C'est toujours un plaisir [Azraëlle-Aaron]

Convoqué.

J'étais convoqué, comme un vulgaire laquais, après des décennies de silence. Et cela me convenait très bien, qu'elle disparaisse de ma vie. Elle avait fait suffisamment de dégâts en me poussant à la faute, en me poussant à trahir mes serments, à renier tout ce que j'avais toujours été. Elle m'avait bénie, elle m'avait détourné du droit chemin. J'avais connu quelques minutes de pur bonheur et je le payais depuis. Et j'avais entrainé Amaya dans ma chute, lui infligeant ma mort, lui infligeant son propre déshonneur.

Yue Hue m'apportait la paix à laquelle j'aspirais depuis ma mort. j'avais toujours été persuadé que je la retrouverais, mais je n'avais jamais su combien de temps cela me prendrait. J'avais reconnu son âme et inconsciemment, elle avait fait de même. Doucement, elle apprenait à me connaître et je me dévoilais lentement, sans pour autant lui dire toute la vérité. Comment pourrait-elle seulement l'accepter? J'étais un ange et je l'avais attendue. Au delà de la réincarnation, il y avait cette histoire d'anges et de démons et Yue Hue était trop pragmatique pour croire en cela si facilement. Que j'entre dans sa vie était déjà un bouleversement, je souhaitais prendre mon temps.

Et alors que tout semblait prendre un tournant favorable, j'avais reçu ce coup de téléphone... Une voix que je n'avais pas entendu depuis des années. Et que je ne voulais plus jamais entendre. Comme toujours, cette chère Azraëlle exigeait. Sous ses dehors polies, je sentais l'ordre, ce que je refusai. Je n'étais pas dépendant d'elle, je ne l'avais jamais été. Néanmoins, je devais admettre que ma chère créatrice savait faire preuve de persuasion. Quand elle me parla de Yue Hue et me livra des informations la concernant, je discernai très nettement la menace sous ses paroles doucereuses.

Évidemment, dans ces conditions...

Je me présentai donc jusqu'au manoir d'Azraëlle. Riche manoir au demeurant. Avec plus de 2000 ans d'existence, elle avait du accumuler une certaine fortune, sans compter son contrôle sur toutes sortes de trafics. Je savais qu'elle avait toujours aimer avoir un réseau tentaculaire dans les bas fonds. Elle était mortellement dangereuse. Je montai les marches du perron, sonnant à la porte. Un homme m'ouvrit. Naturellement... Elle avait des domestiques. Il m’accueillit, me disant que sa maîtresse l'attendait et je le suivis en jetant rapidement un coup d’œil à la décoration. Riche, certes, mais de goût. Je n'en attendais pas moins d'elle.

Je fus conduis jusqu'au salon où je découvris Azraëlle, toute vêtue de blanc, en tailleur chic très moderne. Par comparaison, je ne portais qu'un jean, un polo noir et des baskets. Amusant contraste. Je remarquai aussitôt un jeune homme, brun, très jeune... Dans tous les sens du terme. Je m'inclinai poliment pour les saluer.

- Azraëlle, cela faisait longtemps. C'est toujours un plaisir de te voir.

Ce n'était pas comme si je n'avais pas réellement le choix mais bien malin serait celui qui saurait provoquer une étincelle de colère en moi. Même elle.

Mes yeux s'ouvraient alors que je n'avais pas encore conscience du monde qui m'entourait. Des réflexes, que je perdrais bien rapidement, m'habitaient encore. Comme chercher désespérément mes médicaments avant de me rendre compte qu'ils ne seraient plus d'une grande utilités. Comme passer quelques minutes devant un miroir pour voir du sang perler de mon nez, mais rien. J'étais étrangement perturbé par cette nouvelle perfection, vivre dans l'ombre de la mort était handicapant lorsque la vie vous revenez…. Alors ce matin là je mis quelques minutes à me rappeler que je n'étais plus vraiment le même. Qu'Azraëlle avait fait de moi un être différent.

M'habillant alors, je savais qu'elle voulait me faire rencontrer quelqu'un, mais qui ? Passant un t-shirt gris anthracite et un jean, qui devait couter un bras au passage, je retrouvais Azraëlle en silence, ne sachant quoi dire ou quoi faire. Je m'assis sur un siège à ses côtés comme le plus discipliné des gosses. Attendant encore avant que quelqu'un n'arrive. Un asiat' assez jeune, mais pas gamin. Pas loin de la trentaine en fait … Il parla alors, avant qu'Azraëlle ne s'amuse de sa franchise. Elle me présenta alors, posant une mains sur mon épaule avant de la glisser sur ma nuque et de me présenter Ryu. Ne me laissant pas le temps de faire preuve de bonne éducation, elle enchaina sur le fait qu'il n'était pas là pour entendre des politesses. Reprenant rapidement sur le fait que j'étais jeune et faible.

J'ai pas 2 000 ans moi … Ajoutant qu'elle n'aimait pas la faiblesse, on avait compris. Elle désirait qu'il m'enseigne je ne sais quoi… Enfin si je sais quoi maintenant. Combat … Euh ouais, mais non. Sang froid, légendaire, meilleur …. Elle voulait me tuer ou quoi ? Mes yeux se figèrent sur elle.

— Com ..combat ?

Délire Street Fighter ou pire ? Genre Samourai Deeper Kyo ? Kenshin ? Naruto ? Il était Chinois le mec, quoi que vu le prénoms, j'aurais dit Japonais, il allait me tuer. Les Japonais étaient fou ! Suffit de voir leurs films ou leurs mangas … Attend, il était pas taré au point de me refaire un trip sur Battle Royale ou Gantz ?

Un sourire en coin accueillit la réponse d'Azraëlle concernant ma franchise. Ce n'était pas exactement comme si j'essayais de lui faire croire que j'étais réellement ravi de la revoir. Nous savions tous deux que je n'étais là que parce qu'elle avait les moyens de faire beaucoup de mal si je refusais.

- Tu confonds franchise et politesse.

Je l'observais, tout à fait serein. Pas une étincelle de haine ou de colère en moi. Ces sentiments, je ne les avais ressenti qu'une fois dans toute mon existence. Mais je les avais vite étouffé, préférant prendre les évènements de la vie avec philosophie et ne pas laisser la haine ronger mon cœur. On ne brisait pas des années d'éducation si facilement. Même pour un séraphin de la trempe d'Azraëlle. Parfois, j'aimais me dire que j'avais conservé mes valeurs et que j'avais réussi à la mettre en échec, restant intègre.

Elle se leva, se dirigeant vers le jeune homme qui était présent mais muet et posa une main sur son épaule en me le présentant. Sa main glissa comme une caresse sur son cou. Je me demandais à quel point il était lié à elle... Éperdu de reconnaissance? Fasciné? Un gentil petit chien qu'elle pouvait dresser à sa guise? Elle décida de passer outre ces présentations ennuyeuse et d'entrer dans le vif du sujet. De nouveau, mes lèvres s'incurvèrent. J'avais déjà une petite idée du pourquoi de ma présence en ces lieux, maintenant que j'avais davantage de cartes en mains. Cet angelot était jeune. Ça se voyait encore dans ses attitudes. Petit protégé d'Azraëlle, mais elle n'avait jamais aimé la faiblesse. Et de tous ses bénis, j'étais sans doute le plus puissant au combat, à défaut de l'être en tant qu'ange. Ma lenteur à m'élever en temps que Séraphin s'expliquait par mon soucis de la perfection. Je ne bénissais pas n'importe qui. Et je n'étais pas vraiment pressé de passer à l'étape supérieure de surcroit. Mais ce n'était sans doute pas parce que je n'étais pas digne du... cadeau, qui m'avait été fait.

Comme deviné, Azraëlle me le présenta comme jeune et faible. Intolérable, bien entendu. Elle voulait que je le forme. Ce n'était pas une demande, malgré son ton ouvert et aimable. Encore un ordre. Je jetai un regard au jeune homme, qui cilla en comprenant ce qu'Azraëlle prévoyait pour lui. Ah... Bien entendu, elle ne lui en avait pas parlé. Je me demandai ce qui lui passait par la tête, alors qu'il posait un regard halluciné sur sa maîtresse en bafouillant.

- Tu me demandes de faire d'un chaton un tigre, c'est bien cela?

Je jetai un regard critique au jeune homme.

- Je ne fais pas de miracles, tu sais? Il ne tiendra pas une heure.

Sciemment, je l'ignorai. Non pas qu'il n'était pas important, mais je voulais voir un peu le caractère de ce jeune homme... Évaluer combien ma tâche serait difficile. Tout s'apprenait, mais ce n'était pas pour rien que j'avais été entrepris dans mon plus jeune âge pour discipliner mon corps et mon esprit. Lui apprendre l'impassibilité? Difficile.

- Je suppose que tu compléteras mon éducation des matières dans lesquelles tu excelles...

Ce qui saperait les valeurs inculquées... Loyauté, honneur, courage, don de soi... Tellement incompatible avec le fait d'être un ange. Azraëlle lui apprendrait la manipulation, la tromperie, le mensonge, la perfidie...

Un chaton ? Tournant la tête vers lui je restais un moment interdit, ne faisant que m'enfoncer dans mon état lorsqu'il ajouta qu'il ne faisait pas de miracle. Ok. On reste calme, surtout qu'Azraëlle venait d'abonder dans son sens. Ok, j'allais me faire poutrer comme une merde en moins d'une heure. Mais j'étais jeune à ses yeux, j'aurais coeur à apprendre. En même temps je me voyais mal lui dire non. Et puis … pourquoi dire non. Je n'avais rien à perdre, tout à gagné. Ils continuèrent dans une discussion dont je restais quelque peu distant. J'avais l'impression que cela me dépassait de beaucoup. Comme une sorte de guerre silencieuse, une confrontation qui n'opposait qu'eux.

Pour finir la discussion retourna directement à moi. Je ne le surpasserais sans doute jamais, c'était un fait, surtout s'il était vraiment aussi vieux que je le croyais.

Au final, cette discussion sur mon éducation se concluait sur le fait qu'il se chargerait de mon éducation et que quoi qu'il dise, il ne pouvait pas refuser. Pourquoi j'avais comme l'impression qu'il allait m'en faire baver ? Azra venait de l'obliger à quelque chose qu'il ne voulait pas et j'étais ce quelque chose. Ca aller être sympa. Vraiment.

Pinçant mes lèvres, je finis par regarder autour de moi comme pour chercher quelque chose de moins tendu qu'eux. Finalement mon regard tomba sur Ryu que je me mis à détailler malgré moi. Il était fin, mais … c'était que du muscle. Putain le bâtard avait la carrure d'un Yakuza … J'allais avoir mal … Tournant alors les yeux vers Azra j'étais entrain de me demander combien de personne comme lui elle avait en réserve. Genre puissant, vieux et potentiellement capable de me latter en deux secondes … Enjoy.

Je jetai un nouveau regard au jeune ange, Aaron, quand Azraëlle me répliqua que j'avais sans doute été plus jeune que lui quand j'avais commencé mon éducation. C'était un euphémisme. J'avais été privé des bras de ma mère dans ma plus tendre enfance. Élevé à la dure, dans des conditions plus que spartiates. A l'âge de ce gamin, j'étais déjà un homme. Depuis bien longtemps.

- Je ne doute pas qu'il aura la... motivation nécessaire pour se révéler un excellent élève.

Décevoir Azraëlle n'était bien sûr pas envisageable, à moins qu'Aaron souhaite avoir des engelures. Dans le meilleur des cas. Il fallait admettre qu'avec une telle menace, ça donnait une sacrée envie de se dépasser. J'avais appris pour être digne de ma famille et de mon père, Aaron pour ne pas se faire tuer par une Azraëlle mécontente et déçue. Je ne pus m'empêcher un commentaire concernant l'enseignement qu'elle procurerait au jeune homme et j'eus le droit à un petit rappel me concernant. Je restai calme mais mon regard était insondable. Prends garde Azraëlle, c'est peut être bien ma loyauté qui te sauve toi aussi. Si je n'avais pas ses pouvoirs, j'avais bien d'autres compétences... Impossible de prévoir quand je pouvais attaquer et le temps qu'elle s'en rende compte, son cœur serait déjà au bout de ma lame. En théorie. Je n'avais jamais cherché à le vérifier. J'étais loyal à mon nouveau maître, Dieu et à elle, ma créatrice. Ainsi en était-il, même si je n'aimais pas forcément cela. Elle rajouta que c'était également mon perfectionnisme. Je n'étais pas l'ange qu'elle aurait voulu que je sois. La haine, la colère, l'amertume, n'avaient pas eu de prise sur moi, ainsi n'avais-je pas basculé irrémédiablement du mauvais côté. C'était sans doute cela son échec, son erreur de jugement me concernant.

- J'ai toujours préféré la qualité à la quantité.

Quelque chose dont elle ne me tiendra jamais rigueur. Il ne me manquait qu'une bénédiction pour devenir séraphin. Cela serait pour bientôt. Et je n'en tirais nulle satisfaction.

- Je comprends parfaitement ce que tu désires que je fasse de lui.

Dompter son impétuosité, lui apprendre à rester maître de lui, en toute circonstance. C'étaient la colère, la précipitation, qui conduisaient à l'erreur. Et parfois, celle-ci était mortelle. Elle acheva en confiant qu'il ne me surpasserait sans doute jamais. C'était un fait. Même avec le meilleur enseignement possible, difficile pour lui de pouvoir rivaliser avec un homme qui avait passé sa vie à se battre et apprit moultes techniques de combats.

- Il en sera fait selon ton désir.

Je surpris le regard d'Aaron sur moi, sans doute en train d'évaluer qui Azraëlle lui avait mit dans les pattes.

- Et bien, il semblerait que j'ai carte blanche pour faire de toi un homme digne du cadeau qui lui a été fait.

Apprends, grandis, deviens un homme. Ou meurs.

- Ça risque d'être long... Qu'est-ce qui t'a valu d'attirer son regard?

Trafic de drogue? meurtre? viol? Ou bien un innocent, comme moi, qu'il était amusant de détourner du droit chemin? Autre chose?

Il s'adressa à moi m'informant qu'il semblait avoir carte blanche pour faire de moi un homme digne du présent que l'on m'avait fait… Il me demanda alors ce que j'avais fait pour attirer le regard d'Azraëlle … Bonne question, enfin simple si ce n'était que de ma condamnation qu'il parlait.

— Une maladie et une mort imminente probablement.

Azraëlle se dirigea alors vers un meuble finement réalisé alors que mon regard glissait de nouveau sur lui. Il était vraiment calme, c'était assez impressionnant… Putain j'étais dans la merde si je me laissais impressionner aussi vite par quelqu'un qui allait prendre en charge mon éducation. Enfin éducation … Qui allait me latter façon Samurai Champloo. Elle sortit alors des clés en affirmant que mon équipement, le sien et autres se balançaient aux bout de ses doigts … Bon elle avait donc prévu son cou depuis un moment ou elle était réellement plus forte qu'elle le semblait.

Elle ajouta alors que le présent pour le remercier de son aide était dedans aussi … Ok, il y a vraiment un truc qui m'échappe entre eux et je n'allais pas m'amuser à chercher quoi. De une je suis même pas sur de trouver et de deux, j'avais de grande chance de me faire poutrer en beauté si jamais je fouinais dans des histoires qui ne me regardaient pas.

Me levant alors, je ne comptais pas me faire tirer par le peau du cou. Je n'avais aucune idée de ce qui allait ce passer et encore une fois, je préférais rester silencieux. Pas la peine de connerie, surtout face à quelqu'un qui allait sans aucun doute me faire passer l'envie d'être faible et une merde. Car entre nous … j'étais une merde en sport. Pas d'endurance pour la simple et bonne raison qu'avec une leucémie les profs vous font rarement faire un 1 500 mètre. Ok, je courrais pour le fun, mais c'était souvent pour sortir, de même pour les adbos… Je ne voulais pas ressembler à un zombie, du moins plus que je ne l'étais. Et puis niveau coordination … Je jouais à la guitare, mais voilà … Ca n'allait pas me sauver si l'autre bouffeur de sushi me latter à coup de je ne sais quoi.

J'allais vraiment m'amuser … Merci Azra .

Azraëlle me répondit qu'il était à moi et je daignais enfin m'adresser directement à lui. Les formalité avec le séraphin étaient réglées, je pouvais enfin me préoccuper un peu de mon élève. Qui ne semblait pas totalement à l'aise avec l'idée de suivre un entraînement martial. Je me demandais à quoi il s'attendait. J'y avais survécu en étant humain, cela ne lui poserait pas de soucis en étant ange et en ne risquant pas de mourir d'un mauvais coup, sauf si je frappais le cœur, bien entendu. Cela dit, j'allais surement me montrer plus dur encore. Pour son propre bien, même s'il ne le comprendrait peut-être pas.

Je lui demandais alors ce qu'il avait fait pour se retrouver béni. Sa réponse me surprit, bien que je n'en montra absolument rien. Allons donc, un condamné à mort par une sale maladie. Si je ne connaissais pas si bien Azraëlle, ça aurait presque pu passer pour une manifestation de charité. C'était juste de l'opportunisme. Évidemment, entre mourir dans la déchéance et vivre dans la gloire, le choix était vite fait. Je doutais cependant qu'elle lui ai livré tout ce qu'il avait à savoir. De quel bois était fait Aaron s'il n'était pas un malfrat? Juste un gosse avec une vie difficile, avec la terrible certitude qu'il allait mourir et ce soudain espoir de vivre...

- Mais pas seulement.

Je connaissais suffisamment Azraëlle pour savoir qu'elle avait décelé quelque chose chez lui. Elle ne faisait rien au hasard et elle ne s'amusait pas à récupérer tous les mourants. Aaron avait un potentiel pour faire un bon ange. Si elle ne se trompait pas. L'erreur était humaine, mais aussi angélique, n'en déplaise à Azraëlle.

Mon regard suivit la silhouette féminine du Séraphin alors qu'elle se dirigeait jusqu'à un meuble, en tirant des clés, qu'elle me présenta. Un lieu, un équipement... Malgré mon air indifférent, je ne pouvais nier ressentir une pointe d'exaltation à l'idée d'enseigner ce que je savais. Cette époque me manquait. J'étais né pour cela, la guerre coulait dans mes veines. La guerre raffinée, organisée, méthodique, noble. Je n'avais plus aucun adversaire à ma mesure. C'était un défi intéressant.

Je m'emparai des clés, avant de relever le regard alors qu'elle me proposait un présent en échange de mon aide.

- Tu sais comment tu peux me remercier.

Laisse Yue Hue en dehors de cela. Qu'elle sorte de ton esprit.

- Allons donc voir ce que tu as préparé.

J'étais curieux quelque part... Azraëlle avait soigneusement tout prévu. C'était impressionnant. Nous la suivîmes donc jusqu'au gymnase qui se trouvait environ à une centaine de mètres de la demeure principale, perdu dans la végétation. Sacré terrain... Nous pénétrâmes à l'intérieur et je me figeai en avisant la quantité impressionnante d'armes qu'elle avait acquis. Je dédaignais totalement la tenue d'entraînement, me dirigeant simplement vers des nunchakus. Il y avait de tout... Sabres, lances, arcs, saï, tantô.

- Eh bien Azraëlle, je suis impressionné par ta petite collection.

Je m'emparai d'un katana. Il n'était pas en métal. C'était une arme d'entrainement. Je le reposai, prenant son homologue en acier. J'évaluai le poids de la lame, son équilibre. Pas mal. Cela ne valait pas la mienne, j'y étais trop habitué, mais c'était satisfaisant. Je me tournai vers Aaron :

- Je suppose que tu n'as jamais tenu une arme de ta vie et que tout ce que tu connais du combat, tu l'as vu dans les films?

Je suivais Azraëlle et Ryu, les observant comme pour m'imprégner de leurs gestes. Nous finîmes par arriver dans une sorte de grand gymnase. Qui aurait cru qu'il pourrait y avoir un telle complexe si près d'ici ? Mais si l'extérieur était surprenant, l'intérieur n'était pas en reste. C'était … Immense ? Surtout plein à craquer d'arme plus sophistiqué les unes que les autres. J'en avais froid dans le dos rien qu'à les voir. Autant de façon de combattre te de tuer, il y avait de quoi fasciner en fait. Terrifiante adoration que de vouer une allégeance à de telles reliques. Ryu dit alors qu'il était impressionné alors que moi … J'étais complètement soufflé par ce qui se dessinait sous mes yeux.

Il prit alors un katana dans les mains et le fit naviguer entre ces doigts. Je ne savais pas vraiment ce qu'il fichait et dans le fond … Je m'en foutais un peu. C'était son aisance face à cela qui m'intrigué vraiment. Une fascination pour sa facilité à jouer avec la mort. Il se tourna alors vers moi avant de supposer que je n'avais jamais tenu une arme. Ajoutant ensuite que je ce que je connaissais des combats se limitait à ce que j'avais vu dans les films.

— À peu près … Films, jeux vidéo, bande dessiné…

Alors si, j'avais déjà tenu un bout de bout pour jouer à je ne sais quoi avec des amis de primaires, mais c'est tout et ce n'est pas avec un bout de bois que j'allais le latter… En fait, je ne me faisais pas d'illusion … Je ne le latterais surement jamais. Il avait cette aisance que je n'avais pas, cette assurance.

Il était d'une autre époque, laquelle ? Je ne saurais dire, mais il y avait un fossé entre nous. Non un gouffre.

- Je vois.

Nous allions vraiment avoir du travail. Je jouais un peu avec le katana, le maniant avec dextérité. Il m'arrivait souvent de regretter de ne plus avoir d'adversaire à ma mesure. J'adorais me battre. Sans doute pouvait-on trouver cela dérangeant ou malsain, mais c'était avant tout un art. Une grande maîtrise de son corps et de chaque geste. Une danse mortelle. Je le reposai alors, observant les autres armes. Il y avait également des armes à feu. Je n'avais jamais été très adepte de ce genre d'armes, que je trouvais moins nobles, mais je savais m'en servir et visais plutôt bien.

- C'est dommage, tout se perd.

Je regrettais mon époque pour certains aspects. Celui-là en particulier. Je n'étais pas un tueur sanguinaire, je me battais avec intelligence et je préférais la diplomatie et la sagesse à la violence pure, mais parfois, il n'y avait pas le choix et alors... là, je laissais parler les armes. Ne résistant pas à l'envie de voir la tête du gamin, je pris les nunchakus et les testais, avec une précision mortelle. C'était une arme terriblement dangereuse qui pouvait assommer un ennemi en un coup bien placé. Je fis une petite démonstration, digne de Bruce Lee. Je pouvais être d'un autre temps et néanmoins avoir quelques notions modernes. Je m'immobilisai finalement, avant de demander à Aaron :

- Alors dis-moi, par quoi veux-tu commencer? Corps à corps? Armes blanches? Sachant que je vais t'apprendre à te servir de beaucoup d'armes et plusieurs styles de combats. Que tu vas discipliner ton corps et ton esprit.

Je me saisis alors du tantô et soudain, je fondis sur Aaron, le prenant totalement au dépourvu. Je le renversai, avant que la lame ne vienne se poser sur sa gorge, faisant perler une goutte de sang.

- Tu sais qu'une guerre fait rage entre anges et démons. Que les jeunes anges ne font pas souvent long feu sans savoir un minimum se défendre. Azraëlle, et la Lux en général, t'apprendra la ruse, elle t'apprendra à endormir la méfiance de tes ennemis, à les manipuler et ils deviendront des pantins entre tes mains. Moi, je vais t'apprendre à venir à bout de n'importe qui.

Je souris, retirant la lame de sa gorge et me reculant doucement, lui tendant la main pour l'aider à se relever.

- Une combinaison dangereuse que voilà... Si tu suis bien nos enseignements, si tu es doué...

Je lançai un regard à Azraëlle. Il serait un ange extrêmement puissant et craint.

- Pourquoi ce traitement particulier pour lui? Tu as béni bien des humains depuis moi et jamais tu ne m'as demandé ce service. Qu'a-t-il de spécial pour lui offrir ce traitement de faveur?

Par quoi commencer ? On m'avait rarement demandé de dire si je préférais me faire latter au corps à corps ou par une arme. Discipliner mon corps et mon âme … Ok, je n'avais vraiment pas l'habitude de ce genre de question. Sauf qu'il ne me laissa pas vraiment le temps de répondre. En effet il était déjà devant moi, me faisant tomber, dos contre le sol. Une lame pénétrant ma gorge pour m'arracher quelques gouttes de sang. Pourtant je me surpris à ne pas tiquer face à la douleur … La leucémie m'avait fait pire et ce n'était qu'un trait de sang … Une maladie pouvait-elle changer à ce point la sensibilité de quelqu'un ? C'était assez surprenant.

Il me dit alors que la guerre entre les anges et les démons faisait rage. Et surtout, que nous faisions rarement long feux. Azraëlle et l'école m'apprendront la ruse, mais le reste … c'était lui. Venir à bout de n'importe qui, savoir jouer de mon corps. Retirant enfin sa lame de mon cou, il recula avant de me tendre la mains pour m'aider à me relever. Ajoutant donc que c'était une combinaison dangereuse, mais que si je suivais ses enseignements, si j'étais doué … Je vivrais et irais loin. Du moins, c'était cette affirmation silencieuse.

Il regarda alors Azraëlle tandis que je passais une main sur mon cou. Elle lui demandait pourquoi j'avais le droit à un traitement spéciale. Je venais donc de découvrir qu'elle ne lui avait jamais demandé d'entrainer un de ses précédents béni. Du moins pas avec lui. Elle répondit donc que le potentiel était la, mais qu'il devait être travaillé. Lui demandant alors si il ne croyait pas que j'allais devenir particulièrement puissant. Cette discussion me dépassé de nouveau. J'avais réellement l'impression d'être hors de leurs histoire. Ok, il semblait que cette idée d'enseigner l'amusé, mais bon, pour ça faudrait la fermer.

— Euh … Je suis là pour info …

Je m'étais légèrement écarté d'eux, les mains faisant des petits signes pour signaler ma présence.

— C'est pas comme si j'étais une brêle qui n'a jamais vraiment fait de sport de sa vie et qui a une endurance égale à celle d'une poussin. Ca me dérange pas de vous écouter vous lancer des fleures, mais je pense qu'il y a vraiment du taff et que Ryu n'a pas que ça à foutre.

- Si on gomme ses faiblesses, oui, il y a du potentiel.

Voulais-je participer à cela? Non pas forcément. Je n'étais pas très heureux de ma condition. Être un ange n'était pas ce que j'avais souhaité, surtout quand on savait que but nous servions. Rien de noble là dedans, malheureusement. Azraëlle continua en me disant que cela me plaisait d'enseigner. Je lui jetai un coup d'œil. Elle me connaissait trop bien.

- Que veux-tu, je suis né pour vivre dans la fureur des batailles. L'époque ne s'y prête malheureusement plus. Et je n'ai pas encore trouvé d'adversaire à ma mesure... Je regrette l'époque où je n'avais pas encore surpassé mon maître.

J'avais aidé Aaron à se relever et c'est là qu'il décida de se manifester, faisant quelques pas en arrière et s'agitant comme un poulet décapité pour se faire remarquer. Ses paroles me firent sourire et je jouais avec mon tantô, le faisant aller entre mes doigts.

- Aussi endurant qu'un poussin... Au moins, tu es lucide, c'est une qualité.

Je lançai le poignard en l'air, le rattrapant par le bout de la lame, l'air nonchalant.

- Ne t'en fais pas, d'ici quelques temps, tu seras endurant et plus fort, ça je te le garantis.

Je coulai un regard vers Azraëlle.

- En revanche, il faudra revoir son éducation, il a un parler fort peu distingué.

Malicieux, je regardai Aaron.

- J'ai en effet autre chose à faire, mais on ne dit pas non à Azraëlle, vois-tu. Qu'on soit ange depuis un mois ou depuis un siècle. Elle sait toujours trouver des arguments de poids.

Lucide, oui je l'étais sans aucun doute. Il m'assura alors que je serais plus endurant, plus fort. J'allais être mis à rude épreuve en somme. Qu'importe, tant que je dépassais le stade de dernier maillon de la chaîne alimentaire. Il dit alors qu'il allait revoir mon éducation ... Ne pouvant m'empêcher de lever les yeux au ciel, Azra en ajouta qu'il allait falloir m'apprendre à savoir user des mots comme des armes...

Ryu, qui jouait toujours avec une larme, m'affirma qu'il avait à faire, mais l'on ne disait pas non à Azraëlle selon lui. Oui, je le savais et je voulais bien le croire. Ma créatrice finit par reprendre en m'informant que je devais écouter ce que me disait Ryu et ce qu'elle m'enseignera. Concluant sur le fait que je devais oublier ce que je fus par le passer afin de suivre le chemin qu'elle m'avait tracé vers la grandeur. Je la regardais alors quitter les lieux. Tournant les yeux vers Ryu alors que nous nous retrouvions seul.

Un petit coup de flippe ? Non à peine, c'est pas comme ci il savait manier les armes comme personne et que moi ... Bein voilà quoi, c'était pas ça. Mais vraiment pas. Je me demandais alors ce qu'il allait me faire, car quoi que ce soit, je doute que j'apprécierais réellement sur le moment. Mais je n'étais pas du genre à baisser les bras. J'avais lutté contre la mort pendant dix-sept ans, je n'allais pas m'arrêter aujourd'hui. J'allais continuer, je pouvais le faire.

Azraëlle avait raison sur un point, je n'étais pas contre le travail. J'avais bossé longtemps à la fac, et là, ce n'était pas un entraînement qui allait me tuer. Enfin si peut-être, mais j'y mettrais toute mes forces. Regardant un instant autour de moi, je finis par briser le silence.

— Vous savez réellement manier chaque arme présente ici ?

Car ... Il y en avait un sacré paquet et que l'idée qu'il sache le faire me faisait terriblement froid dans le dos.

Aaron était un diamant brut qu'il allait falloir polir. Diamant ou roche quelconque, je n'en avais pas encore décidé. Si Azraëlle lui accordait tant d'importance, c'est qu'il était davantage proche du joyau que de la pierre, mais peut-être se trompait-elle sur son compte. Si c'était le cas, il mourrait vite des mains de sa créatrice. Azraëlle n'aimait pas être déçue. Et comme elle me l'avait rappelé, seules mes compétences martiales me sauvaient de son ire alors même que je faisais un ange médiocre, dans le sens où je n'avais pas perdu toutes mes valeurs. Azraëlle tança également le jeune homme sur son langage et je retins un sourire alors qu'elle parlait de l'emploi judicieux des mots. Pour ça, elle était un expert. Je ne me faisais aucun soucis pour Aaron, il aurait la meilleure.

Ce qu'Azraëlle veut, Azraëlle l'obtient. C'était un fait et je me contentai de la regarder quand elle fit mine d'être contrariée par mes reproches. Qui joue donc l'hypocrisie désormais? Évidemment que c'était un reproche, elle se servait de Yue Hue pour me faire plier. Comment aurais-je pu accepter cela sans sourciller? Je savais qu'avoir un attachement était une faiblesse, surtout pour une humaine vulnérable, mais je l'avais trop attendue pour ignorer son existence. Je la protégerai contre mes ennemis.

Le séraphin donna ses dernières indications à Aaron, avant de nous laisser entre hommes. Sa petite vie médiocre. Devenir un roi. Ou comment développer l'arrogance chez un adolescent en une leçon. Je ne lui permettrais pas d'être arrogant. Fier, oui, comme Azraëlle, comme moi. Mais une fierté teintée d'humilité, ce dont le séraphin était totalement dépourvue. L'arrogance menait à la perte.

Aaron brisa le silence, me demandant si je savais manier chaque arme ici présente. Mon regard fit le tour de la pièce, avant que je ne réponde.

- Presque toutes. Certaines sont trop européennes, bien que je manie leur équivalent asiatique. Et les armes à feu ne sont pas ma spécialité. Le combat est une maîtrise, une danse, il n'y a nul plaisir à tirer de pouvoir abattre un homme avec un pistolet.

Du moins, c'était ma conception de la chose. Autre temps, autres mœurs.

- Mais nous ne commencerons pas l'entraînement par le maniement des armes. D'abord, il faut que tu apprennes à maîtriser ton esprit et ton corps. Je sens ton inquiétude. Cela ne devra plus transparaître. Plus aucune émotion ne devra te trahir, c'est donner une arme à tes ennemis. Et crois-moi, tu n'as pas envie qu'ils en jouent.

Les anges étaient des manipulateurs hors pair. Et certains démons n'avaient rien à leur envier. On ne pouvait atteindre un homme qui semblait détaché de tout. Il y avait certaines choses que je ne pourrais jamais lui enseigner, son esprit étant déjà trop façonné pour changer totalement. Ce n'était pas pour rien que l'éducation des samouraï commençait dés le plus jeune âge.

- Essayons de ne pas décevoir Azraëlle. Elle semble fonder de grands espoirs en toi.

Je tournai autour d'Aaron pour le détailler avant de soupirer :

- Pour quelles raisons, je n'en ai aucune idée... Tu n'as pourtant pas l'air d'avoir un mauvais fond.

Presque toute ... Il y avait de quoi se laisser fasciner. En fait, savoir qu'il venait d'un autre temps et qu'en plus il avait réellement un passé ... C'était juste énorme. Avec Azraëlle c'était différente, elle était bien plus âgée, plus distante. Lui semblait déjà plus proche de moi. Et cette proximité changée tout. Et puis ça façon de parler, cet honneur qui transparaissait à travers ses mots. Il semblait bien plus droit qu'Azraëlle et cela était choquant. Véritablement.

Il me dit alors que l'on commencerait par la maîtrise de mon esprit et de mon corps. Il sentait mon inquiétude et cela ne devait pas arriver, je ne devais pas être si expressif. Plus aucun émotion devrait transparaître. Je ne devais pas donner des arme à mes ennemis et je n'aurais pas envie qu'il en joue. Sur le coup je voulais bien le croire. Mais abandonner son humanité n'était pas réellement facile. J'étais inquiet, certes, mais dans le fond, j'étais aussi perdu dans toute ces histoire. C'était beaucoup.

Il dit alors que nous allions essayer de ne pas décevoir Azraëlle et je hochais la tête pour approuver. Il ne valait mieux pas la désapprouvé. Surtout que selon lui, elle fonder de grand espoir en moi. J'aimerais bien savoir pourquoi. Je n'étais qu'un shooté, certes j'étais travailleur, mais cela n'effaçait pas des années de débouches.

Ryu se mit à tourner autour de moi. Une action qui me stressé un poil étant donné que j'étais un peu flippé. Lui aussi se demandait pourquoi elle semblait fonder autant d'espoir en moi. Je n'avais pas un mauvais fond selon lui. Du moins je n'avais pas l'air d'avoir mauvais fond ... J'ai toujours été le fils aimant et proche de sa mère. Le bonne amis capable de passer ses nuits à vous écouter. Oui, je n'étais pas mauvais, mais j'avais eu une énorme bête noir, ma maladie.

— Je suis malade depuis que j'ai quatre ans, j'ai vécu dans une bulle et dans l'attente de la mort.

Tournant légèrement la tête pour essayer de suivre ses mouvements, comprendre ce qu'il faisait. Mais rien ne transperçait ... Il semblait calme et détaché ... À quoi pouvait-il penser.

— On va dire que j'ai eu tendance à m'isoler et à ne pas réagir très positivement lorsqu'on parlait de ma maladie... Une fierté mal placé...

- Et cela fait-il de toi quelqu'un de mauvais?

Une longue maladie... Il avait quoi? 18 ans? En tous les cas, pas encore 20, c'était une certitude. Il avait davantage connu la maladie que la bonne santé. Une fierté mal placée? Non, juste le désir d'un enfant, puis d'un jeune homme de ne pas être considéré simplement comme un pauvre malade en sursis. Un sentiment que je pouvais comprendre.

- Je pense qu'il est légitime de vouloir être fort en toutes circonstances. De ne pas supporter la pitié dans les yeux des autres. De détester la susciter.

Je tournais lentement autour de lui, comme un félin prêt à attaquer sa proie, sauf qu'Aaron n'avait aucun moyen de savoir quand, ni même si je l'attaquerais. A quoi bon le faire? Il avait conscience de sa faiblesse pour le moment. Et il n'y avait nulle satisfaction à tirer de pouvoir écraser les faibles. Supporterait-il mon enseignement? Il serait adouci. Bien moins violent que ce que j'avais pu vivre. Et c'était peut être aussi bien.

- La mort n'est pas à craindre. La déchéance, en revanche...

Mourir d'une maladie, c'était s'étioler chaque jour davantage, perdre ses forces, sa dignité. Quelque chose de difficilement supportable, pour n'importe qui.

- Dis moi Aaron. Toi qui as toujours vécu dans l'optique de mourir, quel sentiment ressens-tu d'être mort pour vivre ?

Étrange paradoxe. Pour certains, lé bénédiction n'était que la suite de sa vie. Devenir ange était un moyen d'acquérir de la puissance, de s'enivrer du pouvoir et ainsi continuer ses malversations à la gloire du Seigneur. Pour d'autres, c'était une cassure, une fêlure. Une nouvelle étape. Une renaissance. Azraëlle ferait-elle de ce gosse un monstre? Sans aucun doute possible. Et je détestais savoir que je la laisserais faire. Que j'y participerais même, indirectement. Mais ce n'étaient pas mes affaires.

De nouveau, je jouai avec mon arme, l'air de rien, avant de demander tranquillement :

- As-tu une petite idée de ce que je peux être Aaron?

Il m'intriguait de plus en plus, j'avais l'impression qu'il jouait contre Azraëlle. Essayait-il de me détourner du chemin qu'elle m'avait tracé. Il était réellement différent et cela ne m'effrayait pas tant que cela. Je ne saurais dire pourquoi, ni l'expliquer d'ailleurs. Il dit alors qu'il était légitime de vouloir faire face devant la faiblesse. Il était normal de ne pas supporter la pitié dans les yeux de l'autre. La pitié … je l'avais fuit, j'avais refusé qu'elle ne se pose sur moi. Je préférais passer pour un droguer et provoquer le dégout plutôt que la pitié. Serrant brusquement les poings, je me rappelais combien il m'était difficile de faire face lorsqu'un proche l'apprenait. Je devenais de suite la bonne action de la journée.

— C'est terriblement frustrant que d'être le garçon assisté …

Oui, c'était la déchéance … Je l'avais vécu. J'étais tomber si bas… Il me posa alors une étrange question. Me tournant toujours autour, j'essayais d'être vigilant, mais une telle demande réclamé forcement une réflexion plus intense. Que ressentais-je d'être mort pour vivre...

— C'est étrange … Terriblement terrifiant aussi. Je me suis rattacher à du vent durant mes derniers instant et c'était vrais. Je suis perdu, car ce contre sens lève des points qui n'aurait jamais dut traverser mon esprit. J'ai l'impression que tout fonctionne à l'envers… Je suis née dans une famille catholique au possible, ma mère à toujours vu en dieu un sauveur alors qu'il en ait le parfait opposé. Mais en même temps, je n'ai jamais cru en dieu, après tous il me laisser mourir sans abréger mes souffrances et aujourd'hui … Je me retrouve à le servir et croire en lui alors que ma mère à perdu la foi. Je ne sais pas comment l'expliquer … J'ai toujours été très rationnel et aujourd'hui … Je dois accepter des non sens pour voir l'avenir …

Marquant une pose, je repris.

— C'est ça, c'est une succession de non sens conduisant à une vérité alternative où la vie est dans la mort… Je ne sais pas si vous me suivez.

Il joua de nouveau avec l'arme et je dois avoué que j'eus un léger mouvement de recule. Non pas que je n'avais pas confiance mais … En fait je le sentais pas du tout avec une arme. J'étais pas contre, mais je sais pas, le monde était encore trop nouveau pour que je l'assimile parfaitement. Ou du moins pour que je baisse la garde aussi facilement. Il me demanda alors si j'avais une petite idée de ce qu'il pouvait l'être. Euh … Le regardant légèrement de travers, je mis quelques minutes à reprendre contenance.

— Asiatique, Japonais au vu de votre prénom. Votre langage et votre attitude révèle soit une éducation sévère, soit une naissance au près des empereurs et Shogun. Et préférer l'arme blanche à une arme à feux, ça signifie que vous n'êtes ni un Yakusa, ni un détraquer à la Gantz ou Battle Royale. Il ne reste plus que le Ninja ou le Samurai. Protecteur de Konoha ou meurtrier aux yeux de démon ?

Tu pars en vrille Aaron … Prenant conscience de l'absurdité de ce que je venais de sortir, j'essayais lamentablement de me rattraper aux branches. Essayant d'être un peu plus claire, ou du moins d'excuser ma réponse.

— Euh désolé … En fait je ne sais pas réellement ce que vous êtes alors … je plonge dans les clichés… J'étudie l'Antiquité Occidentale, l'Orient me dépasse assez.

Rien ne transparaissait sur mon visage, mais je vis ses poings se serrer de colère. Colère ou souvenirs douloureux, je ne le savais pas. Il était pourtant tellement facile de le déchiffrer ce gamin. De faire naître des émotions violentes en lui. Il m'approuva en disant qu'il était difficile d'être le garçon assisté et je hochai simplement la tête, bien conscient de cela. J'avais une fierté assez développée. La mort plutôt que le déshonneur. J'étais heureux d'avoir péri par une lame, plutôt que vieux et malade, affaibli. Même si cela m'avait privé d'elle. De toutes façons, quel avenir pour nous? Nous aurions continué d'être amants dans le secret et après? Ce n'était pas une vie. Je n'étais pas né pour être heureux, pour mourir entouré de ma famille, dans un lit.

Je lui posais alors une question d'un extrême simplicité, mais qui impliquait une réponse qui ne l'était pas. Chaque expérience était différente et j'étais curieux de savoir comment il avait vécu la sienne. Étrange. Le mot était faible. J'écoutai attentivement ses impressions, le fils de sa réflexion aussi. Il y avait des choses assez pertinentes. Des non sens, c'était exactement cela.

- J'étais bouddhiste. Alors je connais ce sentiment.

Je le suivais totalement. Des contradictions, qui menaient à la vie dans la mort. Pas mal résumé. Je n'avais jamais cru en dieu, je croyais en Bouddha et pourtant, j'avais été arraché à mes croyances. Pourtant, certaines choses n'étaient pas du fait de Dieu et je restais profondément attaché à ce que j'avais appris. Je n'avais pas foi en Dieu. J'étais resté convaincu que l'âme d'Amaya reviendrait sur cette terre, se réincarnerait. Aucune âme ne disparaissait, elle pouvait juste changer.

Je maniai de nouveau mon arme et Aaron recula. Je lui lançai un regard amusé. Quelle méfiance. Alors je lui demandais ce qu'il pensait de moi. j'étais curieux de suivre le cours de ses réflexions, ses hypothèses, ses conclusions. Déjà, il avait deviné que j'étais japonais. Un bon point. En général, les occidentaux nous confondaient tous. Japonais, chinois, coréens, thaïlandais et j'en passe.

- Un détraqué à la Gantz ou Battle Royal?

C'était quoi ça? J'avais quelques lacunes concernant certaines choses de cette époque et je sentais que j'étais en plein dans ces faiblesses. Mais pour l'éducation, le shogun et le yakusa, il avait tout bon.

- Aux yeux de démons ?

Je souris en coin. Ironique alors que j'étais un ange.

- Pour quelqu'un qui étudie l'occident, tu n'es pas trop mauvais. J'ai l'habitude des clichés. Et ils ne sont pas tous faux.

Doucement, je me reculai, allant reposer l'arme où je l'avais prise.

- Belle analyse.

Je me retournai vers lui, avec un léger sourire, alors que je m'étais emparé de shurikens. Arme associée aux ninjas. Je n'étais pas très adepte de ces armes, ce n'était pas la plus efficace. On tuait finalement rarement avec. Sans prévenir, j'en lançai un qui passa à quelques centimètres à peine de la joue d'Aaron. Il dut sentir le vent sur sa joue à ce moment là.

- Je ne suis pas un ninja.

Je reposai les autres tranquillement.

- Samouraï effectivement. Tu as raison, j'ai reçu une éducation très stricte, pour servir le Shogun dés que j'ai été en âge et digne de cette mission. Je ne sais pas ce que tu as appris des samouraïs, mais je ne t'infligerais pas le quart de ce que j'ai subi. Alors détends-toi.

De nouveau mon regard erra sur le gymnase et les armes et je fronçai les sourcils alors qu'un objet insolite attirait mon regard. Je m'en approchai et m'en emparai. Un bijou. Et pas n'importe lequel. Celui d'Amaya. Alors c'était ça le cadeau? Pourquoi Azraëlle l'avait-elle en sa possession? Je l'effleurai de l'index avant de soupirer.

- Azraëlle est décidément pleine de surprises.

Ryu aussi avait été pris dans ce sentiment de non sens. Il joua alors avec son arme et par simple réflexe, je fis un pas en arrière. Il me demanda alors ce que je pensais de lui et je pense que ma réponse partie d'ailleurs en free style. Me laissant prendre part des clichés assez énorme et dérivant même dans le geekisme pur. D'ailleurs il tiqua sur ma remarque concernant Gantz ou Battle Royale. Ok, normal qu'il ne connaisse pas, même si je dois l'avouer, voir un Japonais ne pas comprendre mes références me perturbé un peu. Reprenant rapidement le dessus, je passais une main dans mes cheveux avant d'entreprendre ma réponse.

— Ce sont des manga traitant du dépassement de soit pour la survie et ce à travers la mort… D'ailleurs les combats sont assez stylé dans Gantz.

Il enchaina alors sur le sujet des yeux de démons.

— Samurai Deeper Kyo, le héros prote l'âme du plus grand meurtrier du Japon pour l'Endo. Et son surnom est le meurtrier aux yeux de démons, un manga encore.

Il ajouta alors que pour quelqu'un qui étudiait l'occident, je n'étais pas trop mauvais. Il avait l'habitude des clichés et il n'était pas toujours faux. S'éloignant alors, il posa l'arme avant de me dire que c'était une belle analyse. Souriant alors en remerciement, il revient avec des shurikens dans les mains. En lançant un qui frôla ma joue. Il affirma alors qu'il n'était pas un ninja. Ok, mais il était sacrément précis. Ce qui ne m'étonnait même pas en fait. Il les reposa alors avant de me confirmer qu'il fut samurai.

J'avais eu raison aussi pour l'éducation qu'il avait reçu. Il avait été élevé à la dure et avait servit le Shogun très jeune. Il ne savait pas ce que je connaissais des samouraïs, mais il n'avait pas l'intention de m'infliger le quart de ce qu'il avait subi. Il me conseilla alors de me détendre. Plus facile à dire qu'à faire. Même si j'avais l'impression qu'il n'allait pas me tuer, je ne pouvais pas réussir à me détendre totalement.

— J'aimerais bien !

Il se détacha alors de mon regard, trouvant quelque chose qui attirait davantage son attention. S'y rendant, il effleura quelque chose avant de dire qu'Azraëlle était pleine de surprise … Je n'avais aucun mal à le croire, elle m'avait surpris la première fois que je l'avais vu et elle continuerait sans aucun doute à le faire.

Devant mon interrogation, Aaron entreprit de me répondre du mieux qu'il pu. Ah... Oui, les mangas. J'en avais feuilleté quelques uns dans les librairies, mais ne m'y étais jamais intéressé vraiment. Cette mode, cette fascination pour les asiatiques m'amusaient.

- Alors en fait, tu tiens tes connaissances de mangas?

Amusant. Il faudrait que je me renseigne à ce sujet, il avait réussi à titiller ma curiosité. Peut-être comprendrais-je ainsi certaines choses sur ce siècle et sur les jeunes qui m'entouraient. En tous les cas, Aaron avait plutôt fait bonne route dans son analyse. Qu'il ai songé à un yakusa... Moi? Un truand de cette espèce? Je devrais presque en être vexé tiens. Néanmoins, il avait éliminé cette possibilité, ne laissant que le ninja ou le samouraï. Non, pas ninja, j'étais un chevalier, pas un espion. Pour faire bonne mesure, je m'amusai avec les shurikens, le mettant en déroute quant à ses conclusions et lui montrant que je savais effectivement réellement me servir de ces armes, à quelques exceptions prêt. A sa décharge, il ne bougea pas d'un iota. Bien.

Je lui annonçai alors ne pas être un ninja mais un samouraï, avant de tenter de le détendre. Sa nervosité était trop perceptible. Il me rétorqua qu'il aimerait bien et je souris.

- Ça aussi je te l'apprendrai. Même Azraëlle ne saura plus te rendre nerveux.

Et là, je saurais que j'aurais bien travailler si ça arrivait. Parce que réussir à rester impassible devant Azraëlle, c'était un exploit. Elle ne m'avait jamais impressionné. Fasciné peut-être, au début, quand j'ignorais encore ce qu'elle était. Mais je ne tremblais pas en sa présence. Je ne ressentais nul malaise, même si je me méfiais d'elle.

Un objet accrocha alors mon regard et je découvris un pendentif qui avait appartenu à Amaya. Le cadeau d'Azraëlle. D'où le tirait-elle, c'était un mystère. Pourquoi l'avoir gardé en sa possession si longtemps? Aucune idée... Sans doute parce qu'elle savait qu'un jour, elle s'en servirait. Une étrange émotion s'empara de moi en caressant l'ambre, mais je la dissimulais, avant d'accrocher le pendentif autour de mon cou, le dissimulant avec ma chemise et de me retourner vers Aaron.

- Bien, il va déjà falloir travailler ton endurance physique. Par quelques exercices simples. Je t'apprendrai aussi la méditation. A résister à a douleur également.

J'eus un sourire en coin.

- L'avantage que tu as sur moi, c'est que quand j'étais blessé, je devais attendre de guérir. Tu vas vite voir que ton corps se régénère bien plus vite que la normale.

Mon sourire disparut et je me rapprochai d'Aaron, avant de lui demander gravement :

- J'exige de toi la plus complète obéissance et une confiance aveugle Aaron. Si je te dis saute, tu sautes. Je ne veux pas que tu remettes en cause le moindre de mes ordres. Est-ce bien clair?

— Pas tout, mais une bonne partie en effet.

En suivit une discussion des plus étranges étant donné qu'elle mêla réflexion et préjugés. Il finis par me demander de me détendre et je lui répondis que j'aimerais bien. Mais à l'heure actuelle, ce n'était pas vraiment dans mes plans, trop de choses à penser pour y arriver. Il me dit donc qu'il m'apprendra à me détendre. Et ce au point qu'Azraëlle elle-même n'y arriverait pas. Souriant, je retenus de justesse une réponse qui n'était pas vraiment de circonstance. Me contentant d'hocher la tête pour accepter.

Quelque chose attira alors son attention et il y alla alors que je regardais ce qui m'entourait. Curieux face à la quantité de chose qui reposaient dans la pièce. Ryu finit alors par revenir en me disant qu'il allait falloir travailler mon endurance physique par quelques exercices simples. Ajoutant que la méditation allait-être de la partie … Cool, je vais être un moine bouddhiste. Blague à part, il conclut par le fait que j'allais aussi devoir apprendre à résister à la douleur. Ça pique comme remarque ça. Surtout lorsqu'il souris pour m'affirmer que j'avais un avantage sur lui par rapport à l'époque. Je régénérais plus vite … Ah bien … Bonne nouvelle. Un truc à savoir qui n'était pas forcément tombé dans l'oreille d'un sourd.

— Ouais ! Faisons de grande saigné autour d'un feu ! … pardon, c'est un délire de ma part.

Redevenant sérieux en même temps que lui, je le vis s'approcher de moi l'air grave. Il me dit alors qu'il exigeait de moi une obéissance sans borne et une confiance aveugle… Allant jusqu'à complété son annonce par quelques exemples. Je ne devais pas remettre en cause ses ordres. Il me demanda si cela été bien claire et je répondis positivement.

— Oui, je n'irais pas à votre encontre et obéirais quoiqu'il arrive.

Je n'avais pas fait la même promesse à Azraëlle ? À peu de chose près oui. Et je lui faisais la même… Le pire c'est que dans le fond, il était plus proche de moi qu'Azraëlle et cette proximité me poussait à une confiance plus naturelle que pour Azraëlle … Je veux mourir, c'est certain.