Les créatures de Prométhée ft. Laurys

La bouche sèche, je me mis à courir. Alizée avait beau prétendre que je pouvais me sauver sans rien craindre d'elle, je ne lui faisais pas confiance. J'avais peur qu'elle me suive, qu'elle se serve de moi pour retrouver Laurys. Je ne savais pas tout de sa vie de démon, évidemment, mais je savais qu'il n'était pas le dernier de sa caste et qu'il serait une cible de choix pour l'ange. Peut-être même que tout cela n'avait été qu'une distraction, qu'elle n'avait pas besoin de moi pour déclarer sa guerre. Je croisais des gens sur le trottoir, qui ne se doutaient de rien. Deux peuples allaient s'entretuer et ils s'en fichaient. Ils ne savaient même pas qu'ils existaient. L'amertume à la bouche, j'arrêtai, incertaine. Je me demandais si j'allais vomir. De fait, ça m'aurait fait du bien. Laurys était en danger. J'étais en danger. Pourquoi ? Pour un stupide Dieu, et un connard de Satan qui ne se montraient jamais !

Je fus tentée de me rendre en cours quand même, comme si de rien était. Nier ce qui venait de se passer. Et si elle en profitait pour faire des actes terribles que je pourrais éviter en racontant tout à mon démon ? Pire que lui annoncer la guerre, c'était de lui avouer que j'avais vu une ange à deux reprises, alors qu'il m'avait tant de fois avertie des dangers qu'ils représentaient, pour moi encore plus que tous les autres. Je respirais fort, un peu trop peut-être. Les passants commençaient à me regarder. Tiens, elle devrait être à l'école, celle-là. Je crois qu'elle est au collège là-bas...Pour éviter qu'on ne m'aborde et que je n'éclate en sanglots, je sortis mon cellullaire, parlant Français, comme si j'étais simplement une touriste égarée. Blake m'avait laissé trois messages, mais je ne les ouvris même pas. Je me décidai enfin, composant le numéro que je connaissais par coeur, a contrario des autres qui n'étaient que des noms dans mon répertoire et que je ne pouvais retenir.

Les trois sonneries qui résonnèrent à mon oreille me parurent trop longues. S'il était déjà mort ? S'il ne répondait pas, pour me punir de ne pas être en classe ? Non, Laurys savait que j'étais sérieuse. Si j'appellais en pleine heure de cours, c'était que je ne me sentais vraiment pas bien. Puis, finalement, sa voix résonna à mon oreille, réconfort par ses seuls accents. Je soupirai et parlai peut-être un peu trop fort pour être crédible, mais les gens ne comprenaient pas la langue de Molière, de toute façon.

- Viens me chercher, s'il-te-plait, je suis au coin de Cromwell et de la principale.

Vu mon ton désespéré, il ne se ferait surement pas prier.

Dix, quinze minutes ? J'écoutais la tonalité, froide, insensible à mon malheur. J'essayais de m'imaginer que c'était mon coeur qui battait à travers elle, simplement incapable de raccrocher. De fait, j'avais peur de le faire et que mon téléphone sonne de nouveau, révélant la voix de l'ange. J'avais peur également de baisser ma main et de me mettre à trembler, sans pouvoir me contrôler. C'était trop long ! Les minutes devenaient des heures. Je devais le voir, être rassurée. Nous partirions loin, en exil, et nous n'aurions rien à craindre...je ne voulais pas qu'Alizée se mêle de ma vie. Pas non plus qu'elle me libère, alors que j'aimais tant Laurys. Finalement, j'entendis le rugissement d'un moteur. Il ne pouvait s'agir que de lui, les autos de luxe n'étant pas ce qu'on retrouvait le plus dans cette partie de la ville.

Je laissai retomber mon bras, fermai le cellullaire complètement et grimpai à ses côtés. Je lui fus d'ailleurs assez reconnaissante de ne pas m'assaillir de questions pour le moment, je préférais garder le silence. D'ailleurs, même s'il était plutôt doué en conduite, je craignais que de lui annoncer qu'une ange avait déclaré une guerre et souligné le fait qu'elle voulait me libérer de lui ne lui ferait pas très plaisir. Nous y viendrions bien assez vite...

Même arrivée à la maison, il me semblait que le courage me manquait pour me rendre jusqu'à la porte. Mes lèvres restaient obstinément fermées, devaient même être blanchies tant je les tenais fort. Je me forçai à respirer calmement, à empêcher mon coeur de s'affoler, mais juste de regarder mon démon et de me dire que je pourrais le perdre...Je savais qu'il refuserait de partir. Qu'il ferait tout pour battre les anges. Après tout, il n'était pas né de la dernière pluie. Moi si, par contre. J'aurais voulu qu'on parte au Canada, au Brésil, qu'on se cache aux îles Galapagos tiens. Peu importe, du moment que nous étions seuls.

Sa main me ramena finalement à la réalité. Je croisai ses yeux, laissant ma peine émerger. Il me rassurait toujours, il était si bon pour moi...Je souris mièvrement, le laissai en plan sans explications et me dirigeai vers le petit placard où la boite reposait. Honteuse, je la ramenai au salon et me laissai tomber dans le plus grand fauteuil, ouvrant mon présent et dévoilant une plume trop blanche. Pas de la bonne couleur.

- Elle se nomme Alizée...je suis désolée.

Je n'osais plus croiser son regard. C'était déjà assez difficile d'avouer que j'avais parlé avec une ange, en toute connaissance de cause, mais ce n'était pas la pire des nouvelles à transmettre, loin de là. Je fixais toujours la plume, qui semblait grossir devant moi.

- Elle a appellé ce matin. Je te jure que je ne lui avais pas donné mon numéro ! Elle...elle voulait me parler. En personne.

L'iris bleutée s'assombrissait doucement. Inquiétude certainement mais aussi une colère que je qualifierais ironiquement de sainte. Alice n'avait pas parlé tout de suite, serrant les lèvres ou cherchant ses mots. Je ne savais pas vraiment. Mais j'étais patient, elle finirait par tout me dire aussi fus je un peu surpris de la voir disparaitre sans un mot. Plongeant mes mains dans mes poches, je me dirigeai lentement vers l'immense baie vitrée qui faisait naitre le soleil dans la pièce. Une lumière bien trop pâle comparée a la sienne. Je me retournai au moment où elle franchissait la porte en sens inverse, une boite entre les mains. Je caressai son visage des yeux, a la recherche d'un signe mais je n'y lisais qu'une étrange honte. Comme si elle s'apprêtait a m'avouer une énorme bêtise. De fait...C'est ce qu'elle fit et je serrai violemment les mâchoires en découvrant une plume de nacre entre ses doigts fins.

J'avais assez vécu pour savoir que ce n'était pas celle d'un pigeon, ni même d'un albatros. Non, c'était celle d'un ange. Ma colère était toujours froide, jamais enflammée. Ma passion, je préférais la lui réserver, a elle uniquement, mais en cet instant, la colère irradiait de mon être. Comme des vagues froides et indolores. Pourtant, ma démarche n'avait rien de rageuse tandis que je m'approchai, lui ôtant l'injure des mains, la levant devant mes yeux. Un léger froncement de sourcil indiqua ma curiosité en la découvrant bien plus grande que l'ordinaire. Bien plus..Solide aussi.

"Alizée as tu dis ?"

Non, ce n'était pas Alizée. Ce n'était pas son nom. Pourtant, le véritable m'échappait encore, perdu dans les limbes de mes souvenirs, en revanche...Je la croyais disparue ou trop bien cachée par sa créatrice. Une Enfant d'Azraëlle...Improbable et pourtant, la preuve se trouvait sous mes yeux. Elles étaient rares ces femmes que j'avais pu identifié et je les avais bien souvent perdu dans les illusions qu'entretenait l'Ange de la Mort pour les dissimuler aux yeux immortels. Que celle ci soit sur le devant de la scène était étrange.

"Que te voulait elle ?"

Sans doute étais je trop sec et je le regrettai aussitôt, laissant la douceur envahir mes prunelles lorsque je les posai sur elle. J'étais inquiet. Très. Pourquoi cette ange s'intérressait a ma protégée ? Pourquoi elle en particulier ? Qu'espérait elle ? Qu'attendait elle ? Me voir réagir avec stupidité et ainsi me perdre ? Possible. Tout était possible avec l'engeance divine, c'était ce qui les rendait dangereux. Je soupirai doucement avant de m'accroupir devant Alice, posant une paume adorable sur sa joue veloutée.

"Tu n'as pas a t'en vouloir Alice et tu sais très bien que tu peux tout me dire."

Ma colère n'était pas et ne serait jamais dirigée contre elle. je ne le pouvais tout simplement pas. C'était impensable...

Je savais bien qu'il était en colère, qu'il était déçu. C'était un peu comme si je l'avais trahi, lui, mon démon. Laurys m'avait tout dit sur les anges, ces créatures perfides, cruelles, et alors qu'il avait le dos tourné je n'avais rien trouvé de mieux à faire que d'aller quérir une plume. Certes, je n'avais pas voulu. Si j'avais su qu'elle n'était pas une humaine au bord du suicide mais bien une Séraphine, je ne serais pas allée à sa rencontre et je ne serais pas dans ce pétrin aujourd'hui. Enfin, ce n'était pas non plus ma faute si elle déclarait la guerre...évidemment, ce n'était pas ma faute.

J'hochai la tête. Je me doutais bien qu'Alizée n'était pas son vrai nom - ils changeaient souvent. J'avais conscience que Laurys avait dû porter des centaines de noms, rien que pour être logique un peu. Un descendant qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, un sosie, un vieux cousin. Si l'histoire devait repérer huit cent Laurys de la Rochelle, elle trouverait ça trop étrange. Il fallait bien qu'ils se fondent dans le paysage, même s'ils étaient probablement entraînés dans un tourbillon d'évènements, parfois sans même le vouloir. Mais malgré toutes ses années de pratique, mon démon réagissait mal. Je ne pouvais pas lui en vouloir, non, mais cela me faisait craindre le pire pour l'autre nouvelle que j'avais à lui apprendre.

- À moi, rien...À toi...

J'eus un petit rire nerveux. Bien sûr qu'elle me voulait quelque chose. Libérer mon âme, ou un truc du genre. Incapable de comprendre que j'avais choisi ce lien et que je le rechoisirais mille fois, puisqu'il me permettait d'être entièrement à Laurys et que Laurys, pour la durée de ma vie, ne serait qu'à moi. Sale ange qui allait me voler tout ce qui comptait pour moi, tout ce qui compterait jamais. Bizarrement, je ne songeais pas à Blake ni à mes parents. Seul Laurys pouvait être important.

- Elle veut apporter la lumière de la création sur Terre et frapper les ténèbres qui l'envahiront.

J'ose enfin regarder mon démon, peinée, posant ma main contre la sienne, si douce. Je cherche un réconfort qu'il ne pourra peut-être pas me fournir, cette fois.

- Elle a déclaré une guerre, Laurys, murmurai-je, ma voix vacillant.

- Une guerre, oui, y'a pas trente-six synonymes ! singeai-je au bord de l'hystérie, avant de fermer les yeux et de me reprendre. Désolée.

Ce n'était pas de sa faute si une espèce de débile avait déclaré une guerre. Pas non plus de sa faute si elle avait décidé que je serais le porte-parole. Je n'étais juste pas habituée à voir Laurys pas en contrôle total de sa personne. Oh, il était calme, mais je le connaissais trop pour ne pas remarquer qu'il s'inquiétait, peut-être juste un peu, mais il était tout de même inquiet. C'était rare que même ses yeux plongés dans les miens ne me faisaient pas de bien. Un seul de ses touchers me ramenait à la tranquilité certaine, ou du moins au bien-être. Pas aujourd'hui.

- Je ne sais pas...elle parlait au nous ou à la troisième personne. Mais franchement, elle est un peu...bizarre.

Néanmoins, aussi folle soit-elle, je ne l'imaginais pas assez idiote pour se lancer dans une vendetta seule contre des centaines de démons. Soit elle avait des compagnons, soit elle ne visait que quelques individus. Ça pouvait aussi être une piste, et faire semblant qu'elle était soutenue pouvait effrayer ses adversaires. Je voyais bien que mon démon réfléchissait à toute vitesse, se demandant probablement ce qu'il devait faire en priorité. Moi, les élèves, les autres démons ? Pourtant, il était toujours là, à mes côtés, ses doigts forts jouant dans mes cheveux. J'adorais ces moments, mais sachant qu'il ne faisait ça que pour m'empêcher de sombrer dans la panique, je n'appréciais pas réellement. C'était une des premières fois que je ne recherchais pas une proximité abusive avec mon démon. Lequel fit d'ailleurs écho à mes propres questions.

- Je ne sais pas exactement. Je crois que, commençai-je en sachant que ça n'allait pas lui plaire, je crois qu'elle veut me libérer.

En fait, c'était même une certitude, mais inutile de l'alarmer plus que nécessaire. Je ne tenais pas à m'envoler pour Tombouctou dans les trois prochaines secondes et je savais bien qu'il n'avait pas que moi sous sa responsabilité. Néanmoins, une part de moi espérait qu'il ferait tout pour me sauver et que je comptais beaucoup plus que tous ses élèves ou ses amis réunis. Le silence plana un instant, puis je relevai la tête, m'appuyant sur son épaule large et forte.

- Qu'est-ce qu'on va faire, Laurys ? Tu la connais cette fille ? Elle est vraiment dangereuse ? Est-ce que...est-ce qu'on va devoir se cacher ?

Les larmes coulaient presque dans mes yeux. J'avais peur, je ne voulais pas vraiment l'avouer, je voulais être aussi forte que lui.

- Je ne veux pas que tu meures, Laurys.

Il avait dû sentir mon inquiétude, car il se radoucit encore, sa voix profonde et riche prononçant des paroles douces destinées à calmer le battement affolé de mon coeur. Je tente un petit sourire, pas très convaincue que c'était vraisemblable. Je sais qu'il a déjà beaucoup sur les épaules, alors je sais que pour lui, parce que je l'aime tant, je ferai tout pour rendre son fardeau moins grand. S'il n'avait pas à se préoccuper de moi, la guerre serait plus facile pour lui. Évidemment, je ne pouvais pas me battre contre un soldat de Dieu, mais si je n'étais pas en petite boule sur le plancher à pleurer...ça irait mieux.

- Si elle peut ! Si elle te tue, je te perdrai.

Laurys m'avait bien expliqué toutes les conditions du contrat. Ma mort - mon âme lui appartenait. Sa mort, de cause naturelle ou du moins pas angélique, j'étais libérée. S'il se faisait tué par un ange ou un démon...j'appartiendrais à celui qui l'aurait tué. Je ne voulais pas être à cette femme ! Pas la renforcer lorsque je mourais, s'il advenait qu'elle tue l'homme que j'aimais plus que tout au monde. Je savais que je serais capable de me suicider si cela pouvait redonner à Laurys la moindre chance de survivre. Même s'il ne voudrait pas, même s'il dirait que je n'avais pas à faire ça, je le ferais.

- Non, je ne partirai pas !

Ça faisait un peu enfant gâté, mais enfin.

- Laurys, elle a été capable de me trouver sans problèmes aujourd'hui. Que penses-tu qu'il arrivera si tu m'éloignes ? Elle recommencera et elle se servira de moi pour te contraindre à...à faire je ne sais quoi. Je ne veux pas te quitter. S'il-te-plait.

J'exposais un point de vue simple, mais je savais qu'il ne serait pas dupe. Je n'étais tout simplement pas capable de m'éloigner de lui, surtout si nous devions mourir. Si nous n'avions que cinq secondes encore devant nous, je voulais profiter de chacune d'elles en compagnie de mon démon. Enfin, s'il me forçait à m'exiler, il était certain qu'il allait gagner. Il était plus fort que moi et il pourrait bien inventer un prétexte pour que mes parents décident soudainement de m'emmener ailleurs.

- Pars avec moi...si je suis en sécurité, tu le seras aussi. Ils sont capables de survivre sans toi, non ?

Égoiste petite enfant. Je le savais, et je savais que Laurys pourrait finir par me céder. Si j'insistais assez. Tout ce que je voulais, c'était rester avec lui pour toujours, au creux de ses bras, réchauffée par son corps, blottie contre un démon qui deviendrait peut-être un meurtrier demain.

Certes, certes, Laurys semblait fait de roc. J'imaginais difficilement qu'on pouvait le vaincre, mais il n'était à l'abri de rien. Peut-être qu'il y avait des anges plus âgés, avec des pouvoirs extraordinaires. C'était certain qu'ils ne lui enverraient pas un jeune ange, peut-être même qu'ils enverraient plusieurs séraphins. Je ne savais pas, moi. Ce n'était pas moi, la démone, après tout. Il restait que n'importe qui pouvait le vaincre, par ruse, et que si j'étais loin de lui, je souffrirais de son absence chaque minute, je le savais bien.

- Mais justement Laurys, ils n'oseront pas s'attaquer directement au protégé de Satan, non ? Je ne bougerai pas d'ici, je te le jure, je peux rester dans la cave toute la journée, mais je t'en prie, laisse-moi être avec toi.

Il faudrait que je pense à me débrasser de mon cellullaire, d'ailleurs. Inutile de lui fournir des indications claires et précises sur mon emplacement, inutile aussi de lui laisser tout le loisir de me contacter dès que cela lui plairait. Laurys y penserait certainement, s'il me laissait rester. Il prendrait toutes les précautions nécessaires pour que je sois en sécurité, ça, c'était certain. Tant que je pouvais le voir chaque jour et avoir le bonheur de savoir qu'il était toujours en vie.

- Comment ça va se passer ? Vous n'allez quand même pas vous battre en plein ciel, non ? Ça ne doit pas être si dangereux que ça.

J'essayais de me convaincre. De me donner des raisons de rester à Londres. Je savais bien que ce n'était pas raisonnable, que j'aurais dû partir immédiatement, seulement parce qu'il me le demandait. Laurys n'exigeait jamais rien de moi, peu importait la situation. Il était calme, m'exposait ses points de vue, mais j'étais la petite princesse qui gérait son royaume comme elle l'entendait. Là par contre, je devais prendre une décision d'une gravité jamais égalée. Je cherchais la réponse dans son regard, dans sa sagesse, sans la trouver. Si seulement ça avait pu être simple...Si j'avais pu être une démone, moi aussi, pour le protéger.

- Je vais rester avec toi. Si tu sens que ma vie est vraiment en danger ou que je deviens un fardeau trop lourd à gérer, je partirai.

Après tout, peut-être qu'il ne se passerait rien. Elle était peut-être totalement folle et avait oublié déjà les propos tenus cet après-midi. Forcément.

Je savais bien que Laurys risquait d'être une cible, mais une part de moi espérait que sa puissance l'aiderait...Ou peut-être était-ce le contraire. Ils enverraient trois, quatre anges de la même force que lui et il mourrait.

- Et bien quoi ? On dit bien que l'enfer s'ouvre lorsqu'on cède aux tentations, non ?

Même si ça ne change rien pour moi, même si je ne peux aider l'homme que j'aime, j'essaie de me rassurer avec des paroles vides, des espoirs vains. Tout ce que je peux souhaiter, c'est que l'ange était folle, que rien de tout cela n'est vrai. Pourtant, à voir le beau visage de mon démon, je ne peux douter : il sait que tout cela est grave. Et c'est d'autant plus difficile à accepter, même si ce n'est pas ma faute, que je ne suis qu'un pigeon voyageur - ailée peut-être, mais ô combien moins noble que ces créatures dont je partage l'univers brièvement.

- Ce n'est pas juste, explosai-je finalement, refusant ses caresses douces. Toi, tu risques ta vie et moi je suis obligée de partir et d'attendre que tu reviennes ! Si tu reviens.

Oh, le monde se passerait très bien de lui, j'en étais certaine. La seule personne qui ne s'en remettrait pas si Laurys mourait, c'était moi. ( Désolée, référence hyper évidente, j'ai l'esprit en compote, je plagie o/ ) Je savais que je ne pouvais pas combattre, mais je refusais d'admettre que lui le devait. Si seulement il avait pu partir.

Retournant me réfugier dans le confort de ses bras forts, je balbutie, sachant qu'il m'entendrait tout de même :

- Je partirai si tu le demandes. Je te le jure sur l'amour que je te porte - indiscutable, c'était ce que j'avais de plus précieux - je le ferai, tant que tu me reviens.

Si Laurys mourait, je suivrais peu après, j'en étais convaincue. En essayant de tuer de mes faibles mains celui qui m'aurait enlevé mon démon.

Me battre ? Je fus obligée de retenir un rire hystérique, consciente que cela ne ferait que l'encourager à m'exiler d'ici le plus vite possible. Bien entendu que je n'allais pas me battre, c'était comme demander à une fourmi de terrasser un éléphant. Tout bonnement impossible. Il suffisait qu'on m'empoigne et qu'on me jette dans le lac, deux ou trois coups d'ailes et tout était réglé. J'étais désespérée, pas suicidaire.

- C'est juste que...oh, je ne sais pas. Imagine que je parte et que tu doives rester ici, enfermé entre quatre murs, sans même savoir si je reviendrais un jour. Je sais que je ne peux pas t'en empêcher, mais franchement, je n'ai pas le goût que tu partes.

Qui aurait pu dire à l'être aimé de partir ? Ce n'était pas ce qu'il avait choisi. Laurys était certes un démon, mais je ne suis pas certaine que la guerre jusqu'à ce que mort s'en suive fasse partie du contrat. Je comprenais sans peine ce que vivaient les épouses de soldat, toujours dans l'incertitude, toujours à craindre la sonnerie du téléphone qui pourrait annoncer une si triste nouvelle. Sauf que pour moi, il n'y aurait pas de téléphone, rien. Il disparaitrait et je devrais admettre qu'il était parti...si ce n'était qu'un ange risquait de se présenter, fier d'avoir mon âme en sa possession. Je refusais de subir ça. Je refusais que mon âme soit entre les pattes sales d'Alizée.

- Je viens à peine de trouver le bonheur, pourquoi est-ce qu'il faut qu'on me l'enlève ?

Comme pour ponctuer mes paroles, il se mit à caresser doucement mes cheveux. Moi, je serrais simplement sa taille plus fort. Ça faisait des années qu'il m'appartenait, mais j'étais à lui autant qu'il était à moi. L'affection de ses gestes voulait dire toute autre chose pour moi. Pourtant, en refusant de promettre qu'il reviendrait, il scellait nos destins.

- Alors c'est un adieu.

Je n'étais pas certaine du ton de ma voix, si c'était du désespoir ou un calme trop important pour ne pas cacher de l'angoisse. Soit, mais il ne pouvait pas me forcer à continuer à vivre sans lui. S'il ne revenait pas, moi non plus. On ne pouvait pas revenir d'un enfer si doux et faire comme si de rien était.