Comme au bon vieux temps [Laurys]

Le monde était petit et le destin surprenant. Je ne pensais pas croiser Laurys à la sortie du lycée. Ce vieux démon, le bras droit de Satan, excusez du peu, jouait lui aussi à la nounou. Il avait eu plus de chance que moi, sa protégée était à croquer. Moi, j'avais écopé d'un sale gosse mal élevé et arrogant. Pas de chance. Surtout que nos rapports étaient loin d'être au beau fixe. La faute à cette punaise d'ange qui s'amusait à lui susurrer des idées dont il se serait bien passé. Aller lui suggérer que j'avais pu tuer ses parents pour l'avoir... Bien sûr que j'en aurais été capable, mais en l'occurrence, cela ne s'était pas du tout déroulé ainsi. J'étais réellement innocent, me trouvant là au bon moment pour prendre son âme et soigner mes blessures, mais voilà tout. Que j'ai le don de pyromancie n'était qu'un hasard. Hasard que cette vipère avait bien sûr, su exploiter.

J'étais dans les ennuis jusqu'au cou, malheureusement. J'avais bien tenté de la séduire, mais j'avais essuyé un échec cuisant alors qu'elle m'avait repoussé. Saleté... Alors que j'étais si certain de l'avoir. Elle avait failli se laisser faire, elle n'avait pu mentir sur ses frémissements, sur son corps alangui, sa langue avide... C'était de me repousser qui était un mensonge. Que crains-tu donc mon ange? La destruction dans un moment de faiblesse? Quelle merveilleuse clairvoyance. Quelle fâcheuse clairvoyance même. Cette fille était une épine dans mon pied. Je devais m'en débarrasser. Mais l'attaquer de front ne ferait que me confronter à l'échec. Je devais la briser avant. Et quelque chose me disait que je devais m'introduire dans son lit pour y parvenir. Et dans son cœur. Je savais être charmant, je serais celui qui la ferait vibrer. C'était décidé.

Et pour cela, j'avais besoin d'informations. Pourquoi ne pas joindre l'utile à l'agréable? Laurys était une vieille connaissance. Et dans les petits papiers de Satan. Il avait accès à une foule d'informations. Nul doute qu'il avait entendu parler d'Azraëlle. Cela faisait plus de 20 ans que nous ne nous étions pas croisé. Il était temps de réparer ce fâcheux oubli n'est-ce pas? Il n'avait pas été difficile de trouver où il vivait, de lui faire parvenir un mot pour lui donner rendez-vous au Manoir Arlington. Il y avait une très belle salle d'escrime, j'y avais veillé. Ciel et Wilha étaient à l'école, nous serions seuls pour des retrouvailles effilées.

Comme toujours, il fut ponctuel. Il n'avait pas changé, la même élégance racée. 20 ans et pas une ride, c'était beau l'immortalité. Et dire que j'étais plus vieux que lui et que je ressemblais pourtant à un gamin parfois. Tout dépendait de mon humeur, de ma coiffure, de mon faciès et de mes vêtements. De ce que je voulais qu'on voit de moi. Aujourd'hui, je faisais bien 10 ans de moins. J'étais moins massif que lui, moins grand également. Je portais un jean et un T-shirt blanc en coton tout simple. Pas la peine d'aller ruiner un costumé onéreux. Nous nous battions sans protections, à l'ancienne. Pas comme si nous pouvions vraiment en mourir n'est-ce pas?

J'accueillis donc Laurys avec un sourire aux lèvres.

- "Cela faisait longtemps... 22 ans si je ne m'abuse... Je ne m'attendais pas à te croiser en Angleterre et en étant lié à une jeune fille. Tu as toujours très bon goût, au passage."

Je l'invitais à entrer, le guidant jusqu'à la salle d'escrime. Il y avait toutes sortes de fleurets, sabres, épées... La plupart mouchetées. Mais j'avais mes propres armes, authentiques, nullement faites pour l'apparat. j'avais été un guerrier. Laurys également. Le vernis dissimulait les barbares que nous avions été. Je m'emparais de mon épée, jouant avec en faisant un tour sur moi-même et en montrant la salle avec emphase.

- "Bienvenue au Manoir Arlington, messire de la Rochelle!"

Il est étrange de constater que le temps file et parfois fait une boucle. J’aime a me tenir au courant de tout, je l’avoue, faiblesse avouée, constatée et toujours satisfaite, mais rien n’aurait pu me laisser entrevoir ces retrouvailles presque insolentes. La similitude des écarts du destin reste quelque chose de terriblement amusant pour moi. Tantôt me laissant porter, tantôt contrecarrant mais toujours surpris.
Mon visage se fend d’un sourire entre amabilité et amusement. Les mains fichées dans les poches d’un pantalon de lin, surplomber d’un pull col roulé de la couleur des ténèbres. Il est des rencontres qui ne se passent jamais comme on pouvait s’y attendre. Iago était de celles-ci. Etrange comme le monde tourne toujours sur lui-même avec une égale constance. Mes iris brillent d’un plaisir anticipé et a mon épaule, pends une antiquité. Vieille de 250 ans maintenant, une merveille que j’avais faite faire a une époque où duel rimait avec élégance. Epoque révolue malheureusement.

« Iago…Est-ce toujours cela au moins ? »

Alors que sa voix me renvoit des années en arrière, des souvenirs encore vifs malgré le temps qui passe.

« 22 ans oui, une goutte d’eau lorsqu’on y songe. La surprise est partagée, je ne pensais pas non plus te retrouver lié a un enfant. Surtout aussi…turbulent ? Alice est délicieuse, c’est un fait.»

Le rire danse dans ma voix, amusée, terriblement amusée. Ma douce Alice n’a qu’invective pour ce cher Ciel et les murs de la maison en on parfois tremblés. Ironique. Je le suis dans cette demeure fastueuse, révélant richesse et en même temps, gout subtile et un soupir me traverse a l’odeur si caractéristique d’une salle d’arme. Ah…Que cela pouvait parfois me manquer. Aurais je eu l’envie d’une telle salle ? Sans doute oui et l’idée serait bonne..Devrais je en parler a Anne ? Ce petit caprice serait enchanteur pour moi.

J’eus un petit rire a l’emphase de mon hôte. Tout cela me rappelait de bons souvenirs, même si je lui devais une belle entaille sur les reins, blessure étourdie. Elle datait maintenant, Satan que le temps passait vite. Terriblement. Trop vite, songeais je alors que le beau visage d’Alice danse un instant devant mes yeux. Mes gestes ont toujours eu quelque chose d’étrange et de décaler mais je sais que Iago ne s’y ai jamais laissé prendre. Impressionnant. Mais après tout, bien que séparé par plusieurs siècles, nos naissances étaient marquées du sang n’est ce pas ? La lanière glisse de mon épaule et c’est avec sans doute une pointe de fierté que je brandis l’arme qu’elle renferme. Je pourrais, si je le demandais, emprunter une lame a mon hôte mais il vous le dira autant que moi, une arme reste une amante que l’on garde jalousement a soi. J’incline la tête, saluant la bienvenue, un léger sourire joue sur mes lèvres, chassant un instant les pensées multiples qui m’animent.

« Comme au bon vieux temps, messire Kingsley. »

- "En effet, je ne me suis pas encore lassé."

Iago... Personnage fourbe et cruel d'une tragédie de Shakespeare. Que j'aimais ce personnage! Ce qu'il représentait. Quel bonheur de pouvoir changer de noms à loisir, d'être n'importe qui et personne à la fois. Mon nom, le vrai, n'était plus usité depuis bien longtemps. Et personne ne le connaissait. Pas même mes plus anciennes connaissances. C'était mon secret, jalousement gardé. Comme mes origines et le peuple dont j'étais issu. De moi, on ne connaissait pas grand chose, sinon que j'étais un traître, un indépendant, un égoïste, lié à un gosse.

Je m'amusais d'ailleurs à souligner le propre pacte de Laurys avec cette jeune fille. Une adolescente, fort charmante au demeurant. Alice Manet. J'en avais entendu, par la bouche de Ciel. Évidemment, il n'avait pas fait l'éloge de la demoiselle. Une pimbêche selon lui. Arrogante, imbuvable... Venant de lui, c'était risible.

- "Turbulent?"

Je ne pus m'empêcher de rire. Quel doux euphémisme!

- "Imbuvable plutôt. Ce gamin est une teigne et pense qu'il lui suffit de claquer des doigts pour que j'accède à ses moindres caprices. Il me semble que Ciel partage des cours avec ton Alice d'ailleurs... J'avoue que le portrait qu'il m'en a fait n'était pas des plus flatteurs."

Je notais par devers moi le rire dans sa voix alors qu'il m'assurait que sa protégée était délicieuse. Ça, je voulais bien le croire, elle était une femme et une femme fort charmante au demeurant, mais je n'étais pas certain qu'il goûte le fait que je lui fasse part de mon point de vue sur le physique de la jeune fille. Quoique, cela pouvait être amusant.

- "Enfin, il est jeune, il ne sait pas reconnaître la beauté quand il la voit."

J'avais dit cela d'un air nonchalant, mais je guettais du coin de l'œil sa réaction alors que j'avouais avoir remarqué qu'elle était jolie et à mon gout. Il savait très bien ce que je faisais avec les femmes qui me plaisaient. Serais-je assez fou pour approcher celle qu'il protégeait? Sans doute pas. Mais je pouvais m'amuser un peu.

Je l'entrainais à ma suite dans la somptueuse demeure qui était devenue mienne désormais. J'y régnais en maître absolu, n'en déplaise à Ciel. Il n'était qu'un gamin, juste un gamin. J'étais son tuteur, j'avais autorité sur lui, même s'il me tenait par le Pacte que nous avions scellé.

Je présentais alors la salle d'armes à Laurys. Je ne m'en servais que trop rarement hélas, je n'avais aucun adversaire à ma mesure. Les meilleurs escrimeurs de cette époque ne se battaient pas pour tuer, pas comme je l'avais apprit. Ils avaient la technique, la fluidité, mais il manquait quelque chose... Je vis Laurys sortir son arme. Comme j'avais la mienne. Je souris à son salut, déposant mon arme un instant, pour attacher mes cheveux trop longs. Il serait dommage de risquer une blessure parce que j'aurais été aveuglé n'est-ce pas? Je repris alors mon arme et saluais mon adversaire, faisant une petite révérence outrageusement exagérée, comme dans une pièce de théâtre.

- "Comme au bon vieux temps."

Mon bras se tendit et nous croisâmes le fer. Nous allions commencer doucement, reprenant nos marques, de façon civilisée, bien entendu. Le tintement léger et métalliques de nos lames qui se croisent raisonna. Je fis un pas en arrière, léger, félin. Je n'avais jamais été puissant dans ma façon de me battre, plutôt rapide et souple. Et sournois bien entendu.

- "Ça fait plaisir de voir que certaines choses ne changent pas... Me diras-tu comment tu t'es retrouvé à pactiser avec une adolescente?"

« Imbuvable ? Oh…Ne te rappelle-t-il personne ? »

Susurrais je tranquillement, l’œil amusé. Imbuvable, arrogant, prenant le monde pour serviteur. Vraiment….Ne te rappelle-t-il personne ? Je note sans le soulever le jugement. Appréciateur n’en doutons pas. Le sourire que j’oppose est serein. Il ne prendrait pas ce risque et je savais qu’Alice ne le regarderait même pas. Aussi ténébreux et sulfureux soit il. Non, être transparent n’a jamais été mon apanage.

« Elle est très belle . »

Et elle le sait. Le lui avais je dit ? Sans doute oui, lorsque je la regardais. J’observe toujours ainsi suis-je et rien ne m’échappe jamais très longtemps. La somptuosité de l’endroit me ravit et que dire de cette salle dans laquelle il m’emmène. Magnifique. Faite pour ce que nous nous apprêtions a faire. Juste croiser le fer. Sans protection. Nous ne craignions pas la mort si basique aux êtres humains, nous jouions, jouissions même de cette éternité a condition de laisser notre cœur intacte.

L’attaque a toujours été féline. Souple. Rapide. Je suis sans doute plus massif, plus lourd, moins apte a parer la vitesse. Mais depuis le temps, j’ai appris a pallier a se travers. Et je souris de retrouver cet adversaire digne. Là où le monde a oublié ce qu’était l’honneur et la noblesse de ses échanges. J’avais connu la hargne, la brutalité des combats déchainés sur un champs de bataille. J’appréciais maintenant la grace et la souplesse d’un échange presque courtois. Et la question fuse alors que je pare avec tranquillité. Du moins, en apparence. L’iris bleuté de mes yeux s’anime un instant. La question est elle réellement innocente ? Rien n’était moins sur.

« Ce fut mon choix. Et toi ? Acculé ? »

Un indépendant qui se noue. Surtout aussi fier, aussi arrogant. Il y avait de quoi rire, vraiment. Je volte, toujours moins rapide, mais mes pas sont plus précis sans doute, plus solide. J’économise mes gestes, évitant l’épuisement. J’attaque, il feint. C’est un délice. Une danse brutale dont personne ne peut définir le vainqueur.

« Allons, ne tourne pas autour du pot. Chacune de nos rencontre fut un plaisir mais aussi un échange. Que veux tu. »

Qu’il ne pense pas réellement me leurrer, ainsi avons-nous toujours fonctionné. Bien que la normalité aurait voulu que je le tue, je m’y refusais. Qu’importe réellement a qui il avait tourné le dos, ce qu’il savait et qui m’échappait parfois, restait précieux. Seulement voilà, on avait rien sans rien, n’est ce pas Iago ?

Je haussais un sourcil alors qu'il me rétorquait que Ciel aurait du me rappeler quelqu'un. Moi? Surement pas! Je n'étais pas aussi... chiant? On voyait bien qu'il ne connaissait pas le gamin. Ciel était mille fois pire que moi. Réellement.

- "Je ne vois vraiment pas à qui tu peux bien faire allusion."

Quelle mauvaise foi. Mais Laurys me taquinait gentiment, c'était de bonne guerre, même si je me demandais s'il me trouvait vraiment imbuvable. Ciel était buté, arrogant, mal élevé. J'avais un peu plus de retenue que lui et ma conversation était plus agréable. Non là, cher Laurys, tu m'offenses.

Je m'amusais à lui faire part de mon jugement concernant sa chère petite Alice, joli brin de fille. Avec un sacré caractère d'après ce que Ciel m'avait dit, mais bon, se fier à ce gosse était un peu suicidaire. Je guettais la réaction de Laurys, mais il ne laissa rien filtrer, sinon un commentaire laconique. Oui elle était très belle. Je me demandais ce qu'il ressentait pour cette jeune fille. J'étais lié à Ciel, mais je ne l'aimais pas pour autant. A quoi bon? Son âme était à moi et je le tuerais quand j'aurais terminé de la dévorer. Il ne m'aimait pas non plus, comme ça, tout le monde était content. En revanche, c'était différent avec Wilha qui avait su se frayer un chemin jusqu'à mon cœur, je ne savais trop comment.

Je souris à son commentaire laconique, avant de le saluer et d'engager les hostilités. Ah enfin un combat digne de ce nom. Celui que je menais contre Azraëlle était fort plaisant, c'était un fait, mais parfois, je regrettais de ne pouvoir le clore comme dans un duel : le meilleur mettait à mort le vaincu. C'était rapide, simple, reposant. Azraëlle me demandait énormément d'efforts pour être à sa hauteur. C'était stimulant, mais épuisant.

Je lui demandais alors pourquoi il s'était lié à cette jeune fille et sa réponse n'en fut pas réellement une, il l'esquiva, comme il para mon attaque, avant de me retourner ma question, m'arrachant un rire.

- "Allons Laurys, tu sais quelle vie je mène. Il se trouve qu'il y a des petits malins qui semblent trouver amusant de tenter de m'abattre. C'est un sport qui revient à la mode régulièrement."

J'attaquais de nouveau, me fendant, évitant une contre attaque habile. L'escrime était une danse, mortelle, mais gracieuse.

- "Je ne vous envoie plus d'élèves depuis quelques siècles maintenant... Ce n'est pas pour autant que je reste inactif... Les âmes apportent leur lot de puissance, comme les Éveils. Ciel était là au bon endroit au bon moment... Sais-tu qu'il a payé le double, pour sauver sa sœur?"

Nous continuions de danser, nous jaugeant, attaquant avec une certain circonspection, recherchant nos vieux réflexes, notre façon de croiser le fer. C'est alors qu'il me demanda de cesser de tourner autour du pot et d'en venir au fait, pas dupe de mon invitation.

- "Oh, tu es si méfiant avec moi, ne peux tu pas concevoir que c'est juste la joie de te revoir et de croiser le fer avec un adversaire digne de moi?"

Je souris, esquivant une nouvelle attaque, tentant une contre attaque qu'il para tranquillement.

- "Mais puisque tu es tout disposé à m'écouter... Connais-tu Azraëlle Thanatos?"

« Des petits malins. Je ne m’en fais pas pour toi, Iago. Je te sais assez retorse ou coriace pour en venir a bout. »

C’était un fait. Il était âgé, plus que moi-même. Bien que notre puissance était équivalente, je ne le devais qu’a la bénédiction de Satan lui-même, pas a autre chose. J’esquivais, trop lent dirait certain mais même si je ne pouvais suivre la rapidité de Iago, je savais qu’il en usait. Il fallait juste savoir calculer le prochain coup porté. Exercice difficile face a ce démon, je devais bien l’avouer. Je haussais un sourcil amusé. Ainsi Ciel aurait fait plus que vendre son âme pour sauver sa sœur.

« Est ce condamnable ? »

Question a double tranchant. Il n’aimait certes pas son protégé mais rien ne nous obligeait a l’aimer. J’aimais Alice. C’était un fait. J’avais aimé le bébé, sans condition. J’avais aimé l’enfant. J’aimais la femme. C’était étrange a bien des égards mais c’était ainsi. Mais personne n’était comme moi.

Mon pieds se déplaça, mouvement calculé alors que la lame de mon adversaire effleurait mon abdomen, j’en profitais pour porter un estoc, trop habilement bloqué. Satan que j’aurais aimé que la vieillesse se fasse sentir chez cet homme parfois ! Mais j’ étais trop bon joueur pour cela. Je le jaugeais, admiratif quelque part de ses progrès, visibles. Deux adversaires finissent par se connaitre trop parfaitement parfois. Pas nous. Car nos rencontres sont tellement espacées que chaque nouveau combat est paré du gout de la surprise.

« Méfiant ? Prudent dirais je et qui ne le serait pas avec toi dis moi ? »

Je riais doucement devant sa fausse offuscation avant de faire une erreur a la suite. Mon pull de cachemire se déchira dans un feulement soumis a sa lame. Diantre ! Ce prénom..Je l’avais déjà entendu mais venant de la bouche de Iago, cela était surprenant. Vraiment.

« Azraëlle… »

Répétais je en reprenant mon aplombs, plus scrutateur que jamais. Ennemie de taille, si je pouvais dire.

« Aurais tu attiré son attention ? Auquel cas, j’hésite entre te plaindre et te jalouser. »

Avouais je avec un sourire amusé mais révélant aussi ma curiosité. Je ne la savais pas a Londres. C’était une erreur. Faiblirais je ?

« La connaitre est un bien grand mot, mais je l’ai souvent observée durant ces trois derniers siècles. »

Je ne répondis pas. En effet, je réussissais toujours à m'en sortir, c'était du menu fretin, rarement des démons suffisamment puissants pour réellement m'inquiéter. Sauf que la dernière fois avait quand même bien failli me conduire au trépas. Soit je ramollissais, soit les démons plus puissants commençaient à se mettre à ce petit jeu fatiguant. c'était quand même incroyable qu'on ne me laisse pas vivre ma petite vie tranquille. A qui nuisais-je, hum? Je n'avais pas rallié les anges que je sache. Je faisais mon petit business dans mon coin, qu'on me laisse en paix. Casser du démon était amusant de temps en temps, mais ça revenait trop périodiquement à mon goût.

Il était amusant de constater que nous pouvions deviser tout en étant concentrés sur notre combat. Je sentais combien chaque geste de Laurys était maitrisé, économisé, dosé. Je ne me fatiguais pas davantage. Je ne moulinais pas pour rien et chaque coup était calculé. Je guettais la faille, j'observais son style, sa façon de se mouvoir, d'esquiver, sa puissance, sa vitesse, son allonge, légèrement supérieure à la mienne. Son équilibre était excellent.

Je lui révélais pourquoi j'étais lié à Ciel, dans les grandes lignes, non sans souligner sa bonté d'âme pour sauver sa petite sœur. La question de Laurys m'amusa.

- "Non, je dévore son âme deux fois plus rapidement. Il était au courant de cela, il l'a accepté. J'ai toujours pensé que l'amour était une faiblesse."

Même si j'étais déjà tombé amoureux. Mais pas au point de risquer ma précieuse petite peau pour sauver celle d'une autre. Ou d'un autre. La seule fois où j'avais mis ma vie en jeu, c'était pour Wilha. Ce n'était pas l'amour que je connaissais, ce désir pour une femme, c'était quelque chose de plus... pur, de plus puissant, d'inconditionnel. Pour cette enfant, oui, j'avais risqué ma vie. Quand je disais que c'était une faiblesse... Et Azraëlle l'avait très bien exploitée.

Laurys tenta une attaque, que je parais, de justesse cependant. Les choses sérieuses commençaient. Nous continuions à évoluer, à devenir plus puissant, à toujours viser l'excellence. On aurait pu penser qu'après 18 siècles de vie, j'aurais été imbattable, que je ne pouvais plus apprendre, que j'étais invincible... Et bien non. Je ne pratiquais pas suffisamment pour cela et notre style changeait, évoluait avec les époques.

- "Tu me flattes."

Ainsi donc, il se montrait prudent avec moi. Va donc le dire à Azraëlle, cette vipère, elle, ne se montrait pas aussi prudente. Si elle l'avait été, elle aurait mis les voiles au lieu de me défier. Quand je repensais à sa façon de me repousser, à son rire... Je lâchais son nom à Laurys qui fut déconcentré l'espace d'une seconde, suffisamment, pour que j'en profite et le touche, déchirant son pull avec un sourire en coin et une étincelle démoniaque dans mes yeux noirs.

Je me reculais, le laissant reprendre ses esprits et son aplomb, alors qu'il répétait le nom honni. Avant de me demander si j'avais attiré son attention et s'il devait me plaindre ou me jalouser.

- "Les deux à mon avis... Cette vipère est dangereuse. Trop."

Il m'avoua ne pas la connaitre vraiment mais l'avoir observée. J'esquissais un sourire.

- "Disons qu'elle convoite Ciel. Et qu'elle trouve amusant de me pourrir la vie. J'avoue, le jeu est stimulant et j'ai remporté quelques batailles, mais je me lasse. Elle a franchi la ligne rouge trop souvent."

Les jointures de mes mains blanchirent sur la poignée de mon épée, alors que je repensais à l'odieux tour qu'elle avait joué sur Wilha.

- "Je suis ce que je suis, égoïste, amoral, mais jamais je n'ai mis la vie d'une enfant en danger pour obtenir ce que je voulais. Je déteste que l'on me défie ainsi. Dis-moi ce que tu sais d'elle. Donne-moi les armes pour l'abattre une bonne fois pour toutes. Cela sera un grand bien pour tout le monde."

« Tu m’en demande beaucoup sais tu ? »

Un rire s’entendait dans ma voix, mais mon esprit était bien moins léger. Azraëlle était en Angleterre et je n’aimais pas franchement ça. Quelque part, je devais remercier Iago de l’occuper. Qu’elle convoite son protégé ne m’étonnait pas vraiment. Cette femme ne reculait devant rien pour avoir ce qu’elle voulait, je l’avais souvent constaté mais qu’elle s’attaque a une enfant me surprenait terriblement.

Je réfléchis quelques seconde, le temps de parer encore et toujours avant de réattaquer, tantôt menant, tantôt me laissant guider dans cette danse étrange.

« Provoquer l’Ange de la mort est plutôt de mauvais augure. Je dois reconnaitre que tu sais choisir tes ennemis. »

Murmurais je en esquivant habilement sa lame.

« Cela dit, il n’est pas faux d’avouer que la tuer serait un bien. »

Cette femme était une calamité a bien des égards. Trop sinueuse, trop vicieuse. Je n’avais jamais réellement su la cerner, même si je devais en connaitre plus sur elle que Iago. Je souris légèrement en voltant sur moi-même, réattaquant.

« Son surnom n’est pas volé. C’est une femme insaisissable même pour moi. De ce que je sais, elle est âgée d’environ deux mille ans, équivalent a Gabriel mais beaucoup plus sournoise que lui. Elle est tout ce que tu décris, cela dit, s’attaquer a une enfant n’est pas dans ses habitudes, a vrai dire, elle aurait même tendance a les éviter a moins qu’elle ne se soit jouée de toi. Au cours des siècles, je l’ai vu devenir femme, adolescente, séductrice, virginale, sans jamais révéler qui elle était réellement. »

Non clairement pas. Azraëlle était sinueuse oui, mais je l’observais depuis assez longtemps pour avoir réussit a comprendre un peu comment elle fonctionnait. Chaque ange, démon avait ses faiblesses, comme tout être humain, car ils l’avaient été.

« Qu’elle joue avec toi est…comment dire, un gage de respect, d’intérêt de sa part, reste a ce que tu ne perde pas. A ma connaissance, un seul a réussit a la mettre en échec, il y a exactement 257 ans. »

Seulement comment il c’était débrouillé restait un mystère. Cependant, durant les années qui ont suivit, on a cru l’Ange de la Mort liée a un humain. Etait ce vrai ou faux, cela, pas moyen de le savoir avec certitude.

« De nombreux anges en ont fait leur gorges chaudes. L’Ombre de Dieu attachée a un humain, mais de cela, je n’ai aucune certitude cependant, qu’il y ai eu pacte ou non, elle l’a accompagné toute sa vie de mortel, ça par contre, c’est une vérité. C’est une femme magnifique mais qui reste intouchable. Même la Main de Dieu ne s’est jamais posée sur elle. La plus ancienne Vestalis, on raconte que son mentor l’a choisie justement parce qu’elle ne lui a jamais cédé. Vrai ou faux ? Difficile a dire. Quoiqu’il en soit, sa volonté est d’acier, de même que sa détermination. »

Je fis un pas chassé sur le coté, jugeant mon adversaire a sa juste mesure. Iago était doué, terriblement, le contrer était difficile, même pour moi. Il possédait une puissance plus féline que la mienne et la détourner n’était pas aisé.

« Elle est étrange a plus d’un titre. Sans scrupules pour certain et délicate pour d’autre. Observe la attentivement si tu veux la vaincre, sinon, je ne donne pas cher de ta peau, aussi coriace sois tu. Sa fierté est sa plus grande faiblesse aurais je tendance a dire mais cela doit être plus profond que ça sinon, elle serait morte depuis longtemps. »

Je piquais avant de reculer souriant doucement, continuant a dévoiler ce que je savais. Qu’il la tue si cela lui plaisait a vrai dire, je préférais qu’il le fasse. Egoïsme ? Non, mais si il venait a échouer et bien…Tant pis. Il était indépendant, il avait choisit de rester seul, très bien.

« Je me souviens m’être déjà confronté a elle. Je faillis même y perdre la vie. Sais tu ce qui m’a sauvé ? L’erreur de l’un de ses disciples Elle ne supporte pas qu’on la défie, ni qu’on renie ses décisions, même pour la satisfaire. Elle ne sait pas se contenter de l’imparfait.»

Ma lame siffla dans l’air alors que je me mettais a rire doucement.

« Je te le dis, observe là. Si tu te laisse faire, tu seras pris dans sa toile sans même en avoir eu conscience. »

- "Je ne te demande rien que tu ne puisses me donner."

Je savais Laurys très bien informé. C'était un observateur avant tout, un passif, qui engrangeait des milliers d'informations, qui ne lui servaient pour la plupart du temps, jamais. Je lui demandais de me donner certaines informations pour que moi, je puisse m'en servir. Rien de bien difficile, en somme. Le ballet mortel continuait de plus belle. Nous devisions aimablement, mais nos coups, eux, étaient loin d'être tranquilles. J'attaquais pour le toucher, pas pour la beauté du geste. J'y étais parvenu une fois, en le déconcentrant. Un à zéro pour moi. Pour le moment.

- "Merci."

Quoique techniquement, je n'avais rien provoqué du tout, je ne faisais que défendre ce qui m'appartenait. Je n'allais surement pas m'écraser devant elle. Surtout qu'il fallait que je meure pour qu'elle ai Ciel et ça, ce n'était pas du tout dans mes plans. Problématique dés lors, n'est-ce pas? Laurys tomba d'accord avec moi : ce fléau devait mourir. Il allait donc m'aider. Même si nous n'étions pas de grands amis, nous n'étions pas ennemis non plus. Notre relation était assez étrange, basée sur le respect et la courtoisie.

Laurys attaqua de nouveau et j'esquivais en souplesse, avant qu'il ne consente à me livrer ses précieuses informations. J'ai failli attendre. 2000 ans... Plus âgée que moi donc. J'avais bien deviné, même si je n'avais pas su donner un âge au siècle près. Je la pensais issue de l'Antiquité Civilisée. Bien vu. L'équivalent de Gabriel... Magnifique. Ces deux là faisaient la paire, de vraies références pour qui veut devenir le parfait petit ange en 10 leçons. Je fronçai pourtant les sourcils quand il me fit part de son étonnement qu'elle se soit attaquée à une enfant. Cela n'échappa pas à Laurys et sa lame effleura la chair tendre de mon bras. A lui le premier sang. Je me reculais vivement, avant d'éclater de rire.

- "Je ne la connais que depuis quelques mois et j'ai déjà eu un aperçu de certaines de ses facettes. Adolescente mal élevée et frondeuse, femme fatale et aguicheuse, vierge effarouchée... Tout un panel."

Si bien qu'on ne savait pas sur quel pied danser avec elle, c'était un fait.

- "Elle a embrassé la sœur de Ciel. Du poison. Qui l'aurait tuée en 24h si je n'avais pas relevé son défi et mise en échec. Ciel m'a demandé de prendre soin de lui et de sa sœur, je ne pouvais pas la laisser mourir entre les griffes d'Azraëlle. Ou pire."

C'était une promesse, je ne pouvais pas la rompre. Et c'était plus commode de prendre cette excuse que le fait d'aimer cette petite fille et d'avoir véritablement craint pour sa vie. Qu'elle meurt ou devienne un ange, le résultat aurait été le même pour moi.

- "Un seul échec en 2000 ans?"

Et bien... La barre était haute. J'avais bien compris qu'elle me respectait et que je n'avais pas intérêt à perdre. Avais-je perdu dans son bureau? Pour moi, oui, c'était un échec cuisant. Mais pour elle? C'était un humain. Un vulgaire humain. Je pouvais faire aussi bien quand même... Azraëlle aurait-elle été amoureuse? Touchée par ce mortel? Aucune idée, mais voilà une information qui me permettrait peut-être de la toucher. Je m'esclaffais quand il m'expliqua qu'elle était la plus ancienne vestale, que son mentor n'avait jamais pu l'avoir et que sa volonté était de fer.

- "Ça, j'ai remarqué. A la lumière de ce que tu es en train de me raconter, je serais enclin à penser qu'effectivement, il ne l'a pas touché. Crois-tu qu'on puisse rester pure pendant 2000 ans?"

C'était tout à fait son style. Aguicher, caresser, embrasser... mais jamais davantage, conservant sa précieuse pureté comme un symbole de je ne sais quelle ineptie... 2000 ans sans connaître les plaisirs de la chair. Quel gâchis. Et si cela était vrai, la posséder serait un réel triomphe... Parvenir là où tous les autres s'étaient cassés les dents. Jouissif.

- "Elle déteste perdre, cela est certain. Mais tu as raison, sa fierté n'est pas son talon d'Achille. Elle est plus intelligente que ça."

Il m'apprit avoir failli périr en l'affrontant, sauvé par la maladresse d'un de ses disciples. J'avais aussi noté cela. Quelle était sa faiblesse, bon sang? Elle ne semblait attachée à rien. Mais elle avait forcément une faiblesse, bien caché,e mais présente... Si je pouvais découvrir sa relation avec cet humain, ce qu'il avait de spécial... Mais c'était il y a longtemps, mes recherches risquaient bien d'être infructueuses. Je bloquais l'attaque de Laurys, rétorquant alors que nous étions à quelques centimètres l'un de l'autre :

- "Je suis déjà pris dans sa toile, Laurys. Le tout est d'en profiter, la laisser approcher en pensant me dévorer et lui porter le coup de grâce avant."

Je me rejetais en arrière, jouant avec mon épée d'un mouvement souple du poignet, un sourire aux lèvres, marchant en arc de cercle, lui tournant autour. Oui, j'étais déjà englué, tant qu'elle ne serait pas morte, je serais à sa merci, elle avait trop de moyens de pression. Mais je n'étais pas vaincu pour autant.

- "Si cela t'intéresse, elle est directrice d'une agence de mannequin. Prends garde à ta précieuse Alice, elle est suffisamment belle pour être approchée et Azraëlle a toute une armée de sbires à ses ordres, même s'ils sont remarquablement inefficaces."

Je ricanais. Et elle détestais que je lui fasses remarquer.

- "J'ai même visité son appartement. Une vestale... Son rituel de l'encens prend tout son sens..."

Ma lame se pare un instant d’incarnat. L’aurais je surpris ? Le sujet dont nous discutions avait quelque chose de passionnant. Du moins pour moi. J’observais depuis toujours car souvent était là la clé d’une victoire sans faille. Certain pourrait prendre cela pour de la lâcheté mais je m’en moquais car lorsqu’a mon tour, j’avançais mes pions, le piège était alors indétournable. Je souris a son explication.

« Ah… Le fameux Baiser. C’est quelque chose qu’elle faisait beaucoup du temps de Louis XV si je ne m’abuse. C’est une experte en poison de toute genre et type. Arme qui convient tout a fait a ce qu’elle est. Cela dit, elle t’a très bien manipulé mais as-tu été capable de voir exactement ce que voulait dire ses actes ? Beaucoup n’aurait pas hésité a te rire au nez, combien même tu aurais réussis. Ta protégée était elle réellement empoisonnée d’ailleurs ? »

Répondis je en plissant les paupières d’amusement. Les années n’avaient jamais vu Azraëlle tuer un enfant ou même le blesser. Un contraste saisissant surtout lorsque l’on connaissait sa réputation. Elle jouait énormément, c’était un fait, trouvant passionnant de se mesurer sans cesse a ce qu’elle jugeait digne. Une façon de penser étrange mais que Iago pouvait comprendre. Je ris a sa surprise, évitant de justesse l’attaque fulgurante qu’il m’opposait.

« Un seul a MA connaissance, Iago. L’ironie est sans doute qu’il fut un prêtre, mais les faits sont là, elle ne l’a ni béni, ni tué mais a toujours été dans son ombre. Les rumeurs disent qu’il a consigné toute sa vie dans un journal et beaucoup aimerait mettre la main dessus, mais personne ne peut réellement dire où il se trouve. Moi-même je serais curieux de savoir ce qu’il contient.»

Mais je ne pouvais pas être sur du reste. Après tout, elle était âgée, bien plus que moi et je ne l’observais que depuis peu de temps en fait. Je souris largement a sa question. Rester pure durant tant de siècle, une pensée inconcevable pour lui apparemment.

« Avec elle ? Oui, tout a fait. Elle se sert des désirs des hommes mais jamais ne les satisfait. Basiquement, on la dirait allumeuse, mais cette façon de faire déclenche bien souvent une certaine fascination de la part de la gente masculine. Azraëlle a toujours farouchement protégé sa pureté, les anciens serments même déposés entre les mains d’une divinité depuis longtemps disparue ont la vie dure n’est ce pas ? Mais au-delà de ça, je pense que c’est la source d’une très grande fierté pour elle. »

Je soupirais doucement, économisant mon souffle alors qu’il m’obligeait a encore plus de maitrise, m’obligeait a la perfection. Je lui souris alors qu’il me disait déjà être prit dans la toile de l’Ange de la Mort. Mais je ne m’en faisais pas vraiment pour lui. Non pas que son sort me laissait indifférent, c’était faux, mais il avait choisi de combattre seul, je pouvais lui donner les informations que je possédais mais il mènerait son combat tout seul. Je ris a l’évocation d’Alice, rangeant l’information qu’il me donnait quelque part dans ma mémoire.

« Je ne pense pas non. Alice n’aurait rien a craindre d’elle mais de ses disciples, ça c’est autre chose. Ses sbires sont sans arrêt sur la sellette avec elle. Elle n’hésitera pas a les tuer si elle les juge indignes. Aussi ont-ils parfois tendance a l’impulsivité pour la satisfaire…Comme des enfants avides de satisfaire leur mère en quelque sorte. Mais elle ne laisse passer aucune erreur. Je l’ai vu massacrer l’un de ses disciples sans une once de pitié pour lui, seulement parce qu’il avait achevé une démone qu’elle avait elle-même épargnée. Jamais je n’ai vu une telle colère. Le pauvre angelot fut proprement rayé de la surface de la terre en un battement de cil, suite a cela, elle s’est approché du cadavre encore chaud de la démone, la regardé longuement, sans plus prêter d’attention a la bataille qui faisait rage et est tout simplement partie. Victoire par défaut pour nous dirons nous.Etonnant lorsqu’on y repense mais parfois, ses actes contrastent terriblement avec ce que tu pense savoir d’elle, t’obligeant a revoir ton jugement sans arrêt. »

Je haussais un sourcil amusé a sa réflexion. C’était tout a fait cela, une vestale.

« Entretient du Feu Sacré, hommage a Hestia. Tu devrais réviser tes classiques parfois, Iago. Si j’aurais un conseil a te donner la concernant, ce serait de trouver la femme. Azraëlle a toujours eu un comportement singulier avec elles. Certaines des nôtres se sont trompées et on cru a tord qu’elle pouvait être saphique, mais ce n’est pas cela, c’est bien plus compliqué. Elle agit comme…Une mère je dirais. Il est rare de voir ses créations féminines sur un champ de bataille, de même qu’elles ne brillent pas au milieu de toutes cette racaille angélique. Elle les choisit plus soigneusement qu’aucun autre et les protège plutôt farouchement. Si tu la vois s’intéresser a une femme en particulier, tu aura trouvé sa faille. Personnellement, je n’ai jamais pu la coincer même en sachant cela, Azraëlle protège très efficacement ses propres faiblesses.»


Trop bien même. Je n'avais jamais réellement sut la cerner et pourtant, je me targuais d'être assez intelligent pour cela. Son comportement changeait radicalement en fonction des situations, comme des milliers de masques qu'elle porterait en permanence, il était pratiquement impossible de savoir exactement qui elle était.

Erreur due à une inattention de ma part et voilà ma peau éraflée par sa lame. Rien de bien méchant, mais cela me contrarie de m'être laissé surprendre comme un novice. La discussion a de quoi dérouter cependant. première touche pour moi, premier sang pour lui. Quel adversaire... Je n'en ai pas encore trouvé de plus digne de goûter à la morsure de ma lame. Il me faut trouver des démons très âgés, ayant un passé guerrier. Cela existe, naturellement, mais la plupart auraient tendance à vouloir me saigner réellement et m'arracher le cœur. Pas Laurys. Bras droit de Satan et pourtant ne me condamnant pas pour mon mode de vie, cherchant à comprendre et aussi à me faire changer d'avis. En vain. Les paroles de Laurys me firent froncer les sourcils, alors que je réfléchissais à ses questions.

- "La respiration de Wilha était de plus en plus irrégulière et lente... Je ne suis pas suffisamment expert en poison pour savoir si elle était vraiment empoisonnée ou pas. Elle l'était, mais de là à définir si c'était un poison mortel ou un simple leurre... je n'avais que 24h, pas vraiment le temps de me pencher sur la question. Azraëlle voulait jouer, on a joué, et j'ai gagné. Si elle avait empoisonné Alice, aurais-tu tenté le diable en misant sur le fait qu'elle n'avait pas pu faire une chose pareille? Je ne connais pas Azraëlle, pas suffisamment pour savoir de quoi elle est, ou non, capable. J'aime jouer... Mais pas avec la vie de cette enfant."

C'était une faiblesse, je le savais et je n'aimais pas la dévoiler à d'autres, mais Laurys ne s'en servirait pas contre moi, il était au delà de ces petites querelles. Cependant, je ne doutais pas qu'il allait consigner l'information dans un coin de son cerveau.

- "Azraëlle semble avoir trouvé un adversaire à sa mesure en ma personne. Si elle n'avait pas respecté les termes du contrat, le jeu aurait prit fin de façon brutale et sanglante. Je ne pense pas que c'est ce qu'elle recherche... Elle va toujours plus loin dans le jeu et je me dois de trouver un moyen pour prendre l'avantage et retourner ce défaut contre elle."

Discuter avec Laurys me permettait de mettre les choses à plat et d'avoir un avis extérieur et constructif qui me permettait à moi-même de pouvoir raisonner calmement. De pouvoir cerner cette fille en vue de la détruire. Sans compter qu'il m'apportait pas mal d'éléments de réponse. Ou de nouvelles sources d'interrogation. Notamment en parlant de cet homme qui l'avait tenue en échec et qu'elle n'avait ni tué, ni béni. Pourquoi? Qu'avait-il donc de spécial? Voilà quelque chose que je devais absolument utiliser et creuser. Un prêtre... Qui aurait un journal intime. Journal que devait posséder Azraëlle et garder en lieu sûr... Dans un compartiment du genre de celui renfermant son encens pour son rituel, j'en aurais mis ma main à couper.

- "Je sais peut-être où est ce journal... Et comment mettre la main dessus en théorie. Je me ferais un plaisir de te faire un résumé quand je l'aurais lu."

Le compartiment ne se mettait en route que grâce à l'identification de l'empreinte de la paume d'Azraëlle... Il me fallait cette empreinte. Je devais la piéger pour l'obtenir. J'appris qu'elle était une vestale et demandai à Laurys si elle pourrait éventuellement, être toujours vierge. Il ne trouvait pas cette idée délirante et son analyse de la dame était tout à fait pertinente. Oui, elle allumait, excitait le désir, avant de laisser la frustration, d'entretenir la fascination.

- "Ça pour allumer..."

J'en avais fait l'expérience. Mais je n'avais pas dit mon dernier mot.

- "Quel délice se serait que de piétiner cette fierté..."

Ma réputation de coureur de jupons n'était plus à faire et Laurys la connaissait. Aucune femme ne m'avait jamais résisté. Azraëlle ne serait pas la première. Elle résistait, pour l'instant, mais elle finirait par céder tôt ou tard. Je ne la tuerais pas avant d'avoir pu satisfaire ce défi personnel, d'avoir pu afficher mon triomphe de surpasser sa déesse. j'attaquais Laurys avec un regain de férocité, le forçant à se concentrer alors que ce nouveau défi me donnait des ailes. Je partageais alors mes propres informations avec lui. Donnant donnant. Rien ne m'y obligeait, mais qu'il le sache ne changeait rien pour moi. Je le mis en garde, pour sa précieuse Alice.

- "Ses sbires sont des incapables et elle a déjà du en tuer une paire à cause de moi... Ces imbéciles ont approché Wilha, la sœur de Ciel... Une enfant. Un merveilleux hasard qui m'a permit de remonter jusqu'à elle. Elle n'a pas apprécié."

Il me fit par d'une anecdote, me plongeant dans la perplexité. Azraëlle était imprévisible. Seul son amour du jeu pouvait la rendre prévisible, mais sinon... Je ne savais quoi penser d'elle, ni me faire une idée précise de cette femme.

- "Mes dieux n'étaient pas les siens."

Mais en effet, il faudrait que je fasse une petite remise à niveau de l'Antiquité grecque incessamment sous peu, histoire de ne pas avancer à l'aveuglette. je me demandais si Laurys savait autant de choses sur moi qu'il en savait que Azraëlle... Personne ne connaissait mon origine, ou même mon âge exact... A ma connaissance.

- "Si elle était une Vestale, elle doit considérer ces femmes comme des... sœurs. C'est sans doute une faiblesse exploitable. Encore faudrait-il trouver à qui elle s'intéresse. Pour le moment, il n'y avait qu'un homme et je l'ai détruit avant qu'elle ne le bénisse. Mais je vais renforcer ma surveillance à son sujet."

Je portais un coup d'estoc avec malice, avant de demander, désinvolte :

- "Tu es bien renseigné sur elle... Cela m'amène à me demander ce que tu peux bien savoir sur moi... Je serais curieux d'entendre ton analyse à mon propos et d'écouter l'étendue de tes connaissances..."

Je fronçai les sourcils quand il parla de poudre zombie. Non seulement ce nom ne me disait rien, mais en plus, j'avais la très nette impression que Laurys se foutait de moi d'ignorer cela. Inconvénient de ne pas vivre parmi les miens, il y avait certaines choses que j'ignorais qui étaient sans doute de notoriété publique pour les autres. Mais qu'importe, je ne reviendrais pas grossir les rangs de Satan pour rien au monde, même si cela permettait à Laurys de se moquer de moi. Malgré tout, j'étais assez pointilleux concernant ma fierté et il fit mouche en parlant de connaissance et du fait que je m'étais bien fait avoir par Azraëlle, là où lui, ne serait pas tombé dans le piège... Les mouvements rapides et fluides de mon épée répondirent pour moi à ce moment là, trahissant sans doute la légère colère qui me prenait de m'être fait berner et que Laurys s'en amuse.

Il riposta d'ailleurs avec une puissance qui me fit vaciller. Chacun ses atouts. Si je pouvais bloquer un coup de Laurys, je ne le faisais pas sans heurts quand il y mettait toute sa force. J'en avais également, mais moins, compensant par agilité et vélocité, bien que sa propre rapidité me surprenne toujours. Je me demandais quel combattant humain il avait pu être et à quel point ses capacités démoniaques l'avaient rendu meilleur. Je ne me leurrais pas, j'étais bien meilleur maintenant qu'il y a 1800 ans, de par l'expérience, mais aussi par ma nature même.

J'esquissai un petit sourire en coin quand Laurys parla de mon charme ténébreux, sans doute en partie responsable de ce jeu entre Azraëlle et moi. En partie seulement, je doutais qu'un ange aussi âgé soit seulement fascinée par un beau visage. Cela aidait, mais ne suffisait pas, je devais sans cesse titiller sa fierté, son sens des défis, être source de surprise. Si jamais l'un de nous se lassait... Et bien l'un de nous deux mourrait, tué par le plus fort. Et je n'avais aucune idée de qui aurait l'avantage.

Nos coups étaient de plus en plus précis, violents, travaillés, comme si l'entrainement prenait fin pour enfin passer aux choses sérieuses. Je proposai alors à Laurys de lui livrer ce que j'apprendrais dans le journal d'Azraëlle, proposition qu'il accepta naturellement. Il était trop curieux pour repousser pareille offre, surtout quand il n'avait rien à perdre. C'était moi qui me confronterais à Azraëlle, pas lui.

- "C'est mon idée en effet."

Il fallait bien s'amuser un peu, quitte à y laisser des plumes et c'était un défi excitant que de vouloir ravir sa virginité jalousement gardée. Je ne voulais pas de son amour, cela ne rimerait à rien, mais je pouvais suffisamment exciter son désir pour qu'elle cède... Bien que je me doutais fort que cela me demanderait des trésors de persuasion et d'ingéniosité. On ne tenait pas 2000 ans sans coucher pour céder facilement à un démon.

- "Alors je trouverais la femme qui l'intéresse... Ou l'une de ses disciples."

Nouvelle attaque, nouvelle parade, nouvelle esquive et j'en profitais pour lui demander ce qu'il savait sur moi, curieux de voir jusqu'où il pouvait être informé, mais j'en fus pour mes frais, il ne répondit que par une question qui m'arracha un sourire.

- "Pas du tout. Je suis simplement curieux de savoir jusqu'où peut aller ta connaissance alors que presque tous les indices sur mon passé ont disparu ou sont gravés dans ma seule mémoire."

-"Disparu ? Non, il en reste au moins un."

répliquais je avec un léger sourire amusé. Car oui, il en restait un, le plus âgé de tous. Celui qui nous avait tous créé quelque part et n'étais je pas son soutient le plus fidèle ?

-"Mais que je te rassure, pour le moment, je ne vois pas d'interet a creuser ta vie."

Mais nul doute que je le ferais si cela pouvait s'avérer utile mais pour l'heure, je le laissais se dépatouiller de l'Ange de la mort sans problème. Qu'il se fasse tuer ou réussisse m'importait véritablement quelque part, même si il savait qu'il serait seul mais après tout, il avait survécu tant de millénaire seul, cela ne devrait pas lui faire peur.

Mon téléphone vibra soudainement et je levai une main. Pause ? Je sortis mon portable de mes poches, fronçant doucement les sourcils. Alice voulait que je vienne la chercher. Douce rose qui devenait bien envahissante parfois.

-"Je vais devoir te quitter, avec le regret de ne pas t'avoir battu cette fois ci, je le crains. Une jeune demoiselle requiert ma présence."

Je remballai mon arme, après l'avoir nettoyée bien sur et remis l'étui a mon épaule.

-"Ne me raccompagne pas, je connais le chemin.Et...Bonne chance pour ton entreprise, Iago."

Un sourire serein plus tard, j'entrai de nouveau dans ma voiture, me demandant en silence ce qui perturbait a ce point Alice pour qu'elle me demande si expressément de rentrer.


(TERMINE)