C'est toujours un plaisir [Azraëlle-Aaron]

Je jetai un regard interloqué à Aaron alors qu'il parlait de saignées autour du feu... Misère... Azraëlle les prenait vraiment au berceau. Je me demandais s'il se permettait ce genre d'humour foireux avec elle. J'en doutais. Azraëlle ne devait pas goûter ce genre de délire, comme il le disait si bien. Cela signifiait-il qu'il était plus à l'aise en ma présence qu'en celle du Séraphin? Pas de quoi s'en glorifier, Azraëlle était assez impressionnante et il était difficile de ne pas se sentir écraser par sa présence, par son aura. Quand j'étais humain, elle m'avait fasciné. Pas impressionné, non, je ne me souvenais pas que quiconque ai réussi ce tour de force, mais elle m'avait attiré, intrigué. J'imaginais sans peine qu'un gosse comme Aaron soit entièrement dévoué à cette femme. Et c'était bien dommage. Enfin, si elle voulait absolument qu'on baise le sol qu'elle foulait, il valait mieux prendre des jeunes gens naïfs, c'était plus payant.

Je m'approchai de lui, avant de lui demander de me faire entièrement confiance et de m'obéir au doigt et à l'œil. Je voulais qu'il comprenne les enjeux de ce qu'Azraëlle m'avait demandé. Ce n'était pas pour lui faire plaisir et je serais un maître intransigeant s'il ne se tenait pas à carreaux. J'étais sans doute plus accessible qu'Azraëlle, mais pas moins dangereux. Nous pouvions discuté, échangé, voire même plaisanté, mais il y avait des limites à ne pas dépasser. Un respect naturel qu'il se devait d'observer.

- Quoiqu'il arrive?

Un sourire, qu'on pouvait qualifier de sournois, ourla mes lèvres. Attention à ne pas faire de promesses inconsidérées Aaron... Voilà bien une leçon qu'Azraëlle ne tardera pas à t'apprendre. Jouer avec les mots. Donner à ton interlocuteur ce qu'il veut ou du moins ce qu'il veut comprendre et ainsi ne jamais t'engager en rien.

- Et si je te demande d'agir contre Azraëlle? De désobéir à l'un de ses ordres? Comment feras-tu? Qui écouteras-tu?

Je me reculai légèrement, avant de soupirer :

- Ne fais jamais de promesses aussi catégoriques Aaron. Pas quand tu ne peux pas être certain de les tenir. Et tant que tu seras sous sa coupe, crois-moi, tu ne pourras en tenir aucune, sauf celles que tu lui feras. Enfin, si tu comptes rester en vie, bien sûr.

Il répéta mes derniers mots et je compris de suite pourquoi il le fit. Il avait tiquer sur cette fidélité qui ne survivrait pas si jamais je venais à choisir entre lui et Azraëlle.Levant les yeux au ciel, je ne pus qu'écouter sagement ce qu'il me dit. Agir contre Azra, lui désobéir et aller contre elle ? Non. Il recula avant de reprendre. M'informant de ne jamais faire de promesses, pas quand je n'étais pas certain de pouvoir les tenir. Ajoutant que tant que je serais sous sa coupe, je ne pourrais en tenir aucune sauf celle que je lui faisais à elle. Du moins, c'était ce que je devrais faire si je voulais rester en vie.

Baissant alors les yeux un instant je soupirais malgré moi. J'avais l'impression d'être si perdu que j'en perdais mes réflexions, mes pensées. Devenant un peu moins réfléchit qu'au derniers jours de ma vie. Chose totalement suicidaire au vu du fait que c'était maintenant que je devais le faire.

— Quoi qu'il arrive tant que cela ne s'oppose pas aux volontés d'Azraëlle.

Croisant son regard, je me pinçais brutalement les lèvres.

— Désolé de paraître si ... Décaler, mais je n'ai plus le moindre repère et j'ai l'impression que je n'arriverais jamais à comprendre le monde tel qu'il se présente aujourd'hui...

Ma tête se détourna alors vers la salle, regardant ce qui se trouvait autour de moi.

— C'est chaud de rester calme face à tout ça...

J'observais Aaron. Il était perdu et Azraëlle semblait l'avoir jeté violemment dans ce monde sans aucun égard pour ce qu'il ressentait. Quelque par,t j'éprouvais de la compassion pour ce jeune garçon qui avait été longtemps un mort en sursis et qui se retrouvait maintenant immortel, nanti d'une force qu'il n'aurait jamais osé imaginer et qui devait obéir à de nouvelles règles qu'on ne lui avait même pas expliqué. Je reposais tout, ignorant l'entraînement pour aujourd'hui. Azraëlle n'en saurait rien et de toutes façons, je menais mon entraînement comme je l'entendais, pas comme elle, elle le décidait. Aaron ne serait pas efficace tant qu'il ne saurait pas ce qu'il était et qu'il n'aurait pas trouvé ses repères. Et Azraëlle n'était pas la personne idéale pour se confier. J'étais passé par là, bien que j'ai été bien moins jeune qu'Aaron, dans tous les sens du terme.

- Depuis combien de temps es-tu un ange Aaron?

Pas très longtemps, ça c'était une certitude, mais je n'étais pas capable de chiffrer cela. Des heures? Des jours? Des semaines? Il était trop perdu pour que cela soit si long. Lentement, j'allai m'asseoir sur un petit banc qui était là à disposition et invitai Aaron à faire de même.

- C'est un profond bouleversement et les évènements s'enchainent un peu trop vite, non?

Je laissais à Aaron la possibilité de s'exprimer sur ce qu'il ressentait. Tisser un lien pouvait s'avérer utile pour la suite de notre relation. Il devait trouver la paix intérieure. Pour être capable de contrôler toutes ses émotions, il devait tendre vers la sérénité. Et là, il était davantage plongé dans le chaos que serein.

Je ne savais plus vraiment quoi faire, ni penser. Il était si différent d'Azraëlle que cela me déstabilise bien plus encore. Surtout qu'il ne semblait pas si à la recherche de perfection que ma créatrice. Du moins, pas de la même. Il me demanda depuis combien de temps j'étais un ange. Levant alors les yeux, je répondis.

— Moins de 24h il me semble...

Il s'assit alors sur un petit banc avant de m'inviter à faire de même. Ce que je fis sagement. L’écoutant reprendre et me dire que c'était un profond bouleversement et que les évènements devaient s'enchainer un peu trop vite. Cherchait-il à ce que je me confie à lui ? Surement, du moins, c'est ce que je crus comprendre.

— Un peu trop … Pourtant elle m'avait prévenu bien avant, mais … Je n'arrive pas à apprivoiser le fait d'être en vie et d'avoir une vie … La mort est bien plus rassurante dans un sens ...

Baissant les yeux je me mis à malmener mes doigts nerveusement.

— J'ai l'impression qu'hier j'étais encore à l’hôpital à regarder les murs dans l'attente de la mort... et aujourd'hui je suis devant vous entrain de parler d'une chose que je ne rencontrerais pas à moins de défier plus fort que moi et ce dans le but de s'avoir manier les armes afin de correspondre à l'idée que se fait un ange millénaire de ma personne... Oui, ça va un peu trop vite, mais on fera avec...

- 24 heures...

Je répétai ces deux mots, légèrement ébahi de voir avec quelle facilité Azraëlle le jetait dans la dure réalité, sans lui laisser le temps de se retourner. Il venait à peine de renaître et il devait déjà apprendre à se battre et à discipliner son esprit pour plaire à sa maîtresse. Avec un parfait inconnu de surcroît. Je me résolus donc à repousser les premières séances de torture, afin de lui permettre de s'épancher un peu, chose complètement impossible avec le séraphin. Je ne concevais pas que l'on puisse lui faire confiance. Pas avec son aura, pas avec sa façon de se comporter, d'être tout simplement. Azraëlle inspirait le respect, la haine, la fascination, mais surement pas la confiance ou l'amour.

- Avoir une vie... Oui, si on prend en compte le fait que tu devras quitter Londres d'ici quelques années parce que tu ne vieilliras pas et que cela soulèvera des questions... Que tu vas devoir mentir à tous ceux que tu connaissais et disparaître. L'immortalité a un prix, parfois difficile à payer.

Je baissai le regard sur ses doigts qui se tordaient nerveusement alors qu'il me livrait ce qu'il avait sur le cœur. J'aurais tellement aimé qu'il demeure naïf... Je graverais surement cette conversation dans mon esprit, cet Aaron là, encore pur. Il ne le resterait pas.

- Ce n'est pas une histoire de défi Aaron. Azraëlle est très puissante. Détestée, jalousée, qu'importe, elle a des ennemis. Et tu es une proie facile. Beaucoup trop. Je doute qu'on puisse l'atteindre à travers toi, il faudrait encore qu'elle soit attachée à autre chose que sa personne pour cela, mais sa fierté, elle, serait malmenée. Et si Azraëlle a bien une faiblesse, c'est cette fierté.

Je soupirai, reprenant :

- Les démons chercheront à t'éliminer. Nous sommes ennemis, dans des camps adverses. C'est ainsi. Et certains anges ou même des séraphins pourraient te chercher des noises également. Méfie-toi de tout le monde. Et ce sera d'autant plus vrai quand tu seras à la Lux. Azraëlle t'a-t-elle expliqué un peu ton futur parcours?

Avoir une vie était un désir hypothétique, je le savais bien, mais c'était le fait d'avoir un futur qui changé d'avant. Il m'informa de quelque chose dont j'avais déjà pris conscience, mon éternité me pousserait à quitter les lieux, à changer d'identité, de quitter ma famille. L'immortalité avait un prix, souvent bien difficile à payer. Commençant alors à malmener mes doigts, je finis me livrer à lui. J'avais besoin de le faire et il semblait plus apte à le faire que celle qui m'avait crée. Plus proche aussi, plus sain dans un sens.

Il me dit alors qu'Azraêlle avait des ennemie et ce n'importe ou, elle était puissante et moi, j'étais une proie facile. Il doutait que l'on puisse l'atteindre à travers moi, mais mon échec serait un aveux de faiblesse et cette faiblesse blesserait la fierté d'Azraëlle. Devoir être parfait et ce durant tout mon existence... Quel avenir. Il ajouta que si Azra avait des ennemies parmi les notre, elle en avait bien plus dans le camps adverse. J'allais devoir me méfier de tout le monde et bien plus quand je serais à la Lux... La Lux... Là ou j'allais apprendre à ne plus être moi, à changer, à muter en quelqu'un d'autre. Il me demanda alors si ma créatrice m'avait expliqué mon futur parcours. Levant alors les yeux, je répondais un peu hésitant.

— Rejoindre la Lux afin d'apprendre ce que j'ai à apprendre... Et elle m'a laissé la possibilité de finir mes études actuels afin de ne pas éveillé trop de soupçons...

Soupirant alors je levais les yeux vers le plafond.

— Et accessoirement me faire torturer par un samouraï afin d'apprendre le métier...

Souriant à ma connerie, je secouais la tête avant de redescendre vers lui. J'avais des doute quand à la réussite de sa mission.

— Vous pensez réellement qu'il sera possible de faire quelque chose de moi ? J'ai deux bras gauches.

J'avais réellement des doutes sur sa réussite. Il pouvait être un très bon professeur, je n'en restais pas moins une bille en sport.

- Quelle générosité.

Difficile pour Aaron de savoir si j'étais ironique ou pas, étant donné que j'avais parlé d'un ton monocorde, dépourvu de la moindre émotion. Cela dit, j'étais effectivement ironique alors qu'il m'avouait qu'elle lui laissait terminer ses études humaines et qu'en parallèle il allait suivre l'enseignement de la Lux. Et bien, il allait être occupé... Entre les cours purement théoriques de la fac et les cours de manipulation, de mensonge, de trahison... Bienvenue chez les anges.

- Si tu veux un conseil, apprends vite, ai tes 100 bénis pour devenir Séraphin et ne pas trop trainer dans cette école qui te fera un lavage de cerveau pour faire de toi le parfait petit ange.

Un conseil que je ne m'étais pas appliqué, mais 150 ans dans cette école ne pouvaient pas modifier ma façon de penser ni ma façon d'appréhender le bien et le mal. J'avais été à rude école. Pas Aaron. J'eus un sourire en coin quand il reprit que son enseignement revenait aussi à se faire torturer par moi.

- Avec moi, tu n'apprendras qu'à manier les armes et à te contrôler en toutes circonstances.

Il me demanda alors s'il y avait moyen de faire quelque chose d'un empoté comme lui. Je le jaugeai un instant, avant de hocher la tête.

- Je ne te laisserais guère le choix. Je ne suis ni cruel, ni injuste, mais je suis sévère et impitoyable.

Pas de quoi le rassurer, mais je nuançais d'un demi sourire :

- Tu es un ange, Aaron. Tes capacités ne sont plus les mêmes. Il faut juste que tu apprennes à t'en servir et leurs limites et c'est à cela que nous nous attellerons en premier. Oublie ton corps mortel, faible, malade, maladroit...

Il me donna alors un conseil. Celui de bénir rapidement afin d'avoir mes 100 bénis et de devenir Séraphin. Et ce, afin de ne pas trop traîner à dans cette école et ainsi limiter les lavages de cerveau qui aurait pour but de faire de moi un parfait petit ange. Bienvenue chez les fou Aaron... J'avais l'impression qu'il se doutait que je ne pourrais pas rester fidèle à moi-même. Et donc, que je deviendrais rapidement quelqu'un ou quelque chose qui ne me ressemblait pas.

Ill sourit alors lorsque je reparlais de l'enseignement qu'il me ferait. Il me dit donc qu'avec lui, j'allais apprendre à manier les armes et à se contrôler en toutes circonstances. Autant dire que j'allais en chier étant donné que j'étais d'un naturel impulsif.

Je lui demandais alors s'il pouvait faire quelque chose de moi et mes deux pieds gauches. Il me regarda alors avant de hocher la tête. Il me dit qu'il ne me laisserait pas le choix. Ajoutant qu'il n'était ni cruel, ni injuste. Juste sévère et impitoyable... Super, je me sens rassuré d'un coup. Il nuança alors en ajoutant que j'étais un ange. Mes capacités n'étaient plus les mêmes. Je devais juste apprendre à m'en servir et à trouver nos limites.

C'était donc à cela que nous travaillerons en premier. Je devais oublier mon corps mortel, faible, malade et maladroit. Je devais prendre conscience que j'étais différent, que je n'étais plus un jeune faible.

— J'y arriverais avec un prof comme vous.

Souriant alors, je repris.

— Enfin quelqu'un qui sait de quoi il parle ! La classe !

- Tu n'as pas le choix.

J'avais répliqué avec un petit sourire. Bien sûr qu'il y arriverait avec moi, il n' avait pas le choix. Etais-je un bon professeur? Aucune idée, mais jamais je n'avais reçu de critiques. j'étais quelqu'un de sévère oui, mais d'assez ouvert et compréhensif également. Je ne suscitais pas la crainte de mes élèves, mais leur respect. Ils m'appréciaient, me faisaient confiance. C'était la différence entre Azraëlle et moi. Je n'avais pas d'affection pour elle, juste un peu de respect et de la loyauté, ce qui expliquait que j'étais là, aujourd'hui, à m'occuper de son poulain. Sa dernière lubie. Pas très impressionnante pour le moment, mais je saurais en tirer quelque chose.

J'eus un nouveau sourire quand il reprit en disant qu'il avait enfin à faire à quelqu'un qui s'y connaissait; qui savait de quoi il parlait. Je ne savais pas si c'était la classe, mais dans deux heures, il serait moins pimpant.

- Dans trois mois, tu seras capable de contrer quelques unes de mes attaques. En attendant...

Mon sourire disparut. Trêve de bavardages, au boulot maintenant. Ce n'était pas en discutant qu'il saurait éviter mon épée. Et sauver son cœur.

- Tu vas découvrir tes limites.

Et l'entraînement commença. Endurance, vitesse, dextérité... Je le poussai à bout de ses forces, le poussant à se dépasser, à découvrir qu'un ange avait des possibilités qu'il n'avait même pas envisagé et que nous allions affiner ensemble. Étais-je toujours aussi sympa alors qu'il était mort de fatigue et que chaque muscle n'était que douleur? Aucune idée, mais ce n'était que le début et je le quittai avec cette promesse là.