'il prononçait pourtant les mots sur un ton neutre, et j'avoue que là je ne trouvai strictement rien à dire. OK, si vraiment ça s'était passé comme ça, il y avait effectivement de quoi se sentir coupable. Pourtant, ce n'était pas comme s'il l'avait fait exprès ou s'il l'avait voulu... Doutant de vraiment réussir à le réconforter avec ces mots-là, je préférai carrément me taire. J'avais constaté que les mots, s'ils pouvaient être réparateurs, pouvaient être aussi bien destructeurs si l'on employait les mauvais, alors qu'en revanche, un silence ne blessait jamais, même si ce n'était pas nécessairement la réaction attendue. Tant qu'on montrait qu'on écoutait ce qu'on nous confiait, ça passait.
Mais je me sentais remuée jusqu'au plus profond de moi-même. Je comprenais qu'il s'en veuille à ce point, je ne saisissais évidemment pas ce qu'il pouvait ressentir, mais enfin, je voyais la logique de ses pensées. N'importe qui aurait réagi de la même façon. Ç'aurait été une fille que je l'aurais prise dans mes bras sans plus d'arrière-pensées, mais avec lui comme n'importe quel autre garçon, j'étais incapable d'un contact physique si naturel. Je me mordis la lèvre, cherchant quoi répondre.
- OK, bon. Tu m'excuseras mais là, je ne sais absolument pas quoi te dire. A part des banalités du style « Mais non, faut pas te sentir coupable, c’est pas vrai, et il ne faut pas voir la vie tout en noir, ça va passer », mais à mon avis tu t'en foutras éperdument, donc bon, je me tairai même si j'en pense pas moins.
J'hésitai un instant avant de finalement poursuivre :
- En tout cas, ça me touche que tu me dises ça. Tu sais, moi, j'ai du mal à me rapprocher des garçons, et c'est la première fois que je me suis sentie aussi bien avec l'un d'eux, ça change agréablement. Alors ne t'étonne pas si parfois je suis un peu bizarre... agressive, ou je ne sais quoi... C'est une réaction débile d'auto-défense.
J'avais bien conscience que ma carapace était inutile, et j'avais envie de me servir de Kieran pour apprendre à la faire tomber. J'étais au courant de ses faiblesses, il connaissait la mienne. Cela ne pourrait pas mal se passer maintenant que les choses étaient au clair. Enfin, je pensais. Enfin, j'espérais. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Dim 22 Mai - 11:21 | |
| Pourquoi est-ce que je lui confiais tout cela? Je n'en savais rien. J'avais été un peu trop vite en besogne en la jugeant et en la blessant pour me protéger moi-même et je ne voulais pas qu'elle, elle ai une fausse image de moi. Ce n'était pas moi ce type là. Mais je ne savais moi-même plus qui j'étais... Juste un adolescent fêtard et rebelle? Un jeune adulte responsable de la mort de ses parents et de l'éducation de sa sœur? Un mélange des deux? Quelque chose d'autre? Avec le recul, je ne pouvais nier être plus intéressant maintenant qu'avant. Plus mûr, moins superficiel, plus profond et complexe. Avant, j'étais juste un mec qui voulait jouer à l'adulte tout en ayant un comportement de môme, se fichant des conséquences et s'étourdissant dans les fêtes. Aujourd'hui, j'essayais vraiment d'avoir un avenir, de veiller sur ma sœur. Je faisais toujours la fête, mais pas par provocation ou pour prouver quoique ce soit. Seulement pour m'accorder une pause. Tout avait changé.
Je balançais donc la vérité nue à Blake, sans la préparer, sans l'enrober, avec un soupçon de cruauté même, comme pour la confronter à celui que j'avais été, que je pouvais être. Qu'elle fuie donc devant l'horreur, qu'elle cesse de vouloir être mon amie, je ne le méritais pas. Sauf qu'elle ne s'enfuit pas. Elle resta statique, bouchée bée, mal à l'aise, ne sachant quoi répliquer de pertinent. Il n'y avait rien à dire de toutes façons, rien qui réconforte. Mais au moins savait-elle à quoi s'en tenir maintenant. Je n'étais pas à plaindre, j'étais l'instrument de mon propre malheur et je le payais.
Elle retrouva la parole. Pour me dire qu'elle ne savait pas quoi dire, qu'il n'y avait rien à dire. Le silence aurait eu le même résultat, sauf que là, elle ne fuyait pas la discussion, se contentant d'exprimer son ressenti face à ma vérité. Je la regardai sans rien dire un instant, comme pour la jauger, avant de hocher simplement la tête. Elle m'avoua alors qu'elle s'était montrée agressive parce qu'elle avait du mal avec les garçons. Je ne savais pas pourquoi, mais il semblerait que j'ai été l'un des rares à pouvoir l'approcher et la toucher. Bizarre.
- "Je te dirais que toutes les réactions d'auto-défense sont débiles... Je fais le vide autour de moi, sans doute pour me punir de ce que j'ai fais. mes parents sont morts, je ne mérite pas de l'oublier et d'être un instant heureux. Et si je t'ai balancé la vérité, c'était dans l'espoir de voir l'horreur dans tes yeux et que tu t'enfuis."
Je ne mentais pas avec elle, je ne cherchais même pas à dissimuler mes intentions. J'avais conscience d'agir comme un imbécile en me flagellant ainsi. C'était sans doute pourquoi je lui faisais part de mon mode de pensée tordu. Pas si tordu que ça puisqu'elle agissait un peu de la même façon.
- "Ce serait indiscret de te demander pourquoi tu fuis les mecs? Il y en a un qui t'a fait du mal?"
C'était dommage de se méfier de tous les garçons pour un abruti. Mais je ne jugeais pas ça, je pouvais même le comprendre en fait. Et j'aimerais bien la faire changer d'avis. Blake était mignonne, drôle, sympa, intelligente... Elle ne pouvait pas finir vieille fille, qu'el gâchis. | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Lun 23 Mai - 6:38 | |
| J'étais atrocement gênée, je craignais de n'avoir pas su trouver les bons mots pour réussir à le garder de moi. De fait, je n'avais pas trouvé les bons mots, mais ce que je lui avais dit lui suffirait-il ? Qu'est-ce qu'on est censé dire face à pareil aveu ? Je ne savais pas et je doutais que quiconque le sache. Il n'y avait rien à dire. Pourtant, si on nous avouait ça, c'était bien dans l'attente d'un réconfort quelconque... Paradoxe. Et puis je me pris de nouveau ses paroles en pleine figure. Bordel, il était doué pour ça. Pour que je prenne peur et que je m'enfuie ? Ce mec devait être un peu maboule.
Bon, d'accord, je n'avais pas grand-chose à dire. Est-ce que je n'avais pas tenté exactement la même chose en lui disant si brutalement que je savais la vérité ? Je savais parfaitement comment il risquait de le prendre. Bon, il faut croire qu'on s'assemblait bien, finalement. Et puisque nos deux tentatives avaient échoué, on pouvait peut-être essayer de faire quelque chose, non ? Est-ce que j'en serais capable ? Si je m'y risquais et échouais, je savais que je le ferais nécessairement souffrir au passage. Je les faisais toujours souffrir, parce que je croyais justement qu'ils n'étaient pas sincèrement attachés à moi.
Bon. Inutile d'anticiper. Ça pouvait bien se passer, pour une fois.
- Ah oui, je confirme, c'est totalement débile. Kieran, je vais t'expliquer quelque chose, en tablant sur le fait que tu m'as donné tous les éléments et toutes les circonstances. Je vois bien pourquoi tu te sens coupable, et je pense que n'importe qui serait dans le même état que toi à ta place. Mais tu n'as pas voulu les tuer. Tu n'aurais jamais voulu provoquer une chose pareille. Et tu regrettes. C'est ça qui fait toute la différence. Je serais dégoûtée si tu t'en vantais, là oui.
Je me crispai à sa question. Recueillir des confidences c'était facile, en faire, beaucoup plus dur. Personne n'était au courant de ça. Enfin, tout le monde l'avait plus ou moins deviné, mais personne n'était au courant des détails. Pas même Alice. Elle se contentait de me protéger sans se poser davantage de questions. Ça n'aurait pas été... juste de l'avouer à Kieran.
Je me souvins brusquement avec amertume que si, une autre personne était au courant. En me mordillant la lèvre inférieure, je cherchai mes mots, pour lui dire la vérité sans m'étaler sur ma vie.
- C'est un peu long à expliquer, mais en gros, c'est à cause de mon père. Je ne le connais pas et je n'ai jamais supporté qu'il m'abandonne.
Inutile de parler de ma crainte perverse que tous les autres garçons fassent de même. J'avais été élevée dans l'idée qu'ils ne savaient faire que ça. S'engager, faire quantité de promesses et se défiler au moindre problème. C'était pour cela que je brisais le moindre lien, dès que je craignais qu'il ne devienne trop fort. La plupart du temps, lorsque je gâchais une amitié naissante ou une éventuelle histoire d'amour, c'était purement et uniquement de ma faute. Je savais que c'était stupide, que je ne faisais que faire souffrir les protagonistes de l'histoire et moi la première, mais je ne pouvais tout simplement pas m'en empêcher. Jamais je n'aurais supporté de vivre ce qu'avait vécu ma mère. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Lun 23 Mai - 8:05 | |
| J'eus un petit rire aussi bref qu'un aboiement alors qu'elle tentait de me réconforter en me disant que le fait que de regretter faisait toute la différence. Oh ben super! Me voilà absout de mes péché! Allons fêter ça! Je ne le dis pas à voix haute, mais je n'en pensais pas moins. J'étais coupable. Point. Il n'y avait pas à épiloguer là dessus. Sorcha avait essayé de me faire comprendre que ça ne servait à rien de me lapider ainsi, que cela ne changerait rien. Sans doute. Oui. Je pouvais le comprendre intellectuellement, mais émotionnellement, c'était une autre paire de manche.
- "C'est gentil Blake, mais laisse tomber. Ma sœur a déjà essayé de me déculpabiliser, mais ça ne fonctionne pas. C'est pas grave va. Si je n'avais pas eu aussi mauvais caractère, j'aurais simplement ruminé en silence et rien ne serait arrivé."
Je soupirai. Je posai ma guitare à côté de moi, avant de poser mes mains derrière moi et de me laisser aller en arrière, rejetant la tête vers le ciel.
- "Je suis croyant Blake. Le catholicisme est profondément ancré en Irlande et je n'échappe pas à la règle. J'ai tué, je le payerais, même si je ne le voulais pas, même si c'était un accident. C'est comme ça. Ça va peut-être te paraître stupide, d'ailleurs."
Ouais, surement que la peur du jugement dernier devait bien la faire rigoler. Ici, on était moins croyants que chez moi. Je plongeai la main dans ma chemise, en sortant une petite chaine en argent, avec une croix au bout. Un cadeau de ma mère, lors de ma communion. Je ne la portais que depuis l'accident. Avant, je m'en fichais royalement. Elle était toujours dissimulée sous mes fringues, mais elle était là. Je la sentais. Je laissais Blake la voir, avant de la ranger, un sourire ironique aux lèvres. C'est alors que je lui demandais ce que les hommes avaient bien pu lui faire pour qu'elle s'en méfie. J'allongeai mes jambes devant moi, baissant la tête vers elle pour la regarder. Elle m'avoua que c'était à cause de son père qui l'avait abandonnée. Je la regardais longuement, sans rien dire, avant de hocher doucement la tête.
- "Et du coup, tu penses qu'on est tous des salauds sans parole et sans honneur, prêts à décamper à la moindre occasion?"
C'était logique. C'était une peur assez normale au vu des circonstances. Elle avait été abandonnée une fois, elle ne supporterait pas que ça recommence. Alors elle ne s'attachait pas, évitant ainsi de s'exposer à une éventuelle souffrance.
- "Tu sais, j'ai un scoop pour toi : on n'est pas tous fait dans le même moule..."
Bon d'accord, j'avais surement été très con ces dernières années, mais finalement, j'étais là, je n'avais pas abandonnée ma sœur aux services sociaux et je la récupérerais pour qu'on vive ensemble dés que cela serait possible. Jamais je ne l'abandonnerais. Je n'étais pas comme ça.
- "C'est dommage de t'empêcher de vivre par peur d'être déçue... Évidemment que tu vas rencontrer des mecs qui ne vaudront pas mieux que ton père. Oui, tu vas surement souffrir. Ça fera mal et tu iras pleurer dans les bras de tes amis qui te diront que ce n'est qu'un connard, que tu es mieux sans lui, que tu en trouveras un mille fois mieux. Et puis, tu tomberas sur cette perle rare et là, tu te rappelleras mes paroles."
J'eus un petit sourire en coin, me redressant et repliant mes jambes en tailleurs alors que je la regardais, avec des yeux très doux, où toute la colère et l'amertume de mon passé avait disparu.
- "Tu es une fille bien Blake. Tu trouveras un mec bien qui te fera te sentir unique. En attendant de le trouver, si tu as besoin de conseils... masculins, je serais là."
J'eus un petit sourire un brin moqueur :
- "Parce qu'Alice est surement de bon conseil, mais c'est une fille, elle ne sait pas comment fonctionne un mec. Pas aussi bien qu'un autre représentant de cette race honnie."
Je tiltais alors sur les mots qu'elle avait prononcé, un peu en retard. Et un mince sourire se dessina de nouveau sur mon visage. Elle n'avait pas supporté que son père l'abandonne... Elle n'avait pas dit qu'il abandonne sa mère ou les abandonnes toutes les deux, mais bien elle. Alors ça lui allait bien de me faire un laïus sur la culpabilité. Elle se sentait aussi fautive que moi, alors qu'elle l'était surement moins.
- "Tu t'y connais en culpabilité, non? Ton père ne t'a pas abandonné toi... Il a quitté ta mère." | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Lun 23 Mai - 12:05 | |
| - Va te confesser, suggérai-je avec un petit sourire.
Je n'avais pas été baptisée, je n'avais pas plus de parrain ou marraine que de père, de tantes ou d'oncles. Ma seule et unique famille était ma mère, deux petites Earl perdues dans l'immensité londonienne. Elle, elle était catholique, enfin en tout cas elle avait une croix en pendentif et possédait une Bible, donc c'était bien qu'elle avait dû l'être un jour. Moi, je n'y avais jamais réfléchi. Mais enfin, si on admettait son existence, Dieu n'était-il pas censé être bon ? Kieran pouvait forcément se faire pardonner. Il était bourrelé de remords. Il n'avait pas voulu la mort de ses parents. Son Dieu était-il si cruel qu'il l'enverrait brûler pour l'éternité parce qu'il avait mauvais caractère ?
- Sérieusement, je ne crois pas en Dieu, tout bêtement parce qu'on ne m'en a jamais vraiment parlé. Mais si vraiment il y a quelqu'un là-haut, je pense qu'il ne te punirait pas pour un acte involontaire et que tu regrettes profondément. A quoi bon sinon ?
J'aurais voulu éviter de parler de moi, pourtant, cela semblait inévitable. Et après tout, ce n'était qu'un juste retour des choses. Je n'étais pas encline à me confier. Je balançais en vrac tout ce qui me touchait à Alice, mais les raisons profondes de mes souffrances et de mes actes, on n'y touchait jamais. On se contentait de partir en guerre contre celui qui avait osé blesser l'autre. C'était tellement plus facile comme ça !
- Je sais bien, mais c'est pas si facile que ça à appliquer dans la vraie vie, tu vois.
Je souriais mélancoliquement alors qu'il me faisait le cycle de l'amour tel que toutes les filles normales le connaissaient, on rencontre un mec, on se fait larguer, on pleure et on ne peut s'empêcher de recommencer, parce que finalement on y est un peu accro, à cette souffrance mélancolique qui se transforme en bonheur dès qu'on a trouvé une nouvelle moitié. Moi, je n'avais pas envie de me lancer là-dedans. Pourquoi prendre des risques, hein ? Et si la perle rare, elle habitait en Australie ?
Je ne pus m'empêcher de rire lorsqu'il me proposa ses services, en compensation de ceux d'Alice. Le sourire aux lèvres, soudainement détendue, je lui répondis :
- Oh, mais Alice est de très mauvais conseil ! Si jamais j'ai un problème, elle prendra partie pour moi quoi qu'il arrive et entrera en guerre contre celui qui m'a blessée, même si c'est moi qui suis en tort. Pour ça, elle n'est pas une très bonne amie, et moi non plus, d'ailleurs. Je sais que je ferais pareil pour elle. Quelqu'un de franc quant à mon attitude, ça me changerait.
L'atmosphère s'était allégée, un peu, et la complicité entre nous devenait plus présente au fur et à mesure de nos paroles. Mais brusquement, il tiqua sur un détail de vocabulaire. Un détail que je n'avais jamais remarqué, une formule que j'utilisais tout le temps. Déstabilisée, je rétorquai, sur la défensive :
- Il a abandonné ma mère parce qu'il ne voulait pas de moi ! Ça revient au même, non ? C'est de ma faute si ma mère se retrouve toute seule, à élever une sale gosse hyperactive. Je lui ai pourri la vie, parce que mon père a refusé de m'admettre dans sa vie.
Pourtant, ma mère m'avait toujours affirmé, et je la savais sincère, que quoi qu'il en soit, elle n'avait jamais regretté de m'avoir. Je m'étais forgée cette culpabilité de toutes pièces, seule comme une grande, à force de la voir travailler comme une esclave pour des kopecks afin de m'assurer une vie décente, du mieux qu'elle le pouvait, et de la voir gémir et maudire mon père par tous les dieux possibles et (in)imaginables. Ce n'était pas parce qu'elle m'aimait que je n'étais pas responsable de ses souffrances. | |
| | | Kieran Cahill
Age : 40 Localisation : Trop loin de chez moi Messages : 515 Date d'inscription : 19/04/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Lun 23 Mai - 18:56 | |
| - "c'est déjà fait."
Si elle, elle plaisantait, moi pas du tout. J'étais allé à l'Église, j'avais avoué mes péchés. Étaient-ils absous pour autant? Le prêtre disait que oui. Que les volontés de Dieu n'étaient pas toujours très claires et que je n'avais rien à me reprocher. Que je devais en tirer une leçon et dominer mon impétuosité. Blake m'avoua ne pas croire en Dieu parce qu'elle ne s'était jamais posée la question en fait... J'eus un petit sourire en coin.
- "A quoi bon, en effet..."
Je n'avais pas de réponses. Mais Blake avait raison dans un sens, je ne pouvais le nier. Je ne brûlerais pas en enfer pour avoir causé un accident. Pas en ayant péché par ignorance, sans intention de nuire. Et je m'en repentais tous les jours que Dieu faisait. Mais voilà qu'on ne parlait plus de moi, mais de Blake. Ce que je préférais en fait. Surtout qu'elle avait l'air d'avoir ses propres failles. Et s'intéresser aux problèmes des autres permettait de ne pas s'attarder sur les siens.
- "C'est noté. Je serais impitoyable si tu déconnes."
Elle n'avait pas tort, les amis servaient aussi à vous remettre les idées en place, même si cela vous faisait du mal. Il fallait parfois secouer un pote pour qu'il reparte de plus belle. Prendre parti pour son ami sans aucun discernement, ce n'était pas la meilleure solution. Mon éclat s'était évaporé et il douce complicité s'installait entre nous, doucement. Néanmoins, je la sentis se crisper quand je lui fis remarquer qu'elle disait que son père l'avait abandonnée elle. Pas sa mère, pas les deux, mais elle. Cela m'intriguait. Et j'eus la réponse... Il était parti parce que sa mère était enceinte d'elle. Donc il avait quitté sa mère à cause d'elle. CQFD. Je secouais la tête doucement, avant de me mettre à rire. Je risquais de la vexer, mais c'était trop ironique là!
- "Tu t'écoutes parler Blake? Tu te rends compte que tu me dis quoi faire, mais que tu ne te l'appliques pas à toi-même? Que tu t'accuses d'avoir fait fuir ton père alors que tu n'étais même pas née, même pas consciente? En quoi ta situation est-elle différente de la mienne? J'ai tué mes parents par accident et ma sœur ne peut plus écrire alors que c'était sa passion... J'ai ruiné ses rêves et ses espoirs. Tu as ruiné ceux de ta mère. Soit nous sommes tous les deux coupables, soit innocents."
Je souris doucement. je en voulais pas qu'elle culpabilise, comme elle voulait que je me pardonne, mais nous avions tous les deux le même problème finalement. | |
| | | Blake Earl
Age : 32 Messages : 502 Date d'inscription : 07/02/2011
| Sujet: Re: Hello Goodbye [Blake] Jeu 9 Juin - 1:45 | |
| OK, je n'y connaissais rien en religion, mais j'étais intimement persuadée qu'il ne pourrait pas aller en enfer pour ça. Il regrettait sincèrement, et c'était totalement involontaire. Si ce Dieu était si bon, ne pouvait-il pas admettre les faiblesses de l'homme ? Nous avions été faits à son image, d'accord, mais si nous étions tous aussi parfaits que lui, alors quel intérêt d'avoir un Dieu ? J'étais convaincue qu'il dramatisait. Mais le chemin qu'il suivait pour éprouver cette culpabilité était logique, terriblement logique, et je comprenais aussi qu'on ne puisse pas s'en détourner aussi facilement. Ce devait être tellement horrible d'être persuadé qu'on était l'assassin de ses parents... Je n'aurais jamais pu le supporter. En apparence, je donnais l'illusion de tout pouvoir porter, mais ce n'était pas vrai. J'étais beaucoup plus fragile que je ne voulais bien le laisser croire.
Un petit rire m'échappa lorsqu'il m'affirma qu'il ne prendrait pas fait et cause pour moi si je faisais une connerie. Avec un sourire en coin, je dis :
- Parfait, comme ça tu pourras affronter Alice. Je te souhaite bien du courage. Et moi, je serai au milieu, incapable de me décider parce que ce serait plus confortable d'être avec Alice, même si je saurai que c'est toi qui as raison.
Ben voyons, ça promettait, tiens !
Et puis le sujet de conversation changea, brisant la légèreté qui avait bien voulu s'inviter dans la conversation. Après sa culpabilité, voilà que nous parlions de la mienne, ce qui ne me plaisait absolument pas. Je n'en avais jamais parlé à personne, pourquoi devait-on s'appesantir là-dessus aujourd'hui ? Je sentais que Kieran allait me mettre les points sur les i beaucoup trop souvent à mon goût. Je fus soufflée par la démonstration sans faille qu'il me sortit tout de go. Je restai bouche ouverte, totalement déconcertée.
Et puis j'éclatai de rire.
- D'accord. Tu as raison. Je n'aime pas ça mais tu as raison, et comme je n'ai pas envie que tu sois un meurtrier par ma faute, je décrète que nous sommes innocents.
Un soupir mélancolique et quelque peu désabusé passa mes lèvres.
- Facile à dire mais pas si facile à admettre, hein ? Enfin, il faudra sans doute qu'on y réfléchisse, tous les deux...
Je me relevai en époussetant mes vêtement. Juste avant de partir, je me retournai et ajoutai, un sourire éclatant sur les lèvres :
- Ça m'a fait plaisir de parler plus avec toi, Kieran. J'espère qu'on remettra ça. | |
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