Raphaël L. Assur

Raphaël tient des créatures célestes anciennes la fabuleuse capacité de jouer de son physique pour séduire ses victimes et modifier son apparence. Ainsi est-il mort jeune, bien qu'à l'époque, il fut déjà un homme mûr depuis un moment et ai sans doute atteint la moitié de son espérance de vie. A jamais figé dans ses 20 ans, il sait comment s'apprêter pour paraître 17 ans ou au contraire, se vieillir pour dépasser les 25. Un don très pratique qui lui a servi au cours des millénaires pour tromper son monde.
Ce qui demeure immuable est sa corpulence. Raphaël mesure 1m79, une taille correcte pour cette époque et plus qu'honorable pour celle où il a vu le jour. Il est nanti d'une silhouette athlétique aux muscles bien dessinés sans l'être à outrance. On peut dire que le Séraphin a belle allure et qu'il plait aux femmes.
Les traits de son visage sont fins, comme taillés à la serpe. Ses joues légèrement creuses s'illuminent d'une fossette quand il fait la grâce d'un sourire spontané et juvénile. Des yeux bruns, expressifs éclairent son visage. Il ne faut cependant pas se fier à son regard. Expressif, mais pas transparent. Raphaël est un menteur, un embobineur de première. Si on pourrait lui donner le bon dieu sans confession, il faut se méfier de son visage d'ange et de son sourire enjôleur... Parfois, le masque tombe et l'on peut alors voir toute la fourberie de cet être millénaire.
Il a des cheveux sombres, qui ont tendance à boucler dés qu'ils deviennent trop longs. Pour le moment, il les porte très courts et reste glabre, pour satisfaire à sa nouvelle mission personnelle. De même, il s'habille à la façon d'un adolescent, jeans, T shirt, chemise, pulls, baskets, mais porte très bien les costume quand la situation s'y prête ou quand il faut se rendre à l'école et rencontrer ses... confrères. Et consœurs.

Un visage d'ange qui cache un démon. Voilà comment pourrait-être résumé Raphaël. Humain, il était déjà fourbe, manipulateur et calculateur. Menteur et doué dans l'art de la tromperie, il n'a fait qu'affuter ses armes au cours des siècles. Il sait exactement comment agir pour séduire quelqu'un, s'adaptant à son interlocuteur avec une facilité confondante. Habile manipulateur, il sait murmurer à l'oreille de ses proies et leur souffler des idées qui leur semble être les leurs. Charmant, mielleux, c'est un serpent qui se glisse dans votre intimité, dans votre entourage, coupe soigneusement vos liens avec la vie, patiemment, fil après fil, jusqu'à vous isoler et vous faire sien. Doué d'un solide sens de l'humour, mâtiné d'ironie, Raphaël est un bout en train qui ne se prend pas la tête, au contraire de ses collègues Séraphins, toujours collets montés. Moqueur, il ne rate pas une occasion de souligner leur arrogance, toujours en flirtant avec les limites. Ses relations avec les autres anges sont assez ambigües. Raphaël n'est pas le plus craint des Séraphins, bien qu'il soit l'un des plus anciens et des plus puissants, puisqu'il dégage une fausse image de décontraction et de jovialité. Il n'est pas du genre à se mettre en colère, ni même à punir de façon violente, mais croyez bien que derrière son sourire, se prépare souvent sa vengeance, sournoise, insidieuse.
On le sous estime ? Parfait, il n'a pas besoin de se faire encenser ou qu'on lui élève un autel pour vivre. Son ego se porte bien, merci.
Avec les mortels, il est un bon compagnon. Il peut dégager de la dangerosité comme sembler doux comme un agneau. Mais une aura de mystère entoure cet homme étrange, trouble, au sourire facile et contagieux. Magnétique, il attire les mortels comme des papillons et il est ravi de pouvoir bénéficier de sa réputation d'ange médecin, de guide pour les voyageurs et ainsi gagner la confiance de ses bénis et les tromper ensuite. Ce qu'il préfère, c'est dévoyer les victimes les plus innocentes ou les plus fanatiques. Quoi de plus jouissif que de jouer de la foi d'un humain et la piétiner ensuite en le confrontant à la réalité ? Quoi de plus gratifiant que de pervertir un cœur pur ? Raphaël bénit de façon méthodique et minutieuse, c'est un fait. S'il a béni à la chaine étant jeune, il a apprit à varier les plaisirs.
Contrairement à Gabriel, il n'est pas un accroc du sexe. Il ne couche pas systématiquement avec ses bénies, comme il ne bénit pas forcément ses conquêtes. Il lui arrive de se réfugier dans les bras de femmes, d'être une page dans le livre de leur vie. Malgré tous ses défauts, Raphaël sait faire preuve d'humanité, de tendresse ou même d'amour. Le travail est le travail, la vie privée est la vie privée et il mêle rarement les deux. S'il prend plaisir à bénir, à servir Dieu et à se chamailler avec les autres anges, il ne perd pas de vue sa mission, qui n'est pas incompatible avec ses envies. Il lui est déjà arrivé de s'attacher à certains mortels ou certains de ses bénis et de les protéger envers et contre tout. On peut le qualifier de fidèle dans ses amitiés, peu nombreuses mais solides. Il sait que rester seul dans ce monde impitoyable peut-être une erreur. Il faut des alliés, des appuis sûrs. Et paradoxalement, s'attacher à d'autres est prêter le flanc à des attaques et laisser une faiblesse à exploiter. Quelque chose qu'il ne peut pas se permettre avec ses dangereux acolytes...

Il est à noter que même son don est sournois et non sans contrepartie. Pour berner les humains, Raphaël s'est vu octroyer le don de guérison par Dieu. Capable d'apaiser l'esprit et de guérir les corps, il est l'image de l'ange bienveillant par excellence. Il soigne, il guide... Facile de gagner la confiance des naïfs n'est-ce pas ? Surtout avec un petit miracle à la clé. Ce qu'ils ignorent, en revanche, c'est qu'on n'a rien sans rien et que si Raphaël guérit, les conséquences sur l'entourage sont... catastrophiques. Et imprévisibles. Une guérison... Un mort. Un équilibre qui n'en est pas un.

- Franchement Raphaël, quelle idée de jouer les lycéens ?

- Qu'est-ce qu'il y a Holly ? Tu n'aimes pas mon uniforme ?

Nonchalamment avachi dans un fauteuil, je regardais Holly, une cigarette entre les doigts, sans me départir d'un petit sourire amusé. La jeune femme était une de mes bénies, l'une de mes préférés aussi. Cela faisait 210 ans qu'elle était un ange, que j'étais allée la chercher au fin fond de son couvent pour la dévoyer et la jeter dans cet univers bien loin de tout ce qu'elle avait pu apprendre. Holly avait été une jeune noble trop passionnée, qui avait eu la mauvaise idée de coucher avec son amour de jeunesse, hors mariage. Disgraciée, indésirable, elle avait été envoyée au couvent, où j'avais été attiré par son âme éclatante. Elle en était arrivée à se tourner entièrement vers Dieu, à se penser mauvaise et tout le toutim. Il avait été assez facile de l'approcher, d'instiller le doute dans son esprit. Elle m'avait été reconnaissante de la libérer de ses chaines et un lien solide d'amitié s'était noué entre nous. D'amitié, pas de désir, ni d'amour.

- C'est troublant de te voir changer d'apparence si facilement, on dirait un gamin.

- Mais je suis un gamin.

- Parfois, oui, et c'est sidérant que tu ai réussi à atteindre cet âge et à être si respecté avec un tel comportement.

- Il faut se méfier de l'eau qui dort ma chérie.

Je lui décochai un sourire, avant d'écraser ma cigarette dans le cendrier, en soufflant les dernières volutes de fumée. En plus de 2000 ans d'existence, j'avais pris bien des apparences, porté bien des masques. Prêtre, conseiller, noble, roturier, savant, astrologue... Je pouvais tout être, rien ne me résistait. Rien ne me prédisposait à être encore là aujourd'hui.

Je suis né Chaldéen, en Mésopotamie, peuple barbare et pourtant si éclairé. Nous avons été les premiers à créer le calendrier tel qu'il existe aujourd'hui. A séparer l'année en 12 mois, la journée en 24h... De brillants astronomes. Mon enfance est tellement ennuyeuse que je n'ai rien à en dire, aucun souvenir. Au bout de 2000 ans, les choses se confondent et on ne retient que les moments importants. Ce dont je me souviens, c'est de ma façon de me faire remarquer, de me taire, d'observer, avant d'entrer enfin dans la lumière, fort de mes connaissances et de mon éloquence... Pénétrant ainsi les plus hautes sphères, jusqu'à conseiller un roi, jusqu'à lui lire l'avenir dans les cieux. Une place enviable, une ascension fulgurante... Évidemment, j'en ai profité pour m'enrichir, de façon malhonnête. Déjà à cette époque, j'avais un don pour me créer mon petit réseau personnel, gangrener la ville par la prostitution, le crime... Tirer des ficelles, dans l'ombre. Éminence grise, voilà le rôle que je préfère.

C'est ainsi que j'ai attiré son attention... Celle qui m'a bénie. Elle m'a séduit, mais je n'ai pourtant pas cédé. Pas parce que je n'en avais pas envie, mais parce que cela aurait été donné un trop grand pouvoir à cette femme envoutante. Mais ce qu'elle me faisait miroiter... Jeunesse éternelle, puissance, gloire... Je me laissais séduire par ses promesses. C'est elle qui me tua pourtant. C'est elle qui me vendit à mon roi, qui introduisit de la sorcellerie là où il n'y avait que la science. Mon peuple était chrétien depuis peu de temps, mais relativement fanatique. Alors la sorcellerie faisait mauvais genre. Je fus pendu. Si j'ai peu de souvenirs de ma vie, je me souviens avec une acuité terrifiante de ma mort. De cette impression de suffocation, de cette violente douleur au cou... Cela a été long, terriblement long.

Hélas, ma vie mortelle ne s'est pas terminée à la hauteur de ce que j'avais été. Mais j'étais bien décidé à honorer ma seconde chance. Et il me semble y être parvenu. J'ai été l'un des premiers anges après l'Extinction. J'ai côtoyé Azraëlle et Gabriel très tôt, comprenant vite quels serpents ils étaient et combien il me fallait me faire ma place. Un défi à la hauteur de mes ambitions. Élève zélé, Séraphin doué, je me suis vu octroyer le don de Guérison, comme les démons, mais avec des contreparties vicieuses et ce, afin de rouler mes victimes. C'est ainsi que je suis devenu l'Archange Raphaël, Maître des Vertus et je ferais grâce de toutes mes attributions. J'ai provoqué la déchéance de grands hommes, dévoyé les plus saints, entrainé le déclin de civilisations brillantes.

Le chaos est mon univers et je m'y sens bien.

- Quel challenge y a-t-il à recruter des lycéennes immatures et inintéressantes ?

- Chacun ses plaisirs ma chère. Tu sais mieux que quiconque, ce que je peux trouver aux demoiselles naïves.

Holly pinça les lèvres, touchée. Naïve, elle l'avait été. Ou née à la mauvaise époque.

- Perds donc ton temps, j'ai mieux à faire Raph.

- Je ne te retiens pas Holly. Au plaisir de jouir de ta délicieuse conversation.

- Pas avant un moment, tu peux compter là dessus. Tu es parfois aussi arrogant que Gabriel !

Elle fit volte face et s'en alla. Mon sourire s'effaça, alors que je me levais, me dirigeant vers la fenêtre et levant le nez vers le ciel étoilé. Je n'avais jamais perdu cette passion pour l'astronomie. Et dans mon avenir, je lisais une rencontre... Une jeune fille.

Ma prochaine bénie.