The tornado is back [PV Liam]

C'était tout simplement magnifique.

Ç'avait clairement été le plus beau mois de ma vie.

Mais le problème, évidemment, était qu'à présent que j'étais retournée en Angleterre, je ne tenais plus en place. D'une parce que le pouvoir magique de l'Irlande qui m'avait permise de rester calme et détendue, véritable oasis au milieu de ma vie faite de tempêtes, n'avait plus lieu ici à Londres, de deux parce que ce voyage, ce pays, les histoires fabuleuses de Sorcha, tout ce que nous avions visité, ces légendes et ces paysages magnifiques m'avait fait fourmiller d'idées irréalisables alors que nous campions, et maintenant que je savais que j'allais pouvoir très bientôt les réaliser, j'étais totalement surexcitée. J'avais été la seule de notre petit groupe de cinq à ne pas dormir dans l'avion, alors que tout le monde était épuisés - même Kieran et Sorcha, qui s'étaient moqués de notre faiblesse pendant tout le mois, avaient déclaré forfait - gribouillant sur un cinquième carnet - oui, j'en avais usé quatre, ne résistant pas à la tentation d'en racheter - toutes les idées qui m'étaient venues à l'esprit en vrac, tous les croquis que je comptais concrétiser, pour être sûre de ne rien oublier. Ça allait me prendre des semaines, je ne pourrais certainement pas tout faire, mais tant pis.

Nous étions rentrés en avance sur ce que nous avions prévu. D'une part parce que nous étions réellement épuisés, d'autre part parce que Kieran et Sasha voulaient profiter des derniers jours de vacances de Kieran avant sa faculté - et moi je voulais encore profiter de notre bulle d'intimité avec Liam, même si je n'avais trop osé le dire. A cause de mon bac, nous allions encore devoir subir une année à se cacher, une année où je devrais réussir à lui faire confiance alors que je ne rêvais que de lui crier ma douleur au visage lorsque nous étions en cours. Elles étaient loin les trois minuscules semaines que nous pensions devoir supporter... Nous avions déjà perdu un mois et il m'avait atrocement manqué. Si bien que j'avais profité du fait d'être revenue en avance pour omettre de prévenir ma mère et aller chez lui quelques jours. Il avait promis de venir me chercher à l'aéroport de Londres et j'avais prévenu Kieran, Sorcha, Sasha et Alice que je ne m'éterniserais pas.

Je le vis avant qu'il ne me vît, et saluai rapidement tout le monde, faisant la bise aux filles et à Kieran, déposant un baiser léger sur les lèvres d'Alice, avant de m'enfuir vers lui, les joues déjà roses de contentement. Il me repéra suffisamment tôt pour me réceptionner alors que je bondissais à son cou, décollant carrément du sol pour me suspendre à lui, mes jambes nouées autour de sa taille. Mon ventre se devinait sous mon haut ample, et s'il ne m'empêchait pas encore de me blottir contre lui ainsi, il devait certainement le sentir contre lui. Je ne sus lequel de nous deux avait entamé le baiser fougueux qui s'ensuivit, comblant le manque terrible que nous avions eu de l'autre, et cela n'avait aucune importance.

Je repris mon souffle alors que nos lèvres se séparaient enfin, nichant mon visage dans son cou, couvrant sa nuque de petits baisers. Je ne m'étais pas rendue compte du vide que j'avais en moi, trop exaltée par toutes les découvertes que j'avais faites, mais à présent qu'il le comblait enfin, j'en prenais soudainement conscience. J'avais oublié à quel point c'était bon d'être blottie contre lui... Ma voix étouffée dans son cou, je prononçai sur un ton décidé :

- Je veux déménager en Irlande !

Je me dégageai de sa nuque, le regardant droit dans les yeux, et murmurai sur un ton hésitant :

- Tá grá... agam duit ?

J'éclatai de rire toute seule, me rendant compte que ma prononciation était lamentable et que j'avais dû déformer des mots. Que ce soit Alice avec le français ou Kieran avec le gaélique, non, il n'y avait rien à faire, je n'avais aucun don pour les langues.

Ce mois avait été un peu difficile. Autant émotionnelle ment que nerveusement. La salle de boxe m'avait vu plus souvent qu'a mon tour, me dépensant sans compter, évacuant la tension atroce qui m'habitait, l'inquiétude aussi. Je n'avais pas spécialement sauté de joie a l'idée que Blake parte en Irlande, surtout enceinte. Mais d'un autre côté, elle avait aussi besoin de cela alors je l'avais laissé faire. J'aurais sans doute même pu partir avec elle, ayant de la famille encore la bas, mais je comprenais aussi qu'elle avait besoin d'être avec ses amis, d'avoir l'insouscience de sa jeunesse encore un peu. Bientôt, il lui faudrait reprendre les cours, portant fièrement sa grossesse. J'aurais sans doute préféré qu'elle avorte, mais elle avait catégoriquement refusé. Etait ce réellement le bon choix ? Je n'en savais rien. Elle était jeune, trop pour avoir un enfant maintenant, mais je ne pouvais pas non plus la forcer a aller a l'hopital alors il n'y avait pas d'autre choix que d'accepter et d'être là, comme je l'avais promis. Après tout c'était mon enfant aussi.

Je regardais ma montre. L'avion avait un peu de retard apparemment, constatais je en levant le nez sur les panneaux d'affichages. J'avais laissé la moto au vestiaire et étais venu en voiture, je n'étais pas sur que l'idée de mentir a sa mère pour pouvoir passer quelque jour chez moi était la meilleure idée que Blake n'ai jamais eu mais j'avais bien été incapable de refuser. Promettant de venir la chercher a son retour. Mains dans les poches de mon jean, je patientais tranquillement, indifférent aux regards que l'ont pouvait me jeter.

Finalement, je la vis fendre la foule avec son enthousiasme habituel avant de n'avoir que le temps d'ouvrir les bras alors qu'elle s'envolait littéralement pour atterrir sur ma poitrine. Mon visage s'éclaira d'un sourire amusé alors que je retrouvais l'étreinte de son corps frêle...Ou presque, je ne pouvais pas ignorer le doux renflement de son ventre contre moi. Une main la soutenant et l'autre perdue dans ses cheveux, je soupirai de contentement en m'emparant de ses lèvres charnues, l'embrassant sans honte au beau milieu d'un aéroport. Quelque semaine sans elle, qu'est ce que c'était dans une vie ? Une goutte d'eau mais son manque avait été atroce, doublé a une inquiétude naturelle pour le bébé.

J'eus un rire alors qu'elle m'affirmait vouloir déménager en Irlande. C'était toujours faisable, mais si elle venait a y vivre, le pays perdrait de sa magie, je le craignais.

-"On ira en vacances, promis."

répondis je amusé avant qu'elle ne massacre allégrement le gaëlique, provoquant un sourire large attendri sur mon visage. Son accent était horrible.

-"Tá grá agam duit "

Ma prononciation était parfaite et mélodieuse et je la serrais un instant contre moi avant de la faire redescendre sur le sol, gardant ma main au creux de ses reins.

-"Alors ? Comment as tu trouvé l'Irlande ?"

- Seulement en vacances ?

Je fis la moue, telle une enfant gâtée qui n'obtient pas ce qu'elle veut, puis je me remis à sourire trois secondes plus tard. Au fond, je m'en fichais, et peut-être que je préférais y aller en vacances. Si j'y étais tout le temps, ce lieu ne risquait-il pas de perdre sa magie ? A vrai dire, cela m'aurait grandement surprise, mais autant ne pas prendre de risques. Et puis je voulais continuer à le voir de l'œil d'une étrangère, à le découvrir à chaque fois. Je l'avais découvert du point de vue de Kieran, j'aurais bien voulu aussi apprendre à l'admirer de celui de Liam. Pourquoi donc était-il parti ? Comment pouvait-on se résoudre à quitter un endroit pareil ? Kieran et Sorcha n'avaient pas eu le choix et il avait été clair qu'ils regrettaient infiniment leur patrie. Et Liam ?

Je fondis totalement lorsqu'il me répéta ma phrase maladroite dans un gaélique fluide et liquide, magnifique. Je battis des paupières, les fermai à demi, savourant d'entendre ces mots délicieux dans cette langue, avec sa voix. C'était tellement beau ! Et son sourire aussi était beau. Merde, il m'avait tellement manqué ! J'aimais Alice aussi, mais ce n'était pas la même chose. Ils ne m'offraient pas la même chose. Je lui rendis son étreinte, profitant de ses muscles m'enserrant, me rassurant, avant qu'il ne me repose au sol.

- C'est vrai que c'est plus joli comme ça.

Je passai ma main dans son dos, sous son bras, en reflet de la sienne me maintenant au creux de mes reins, l'autre posée sur mon ventre en un geste dont j'avais très rapidement pris le réflexe. Nous nous mîmes à marcher pour rentrer chez lui. Je me sentais bien ici, terriblement à ma place, alors que nos corps se moulaient parfaitement l'un contre l'autre, que sa main s'adaptait parfaitement au bas de mon dos comme la courbe de mon bras épousait parfaitement celle de sa hanche. Même nos pas étaient accordés ; il en faisait de grands, calmes et posés, quand mes enjambées étaient plus courtes mais plus rapides. C'était un détail stupide mais que je me plaisais à remarquer, me convainquant que nous avions bien fait de passer outre les interdits. Je m'animai de nouveau alors qu'il me demandait comment j'avais trouvé ce pays.

- C'était absolument magnifique ! Les paysages sont sublimes, j'ai adoré me balader là-bas. C'est tellement vert, c'est incroyable ! Et les lacs ! Alice n'a pas arrêté de se plaindre parce que c'était trop froid, mais franchement, c'était vraiment trop beau pour que je me soucie de la température de l'eau. J'ai l'impression qu'on a visité plus de choses qu'il ne devrait y en avoir sur tout le pays et pourtant Kieran et Sorcha ont dû choisir entre plein de trucs. Des ruines, des châteaux hantés à donner des frissons dans le dos, des musées, des parcs, des... des... j'ai oublié tellement il y en avait ! Et on s'est baladés, on a cherché des farfadets, et Sorcha nous a raconté plein de légendes passionnantes que j'ai essayé de redessiner, et je te jure que j'ai vu un lutin ! Personne ne m'a crue. On faisait du vélo et j'ai vu un truc vert bouger entre des rochers. Tout le monde m'a dit que j'avais dû voir de l'herbe secouée par le vent, mais c'était un lutin ! Sûre et certaine. Ah oui, et je sais faire un feu de camp aussi maintenant. C'était épique, je te dis même pas comme c'était galère au début.

Je repris mon souffle et me rendis compte que le temps de mon laïus, nous étions arrivés à la voiture. Je passai côté passager, attachai ma ceinture et ajoutai, volubile :

- Il faudra que je te montre les photos dès que Kieran et Sasha auront fait le tri. On en a fait plein. C'était le plus beau voyage de ma vie, vraiment.

Je marquai une pause et ajoutai, méditative :

- Bon, c'était un peu le seul aussi.

Cessant soudainement de sourire, je me retournai brusquement vers lui, admirant son profil alors qu'il nous menait chez lui, chez nous, notre petit nid, le seul endroit où nous pouvions pleinement être nous. Et d'un ton presque désolé, je demandai :

- Dis, Liam... Pourquoi tu es parti ?

De là-bas, de ta patrie qui manque tellement à Kieran et Sorcha. De ce pays qui m'a semblé être plus beau que les sept merveilles du monde. Comment as-tu donc pu le quitter ?

Je me contentais de sourire alors qu'elle gémissait. Seulement en vacances. Et bien oui. Qu'elle se réjouisse, elle n'avait vu que le beau, l'iréel de l'Irlande. Mais ce pays, aussi féerique soit il possédait un coté sombre et terrible né de sa guerre constante contre l'Angleterre. On croyait cette guerre finie, grave erreur. Mais pour l'heure, je ne voulais pas penser a ça, pas quand je pouvais la tenir dans mes bras et profiter de quelques jours avec elle. Je ris a sa prononciation du Gaëlique, ce n'était pas tellement au point mais c'était terriblement touchant.

-"Tu arriveras a faire pareil tu verras, c'est juste...un manque de pratique ?"

Répondis je alors qu'elle m'avouait que c'était plus joli dans ma bouche que dans la sienne. Certes, mais moi, je parlais le gaëlique couramment. Finalement, je l'entrainais a ma suite, sentant sa petite main se perdre dans mon dos et je commis l'erreur de lui demander comment elle avait trouvé l'Irlande. Diantre, je venais de déclencher un moulin a parole !

-"Tu as vu un lutin ? Fais attention, ce n'est pas bon signe, le savais tu ?"

Riais je doucement avant de la serrer un peu plus contre moi alors que nous arrivions a la voiture. Elle entra sans se faire prier et moi, je m'installai coté conducteur. J'éclatai de rire en mettant le contact. Son plus beau voyage ? Vraiment ? Il n'y avait pas a dire, Blake et son sens de la démesure était particulièrement hilarant.

-"Un peu."

Approuvais je en pouffant, regardant dans mes rétro le temps de la manoeuvre pour sortir de l'aéroport.

-"Mmmh ?"

Bon, j'avais compris la question mais sur le coup, je ne m'y attendais pas vraiment, m'engageant dans la circulation, je lui jetai un coup d'oeil en coin.

-"Tu n'as connu que le plus beau certainement. Moi j'ai connu l'IRA, ces attentats, les villes dévastées. Cela arrive encore, même si c'est moins fréquent. je ne dis pas que l'Irlande n'est pas un magnifique pays, c'est vrai, mais comme tout pays, il n'a pas que des bons cotés...je n'y ai pas de très bons souvenirs."

Mais c'était difficile de lui parler de cela, de briser ces rêves qu'elle avait dans la tête, cet émerveillement qui s'entendait dans sa voix. Non, l'Irlande pour moi, ce n'était pas des lutins, pas des fées...Des bombardements et la rue. C'était tout. Rien de franchement glorieux.

Mouais, je n'y croyais pas trop. En même temps, il fallait bien que je sois mauvaise quelque part. J'étais douée en dessin, en danse et en théâtre, j'aimais beaucoup chanter aussi et je m'en tirais pas trop mal, au bout d'un moment, on ne pouvait pas être parfait partout. Curieux d'ailleurs que je ne sois pas bonne dans le domaine linguistique alors que je faisais du théâtre, j'aurais dû avoir une bonne mémoire des mots, mais en réalité ce qui posait problème était plutôt les sons, d'où mon accent déplorable. J'en avais tiré des larmes à Alice... Ainsi qu'à mes profs en règle générale d'ailleurs, mais à l'écrit ça passait sans problème. Quoique finalement, c'était peut-être ça qui faisait de moi une bonne comédienne. je n'avais pas une tonalité, une manière de réciter des lignes en tête, j'improvisais toujours, réinventant sans cesse et c'était sans doute cela qui créait spontanéité et par là-même réalisme dans mon jeu. Liam avait pu dire tout ce qu'il voulait à cette époque où nous nous faisions sans cesse la guerre, je ne le croyais pas quand il disait que je m'oubliais trop dans un rôle. Je ne pensais pas que c'était possible. On n'était jamais trop dans un rôle, il fallait toujours tendre vers plus si l'on voulait réellement l'incarner. Je ne savais s'il était sincère ou s'il disait cela uniquement pour me contrarier... Peut-être avions-nous des points de vue différents.

- Je suis sûre que je connais plus de légendes que toi maintenant, répondis-je malicieusement.

Enfin, peut-être pas tant que ça, parce qu'en réalité j'avais été incapable de faire la part du vrai et du faux dans tout ce que nous avait conté Sorcha. Je savais que certaines légendes étaient tirées du folklore irlandais et d'autres de son imagination pure et simple mais je n'avais su discerner la limite. Par un quelconque prodige, elle arrivait toujours à tout manier de manière à ne jamais se contredire, construisant ainsi un véritable monde qu'elle nous laissait à portée de main, et que j'avais été ravie de pouvoir visiter, me souciant peu de chercher à différencier le vrai du faux. J'avais adoré la petite sœur autant que j'aimais le grand frère.

Mais enfin mon épopée finit par se tarir alors que nous arrivions à sa voiture - de toute façon, si je voulais tout lui raconter en détail, cela nous prendrait des jours et des jours. Et déballer ainsi ce morceau de rêve au milieu de la triste capitale anglaise me faisait craindre de l'altérer et de le briser. Je préférais encore le garder intact et en recréer un autre avec lui lorsque nous irions ensemble. Et, terriblement curieuse, j'en vins à lui demander comment il avait pu quitter l'Irlande pour l'Angleterre. J'avais toujours été incapable de comprendre le mal du pays de Kieran, vu que je n'avais, de toute ma vie, jamais bougé sur un espace de plus de deux kilomètres carrés, mais désormais je comprenais mieux à quel point il devait se sentir mal. Personnellement, ça allait parce que j'y étais habituée, mais à sa place, surtout avec mon hypersensibilité et les circonstances qui étaient les siennes, c'était clair que j'aurais pas résisté à la dépression.

Ses paroles parvinrent au moins à me calmer et je cessai de jouer les piles électriques, redevenant à peu près normale. Pourtant je connaissais l'histoire de l'Irlande ; Kieran, en fervent patriote qu'il était et riant de son amitié avec une pure Londonienne, avait pris le temps de m'expliquer les rivalités entre nos pays et les attentats qui avaient ravagé sa patrie. Néanmoins, l'entendre de la bouche de Liam, ça ne faisait pas pareil. Sans doute parce que je l'avais toujours vu plus sombre que Kieran. Je n'arrivais définitivement pas à l'imaginer faisant joyeusement du vélo dans les plaines irlandaises. Mais surtout, je n'entendais pas réellement cette fierté et ce patriotisme dans la voix de Liam, et cela faisait une très nette différente. Comme si j'avais toujours entendu ces histoires avec un voile et qu'on me les livrait brutalement à nu.

- Je ne sais pas... Kieran et Sorcha non plus n'y ont pas de très bons souvenirs. Enfin, leurs parents sont morts là-bas, tout de même, et pourtant ils avaient vraiment le mal du pays. Ils sont totalement différents là-bas. Bien plus ouverts et épanouis. Alors pourquoi pas toi ?

Sans me rendre compte de l'indiscrétion de mes questions, j'ajoutai, curieuse :

- C'est en Irlande que tu faisais des combats de rue ? Que tu as reçu ce coup de couteau ?

C'était la toute première fois que nous reparlions de cela depuis qu'il m'avait révélé la provenance de sa cicatrice et cela faisait un drôle d'effet.

Je mis mon clignotant. Je n'aimais pas vraiment parler de ma vie là bas. Oh j'avais eu de bons moments, c'est vrai, mais a part ça. Irlande, c'était beau, magnifique, lorsqu'on venait d'une famille aisée, pas lorsque votre oncle n'avait pas de boulot ou plutôt un boulot tellement éreintant que l'oublier dans l'alcool était le plus simple. Pas quand la moitié de vos voisins étaient morts d'un coup dans l'explosion d'une voiture piégée.

J'eus une petite grimace.

-"Sans doute parce que je suis plus vieux. Sans doute parce qu'ils venaient d'une famille normale, pas moi. Je ne suis pas né en Irlande mais ici. A l'âge de dix ans, je suis partit la bas pour vivre avec mon oncle. Crois moi, les mines de charbons, ce n'est pas un métier épanouissant."

Il y avait un peu d'amer dans mes mots, même si maintenant, avec le recul, ce que j'avais vécu la bas avait forgé ce que j'étais maintenant. Ni bon, ni mauvais, sans doute un mix des deux.

Je lui jetais un coup d'oeil amusé alors qu'elle mentionnait ma cicatrice et, machinalement, je la caressais du bout de l'index.

-"Oui. L'Irlande a deux facettes et je suis content que tu es vu la plus belle. Je n'étais pas éduqué et plutôt violent a cette époque, gagné de l'argent rapidement, même au prix d'un risque indécent..C'était facile si tu savais te servir de tes poings. Ce n'est pas spécialement une période heureuse, même si, en cherchant bien, j'ai des souvenirs uniques."

Ma main se déplaça dans l'air et vint atterrir sur sa cuisse, si fine. Je la serrais doucement, un sourire amoureux au coin des lèvres.

-"Mais que cela ne t'empêche pas d'aimer ce pays, même moi, malgré tout, je l'aime. j'y ai mes racines quelque part. Je n'ai juste pas eu de chance dirons nous."

Je mêlais mes doigts aux siens avant de porter le dos de sa main a mes lèvres, déposant un baiser volage sur sa peau.

Au fur et à mesure que nous parlions, je réalisais qu'il y avait un déséquilibre entre nous. Il connaissait tout de moi. Il connaissait mon histoire, mes faiblesses, mes craintes, mes peurs, comme mes joies et mes bonheurs, il pouvait tout dire de moi, quand moi je ne connaissais rien de lui. Drôle de distance, assez anormale dans un couple, enfin, je le supposais, venant sans doute de la continuité de notre relation prof/élève. Certes, pour une élève, j'en savais énormément sur lui, plus même que je ne l'aurais dû. Mais en tant que sa... Je ne trouvais pas de mots pour nous désigner et cela m'agaçait profondément. Petite amie ? Cela sonnait terriblement faible et immature. Compagne ? Ça ne sonnait pas de la bonne manière. Fiancée ? Là par contre, ça devenait trop. Bref, en tout cas, en tant que celle dont il était amoureux, j'avais l'impression que j'aurais dû mieux le connaître, mieux connaître son passé. On le croyait pendant longtemps, mais il arrivait un stade où l'on comprenait que les profs n'étaient pas apparus magiquement dans les collèges et les lycées... Seulement je n'avais jamais réussi à l'appliquer à lui avant, tellement froid me semblait-il, mensonge qu'il entretenait savamment.

Du coup, j'aurais voulu le harceler de questions. J'aurais voulu savoir pourquoi il était parti chez son oncle, pourquoi il était né en Angleterre, si, pour le coup, il était réellement irlandais, que sous-entendait-il lorsqu'il parlait d'une famille anormale... Je me mordis la lèvre, retenant mon flot d'interrogations, consciente que cela lui rappellerait de mauvais souvenirs et qu'il n'avait certainement pas envie de se rappeler de cela après un mois de séparation. J'eus un frisson alors que sa main se posait sur ma cuisse et que ma peau s'animait à son contact, reconnaissant instantanément sa marque et brûlant soudainement de plus. Un sourire me prit sans même que je ne m'en rendisse compte alors qu'il embrassait ma main. Ces marques d'affection me faisaient toujours un bien fou, davantage encore alors que nous ne nous étions pas vus depuis si longtemps, parce que c'était ce dont j'avais besoin pour maintenir ma confiance en lui.

J'avais cependant une dernière question avant qu'il n'achève de me déconcentrer. Peut-être le faisait-il exprès pour avoir la paix, d'ailleurs, c'était bien son genre. Mais celle-là, cela faisait longtemps que je voulais la lui poser et je n'en avais jamais eu l'occasion.

- Comment es-tu passé de ça à prof de lettres ? Ce n'est pas vraiment le cursus idéal pourtant.

Il n'habitait pas très loin de l'aéroport. Avec un peu de chance, son récit s'achèverait quand nous arriverions chez lui, juste à temps pour que nous puissions passer à des interrogations plus légères. Et dans ma superbe candeur, dont je n'avais même pas conscience, malgré ma cuisse qui le réclamait encore et mes doigts serrant les siens, je ne pensais même pas à ça.

Etrangement, c'était bien la première fois qu'elle me questionnait sur ma vie. Enfin, ce n'était pas tout a fait vrai, une fois seulement, elle m'avait posé une question. Cette cicatrice que j'arborais, fascinante par certain coté, je le savais. Pour moi, c'était juste le souvenir d'une vie que, parfois, j'aurais aimé oublier tout en ne le voulant pas.

Je tournai habilement le volant d'une main, gardant ses doigts dans l'autre. J'eus un léger sourire.

-"Crois tu que les combats de rue soient un bon moyen de construire sa vie ? J'ai frôlé la mort, tout simplement. Et ce fut sans doute le déclic le plus salvateur de ma vie. J'ai décidé d'arrêter suite a cela - je pointai ma cicatrice de l'index - Mais sans argent, sans toit, c'était difficile. Alors j'ai vécu un peu dans la rue avant de dénicher un job ingrat, ce n'était pas Byzance mais cela m'a permis de manger et de me loger. Puis j'ai repris mes études, tout simplement."

Je souris plus largement, me garant habilement devant chez moi, descendant de la voiture avant d'en faire le tour pour lui ouvrir la porte, glissant ensuite vers le coffre pour récupérer son sac. Une main dans son dos, je la guidais vers le hall.

-"Tel que je te connais, tu vas me demander pourquoi l'enseignement hein ?"

Je lui jetais un coup d'oeil amusé tandis que nous gravissions les deux étages menant a mon appartement.

-"Et bien, je ne sais pas vraiment..."

Commençais je en ouvrant la porte, déposant son sac dans l'entrée avant de glisser mes bras autour de sa taille encore fine.

-"Sans doute pour que ce que j'ai vécu soit évité a mes petits élèves ?"

C'était une cicatrice infime. Presque invisible lorsqu'on ne savait pas qu'elle était là. La seule trace marquante prouvant sa présence était cette fossette se creusant lorsqu'il souriait, fossette diaboliquement hypnotisante, véritable appel aux baisers. C'était une petite marque légèrement plus blanche que sa peau, qui ressortait parfois sous un certain éclairage, mais sinon, elle était invisible. Et cette défiguration infime lui avait fait frôler la mort ? On ne pouvait pas s'en douter lorsqu'on la voyait. Rétrospectivement, j'avais peur pour lui. Un coup de couteau, m'avait-il dit, pas très fairplay, avait-il ajouté ironiquement. Il ne m'avait pas avoué que ce coup de couteau avait radicalement changé sa vie.

Finalement, c'était grâce à ce coup de couteau que je l'avais aujourd'hui près de moi.

- Je suis contente que tu aies dû vivre ça si c'est ce qui t'a amené ici, murmurai-je.

Ça pouvait paraître cruel, peut-être. Égoïste, cela l'était sans l'ombre d'un doute, mais je l'avais toujours été, plus ou moins consciemment. Je lui souris alors qu'il m'ouvrait la porte, tel un chevalier servant, puis la refermai tandis qu'il prenait mon sac. Nous étions partis un mois mais mon bagage était léger ; c'était du camping à la sauvette, je n'avais pas voulu m'encombrer. J'avais d'ailleurs eu beaucoup moins de difficultés qu'Alice pour faire mon sac. Pauvre Alice, habituée à emmener toute sa garde-robe dans des hôtels de luxe... Elle n'avait pas pu cette fois-là. Je ris aux éclats, légère, alors qu'il se moquait gentiment de moi. Ma main voletant comme un papillon dans les airs, je répondis :

- D'accord. Alors, pourquoi l'enseignement, dis-moi ?

Je soupirai d'aise alors que ses mains se glissaient autour de ma taille. Je me blottis contre lui, sentant avec délice son torse musclé contre ma joue à travers le tissu. Son contact m'avait tellement manqué... Je souris à ses paroles. Avant de brusquement éclater de rire. Il y avait une ironie dans la situation qui ne m'avait pas échappée.

- Tu évites ça à tes élèves en en tombant amoureux et en les mettant enceinte ? Tu ne crois pas que c'est un peu raté avec moi ?

Virevoltante, j'échappai soudain à sa poigne, reculant, soulevant mon T-shirt et me cambrant, de profil face à lui. De cette manière, il devenait évident que j'étais enceinte.

- Il faudra faire une écho. Je n'ai eu aucun suivi alors que ça va faire bientôt trois mois, il est temps de s'en occuper. Et puis Kieran veut la voir !

La voir, ma fille, sa filleule. Je restais intimement convaincue que ce serait une petite fille, ma petite princesse que je pourrais choyer et gâter - avec l'aide de son père, ce qui me paraissait toujours incroyable et fascinant et que je ne parvenais pas réellement à imaginer. Kieran avait raison ; je serais déçue si c'était un garçon. Mais il avait tort sur un autre point, c'était que quand bien même ce serait le cas, je l'adorerais autant que si ç'avait été une fille.

Je souris légèrement. Toute l’innocence de Blake en une phrase. Elle était contente de mes propres douleurs, parce que sans elles, jamais je n’aurais été ainsi. Bizarrement, sa naïveté se teintait parfois de maturité, c’était assez surprenant en soi, nul doute que si je n’avais pas été déjà au courant, je l’aurais regardé comme deux ronds de flanc.

L’enseignement, j’avais vu le coup venir et effectivement…Quoique, je venais sans doute de lui en donner l’idée. C’était une question qui semblait lui importer et lorsque j’y répondis, mon bras enroulé autour d’elle, j’eus droit a une réflexion quelque peu maladroite. L’azur de mes iris laissa sans doute transparaitre un peu d’agacement sur le coup mais je me contentai de soupirer quelque peu.

« Cite moi des noms. »

Hormis elle, désolé mais le reste de mes élèves féminines n’ étaient pas passé dans mon lit et, a ce que je sache, n’avait pas eu de bébé portant mon ADN. Elle était l’exception qui confirmait la règle en quelque sorte. Je refermai la porte alors qu’elle effectuait une pirouette dans le salon, m’échappant avant de soulever son tee shirt, exhibant un petit ventre rond. Ce n’était pas très flagrant, c’était certain et nul doute que sous des vêtements amples, cela ne se voyait pas du tout, mais c’était tout de même émouvant. Je ne sais pas vraiment ce que je pouvais ressentir en la regardant ainsi. C’était elle qui le portait, elle qui sentirait ses premiers mouvements, elle qui lui parlerait…Quoique, je pouvais faire ça aussi quand même…Et j’eus un rire amusé.

« Blake…De toute façon, il ne t’aurait pas donné de rendez vous avant au moins trois mois, donc, je dirais que tu es pile dans les temps et tu me vois stupéfié que tu y ai pensé toute seule. »

C’était dit avec amusement avant que je ne m’approche doucement et pose ma grande main sur son ventre, épousant la rondeur où un petit bout de nous grandissait a l’abri.

« Par contre, je vais sans doute te décevoir, mais pour le sexe, il te faudra attendre un peu…D’après ce que j’ai lu, ce n’est pas avant quatre ou cinq mois… »

Oui, je m’étais renseigné. Cela pouvait paraitre idiot mais étant un homme, je n’avais jamais réellement cherché a savoir comment se passait une grossesse…Et puis, la main toujours sur son ventre, je la regardai intensément…

« Dis moi, Blake, es tu sure de n’avoir jamais a regretter de l’avoir gardé ? »

Allons bon, je l'avais vexé. Cependant, rien ne pouvait venir ternir ma bonne humeur, son histoire et sa vision de l'Irlande n'y étaient pas parvenues alors ce n'était pas une maladresse de ma part qui allait y arriver ! J'avais été calme, posée, pendant tout le voyage en Irlande, par un quelconque miracle que je ne m'expliquais pas, ou plutôt que j'expliquais par la magie de ce pays, hypothèse qui faisait sourire Kieran et Sasha et que Sorcha et Alice avaient énergiquement soutenue. Enfin, la surexcitation habituelle lorsqu'on découvrait de nouveaux horizons était là, bien sûr, mais je n'avais pas été pire qu'Alice ou Sasha. Maintenant, mon hyperactivité revenait à vitesse grand V, sans me laisser le temps de respirer alors que je parlais, bougeais, sans prendre la peine de réfléchir avant. L'ancienne Blake était de retour, plus volcanique que jamais.

- Avec moi, j'ai dit ! C'est raté avec moi !

Cette précision faite, je lui échappai vivement avant d'enchaîner sans réel rapport sur le bébé. Mon bébé. Enfin non, notre bébé. C'était une notion que j'avais encore du mal à saisir. Je fis une moue faussement contrariée alors qu'il se moquait gentiment de moi.

- Hé, je ne te permets pas ! J'y aurais pensé toute seule, un jour. Je sais pas quand. On s'en fiche, ça se passera bien, il n'y a aucune raison qu'il y ait des problèmes.

Je disais cela distraitement comme pour éloigner le fait qu'il pouvait y avoir des problèmes. Je n'aurais jamais supporté qu'il arrive la moindre chose à mon enfant et je savais que je serais terrorisée au plus petit souci. Il ne se passerait rien parce que je voulais qu'il ne se passe rien, et j'utilisais mon arme habituelle, éloigner cette possibilité d'un haussement d'épaule en l'évoquant avec désinvolture. Par contre, ma moue se fit atrocement déçue, et sincèrement cette fois-ci, alors qu'il me disait qu'on en connaîtrait pas le sexe. Oh non... Oh non ! Je voulais savoir. Enfin, j'en étais déjà persuadée, mais je voulais avoir la confirmation de ce que je croyais. et puis j'avais dit à Kieran qu'on le saurait de retour à Londres... Je ne voulais pas attendre davantage ! Je me suspendis à son cou, regard suppliant de petite fille plongé dans le sien :

- Oh non ! Tu en es absolument sûr, dis ? Y a vraiment aucun moyen ?

Je le lâchai en croisant les bras, à la limite de la bouderie. Mais quelque chose m'en empêchait. Sentir sa main sur mon ventre, sentir mon bébé contre lui, contre son père... Ça rendait la présence de ce père terriblement tangible. A vrai dire, je jouais les moulins à paroles surtout parce que ça me déstabilisait. Et sa question me donna la parfaite occasion pour me reprendre. Je reculai, coupant tout contact avec lui, le regardant d'un air outré :

- Comment tu peux dire une chose pareille Je... Ce... Non ! Je ne pourrais jamais regretter ! C'est... Comment peut-on vouloir se débarrasser d'un bébé que l'on sent en soi, hein ?

Une vague de panique me balaya soudain et la terreur suppléa la colère dans mes iris verts :

- Pourquoi tu me demandes ça ? Tu ne... Tu ne veux pas le garder ? Tu... Tu...

Je suffoquais presque, alors que toutes mes vieilles angoisses d'après mon test remontaient à la surface. Voilà, je le savais, c'était trop beau. Je savais que ça ne pouvait pas durer éternellement. Je savais qu'il finirait par tout gâcher... Ça se terminait toujours comme ça. Toujours.

Ben voyons, elle ne me permettait pas ! C’était du Blake tout craché, a tel point que je me contentais de rouler les yeux avec un petit sourire horripilant. Bon quelque part, j’espérais qu’elle se souviendrait au moins des rendez vous, cela dit, elle avait le chic pour repousser tout problèmes c’était désespérant.

« Blake…Tu ne peux pas savoir si ça se passera bien, tu n’es pas a l’abri d’un soucis d’ordre médical tu sais. Au lieu de l’ignorer, tu devrais l’envisager sereinement. De toute façon, tu es jeune, en bonne santé, mis a part ta proportion a te peinturlurer dès qu’une frénésie artistique te prend…Ah tiens d’ailleurs, j’ai regardé un peu sur internet..Je t’ai acheté de la peinture sans produit chimique. Non parce que les émanations, ce n’est pas l’idéal. »

J’avais le défaut moi, contrairement a elle, d’envisager le pire bien souvent. Je ne sais pas si c’était préférable au fait d’ignorer ce qui pourrait arriver ou non. De ce point de vue là, assez étrangement, on se completait. Malgré tout, je savais aussi qu’elle refuserait d’envisager un quelconque problème et si jamais quelqu’un la mettait devant le fait accompli, elle ne saurait que ce mettre en colère…Ou alors me sortir cette petite moue d’enfant sur le point de pleurer.

« Oui, je suis sur. Il va te falloir patienter un peu et puis, un tout petit mois a attendre, ce n’est pas la fin du monde tu sais. »

Je souriais légèrement alors qu’elle s’échappait a nouveau, boudant comme une enfant capricieuse. Je lui baisai la joue, amusé avant de…Ah et bien elle avait garder cette habitude de tout prendre de travers apparemment. Je levai les bras au ciel avant de les laisser retomber.

« Blake, je te pousse juste a envisager toute les possibilités, c’est tout. N’en déduit pas n’importe quoi. »

Fis je avant de la saisir par les épaules, plantant mon regard dans le sien. L’azur affrontant le jade cristallin.

« Calmes toi tu veux ? Je ne reviendrais pas sur ce que j’ai dis. Je te demande simplement si tu as pensé a tout ce que tu auras a faire. Tes études, le bébé a gérer. Je t’aiderais comme je le pourrais c’est certain. Je te demande juste si tu t’ai posé cette question : « Ais je fait le bon choix ? Suis-je capable de l’assumer pleinement ? ». »

Mes paumes glissèrent sur ses joues, amoureuses, tendres.

« Te connaissant, tu vas me dire oui, mais je sais que tu ne te l’ai pas posé. Alors prends le temps d’y réfléchir. Tu devras affronter le regard des autres tout le temps de ta grossesse. La fatigue aussi. Devoir assumer un enfant n’est pas aisé a ton âge. Ta mère a réussit en sacrifiant énormément. Tu auras l’impression d’avoir perdu ta jeunesse lorsque tu regarderas les autres jeunes femmes de ton âge. Je ne veux pas que tu devienne amère, tu comprends ? Et arrête de stresser inutilement, ce n’est pas bon pour le bébé.»

Je lui souriais doucement, finissant par glisser mes doigts dans ses cheveux voluptueux.

« Ceci dit, a la différence de ta mère, le papa sera là pour te soutenir. »

Continuais je en la couvant d’un regard extrêmement doux, parce que c’était ce qu’elle m’inspirait en cet instant, si vulnérable, si fragile…La savoir enceinte me donnait envie de la traiter comme de la porcelaine, du cristal fin, en délicatesse et douceur.

Il avait le chic pour doucher mon enthousiasme, tiens. Je passais sans cesse du haut au bas avec lui, faisant sans cesse les montagnes russes et je ne savais trop si cela me plaisait. En même temps, cela mettait ma joie davantage en relief de toujours la remettre en question. Et puis c'était pas non plus comme si j'étais pas habituée à faire sans cesse le grand huit, tiens. Mais c'était pire avec lui. Cependant, ça ne me dérangeait pas trop finalement - l'important était que ça finisse toujours par aller vers le haut, et il maintenait une bonne moyenne. Là par exemple, je n'eus pas vraiment le temps de déprimer sur un quelconque problème parce qu'il enchaînait déjà sur une intention un peu décalée et qui me toucha pourtant. Mes yeux se firent brillants de reconnaissance, d'espièglerie aussi.

- On dirait que tu as sacrément potassé pendant mon absence.

Ça me touchait, en un sentiment étrange que je ne savais pas comment accueillir. Quand bien même j'avais passé plus de jours à savoir qu'il serait là qu'à me persuader qu'il m'abandonnerait, cette croyance résultait d'un dogme de près de dix-sept années que je n'arrivais pas à m'enlever de la tête. je devais sans cesse faire un effort pour me rappeler que oui, il serait bel et bien là. Je visualisais systématiquement les choses de mon unique point de vue avant de me souvenir qu'il fallait inclure Liam dans l'équation - et encore, je n'y pensais pas toujours, loin de là. Aussi qu'il se soit renseigné et ait eu ce genre d'attention pour moi me touchait réellement, sans que je sache vraiment comment réagir.

Dans le sens inverse, en revanche, il ne fallait pas grand-chose pour faire repartir la machine. un rien suffisait, comme cette question assassine qu'il n'aurait pu plus mal choisir. Je lui jetai un regard outragé de sous mes cils lorsqu'il leva les bras au ciel, en un geste très tragédien dont j'étais bien plus adepte que lui, d'ailleurs. Mes yeux s'emplissaient déjà de larmes, et lui, il se moquait de moi ? Je me contentai de reculer un peu plus, me heurtant au bar, secouant la tête, alors qu'il reprenait la parole. Je voulus échapper à son regard mais je n'y parvins pas. Je n'avais jamais su, alors qu'il me forçait à regarder la vérité en face dans ses iris bleus.

Ses paumes glissèrent sur mes joues, me désarmant alors que j'allais répondre un « Évidemment ! » bien placé, ce qui lui permit de reprendre la parole avant moi. Je rougis légèrement à son assertion. Oui, bon, d'accord, je ne me l'étais pas tellement formulé comme ça. Mais... Quand bien même je ne pourrais rien assumer du tout, je savais que je serais incapable de faire les démarches pour aller avorter. C'était viscéral. J'aurais eu l'impression de commettre un meurtre. Il m'était impossible, physiquement et mentalement, de supporter l'idée de devoir m'en débarrasser. Quoi qu'il pouvait advenir, je le garderais. Je l'aimais déjà, de toutes mes forces, de toute mon âme, plus que moi-même, plus que Liam ou même plus qu'Alice.

- Je n'ai pas... Je ne... Je n'y ai pas pensé. Mais je ne PEUX PAS avorter, tu comprends ? demandai-je, suppliante, mes yeux verts débordants d'eau. Je ne peux pas. C'est plus fort que moi. Je ne le supporterais pas. Je... Je dois le garder, ou j'en deviendrais folle.

Mais ceci dit, mes émotions évoluaient à la vitesse de l'éclair, se transformant peu à peu en étonnement alors qu'il m'intimait de ne pas stresser, en vrai papa poule. Comme dans les films, ces parents qui attendent un enfant depuis trois ans et en ont enfin un, avec l'homme qui s'investit à fond pour la mère et son bébé. Le prince charmant de ma mère et moi. Il pouvait être laid, grossier, et avoir tous les défauts du monde, s'il s'occupait de notre enfant, nous pouvions sans doute tout lui pardonner. Et la surprise encore voilée par ma peur se mua en admiration pure et simple alors qu'il me confirmait qu'il serait là. Toujours. Je n'arrivais pas à y croire. J'essayais vraiment, mais je n'y arrivais pas. Ça me semblait tellement incroyable... Liam était mon miracle à moi, et en ce moment, ça se lisait sur mon visage.

- Si tu savais à quel point je t'aime... murmurai-je.

Une main sur sa hanche, l'autre alla se fixer sur sa nuque, alors que je me dressais sur la pointe des pieds pour joindre nos lèvres en un doux baiser si tendre, si délicat. C'était seulement maintenant que je le retrouvais vraiment que je réalisais brusquement à quel point il m'avait manqué. Il m'aimait. Il restait. Ma fille aurait un père, et moi, j'étais folle d'amour pour lui. Pour tout ce qu'il avait fait et ferait encore pour moi.

Non, elle n’y avait pas pensé. Cela ne ml’étonnais pas réellement, j’étais sur qu’elle n’avait vu que le coté magnifique. Pas les nuits blanches a rester éveillé parce que le bébé faisait une dent. Pas ces moments où on ne sait pas ce qu’il a, qu’il pleure et qu’on ne peut pas le soulager. Sa mère avait vécu cela toute seule, Blake au moins, ne le serait pas. On pourrait se relayer les nuits et s’organiser plus facilement. Je ne voulais pas qu’elle se sente piégée par le bébé et, qu’un jour, rongée de fatigue, de stress, elle en vienne à le haïr, a le détester d’exister alors je la poussais a y penser. Ce n’était pas être une mauvaise mère que d’y songer, bien au contraire.

« Je sais, je sais… »

Soupirais je alors qu’elle me disait avec toute la passion dont elle était capable qu’elle ne pouvait pas avorter. Je la savais déjà folle de ce bébé a venir, mais il fallait qu’elle soit sure d’elle, pas emportée par son élan.

Les boucles de ses cheveux s’entortillaient autour de mes doigts avec douceur.

« Je veux juste que tu réfléchisse, c’est tout. Je ne te demande pas d’avorter, je sais que tu le veux et moi aussi quelque part, mais je ne veux pas qu’il en vienne a te rendre malheureuse. »

Je sentis sa main s’accrocher a ma nuque et je me penchai sous son impulsion, goutant au parfum de ses lèvres, glissant mes mains autour de sa taille.

« Tout ce passera bien, mon cœur. J’en suis persuadé mais je veux que tu sache que je suis là, d’accord ? Tes amis aussi. Donc si tu sens que tu ne vas pas bien, n’hésite pas. D’accord ? »

Murmurais je contre ses lèvres avant de sourire doucement, la serrant tendrement contre moi en soupirant. Qui aurait dit il y a quatre mois, elle se tiendrait là, bercée contre mon torse, portant mon bébé.

« Dis donc, tu n’aurais pas un peu grossit ? »

Reflexion amusée que l’on pourrait penser macho mais c’était surtout pour détendre l’atmosphère et le faire rire un peu.

Il le voulait... Il ne me l'avait jamais dit vraiment franchement. Il faut dire aussi qu'on n'avait pas tellement eu l'occasion d'en reparler, j'avais préféré moins le voir en juillet pour ne pas trop pousser les limites avec ma mère, et j'avais préparé le voyage avec Kieran et les autres. En août, nous ne nous étions pas vus, même pas téléphonés. Je lui avais envoyé cinq cartes postales, avec un dessin différent à chaque fois dessus, sans aucun texte ni même mon nom, et c'était le seul contact que nous avions eu. Alors nous n'avions jamais vraiment parlé de ce que nous en pensions, de ce que nous voulions faire. Il savait que je voulais garder ce bébé, absolument, et c'était tout. Pour ma part, je ne m'étais même pas interrogée sur ses sentiments. J'avais cru de toutes mes forces qu'il n'en voudrait pas et me quitterait pour cela. Quand j'avais su que ce n'était pas le cas, la situation m'avait déjà paru suffisamment étrange à assimiler pour qu'en plus je prenne le temps de comprendre ce qu'il ressentait véritablement vis-à-vis de cet enfant.

Il était réel à nouveau. Ses promesses étaient tangibles, crédibles. Je me blottis contre lui, fermant les yeux, me laissant bercer par ses bras forts, savourant son contact et sa protection. Je me sentais bien, terriblement bien. Comment quoi que ce soit pourrait-il mal se passer ? Non, tout irait bien, merveilleusement bien. Rien ne pouvait arriver de mauvais alors qu'il était là, pour toujours, près de moi, et qu'il me rassurait en me disant que je n'avais pas à m'inquiéter, avec ceux qui seraient présents pour moi.

- D'accord... D'accord. Je le dirai.

Je poussai un long soupir, le serrant plus étroitement contre moi.

- Je ne veux pas reprendre le lycée.

Je ne l'avais pas volé en même temps. J'avais tenté de me reprendre, vraiment, mais c'était bien trop tard, et la découverte de ma grossesse avait brisé toutes les chances que j'aurais eues de l'avoir au second tour. Je tentais de me consoler en me disant que je restais avec Alice, que c'était peut-être mieux de devoir supporter cette grossesse dans un contexte connu, au moins, plutôt que dans un tout nouvel univers. Mais l'idée de devoir encore nous cacher balayait à chaque fois tout le bel optimisme dont je m'efforçais de faire preuve.

Et puis j'ai éclaté de rire.

Je n'étais pas du tout habituée à son humour, et à l'instant, cela faisait vraiment du bien, éclatant la bulle de sérieux que nous avions créée. Je le voyais sourire de ce sourire franc si rare, si beau, et que j'aimais tellement. Les yeux emplis de joie, brillants, trahissant mes pensées alors que ma bouche faisait la moue, faussement vexée, je répliquai :

- Ce ne sont pas des choses qu'on dit à une femme !

Je posai de nouveau une main sur mon ventre. Je n'arrivais jamais à rester très longtemps sans le toucher. J'ajoutai avec une petite grimace :

- Tu sais que j'avais oublié de le dire à Kieran ? Il a compris quand il m'a dit de faire attention à ce que je mangeais. Tiens, d'ailleurs, j'espère que tu as fait des provisions parce que j'ai tout le temps faim. Enfin bref, il n'a pas tellement apprécié sur le coup. Je lui ai dit qu'il serait le parrain.

Et merde. Je pris conscience d'une chose, soudain, à laquelle je n'avais absolument pas pensé quand j'avais annoncé cela à mon meilleur ami. Paniquée, je me collai un peu plus à lui, le regard suppliant :

- Tu veux bien, hein ?

Je soupirai. Evidemment qu’elle ne voulait pas reprendre le lycée. Et si tout c’était passé comme prévu, elle aurait eu son bac et aurait pu attendre la naissance avant d’envisager une quelconque université. Mais il fallait croire que le destin jouait contre nous. Elle avait raté son bac, ses rattrapages donc elle n’avait pas le choix. Elle devait refaire une année tout en exposant sa grossesse. Tout en cachant l’identité du père. Quelque part, j’aurais sans doute préféré qu’elle fasse son année supplémentaire dans un autre lycée mais cela aurait été la séparer d’Alice et ça, je n’étais pas sur qu’elle apprécie. D’autant plus qu’elle avait besoin de ses amis auprès d’elle lorsque moi, je pouvais la soutenir.

Cette année qui se profilait devant nous, serait sans doute la pire pour elle. Je le pressentais et je la connaissais assez pour savoir ça.

« Je m’en doute, mais tu n’as pas le choix. Enfin si tu pourrais arrêter l’école mais il n’en est pas question. Tu dois avoir ton bac, c’est important pour plus tard. »

Fis je en lui massant doucement le dos, j’avais parfois l’impression d’être son père, c’était une situation plutôt inédite, je devais en convenir et cela me faisait rire parfois. Et j’aimais le sien d’ailleurs, alors je ne pu m’empêcher de le provoquer en faisant une reflexion très…machiste sur le coup.

« Mmh ? »

Oublié de le dire ?! Je levai les yeux aux ciel. Vous pouvez m’expliquer comment elle avait pu…oublier un truc comme ça ?! Enfin non, inutile de chercher des raisons, c’était du made in Blake, je n’étais même pas surpris. Par contre, je ne savais pas si c’était une bonne idée de se confier ainsi, bien que Kieran m’avait l’air digne de confiance, j’avais peur que Blake ne fasse une erreur. Mais d’un autre coté, elle avait besoin de quelqu’un pour l’écouter, donc, je ne dis rien sur le coup…Avant de rire doucement.

« Je vois. Je suppose que même si je te disais non, il serait trop tard ? Et tel que je te connais, tu as déjà décidé du prénom et de la marraine ? Dis moi…Tu l’as déjà inscrit a l’université aussi ? »

Je me moquais gentiment tout en sachant pertinemment qu’elle n’arrivait pas a m’inclure dans l’équation. Il allait falloir que je m’impose. Blake n’était pas foncièrement égoïste, elle n’avait juste pas conscience de l’être c’était ça tout le problème.

- Ça ne sert à rien, le bac, pour les Beaux-Arts, grognai-je.

J'étais puérile et de mauvaise foi, je le savais. L'apprentissage qui m'était nécessaire pour avoir le bac me serait sans doute inutile pour une grande partie, mais il n'empêchait que le bac était une condition pour être acceptée dans cette école, point à la ligne. Peu importait que les trois quarts des matières ne seraient plus qu'un lointain souvenir au bout de deux semaines de cours. Sinon, je n'aurais pas redoublé... C'était ma plus grande crainte, échouer à être acceptée à cette école pour ma deuxième année de terminale alors que j'y étais parvenu la première fois mais que j'avais raté cette condition sine qua non qu'était mon examen de fin d'année.

Cependant, nous repartîmes sur un sujet plus léger alors que j'évoquais l'annonce - plutôt ratée à vrai dire - de cette grossesse à Kieran, et la décision qui s'en était ensuivie. Jusqu'à ce que j'aie le même genre de flash qui m'avait saisi face à Kieran lorsque j'avais compris brusquement que mon enfant s'appellerait Hartwood et pas Earl. C'était étrange de se dire que c'était moi qui le porterais, le mettrais au monde, mais qu'il n'aurait pas le même nom que moi. Ça me dérangeait un peu, à vrai dire. Enfin, on verrait bien, pour l'instant je devais terminer les annonces fâcheuses, et je fus soulagée de sa réaction somme toute bien gentille comparée à la remarque assassine à laquelle j'avais eu droit de la part de Kieran - et sur laquelle il n'avait pas vraiment tort, par ailleurs. La franchise de Kieran m'était toujours douloureuse mais bénéfique. Mais au moins, je savais à quoi m'attendre de sa part.

De la part de Liam, jamais. Je n'arrivais pas à le cerner et je n'arrivais jamais à déterminer s'il se fâcherait ou prendrait la situation avec amusement. J'étais intensément soulagée qu'il le prenne de cette manière. Bon, peut-être ne dirait-il pas amen à tout ce que j'avais décidé mais au moins ne m'en blâmerait-il pas. Pas en surface. Pas pour l'instant.

- Alice... Élodie ? répondis-je d'une voix timide. Je n'ai pas pensé à un prénom si c'était un garçon, mais je pense vraiment que c'est une fille.

Plus je parlais et plus je m'empourprais.

- Et je ne l'ai pas inscrite à l'université mais je voudrais qu'elle fasse un art, aussi. La danse, ou le théâtre, ou le dessin. Ou la musique peut-être. Je n'en fais pas, moi, ça compléterait. Qu'est-ce que tu en penses ?

« Si Blake, ça sert a t’y inscrire. Il serait peut être temps que tu te serve de ça avec un peu plus de sérieux – fis je en tapotant doucement son front de l’index – Comment veux tu elever un bébé sans un minimum de reflexion. Il aura besoin que tu pense pour lui, tu sais ça ? »

Répondis je, amusé par son attitude enfantine. Elle serait vite obligée de grandir avec le bébé. Avoir la responsabilité de quelqu’un lorsque l’on était nous même irresponsable…Je ne savais pas si c’était le mieux et quelque part, je me disais qu’il allait me falloir redoubler d’attention pour éviter les boulettes qu’elle enchainerait.

Qu’elle ai déjà choisi le parrain, la marraine sans même me consulter me confirma le fait qu’elle ne me comptait pas dans l’équation. Obligé de m’imposer, voilà ce que j’en déduisais en secouant lentement la tête de gauche a droite, estomaqué malgré moi.

« Dis moi et si j’avais eu une sœur que j’aurais aimé voir marraine ? Je suis sur que tu n’y a pas pensé. »

Marmonnais je, en vérité, cela ne me gênait pas vraiment, je n’avais personne d’assez proche pour en faire un parrain ou une marraine. Et au moins, si j’avais quelque réserve concernant Alice, je savais Kieran responsable. Sans doute serait il une bonne influence pour Blake, même si j’avais encore un peu de mal a digérer le coup de ma classe..

« Par contre, tu peux oublier Elodie. C’est laid. Ce sera Gaëlique et ça, ce n’est pas négociable Blake. Je te laisse le choix de ses parrains marraines, mais le prénom, non. Il te faudra compter avec moi. »

Dis je tranquillement mais d’une manière inébranlable. Puisqu’il me faudra m’imposer, j’allais le faire. Je levai un main, caressant sa joue alors qu’elle s’emportait, faisait déjà des plans pour l’avenir du bébé.

« Du calme. Il fera un art si il en a envie, mets toi dans la tête qu’il aura peut être envie de faire autre chose, que peut être, ta fibre artistique ne lui sera pas attribué dans les gênes. Comprend bien qu’il ne sera pas toi, alors pour le moment, même si tu aimerais beaucoup qu’il fasse un art quelconque, laisse le donc grandir avant de décider pour lui. »

Fis je doucement en empoignant délicatement son menton, levant son visage vers moi pour déposer un doux baiser sur ses lèvres, souriant avec amusement. Quelque chose me disait que ça n’allait pas être de la tarte.

Le rose colorait mes joues sous la gêne et mes yeux avaient ce petit je ne sais quoi de suppliant alors que je le regardais en priant pour qu'il me pardonne ce léger oubli. Ben quoi ? Bon, d'accord, oublier qu'on était deux à avoir un enfant, c'était peut-être plutôt de l'ordre de la grosse bourde que du léger oubli, mais j'avais des circonstances atténuantes... Enfin... Il me semblait. D'une petite voix désolée, je fis :

- Mais tu n'as pas de sœur... si ?

Je le voyais plutôt fils unique. En fait, je l'avais trop visualisé comme le prof sans cœur qui n'avait pas de vie à part ses élèves. Je ne le voyais pas sortir, avoir des amis, des proches - pourtant il ne vivait pas en ermite et d'ailleurs le soir où je l'avais poussé à bout avec Iago le prouvait. La dénommée Sarah n'était-elle pas sa petite amie du moment ? Petite amie... Ça me faisait rire quand j'y repensais, en même temps qu'une poussée de jalousie me prenait à l'idée qu'elle l'ait connue avant, presque tout de suite allégée par sa ressemblance avec moi. De longs cheveux bruns, des yeux verts, une bouche pulpeuse. Bref, je m'en fichais éperdument de cette fille, l'important était que désormais il était avec moi, rien qu'avec moi.

- Je suis désolée. Je te promets que j'essaye, mais c'est trop... trop bizarre. C'est pas normal.

Il ne me venait pas à l'idée de penser que c'était peut-être moi qui n'étais pas normale à penser que de toutes les façons, je serais seule. Un bébé se faisait à deux, s'éduquait à deux, et j'avais été élevée dans l'optique inverse. Je n'y arrivais pas.

- C'est pas que je veux pas choisir le prénom avec toi, mais un nom gaélique, j'arriverai même pas à le prononcer correctement, bougonnai-je.

Bon, OK, le français ce n'était pas beaucoup mieux, mais passons.

- Je ne veux pas décider pour lui, mais c'est important qu'il fasse des activités extrascolaires pour s'épanouir. J'aurais bien voulu commencer plus tôt, moi. Et puis maman est hyperactive, je suis hyperactive, s'il y a droit aussi, on a plutôt intérêt à ce qu'il ait quelque chose pour se défouler, tu vois ? Enfin maman en a bavé avec moi, mais moi, maintenant, je connais le mode d'emploi. Tu crois que ça donne quoi, un bébé hyperactif ? Ça risque d'être fatiguant. Tu m'aideras pendant le bac, hein ? Si je le manque une deuxième fois, je vais vraiment devenir folle. Et aussi...

Ses lèvres sur les miennes me clouèrent le bec au beau milieu de mon élan. J'ouvris grands les yeux sous la surprise, avant de les fermer pour mieux profiter de ses lèvres en nouant mes mains à sa nuque, glissant mes doigts dans ses cheveux. Le baiser s'approfondit alors que je commençais à me sentir toute chose. Oh, seigneur, ça faisait trop longtemps que je ne l'avais pas eu contre moi. Tout ce que je voulais dire s'éclipsa de mon esprit, ne laissant de place que pour lui, ses mains, ses lèvres, ce baiser qu'il m'offrait.

Un mois, c'était vraiment beaucoup.

Alors je ne savais pas si je devais m’agacer ou rire de son égoïsme sur le coup. C’était vrai qu’elle ne s’était jamais réellement intéressée a ma vie, quand moi je connaissais la sienne par cœur. Sa petite mine contrite était tout de même adorable mais cela n’empêchait pas le fait qu’elle ne m’avait pas prit en compte dans ses décisions. Cela m’énervait, surtout concernant NOTRE enfant.

« Je n’ai pas de sœurs, mais j’ai trois frères, si tu veux tout savoir. »

Répondis je en haussant une épaule. Trois frères que je ne voyais plus.Un que j’avais failli tuer. Ce n’était pas spécialement glorieux quelque part. vraiment pas même. Je ne savais pas si je voulais lui en parler, je ne voulais pas voir la peur dans ses yeux face a cette enfance violente et incontrôlable que j’avais connu. Quelque part, la boxe m’avait sauvé, me permettant d’évacuer le trop plein de sauvagerie, de colère pour demeurer serein.

« Qu’est ce qui n’est pas normal ? Blake, tu n’es pas ta mère et je ne suis pas ton père. Cet enfant, il ne s’est pas fait tout seul. Que tu le veuille ou non, il faudra me compter dans l’équation, c’est tout. »

Voilà, c’était dit. Quelle soit contente ou pas, c’était comme ça, pas autrement.D’ailleurs, je le lui fit comprendre en refusant tout net le prénom qu’elle avait décidé. Je voulais du gaëlique et sa remarque me fit rire.

« Ecoute mon cœur, cela s’apprend, tu auras neuf mois pour parfaire ta prononciation et je sais que tu y arriveras. »

Dis je tranquillement, parce que pour son bébé, elle ferait n’importe quoi, je le savais. Mais le truc, c’était qu’elle avait déjà décidé de tout ou presque et je lui mis le hola. Si il ou elle voulait faire un art, très bien, MAIS, il était hors de question qu’il en fasse pour faire plaisir a maman, je tenais a ce qu’il en fasse pour lui, son désir et son envie. Et si ce n’était pas du dessin ou de la musique ou même du théâtre et bien soit !

Je souris lorsqu’elle se laissa emporter, séduit par sa fougue, son bonheur en cet instant où elle évoquait son bébé.

« Oui…Oui…Et oui… »

Murmurais je avant de lui ravir les lèvres. Oh, je ne me leurrais pas, cela ne serait pas facile, ni pour elle, ni pour moi. Mais a deux, on y arriverait. Je ne pouvais pas m’empêcher de venir jouer avec sa langue, de glisser mes mains sur son corps qui m’avait manqué durant un mois, que je retrouvai transformé, plus plein, plus voluptueux. Je sentais ses mains sur ma nuque et je soupirai contre sa bouche avant de glisser dans son cou, murmurant a son oreiller :

« Tu m’as manqué Blake, atrocement…Je vais te faire l’amour, doucement, tendrement. T’aimer comme j’en ai tellement envie maintenant. Tu es si fragile… »

Surtout depuis qu’elle était enceinte, je bridais mes envies fougueuses et même si je rêvais de la faire mienne avec passion, cette petite vie qui grandissait en elle retenait sans faiblir ma violence amoureuse.

Trois frères... OK, clouage de bec à la Liam 1, tact légendaire de Blake 0. Cependant il n'insista pas, aussi en conclus-je qu'il n'avait personne de réellement proche à qui faire une telle proposition, ou en tout cas pas si c'était pour remplacer mes meilleurs amis. De toute façon, il n'hésita pas un seul instant pour me dire ce qu'il pensait du prénom évoqué, alors sans doute aurait-il fait de même s'il avait vraiment eu quelqu'un à qui il aurait voulu demander. Quelque part, ça me rassurait. Au moins, il n'hésitait pas à se rappeler à moi, et entre lui et Kieran je finirais par y arriver. Je me rendais compte que cet aveu fait pendant notre guerre incessante avait réellement eu du bon. Même s'il devait me supporter et supporter mes stupides craintes, au moins savait-il d'où elles venaient et comment les gérer. A vrai dire, maintenant, je n'avais plus tellement peur qu'il abandonne le bébé. J'avais peur qu'il ne me laisse si je le mettais trop de côté. Et là, je ne pourrais m'en prendre qu'à moi-même. Je devais absolument passer au-delà de cette foutue habitude que j'avais de ne pas penser à deux.

- Ce n'est pas que je veux pas, c'est que je n'y arrive pas, répétai-je. C'est un... réflexe, en quelque sorte. Mais ça se perd, les mauvais réflexes, si on travaille dessus.

Et je travaillerais dessus. De même que je travaillerais sur mon accent gaélique s'il tenait absolument à avoir un prénom dans cette langue. J'apprenais ce que c'était que de faire des concessions, moi qui avais toujours été enfant unique élevée par une mère qui avait tout sacrifié pour elle.

Et l'atmosphère changea brutalement alors que mes lèvres se retrouvaient soudain contre les siennes, me faisant taire instantanément. Électrisante. J'eus un moment de flottement pendant lequel je ne compris pas réellement ce qui se passait, accrochée à sa bouche, ma langue dansant avec la sienne, mes yeux fermés, tout mon corps et mes sens n'ayant plus conscience que de lui, uniquement lui. Je retrouvais enfin ma place dans ses bras après un mois, un mois interminable, fantastique certes, le plus merveilleux de ma vie, mais un mois beaucoup trop loin de lui, et j'en prenais conscience seulement maintenant. Ce fut sa voix qui me fit retomber sur terre et comprendre plus ou moins ce qui se passait.

En temps normal, j'aurais protesté à son affirmation. Je me serais défendue d'être fragile ou trop tendre, j'aurais dénié avoir besoin de protection ou de douceur. mais là, les paroles de Kieran me revinrent en mémoire. Qu'il allait adorer prendre soin de moi, qu'il me soutiendrait et s'occuperait de moi, parce que c'était là le vrai rôle d'un père, pas de s'enfuir en abandonnant sa femme seule. Et Liam, lui, respecterait ce rôle. Alors je ne dis rien, me sentant fondre d'amour pour lui. S'il voulait me protéger, je le laisserais me protéger, aussi forte pouvais-je penser être. Et je réalisai soudainement que j'avais moi aussi terriblement envie de lui.

On avait rarement fait l'amour doucement, lentement. On était souvent emportés par la fougue, l'urgence, le besoin de profiter de nos trop rares moments, sans doute pas aussi violemment que cette première journée chez lui mais dans la même veine. On avait rarement pris le temps de réellement parcourir le corps de l'autre, même si Liam avait cette magie électrisante au bout de ses doigts et dans ses iris qui me faisaient me sentir unique, merveilleuse, une reine, y compris lorsque nous précipitions peut-être un peu trop rapidement. Mais nous avions tellement peu de temps ensemble...

Mais aujourd'hui, nous avions tout le temps que nous voulions. Alors nous allions en profiter. Je le pris par sa chemise et le tirai doucement vers moi, rejetant la tête en arrière sous la tendresse brûlante qui me dévorait le cou. Je me cognai dans la table basse, la contournai, et m'assis sur le canapé, l'attirant à moi. Mes doigts se perdirent sous sa chemise alors que je redécouvrais son corps après si longtemps, que je me l'appropriais de nouveau. Exceptionnellement, aujourd'hui je n'avais pas envie de soumettre sa force à mes mains, je n'avais pas envie de sentir sa puissance se plier à mes désirs. J'aimais le dominer, j'aimais pouvoir choisir et sentir que c'était moi qui décidais, après tous ces mois à me battre contre sa volonté, mais il n'était pas en reste non plus, et nous continuions à nous affronter dans notre désir, en une opposition tellement plus plaisante cependant !

Mais non, pas cette fois. Cette fois, je voulais être traitée comme une vraie princesse. Je voulais qu'il soit à mes pieds, m'honorant et me vénérant comme il savait si bien le faire, enflammant ma chair avec cet art indiscutable qu'il avait de me faire me sentir si belle, si désirable, je voulais qu'il me comble, et dans le même temps je voulais me laisser aller à ses mains expertes. Je voulais qu'il prenne soin de moi, qu'il me protège et me soumette. Je voulais me sentir protégée... Rassurée... Sentir qu'il serait toujours là pour moi. Et qu'il m'aimait follement, autant qu'il aimerait notre enfant.

Notre enfant. Pas le mien. Le nôtre.

- Tu ne me feras jamais de mal, même si je suis fragile, chuchotai-je. Tu ne peux pas. Tu es fait pour me protéger.

Et cela, c'était la toute première fois que je le disais. Et que je le pensais, surtout. C'était quelque chose que je n'aurais jamais, au grand jamais, pensé être capable de dire un jour à un homme, et il était clair que c'était un incroyable progrès de ma part. Cette fois, ce n'était pas parce que j'étais dans ses bras. C'était tout simplement parce que m'accepter avec ce bébé était la plus belle et la plus miraculeuse, au moins à mes yeux, preuve d'amour qu'il pouvait me donner. Et pour ça, plus jamais je ne douterais de lui, plus jamais. Je lui vouais une admiration sans bornes sans doute illogique pour la plupart des gens, mais qui était à mes yeux tout à fait justifiée. Il l'aurait voulu qu'il n'aurait jamais pu provoquer ma confiance et mon amour autrement. Il fallait ça pour qu'enfin tous mes doutes s'envolent. Désormais, la seule et unique crainte que j'avais, c'était de le perdre parce que je le lasserais avec mes habitudes idiotes envers les hommes. Mais pour lui, pour garder le père de mon enfant, alors je serais prête à faire tous les efforts du monde pour réussir à changer.

Ces craintes idiotes, ces aspirations futures, tout cela semblait se dissoudre doucement alors que je jouais avec ses lèvres, m’abreuvant a leur source dont j’avais été privé durant un mois. Qu’est ce qu’un mois en vérité ? Pas grand-chose a l’échelle de l’éternité mais a la notre ? Immense manque qui s’était creusé malgré le téléphone, sa voix trop lointaine, emplie d’un émerveillement qui ne naissait pas de moi mais de paysages que je ne pourrais jamais totalement concurrencer.

Je prenais conscience de sa fragilité, même sous ses dehors forts. Fragile, elle l’avait toujours été combien même tentait elle de faire croire le contraire. Une petite fille qui grandit dans un monde qu’elle ne comprends pas réellement, blessant sans même s’en rendre compte, meurtrissant les cœurs qui s’enchainaient pour elle. Mais aujourd’hui, cette fragilité semblait exploser, terriblement présente alors qu’elle portait notre enfant. Trop jeune pour supporter cela songeait on, mais peu connaissait la force qu’elle pouvait déployer lorsqu’elle le décidait. Et j’étais sur qu’elle ferait n’importe quoi pour lui…Ou elle d’ailleurs. Je me fichais du sexe au demeurant, je ne voulais que la santé et le bonheur de sa mère. Et là, alors que je parcourais les lignes pleines de ses lèvres, je me pris a espérer que rien ne viendrait nous ternir, nous salir comme nous l’avions été si souvent.

Je me laissai entrainer, mes paumes sur ses joues veloutées et une lueur d’inquiétude apparut alors qu’elle se cognait, vite remplacée par une tendresse sans limite, parce qu’elle était ainsi, maladroite. Elle provoquait mon envie de la protéger, comme de l’aimer, comme une goutte de cristal qui se briserait si je la heurtais trop fort et je frémis a ses mains sur ma peau. Derme qui buvait sa chaleur tel un affamé, se repaissant de ce contact douceâtre et en même temps frénétique. Je la laissai s’assoir, m’agenouillant doucement devant elle, posant mon front contre le sien alors qu’elle me chuchotait des mots que je n’avais jamais espéré entendre dans sa bouche. Jamais. J’étais fait pour la protéger. Je l’avais toujours été, je le savais mais jamais elle ne s’en était rendu compte. Jamais. J’étais cette force qu’elle n’aurait pas lorsque la vie la blesserait immanquablement. Cette puissance qui la porterait si elle faiblissait. Ce rire qui la traverserait si il venait a manquer au creux de son âme. J’étais aussi cette colère endormie dont elle avait peur mais qui l’aidait a grandir.

« Je l’ai toujours été. »

Murmurais je doucement, mon souffle effleurant la pulpe magnifique de ses lèvres, une adoration certaine nageant dans le bleu de mes iris lorsqu’elles plongeaient dans le jade des siennes. Juste une femme enfant terriblement instable, passionnée, faite pour moi. Mes doigts caressèrent un instant le pull qui la couvrait avant de glisser sur ses flancs, doucement, sans heurts aucun, empreints de passion mais d’un empressement terriblement langoureux, une vénération pour ces nouvelles formes qui se dessinaient lentement, que j’apprenais. Puis se fut sa peau, rendu plus éclatante, une étendue de soie que je parcourais avec une hésitation étrange.

« Tu seras une mère merveilleuse, n’en doute jamais. »

Chuchotais je a son oreille avant de perdre mes lèvres dans le creux de son cou délicat, goutant cette chair que je connaissais par cœur et que, pourtant, je réapprenais aujourd’hui, comme une nouveauté, une rareté…

Lire ses émotions dans ses yeux était un exercice qui m'avait toujours fascinée, après deux ans à ne me heurter qu'à un mur de glace totalement indestructible. J'adorais le déchiffrer, et plus encore y voir cet amour et cette dévotion sans pareille qu'il éprouvait à mon égard. je me délectais de cette sensation d'être une reine et je me noyais dans ses yeux bleus brûlants, si brûlants, quand je n'y avais vu que glace pendant si longtemps. Je fermais rarement les paupières durant nos étreintes. J'aimais trop voir les expressions défiler sur son visage, de désir, de plaisir, de bonheur, d'amour et d'adoration. Front contre front, ainsi, je l'admirais, j'admirais ses yeux et son visage qui me criaient qu'il m'était dévoué, à moi, rien qu'à moi.

Délicatement, ses mains roulèrent sur ma peau, en une caresse soyeuse et délicate. Je le laissai m'enlever mon pull, puis mon haut, laissant l'air frais mordre ma chair mais je ne tremblais pas, me consumant de son toucher embrasant mon corps. J'avais l'impression de prendre feu alors que ses lèvres caressaient la ligne de ma mâchoire avant de s'approcher de mon oreille. Je souris à ses paroles et hésitai quelques secondes avant de répondre quelque chose que je n'aurais jamais cru prononcer un jour :

- Autant que tu feras un bon père. Il était sans doute temps que je m'en rende compte.

Ma voix n'était pas très sûre d'elle. Ce n'étaient pas des paroles qu'il était possible de m'imaginer prononcer lorsqu'on me connaissait, et je n'étais pas tellement à l'aise en les disant. Cela ne sonnait pas naturel dans ma bouche parce que je n'arrivais pas vraiment à le dire de manière convaincue mais pourtant j'étais sincère. Je ressentais mon état physique jusque dans ses gestes. Je sentais la retenue qu'il mettait dans ses caresses, je percevais l'hésitation tremblante de ses doigts, comme s'il avait peur de me briser, ou de faire du mal à notre enfant, en appuyant trop fort quelque part. Étrange passion mâtinée de tendresse effrayée qui était délicieuse et que je savourais pleinement. Non, il ne me ferait jamais de mal.

Mes doigts s'accrochèrent à sa chemise et en défirent les boutons un à un, avant de retirer le tissu responsable de ma frustration. Je ne voulais pas seulement le toucher, je voulais le voir, le réapprendre de nouveau. Un mois ! Un mois sans le voir, le toucher, l'entendre, sentir ses soupirs s'échouer sur ma peau, retracer les lignes de ses muscles du bout de mes doigts, boire l'admiration qu'il avait pour moi ! C'était long, trop long. Je savais déjà que je ne recommencerais plus, alors même que je n'avais pas vraiment réalisé son absence pendant ce voyage. Je ne pourrais plus me séparer de lui aussi longtemps maintenant. Je me cambrai, cherchant le contact de sa poitrine contre la mienne, alors que mes mains descendaient s'en prendre à la boucle de son pantalon.

Je ne sus qui de lui ou de moi nous avait allongés sur le canapé, et à vrai dire je m'en moquais, alors que je dévorais des yeux sa silhouette me surplombant, que mes mains caressaient le creux de ses reins et ses fesses, que je relevais les hanches, gémissante, pour venir me frotter à lui et le réclamer.

- Je t'aime...

« Je ne peux pas t’en vouloir d’en avoir douté. »

Chuchotais je a son oreille, me laissant enivrer de son parfum unique a elle. Un mélange d’épices et de douceur alors qu’elle fondait entre mes bras, cette faim dévorante née de son manque qui me tenaillait les entrailles voulait être apaisée dans la passion débridée et pourtant, je me contenais, elle portait mon bébé, elle était fragile, délicate et la peur de la briser qui me prenait souvent lorsque je la serrai contre moi me prit a la gorge avec une force démesurée.

Nous basculâmes sur le canapé et je fit attention a ne pas l’écraser de mon poids, me soutenant sur mes avants bras posés aux cotés de sa tête. Sa peau contre la mienne m’arracha presque un gémissement torturé tant cela m’avait manqué, comme une drogue qui ne nous laisse pas s’échapper, qui nous tient de la plus délicate et sensuelle des manières. Une douleur douce et intense dans le même temps. Doucement, avec une langueur respectueuse, ma paume redessinait ses courbes, plus pleines me sembla-t-il, plus parfaite, son corps se préparait a la maternité avec lenteur et j’adorais littéralement ce qu’elle devenait petit à petit.

Je souris doucement a son impatience alors que son corps se soulevait contre le mien, quêtant son contact, son toucher. Et juste ces mots prononcés dans un souffle brulant, passant ses lèvres idéales que j’embrassai avec vénération, comme la plus belle chose qu’il m’ai été donnée de voir, de toucher, d’effleurer. Je m’émerveillai encore et toujours d’elle. L’azur de mes iris scintillait d’elle, se gorgeant de sa présence contre moi après tant de jours a seulement rêver d’elle, a seulement l’imaginer allongée, endormie contre moi, dans cette innocence qui reste sienne combien pourrais je l’aimer des siècles entiers.

« Tu es magnifique. »

Soupirais je d’une voix rauque, empreinte de mon envie d’elle, comme de mon amour incontrôlable. J’étais doux, lent, prenant ce temps qui nous avait manqué avant pour diviniser sa chair de la pulpe de mes lèvres, de l’amour d’une langue mutine, glissant sur sa peau soyeuse en soupirant cet amour qui était le notre.

Uniquement elle. Il n’en sera jamais autrement lorsque ses yeux se noyaient dans les flammes que je provoquais en elle, qu’il devenait fusion sous mes paumes, ma bouche adoratrice.

S'il ne m'en voulait pas, alors la dernière chose qui aurait pu nous séparer venait de tomber. Que pourrait-il bien y avoir d'autre ? Il m'aimait, je l'aimais, je portais la preuve, la concrétisation de notre amour et nous étions prêts à le choyer ensemble. Peu m'importaient désormais les obstacles, peu m'importait de devoir bientôt redevenir son élève, peu m'importait ce que pouvait penser ma mère de notre relation et peu m'importait notre écart d'âge, la seule chose qui comptait était cela. Ce petit bout de chou qui grandissait en moi et que j'adorais littéralement, que son père voulait protéger aussi, et qui nous relierait à jamais. Rien ne pouvait nous séparer, et il suffirait que je regarde mon enfant dans les bras de son père pour m'en convaincre si jamais un jour je venais à douter. C'était une image que je n'avais jamais osé imaginer, Liam avec notre bébé dans les bras, sans doute parce que ça faisait trop mal de la voir en fermant les yeux et de se dire que jamais l'on ne pourrait voir cela en vrai. Mais maintenant, je n'avais plus peur du tout, si ce n'était de moi.

Ses mains buvaient mon corps et je me gorgeais de son amour infiniment tendre et protecteur, gémissante et perdue dans le désir qu'il savait provoquer en moi d'un simple effleurement. Je l'aimais, Dieu que je l'aimais ! Plus le temps avançait, et plus j'en avais conscience, douloureusement conscience. Ce n'était pas tellement que je l'aimais de plus en plus, c'était plutôt comme si je l'aimais à un point tel que je l'ignorais, et que je le découvrais au fur et à mesure. Comme pour me permettre de mieux gérer cette histoire qui m'était tombée si brusquement sur le coin du crâne. Est-ce que c'était possible, ça ?

Mes doigts glissèrent dans ses cheveux, se crispant dans ses mèches noires, alors que sa bouche goûtait ma chair, la vénérant comme il le faisait si bien. Ça ne pouvait marcher qu'avec lui. Je savais que si un autre me faisait ça, je ne ressentirais rien, rien d'autre que du dégoût. C'était lui, juste lui. Ce n'était pas tant ses gestes que ce qu'il ressentait pour moi qui faisait réellement vibrer ma peau sous la sienne. Cette magie qui prenait corps entre nous, elle n'était créée que par notre amour. J'étais divisée en deux, atrocement. Je voulais qu'il continue, je voulais me forcer à la patience et prendre le temps de savourer notre étreinte comme je ne l'avais encore jamais fait. Mais mon ventre souffrait de son absence, le réclamait atrocement, en une supplique brûlante que je ne pouvais ignorer. Et je ne savais pas si je voulais qu'il comble ce vide dès maintenant ou si je voulais encore prolonger cette torture si délicieuse qu'il m'infligeait.

- Liam... chuchotai-je.

Un gémissement, à la limite d'un léger cri, passa mes lèvres sans que je puisse le contenir. Je n'avais jamais su me contenir. Il savait toujours exactement ce qu'il provoquait en moi, et si parfois je regrettais de ne pouvoir me contrôler un peu plus, j'avais toujours été contente d'être ainsi, à nu, devant lui. Nous n'avions pas le temps de jouer à ça. Nous avions toujours tellement peu de temps...

- Je t'en supplie...