3 sur 20...Privé de sortie ! | Raphaël

« Non, discute pas, tu vends. Le cours est au plus haut, c’est le moment…Non, il ne montra pas plus…Steven, tu sais que les troubles dans les Emirats vont impacter sur le cour, fais pas l’imbécile avec moi surtout. »

La voix un peu froide, je dictais à l’un de mes partenaires les prochains mouvements que j’allais prendre avec les portefeuilles de mes clients. Bon, pour une fois, c’était un bon placement, dangereux mais qui pouvait s’avérer juteux, très juteux. C’était une tactique dont j’usais souvent, il suffisait d’une ou deux bonne, voir très bonnes affaires pour que les clients me fasse une confiance aveugle. Bon, ça et sans doute une réputation terrible au cœur de la City. J’appuyais sur mon oreillette, coupant la communication en retenant un juron. Un juron qui fini par m’échapper. Je m’en fichais, j’étais toute seule dans mon bureau, un espace immense, hight tech et situé à l’avant dernier étage d’un immeuble dernier cri. Non sérieusement, j’étais plutôt bien placée, encore un étage et je ferais partit du comité directoire. Oui, enfin, pour ça, il faudrait que j’en ai envie déjà et là, c’était pas gagné.

Je jetai un coup d’œil à ma montre, 19h30 et un estomac qui criait famine. Si j’avais pensé a un moment que le statut de Séraphin me priverait de mes besoins primaires, c’était raté. Je crevais de faim. Je chopai mon Ipad et tapai rapidement un sms dont le contenu ressemblait à ça :

« J’ai faim. Je meurs de faim. C’est toi qui paie. Orlando dans 30 minutes. »

Oh et puis Raphaël avait largement les moyens de m’offrir ce restau contemporain et assez de bagou pour nous dégoter une table sans réserver trois mois a l’avance. Autant en profiter. Je mis mon portable dans mon sac, me massai la nuque avant de quitter mon bureau, faisant claquer mes talons sur le sol. Au rez de chaussé, je fis un clin d’œil amusé au gardien de l’immeuble qui rougit comme un jouvenceau, a croire qu’un tailleur jupe azur sur une taille fine et mettant en valeur de longues jambes pouvaient réduire un homme au silence. Réflexion faite, oui, cela le pouvait. Je savais très bien a quoi je ressemblais de toute façon. Une façade froide mais les boucles de mes cheveux savamment désordonnées ajoutaient un piquant sensuel à ma tenue.

Arrivée au sous sol, je me dirigeai d’un pas ferme vers mon audi en me disant que traverser Londres à une heure de pointe…Mais disons le franchement, pour passer une soirée avec Raphaël…Allez, ça valait bien une demi heure de bouchon non ? Bref, je finis par arriver devant le restaurant, laissant ma voiture à un groom ou assimilé, je n’arrivais jamais à savoir qui faisait quoi dans ce genre d’endroit.

J’avais eu raison, une table était prête et je souris très largement au maitre d’hôtel, ayez un Archange en ami, toute les portes vous seront ouvertes ! Ahum…Je suivis donc le majordome jusqu'à une table luxueuse dans un cadre chic et suranné.

« Un conseil Raph, n’investis pas dans le pétrole en ce moment… »

Je me laissa tomber sur ma chaise, admirant la tenue de Raphaël…Bon sang ! comment il faisait pour se faire passer pour un adolescent de 17 ans ?!

« Dis donc, tu savais que tes notes de maths frôlaient les pâquerettes ? Il va falloir que je sévisse. »

Par praticité et surtout parce qu’il savait qu’il ne risquait rien avec moi, il m’avait désignée tuteur légal pour les conneries administratives du lycée. Alors son bulletin de note..c’était pour ma pomme.

Il n'y avait pas grand chose qui pouvait me faire davantage plaisir que de passer un moment aux côtés de Holly. Cela faisait plus de 400 ans que je la connaissais et jamais encore je ne m'étais lassé de cette femme. J'en avais des bénis... pas autant qu'Azraëlle ou Gabriel, j'étais un peu plus soigneux dans mes choix ou moins fanatique, au choix, mais en tous les cas, j'avais fait pas mal de bébés et Holly restait ma préférée. Quelque part, je me disais que nous avions tous notre chouchou. Azraëlle maternait Alix, qui pourtant, était des plus bizarres... Gabriel s'était dégoté Naya. Et moi, j'avais Holly. Gabriel avait mis du temps à trouver sa perle rare, mais il pouvait bien jouer les détachés et Naya faire de même, ils ne me trompaient pas. Il y avait une façon de se comporter, le fait de prendre son éducation en charge sans passer par la case école qui ne me leurrait pas pour avoir fait de même, même si j'avais fini par mettre Holly à l'école, mais pas sans l'avoir armée auparavant, affinant son esprit, la rendant capable de se débrouiller avant de la lâcher parmi des requins.

Et aujourd'hui, j'étais fier du travail accompli. Je quittai le lycée, songeur à cause d'Elle. La jeune femme et puissante démone si je me fiais à mon instinct était sympathique et j'étais presque contrarié que nous soyons ennemis surtout alors que les hostilités reprenaient de plus belle. Bien qu'elle n'ai pas d'intention particulièrement belliqueuse, je me méfiais d'elle et je me doutais qu'elle ne me laisserait pas en paix. Enquiquiner les anges semblait être le passe temps favori des démons. Les tuer aussi, au passage.

Quoiqu'il en soit, j'étais songeur la concernant alors que je rentrais au bercail. Je jetai mon sac dans un coin, avant de me doucher et d'aller m'affaler dans le canapé, zappant devant des émissions toutes plus idiotes les unes que les autres. Faire mes devoirs ? Mais bien sûr... Je n'avais que ça à faire, c'était évident. Je levai le regard vers le pendule. Il était déjà tard et mon estomac se mit à gronder. Mon portable vibra et je lus avec un sourire le message de Holly. J'éteignis la télé et allais me changer. J'avais rendez-vous au restaurant avec Holly et la jeune femme semblait décidée à me laisser les frais de l'invitation qu'elle avait lancé. Sacrée bonne femme. C'était son caractère frondeur et impulsif qui m'avait séduit. Un soleil dans la grisaille. Un oiseau de paradis parmi de ternes corneilles. Elle irradiait de vie et j'aurais été fâché qu'elle reste à jamais cloitrée dans ce couvent.

J'arrivai au restaurant en avance, vêtu d'un jean sombre, d'une chemise, d'une cravate et d'une veste de costume. Exit le lycéen, j'étais méconnaissable. Il ne fut pas difficile de dégotter une bonne table, j'avais le bras long et de l'argent à profusion. J'attendis donc Holly, commandant les apéritifs, connaissant ses goûts par cœur. Je la regardais arriver, un mince sourire aux lèvres. Superbe. La modernité lui allait comme un gant. Elle avait traversé les époques avec la même classe innée. Elle s'était affirmée, avait grandi. Quelle femme somptueuse. Que j'aimais sincèrement. La seule en qui j'avais confiance et à qui j'aurais confié ma vie les yeux fermés. Notre relation était particulière, étroite, sincère, jonchée de disputes et de moqueries, de défi, mais basée sur le respect, la confiance et l'estime.

Son entrée en matière m'amusa. Elle était une redoutable courtière et je prenais ses conseils très au sérieux.

- C'est noté.

Et je ris alors qu'elle se lamenta sur mes notes déplorables.

- Les mathématiques n'ont jamais été mon fort.

Je me penchai alors légèrement en avant, la regardant avec espièglerie :

- Mais tes promesses de punition seraient presque tentantes... De quels sévices userais-tu pour me faire rentrer dans le droit chemin ?

« Privé de sortie et de film porno. »

Assénai je avec un adorable sourire moqueur. Oui, j’étais au courant des passions qui torturaient les pauvres adolescents libidineux de 17 ans. Bon, soit, Raphaël n’avait plus 17 ans depuis très longtemps mais j’étais toujours aussi estomaquée de le voir faire avaler cette couleuvre à n’importe qui ! A ma décharge, je l’avais bien prit pour un prêtre moi.

« N’empêche que te faire passer pour un ado…- Je secouai légèrement la tête avec résignation – Un prof, passe, mais un élève…tu sais que j’ai entendu un sale type boutonneux parler de ta grande sœur super bonne ? Et en ces termes je te prie. Achète toi un scooter, ça m’éviteras de venir te chercher et d’entendre ce genre d’inepties »

Achevai je , une petite moue sur le visage. C’était tout de même un comble, moi, à la limite, je pouvais osciller entre 20 et 30 ans, mais pas moins. Bizarre non ? Je me sentais lésée, a moins que ce ne soit a cause de ma façon d’être, ce devait être ça. Je m’emparai de mon verre, enroulant mes doigts fins autour de la coupe d’un cocktail au champagne rosée avant de trinquer avec mon archange préféré. Là, en sa compagnie, j’ étais réellement détendue, jamais sur le qui vive et totalement en confiance. Je pense que j’étais la seule a pouvoir m’en targuer en compagnie d’un Archange. Azraëlle et Gabriel me foutais un peu les fois donc j’aimais autant les éviter, Raphaël c’était bien autre chose. Je soupirai de bien être tout en portant ma coupe à mes lèvres. Raphaël connaissait mes goûts par cœur alors je savais d’emblée que cela allait me plaire. Effleurant la salle du regard, je remarquai certaines femmes, pourtant accompagnée, reluquer de notre côté et, franchement, cela me faisait rire intérieurement, finalement, je reposai les yeux sur mon compagnon.

« Tu trouve au moins ce que tu cherche dans ce lycée ? »

Demandai je tranquillement. Raph pouvait me mentir, comme me dire la vérité, mais, honnêtement, cela faisait longtemps qu’il ne m’avait pas mentit donc j’optais pour la vérité.

J'éclatais de rire devant la punition qu'elle me réservait.

- Oh non pitié, tu sais qu'à mon âge, ma meilleure amie est ma main !

Comme si j'avais besoin de ce genre de choses... Mais quitte à jouer un adolescent autant y aller jusqu'au bout et c'était exactement ce que Holly faisait. Mais elle se demandait encore comment on pouvait me prendre pour un adolescent quand je savais être si... homme. J'aimais jouer à ce petit jeu, prendre tout le monde à contrepied. C'était peut-être puéril, quelque part, mais je prenais mon pied et faire passer Holly pour ma grande sœur était jouissif. Même si elle me le faisait payer, parfois de façon mesquine. A charge de revanche et c'était pour cela que notre partenariat n'avait jamais connu de fin et que j'étais souvent de mèche dans ses combines ou elle dans les miennes.

- Mais il avait raison, tu es super bonne.

Je lui décochai un sourire, avant de reprendre, en forçant le trait :

- Ouech, mamzelle, tu m'files ton 07 ?

Je ris de nouveau. J'imaginais le crétin qui avait osé lui dire ça, ne sachant surement pas à qui il s'adressait. Mais nul doute que si j'avais été là, j'aurais été plus qu'amusé d'entendre ça, quitte à renchérir. L'apéritif était servi et nous prîmes le parti de commencer à trinquer tous les deux. Nous nous connaissions si bien que plus rien ne nous surprenait chez l'autre, ou presque. Je connaissais ses goûts et ses dégoûts.

Elle me demanda alors si j'avais trouvé ce que je cherchais et j'eus un petit rictus en reposant mon verre.

- Oui, et même des complications.

Je la regardais attentivement, avant de partager mes informations avec elle.

- Il y a une démone qui semble aimer jouer les lycéennes elle aussi. Et qui cherche qui a mis le feu aux poudres entre nos deux races. Tu comprendras aisément mon agacement de ne pas pouvoir lui donner de coupable, puisque j'ignore moi-même tout de cette affaire.

Une affaire qui m'énervait et ça, Holly le savait parfaitement.

Je hochai la tête d’un air navré, limite choqué même, histoire d’être dans le ton n’est il pas ?

« Trouve toi une fille, mon stock de mouchoirs en papier descend a vue d’œil. »

Mais tout badinage et Dieu savait que j’adorais badiner avec Raphaël, avait une fin. Je me sentais bien, très bien même, mais je crois que cela avait toujours été avec lui. Bien que là, il m’agaçait avec son rôle de lycéen abruti et contrôlé par ses hormones. Mais je devais bien avoué qu’il excellait dans ce rôle, c’était desespérant ! Quelque part, je l’enviais. Ce n’était pas de la jalousie parce que j’avais conscience d’être terriblement jeune vis-à-vis de lui, mais je l’enviais. Allez, encore quelques siècles et je me prendrais pour une collégienne ! Prochain défi !

« Arg…Raphaël…Ce langage dans ta bouche…J’ai juste envie de te tuer… »

Bougonnai je alors qu’il m’affirmait… « bonne »…Diantre ce que je pouvais haïr ces expressions humaines et dégradantes ! je n’étais pas une chienne de garde mais tout de même ! Comment les jeunes espéraient draguer avec de pareils…pareils…pièges à blonde péroxydée ?! Bon, j’étais certes blonde, mais c’était naturel, moi. Théâtrale, je posai une main sur mon décolté, le dos de l’autre sur mon front, mimant une pâmoison délicate et terriblement féminine.

« Je me meurs…. »

Mon 07…Bon, je devais reconnaitre à Raphaël un talent certain, il se coulait dans le moule avec une perfection démoniaque. Finalement, je trinquai appréciant sur ma langue la saveur sucrée du champagne rosé avec un contentement bien réel, non feint et que je ne ressentais qu’avec lui. Prenant le virage d’une conversation un peu plus sérieuse, je l’interrogeais directement. Je devais sans doute être la seule capable de le faire et d’obtenir une réponse franche. Quelque part, j’en devenais orgueilleuse mais sa réponse fit tinter un signal d’alarme dans mon cerveau.

« Des problèmes ? »

Et je sus lesquels. Apparemment, il n’était pas le seul à avoir élu le lycée en terrain de chasse et mon regard s’assombrit un peu. Je n’aimais pas ça. Je savais Raphaël puissant, fort, mais on trouvait toujours plus fort que nous, c’était une règle immuable.

Je hochai légèrement la tête. Si j’avais eu envie de le voir, c’était aussi pour aborder ce sujet…Enfin en second lieu, la première raison étant toujours que j’adorais sa compagnie.

« J’ai entendu parler certains..collègues. Quelque uns ont perdus des Bénis dans cette histoire mais le plus troublant…Ecoute, il parait que l’allumette qui fait tout exploser vient de nous et ça commence a faire du bruit, je ne sais pas si tu as lu les journaux. Pour tout t’avouer, outre ta délicieuse compagnie et le fait que tu me manquais, je comptais bien te poser quelques questions a ce sujet aussi. »

Je posai mes coudes sur la table, lovant mon menton sur mes mains croisés, des ombres dansant au fond de mes yeux clairs alors que j’affrontais son regard chaud et sombre.

« Je suis inquiètes pour les plus faibles des miens. Ils sont protégés par l’école mais en attendant…Le fait que tu semble ignorant de ce qu’il se passe ne me rassure pas. Que disent le bellâtre et la frigide ? »

Je n’avais même pas besoin de commenter, il savait très bien de qui je parlais. Il faisait partit des préféré de Dieu avec Gabriel et Azraëlle. Un archange au pouvoir impressionnant, aussi agé, voir plus, que la religion. Parfois, sa puissance me faisait peur, combien pourrais je donner ma vie pour lui et parfois, comme maintenant, elle me rassurait d’une certaine façon.

« Quelle impression t’a fait cette démone ? »

J’étais curieuse, je l’avouais mais il en avait l’habitude, à chaque fois qu’il ramenait un béni, je ne pouvais pas m’empêcher de lui demander ce qui l’avait attiré, intrigué ou que sais je. Et même si là, on ne parlait pas d’une bénie, le fait qu’il la mentionne était déjà intriguant.

L'expression de Holly était parfaite en tout point en grande sœur totalement outrée des propos de son petit frère. Elle avait une répartie des plus délectables et j'aurais pu continuer encore longtemps sur ce sujet ô combien passionnant et glorieux qu'étaient les jeux solitaires des adolescents en mal de filles.

- Ce n'est pas comme si cela m'était difficile.

Je lui lançai un sourire charmeur. J'étais un bel homme, un beau gosse dans le langage des adolescentes de ce siècles et j'aurais pu sortir avec à peu près n'importe quelle fille du lycée. Outre mon physique, je dégageais quelque chose qui les attirait comme des aimants. Qu'elles soient intellectuelles ou sportives, belles ou moches, populaires ou timides, extraverties ou coincées. Holly ne pouvait pas dire le contraire, elle aussi avait été troublée. Et pouvait encore l'être quand je m'en donnais la peine. Mais là, en jouant l'adolescent, j'avais moins de chance de la séduire et je m'en amusais alors qu'elle déplorait d'avoir été considérée comme bonne par un ado boutonneux. J'en remis une petite couche, histoire de faire bonne mesure. Le fait était que j'étais à l'aise dans tous les rôles que je pouvais endosser. Lycéen, étudiant, homme d'affaire, héritier oisif, racaille... Je changeais de peau comme un caméléon.

- Tant mieux, je suis donc crédible.

Et je ris légèrement quand elle se dit mourir alors que je parlais comme un adolescent attardé et qui pensait pouvoir choper une gonzesse en lui parlant comme à un sac de viande. Mais trêves de plaisanteries, je retrouvais mon sérieux quand elle me demanda si j'avais trouvé ce que je cherchais dans cette école. Outre une cible, il y avait des problèmes en perspective, ce que je confirmais en hochant la tête à sa question, avant de lui parler d'Elle, ne lui cachant rien, pas même mon ignorance de ce qu'il se tramait. Et Dieu savait que cela me coûtait de l'avouer.

Holly m'avoua alors qu'elle avait bien eu l'intention de parler de tout cela avec moi. Ce n'était pas comme si c'était une surprise et je ne me permis même pas une remarque ironique à ce sujet. Parce qu'il n'avait rien de drôle et commençait à me préoccuper. Et pour que quelque chose me préoccupe, il fallait que cela soit grave, j'avais tendance à tout prendre à la légère. j'avais lu les journaux oui, et je savais qu'il y avait des morts dans les deux camps. Un ange serait donc à l"origine de ce bordel ? Mais qui ? Holly se rapprocha de moi, se penchant sur la table et m'avouant son inquiétude pour ses bénis les plus faibles. Je retins de nouveau une remarque sur la sélection naturelle, qu'elle n'aurait sans doute pas appréciée. C'était aussi ce qui faisait que je l'appréciais.

- Ils ne disent rien. Azraëlle est portée disparue. Elle a laissé les rênes de l'école à Gabriel qui semble faire du ménage. Mais rien ne permet de penser qu'il soit à l'origine de tout cela. Il est occupé par ses propres projets. Et Azraëlle... Je ne sais pas, cela ne colle pas avec sa façon de procéder. Quoiqu'il en soit, je ne sais pas si Dieu a ordonné ces attaques, si c'est le fait de quelques anges zélés ou fêlés et si c'est le cas, s'il cautionne.

En gros, Holly n'apprendrait pas grand chose de ma part. Mais Elle semblait détenir quelques informations. Elle me demanda alors ce que je pensais de la démone et je souris :

- Sincèrement ? Que c'est vraiment dommage que nous soyons ennemis. Elle me plait bien. Elle n'est pas coincée, elle est irrévérencieuse et bien intégrée dans son époque, espiègle et avec un solide sens de l'humour. Pour être sincère, elle me plait bien. Mais je sais aussi qu'elle va me mettre des bâtons dans les roues... Mais autant la garder à l'oeil, elle pourrait bien être utile.

Ah il était bon de plaisanter avec lui. Sans mauvais jeu de mot, je crois que c’était le seul homme auquel j’étais réellement attachée et pourtant, Dieu savait que j’en avais connu des hommes. Et pas forcément dans le sens sexuel attention ! Juste qu’il m’avait apprit a bien choisir mes Bénis et, quelque part, je tenais Raphaël en exemple. Mais c’était aussi le seul homme en qui j’avais confiance. Totalement. Et le fait qu’il ne sache rien me faisait peur d’une certaine façon.

« Bordel.. »

Jurai je doucement en secouant la tête. Si même Gabriel et Azraëlle ne savaient rien…Quoique la disparition de la frigide me laissait perplexe, de même que la raison pour laquelle elle avait laissé l’école a Gabriel.

« On est tombé dans la quatrième dimension ou quoi ? Depuis quand Gabriel remets en question ses choix ? Et Azraëlle ? Depuis quand elle rate la grande scène ? Mince, j’ai l’impression qu’il n’y a que nous de normal. »

Continuai je en lappant une minuscule goutte de champagne venue se perdre sur ma lèvre. Je n’étais pas rassurée. J’étais agée, certes, mais beaucoup moins que certain. C’était pareil pour Raphaël, quelque part, je le pensais toujours tout puissant mais ce n’était pas le cas. Et c’était difficile de se rendre compte qu’une guerre était toujours…difficile a gérer.

« Sérieusement Raph….Tu penses réellement que Dieu ferait quoique ce soit sans en référer à Gabriel ? C’est son petit chouchou, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, mais c’est le cas, il est presque impensable que..-Je m’interrompis brusquement- a moins que, justement, une telle façon de faire ne provoque le chaos et ne révèle les véritables forces en place… »

Songeuse, je réfléchissais à ma théorie et cela m’aurait étonné que Raphaël n’y ai pas pensé lui aussi. Mais outre ce point qui me titillait, il y avait aussi cette démone dont il parlait. Il y avait quelque chose dans sa voix qui m’interpellait. Je le connaissais bien, sans doute pas parfaitement parce que Raphaël restait Raphaël mais je savais reconnaitre cette intonation. Je haussai un sourcil.

« Dis donc, on dirait qu’elle t’a impressionné ! Pour un peu, je serais jalouse ! »

Fis je dans un rire en me demandant si effectivement, je ne l’étais pas. On avait une relation exclusive et rare d’une certaine façon et je tenais à ce que cela reste. Mais bon, ce n’était qu’un sentiment qui passerait. Je ne m’en faisais pas.

« Fais tout de même attention à toi, Raph. Tu es puissant mais pas immortel. »

Et je savais que je pouvais exprimer mon inquiétude sans qu’il ne s’en serve contre moi. Mais je tenais sincèrement à lui et, je crois que le pire, serait qu’on me l’arrache. Je serais capable de détruire le monde juste pour cet affront. Excessif ? Oui, mais je l’étais moi-même.

« Maintenant, parle moi de choses plus légères ! J’ai besoin de me détendre…J’adore ce que je fais, mais je te jure que parfois…. »

J’exploserais bien quelque tête, mais autant le dire, c’était un vrai nid à ange le monde de la finance..

« D’ailleurs, il faudrait que je te présente Jeff. Je le vise mais…disons que ton avis me serait précieux. »

Ce qui était vrai. Si il m’écoutait avec sérieux, je faisais de même. Il suffisait qu’un de mes bénis ne lui plaise pas pour que je m’en débarrasse.

- Tut tut, Holly, ton langage enfin !

J'étais flegmatique, certes, mais n'empêche que je pensais comme elle. Nous étions dans un sacré merdier. Et que je sois tenu à l'écart me portait sur les nerfs. Elle avait visé juste, même si je n'en avais rien montré. Si Dieu manigançait sans tenir ses anges au courant... Rien n'allait plus. Je ne pensais pas Azraëlle ou Gabriel davantage au courant que moi, mais j'allais bien devoir trouver la main de Dieu pour en avoir le cœur net. J'aurais bien fait de même avec l'ange de la mort, mais étant donné qu'elle était introuvable et que je n'avais pas envie de me décarcasser à la retrouver, j'abandonnais l'idée.

- Va savoir ce qui peut les accaparer tous les deux... Je n'aime pas ne pas savoir où elle est et ce qu'elle peut manigancer, mais je n'ai pas envie de perdre du temps à la chercher. Quant à Gabriel, je pense qu'une petite discussion va devoir avoir lieu entre nous. Je l'ai asticoté via sa nouvelle bénie, mais ce n'était qu'un jeu. Tiens, d'ailleurs, elle me fait penser à toi par bien des côtés.

Holly cogitait et j'adorais suivre les méandres de son cerveau, tester son intelligence alors qu'elle me démontrait cette intelligence que j'aimais tant chez elle. Nous ne pouvions qu'émettre des hypothèses.

- Nous sommes restés dans une guerre larvée trop longtemps et voilà que quelqu'un met un coup de pied dans la fourmilière et que tout le monde s'affole. Je ne sais pas si c'est l’œuvre de Dieu ou d'anges qui font du zèle.

J'évoquais alors Elle et cela n'échappa pas à Holly. J'eus un sourire éblouissant alors qu'elle devinait qu'Elle m'avait fait forte impression.

- Il n'y a pas à l'être, aucune ne t'arrive à la cheville, tu le sais bien. Mais oui, elle m'a fait bonne impression. C'est vraiment dommage qu'elle soit une démone, quel gâchis.

Je poussai un soupir à fendre l'âme, bien exagéré, naturellement. Mais j'aimais bien Elle, même si elle allait devenir un moustique agaçant à se mettre sur mon chemin. Un archange et une princesse des Ténèbres sur le même terrain de chasse, c'était un de trop.

- Tu as raison de me le rappeler, je suis parfois tenté de l'oublier.

Après 2000 ans d'existence, on pouvait se penser invincible n'est-ce pas ? Je n'avais jamais été réellement en danger. Mais elle avait raison, il existait plus puissant que moi, plus malin aussi, même si cela me faisait mal de le reconnaître. Holly me demanda alors de parler de choses plus légères, fatiguée par son travail.

- Tu devrais essayer la fac tiens. Les corporations étudiantes, l'humour potache, la légèreté... Ça te détendrait. Veux-tu que nous sortions ce soir pour tout oublier, l'espace d'une nuit ?

Je la trainerais dans le monde de la nuit, de la débauche, nous fondant parmi l'humanité, parfois dans sa lie. Juste nous amuser. Comme des gamins que nous n'étions plus depuis bien longtemps... Elle me parla alors d'une de ses cibles et je tendis l'oreille, intéressé.

- Dis m'en plus.

Je ne pus résister à l’envie de lui tirer une langue mutine alors qu’il me reprenait sur mon langage.

«Attention Raphaël, tu frôle l’insolence, n’oublie pas que je peux t’enfermer dans ta chambre tout les week end pour te punir. »

Enfin en théorie, dans les faits, cela ne me viendrait même pas a l’esprit. De toute façon, ce n’était que du badinage, même si le sujet de fond ne s’y prêtait pas forcément. En fait, j’étais assez inquiète. J’étais de taille à me défendre, Raphaël y avait veillé évidemment, mais certains des miens étaient encore trop faible pour affronter une guerre et je savais que Dieu ne regarderait pas à ce détail si il décidait de tous nous envoyer sur le champ de bataille. Je ne savais pas quoi en penser, Raph me dirait certainement, en haussant les épaules, que c’était là notre lot à tous et qu’il fallait être assez fort pour survivre mais quand même. Je ne comprenais pas comment les grands pontes de Dieu gardaient le silence. C’était incompréhensible et cela leur ressemblait si peu !

« Depuis quand tu asticote les bénie de Gabriel toi ? Tu sais que c’est toujours le même scénario, passage au lit sans passer par la case relation et plaquage en règle suivit d’un abandon systématique. La très grande classe, je l’ai toujours dis. Alors je ne sais pas si je dois être flattée de la comparaison. »

J’avalai une gorgée de mon apéritif, ne cherchant pas spécialement à montrer le mépris que pouvait provoquer chez moi les agissements de Gabriel. Il était bouffi d’orgueil et, peut être que je ressentais un peu de solidarité féminine.

« Par contre, qu’on ne sache pas où se trouve la frigide me dérange un peu plus. C’est une vicieuse. »

Ah ça, je risquais pas de me frotter a Azraëlle. Quoique j’avais toujours plus de chance que les mecs avec elle, elle serait plus tolérante en somme mais je n’étais pas assez folle pour tenter le coup, ses limites étaient trop changeantes. Mais je ne comprenais pas les tenants et les aboutissants de cette guerre amorcée.

« Je sais pas, ça me parait bizarre. Les circonstances ne sont pas les mêmes que pendant la seconde guerre mondiale tu vois. Là…C’est limite se faire remarquer et je n’aime pas ça du tout. Quel intérêt aurait Dieu a ce que les hommes soient témoins de ce qu’il leur cache ? Je n’aime pas être dans le flou, je ne sais pas comment réagir et ça a tendance à m’agacer. »

Mais apparemment, je n’étais pas au bout de mes surprises, surtout lorsque mon mentor évoqua une démone présente dans le lycée qu’il avait infiltré. Bon, je ne savais pas si je devais en être rassurée mais d’un autre côté, Raphaël était un grand garçon, voir plus que grand. Donc c’était un peu stupide de s’inquiéter alors je chassai mes appréhensions pour rire légèrement.

« Aussi formidable soit elle…Je sais pas si une cohabitation est possible, l’histoire l’a assez prouvé. Il faudrait peut être que tu envisage de l’éliminer non ? »

Ce n’était qu’une question et je n’avais aucun scrupule à la poser. Raphaël saurait évaluer les risques, certainement même, mais vivre en bonne intelligence avec un démon….Autant croire aux bisounours. Mais je mis un peu le Séraphin en garde et sans doute étais je la seule capable de le faire et d’être écoutée.

« Je le sais, que ferais tu sans moi hein ? Je ne tiens pas a te trouver un jour avec la tête aussi enflée que tes collègues alors je veille a toujours emporter une aiguille avec moi. »

Fis je avec un sourire amusé avant de pousser un lourd soupir, me détendant totalement.

« Mmmmh ! C’est un programme alléchant, oui pourquoi pas ! Ca fait longtemps que l’on à rien fait ensemble. »

Acceptais je avec un sourire ravi, sautillant presque sur ma chaise d’excitation. Sortir avec Raphaël, c’était toujours une nouvelle aventure et l’amusement était toujours au rendez vous. Puis, je lui parlais de ma future cible, chose que je faisais souvent d’ailleurs avec lui.

« Jeff Montgomery, futur Lord de Chester. Trader ambitieux, charmeur même, intelligent mais sans doute un peu trop impulsif et irréfléchit. C’est dommage, mais c’est quelque chose qui se travaille. Il m’intéresse de part sa position surtout, son père est un intime du Premier Ministre. »

Révélai je avec une lueur angélique dans les yeux, un demi sourire aux lèvres.

- Je constate juste que tu as une mauvaise influence sur le jeune homme que je suis.

Je lui rendis son tirage de langue en règle. Un vrai gamin. Il n'était pas si difficile de me prendre réellement pour un lycéen quand j'agissais de la sorte. Ce n'était pas très mature et l'étincelle qui luisait dans les yeux sombres était très enfantine, cachant la sagesse et les âges qui pouvaient parfois se lire dans mon regard deux fois millénaires. En tant qu'ange, j'étais naturellement doué pour prendre bien des apparences, mais j'avais poussé cela à un tel degrés que c'était de l'art. Holly n'avait pas la même aisance que moi par exemple. Elle ne pouvait pas paraître une lycéenne. Le pourrait-elle jamais un jour ? C'était une question de morphologie, de traits du visage, mais aussi d'expressions.

Je devais admettre mon ignorance concernant les plans de Dieu et ce que manigançaient mes petits camarades archanges. Je n'aimais pas ne pas savoir, mais malheureusement, c'était bien le cas pour cette fois. Holly ne manque pas de relever que j'avais joué avec la bénie de Gabriel et je me fendis d'un sourire en coin. Jalousie ? Non, quand même pas, il n'y avait aucune raison. Mais je m'amusais de la voir la considérer comme toutes les autres, une petite poupée qu'il avait désiré, qu'il avait eu et qu'il jetait. Sauf que le fais était qu'il n'avait pas jeté Naya. Et qu'elle n'allait pas à l'école.

- Oh, tu devrais regarder avant de juger. Cette fille a un sacré caractère... Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'elle ne subira pas le même sort que toutes les autres. Et si c'est le cas, alors c'est qu'elle a quelque chose de spécial qui plait à Gabriel et dans ce cas, elle est une faiblesse.

Je penchais légèrement la tête sur le côté.

- Elle est blonde, jolie, déterminée. J'ai toujours dit que tu étais née à la mauvaise époque. Et si mon intuition est la bonne, alors Naya sera à Gabriel ce que tu es à moi.

Une bénie à qui l'on est attaché, réellement attaché. Je savais aimer Holly. Je ne la désirais pas, cet amour allant au delà du simple désir charnel. Elle n'était pas une sœur, elle n'était pas une amie, pas une confidente, pas une maîtresse, mais tout cela à la fois (sauf la maîtresse) et plus encore. Holly était ma faiblesse quelque part. Qu'on la touche et je sortais de mon trou. Qu'on la menace et on me menaçait.

- La frigide...

Je laissais échapper un petit rire amusé à cette description d'Azraëlle. Il était vrai qu'elle avait de quoi calmer les ardeurs du plus empressé des hommes. Gabriel s'y était cassé les dents et moi, je n'avais même pas essayé. Pas fou.

- Je n'aime pas cela davantage que toi.

En effet, nous étions dans le flou. Le plus simple serait sans doute d'aller directement demander à l'intéressé ce qu'il foutait. Cela commençait à faire du bruit chez les humains et faisait la une des journaux. Bien entendu, ils ne savaient pas que c'était là une guerre céleste, mais quand même... Comment recruter efficacement, si nous nous révélions des tueurs ? Les hommes étaient crédules, mais quand même !

- Je l'éliminerais si elle devient gênante, pour le moment, nous nous testons, je dirais.

Il allait sans dire que même si je répugnais à l'idée de me débarrasser d'une démone aussi sympa, je n'hésiterais pas si elle venait à me mettre réellement des bâtons dans les roues. Ah fichue guerre, on ne pouvait pas vivre tous ensemble en bonne intelligence, avec quelques petites trahisons et coups tordus de temps en temps ? Holly me rappela que je pouvais bien mourir un jour et nous en plaisantâmes d'ailleurs, même si je savais qu'elle serait réellement peinée de ma mort, comme je le serais de la sienne.

- Tu aimes me faire mal, hein ?

Une aiguille pour désenfler mon ego... Qui n'était pas surdimensionné d'ailleurs !

- Note que tu as de la chance, je ne pense pas être le plus égocentrique et arrogant des Séraphins que tu ai pu croisé dans ta vie.

Azraëlle et Gabriel me battaient à plates coutures. Et d'autres encore, plus jeunes que moi, moins gradés que moi, mais qui se pensaient sortis de la cuisse de Jupiter. Holly me confia son besoin de décompresser et je lui proposais de sortir avec moi ce soir, cette nuit... Faire des folies, juste tous les deux, une proposition trop tentante pour qu'elle y résiste. La sage Holly savait aussi se dévergonder. Surtout en ma compagnie. Un sourire juvénile éclaira mon visage en la voyant trépigner d'impatience à cette idée. Puis elle me parla de son béni et je l'écoutais attentivement, avant de commenter :

- Il n'y a rien qui ne puisse se corriger et se façonner. Et s'il ne répond pas à nos exigences, il mourra. Très bon choix de cible en tous les cas. Tu as toujours eu bon goût.

Elle était et resterait ma préférée.

- Tu as quelles relations avec lui pour le moment ?

« Ne rejette pas la faute sur moi toi ! Je ne suis que ce que tu as fait de moi. »

Ce qui n’était pas faux donc « et toc ! ». Non franchement, il me désespérait ! Comment avoir l’air d’un gamin de 17 ans habillé comme un homme classe et décontracté…Un jour, je serais aussi à l’aise que lui dans ce registre, c’était obligé ! Après tout, comme je venais de le dire, j’étais sa digne bénie. Enfin, si notre relation s’arrêtait à ça évidemment, parce qu’elle était bien plus que cela. Incompréhensible pour beaucoup qui ne comprenait pas comment le Maitre des Vertus pouvait passer certaine chose à la Bénie parfois colérique je pouvais être sans en mourir. Alors évidemment, certain disait qu’on couchait ensemble. Ce qui n’était pas le cas d’ailleurs. Bon, jene pouvais pas dire que cela ne m’avait jamais effleuré l’esprit au tout début de notre lien, après tout, Raphaël était un homme très sensuel lorsqu’il le voulait, mais tout cela était passé au second rang voir au troisième au fur et a mesure du temps qui passait et c’était peut être tant mieux d’une certaine façon. Mêler le sexe à une relation comme la notre avait tendance à tout bousiller.

Bref, je chassais ces pensées superficielles pour me concentrer sur ce qu’il me disait, presque déçu et certainement alarmée par l’ignorance de l’Archange sur les événements qui les frappaient. Je roulai des yeux lorsqu’il me parla d’une Bénie de Gabriel et faillis même m’étouffer lorsqu’il me répondit que cette fois pouvait être différente. Incrédule, je le regardais quelques secondes.

« Il est vraiment tombé sur la tête, avoue ! Dieu l’a maudit ? Gabriel…Attaché à une femme…Quand je te dis que la terre ne tourne plus rond. Enfin, je suppose que je peux faire confiance à ton jugement, tu te plante rarement…Mais c’est difficile à imaginer, c’est comme voir la reine de glace folle raide dingue d’un homme tu vois… »

L’image aurait eu de quoi me faire rire si j’avais l’impression que tout nous échappait. Lentement, surement et j’avoue que je haïssais cette sensation !

« Dis donc, tu me considère comme une faiblesse là, j’ai pas rêvé ! »

Bon indignation était feinte attention, parce que j’avais parfaitement conscience d’être quelqu’un de précieux à ses yeux, tout comme il l’était pour moi. Alors j’avais toujours prit à cœur de parfaire mon entrainement, de laisser le moins de faiblesses à la vue des autres. Je haussai une épaule lorsqu’il s’amusa du petit surnom que je donnais à l’ange de la Mort.

« Ne t’avises pas de le lui répéter, je ne tiens pas à finir en statue de glace pour son musée façon Grévin. »

Plaisantais je parce que je savais qu’il ne dirait rien et que limite, il pensait exactement la même chose que moi la concernant. Puis, je soupirai.

« On est bien avancé avec tout ça. Néanmoins, je vais garder certaine personne à l’œil, je n’aimerais pas me faire prendre par surprise tu vois. »

Des miens comme des démons attention. Je pouvais savoir faire la blonde totalement idiote, je ne l’étais pas. J’avais rapidement comprit que la clé de la tranquillité, c’était de savoir anticiper. Bon, je n’arrivais pas à la cheville de Raph évidemment, mais voilà, je faisais ce que je pouvais.

« Ah lalala, tu as toujours aimé titiller les femmes toi. »

Riais je doucement alors qu’il m’avouait tester la démone, tout comme elle devait le jauger d’ailleurs. Je ne disais pas que cette situation m’enchantais mais je n’interviendrais jamais dans les affaires de Raphaël, sauf si évidemment on touchait a un seul de ses cheveux. Une étincelle amusée traversa mon regard :

« J’avoue que c’est particulièrement jouissif ! »

Mais il n’était pas faux de dire que je veillais a ce qu’il ne devienne pas ce monstre d’arrogance que pouvait être Azraëlle et Gabriel. Chose assez aisée, Raphaël n’était pas quelqu’un de foncièrement arrogant . Je ris doucement.

« Je le sais oui, ne t’inquiètes pas, je mesure ma chance chaque jour ! Voilà, ton égo est satisfait ? »

Mais il avait un jugement très pointu et je n’hésitais jamais à y recourir, comme maintenant alors que je lui parlais de Jeff, après lui avoir arraché la promesse d’une soirée inoubliable évidemment !

« Mourir mourir, tu y vas un peu fort quand même… »

Bougonnais je tout en sachant qu’il avait raison, il n’y avait pas de place pour les faibles, c’était quelque chose qu’il m’avait apprise très tôt. Soit tu apprenais à survivre, soit tu te faisais écraser. Moi, je n’avais pas voulu être écraser et je veillerais a ce que Jeff comprenne bien la leçon évidemment. Je fini lentement mon verre réfléchissant a ce que venait de me demander le Séraphin avant d’avoir un demi sourire.

« Disons que si je le voulais sa femme serait cocue, mais comme je ne veux pas, disons qu’il est en position de petit chienchien. Je le teste pour voir jusqu’où il peut aller pour m’avoir, ça me donnera une bonne idée de ses capacités intellectuelles et de son degrès d'intégrité. »

- Je ne te pensais pas si influençable.

Je glissais ces mots avec une suavité venimeuse, acidulée. Ce n'étaient que des mots, jetés au vent et sans que nous ne les pensions réellement. Je ne pensais pas Holly influençable, ni totalement malléable et c'était bien pour cela qu'elle me plaisait tant et que j'entretenais cette relation si spéciale avec elle. Holly prenait de moi ce qui l'arrangeait, ce qui pouvait l'amener à être meilleure, mais ce n'était pas ma marionnette, quoique l'on puisse en penser autour de nous. Son avis m'était précieux et ses critiques toujours justes. Elle ne disait pas amen à tous mes plans ou toutes mes frasques et si je n'écoutais pas toujours ses conseils, ou du moins, ne les suivais pas, j'en prenais bonne note. Elle était une sorte... d'associée. C'était la meilleure façon que j'avais de décrire son importance dans mes desseins. Mon acolyte. Comme Batman et Robin.

Mais sous couvert d'un petit diner dans un des endroits les plus chics de Londres, entre une jeune femme et son adolescent de frère, nous abordions des sujets graves, comme ce qui semblait secouer la capitale anglaise depuis quelques semaines et qui nous échappait totalement. Je m'étais sans doute montré trop indolent jusqu'à maintenant, à laisser les choses se faire, empirer, s'envenimer et prendre des proportions que je n'avais pas imaginé. Ce qui n'étaient que des actes isolés semblait s'inscrire dans un dessein beaucoup plus grand et qui m'échappait. Pour qu'une démone m'en parle, c'était bien que cela était important.

Et Azraëlle et Gabriel ne devaient pas être mieux lotis que moi, bien que je n'ai fait aucun effort pour le vérifier. J'allais devoir y remédier d'ailleurs. Me confronter à la Main de Dieu au lieu de jouer avec sa petite protégée. Petite protégée dont je parlais à Holly qui en restait, passez moi l'expression, sur le cul. Elle pensait que ce n'était qu'une poupée de plus, vite abandonnée, mais je la détrompais prestement. Plusieurs signes ne trompaient pas et je ne savais pas exactement quel lien unissait Naya à Gabriel, mais elle n'était pas comme les autres, ça j'en étais sûr, quoiqu'elle tenta de me dissuader du contraire. Je ris de bon cœur devant l'expression abasourdie de Holly et sa réponse. En effet, le monde ne tournait pas rond, mais Azraëlle, dingue d'un homme ? Alors là, je payerais cher pour voir ça.

- Je vois très bien. Les poules ne vont pas tarder à avoir des dents à ce rythme.

Holly releva alors qu'elle était une faiblesse pour moi et mon sourire disparut lentement alors que je la regardais gravement.

- Tu sais très bien ce que je veux dire.

Je ne la considérais pas comme faible ou inapte à se défendre, loin de là, mais elle restait un moyen de m'atteindre, toute puissante pouvait-elle être un jour. Mais mon sourire revint quand elle qualifia Azraëlle de frigide.

- Oh, loin de moi cette idée, je serais sans doute le premier à prendre une gelée si je me permettais ce genre de privauté avec elle.

Nous n'étions pas spécialement amis avec Azraëlle. Avec Gabriel non plus d'ailleurs. Nous étions trois, c'était deux de trop, voilà tout. Nous pouvions nous associer, nous entendre dans un but commun, mais nous nous méfiions trop les uns des autres. A juste titre, bien évidemment. Le Séraphin conclut en parlant de tenir certaines personnes à œil et je ne pus qu'acquiescer.

- Sage décision.

Et moi, j'allais tenir Elle à l’œil. La réflexion de Holly m'amusa au plus haut point :

- J'ai une compétence naturelle pour ça et avec mon charme irrésistible, elles me pardonnent tout.

Je lui fis un clin d’œil, faussement imbus de ma personne. On m'aimait ou on me détestait, mais je ne laissais pas indifférent. J'avais une personnalité suffisamment hors norme et flexible pour m'adapter à mes interlocuteur et les prendre au dépourvu par une légèreté qui n'était pas courante chez un archange.

- Totalement satisfait !

Ego qui était présent, mais pas à outrance, fort heureusement pour moi. L'orgueil était un péché et il suffisait de savoir tirer sur les bonnes ficelles pour faire à cette personne orgueilleuse à peu près n'importe quoi et tout ce que l'on désirait. Ils étaient tellement prévisibles par bien des côtés. Elle me parla alors de sa cible et je me montrais assez radical s'il ne remplissait pas les conditions pour devenir un bon ange : la mort. Holly grommela et je haussai les épaules, ne répondant rien. Elle savait parfaitement que j'avais raison. En attendant, d'en arriver là, il fallait encore le bénir, gagner sa confiance et je demandais à ma compagne où en était leur relation. Sans grande surprise, il semblait prêt à n'importe quoi pour elle, tombant sous son charme, ce dont je ne pouvais pas le blâmer. Holly était une très belle femme, intrigante, vive, enjouée, posée, espiègle... Elle cumulait les facettes et je ne lui trouvais pas énormément de défauts. Je bus une gorgée avant de commenter :

- J'espère qu'il sera à la hauteur de tes attentes et se montrera audacieux et inventif. C'est le cocktail gagnant pour séduire n'importe quelle femme, n'est-ce pas ?

Et charmeur aussi, avec une dose d'humour, de nonchalance, d'inaccessibilité. Certaines femmes aimaient les toutous, pas Holly.

Raphaël avait toujours le dernier mot, mais moi, le dernier acte alors que je lui souriais très largement lorsqu’il me taxa d’influençable. Il savait très bien que non. Enfin pas sciemment, Raphaël m’influençait oui, parce que je le voulais bien, parce que son avis m’importait mais je n’étais pas au stade de tout lui passer et lorsqu’il faisait une connerie, j’étais la première a lui coller une claque derrière la tête. Bon, cela ne suffisait pas toujours évidemment mais dans les cas là, il savait exactement ce que je pensais, il faisait avec et c’était tout, qu’il suive ou non mes conseils. De toute façon, il n’en faisait qu’a sa tête, sauf si il trouvait mon raisonnement juste alors dans les cas là, il hochait la tête.

Mais en 400 ans, je dois dire qu’il conservait le chic de me surprendre. La preuve de mon visage façon truite hors de l’eau lorsqu’il me parla de Gabriel et de sa dernière Bénie. Pauvre petite chose, avais je envie de dire ! Mais d’après l’Archange, ce n’était pas ça, pour un peu, il en plaindrait presque Gabriel. Le monde ne tournait plus rond. Plus du tout. Je n’aimais pas ça, je n’aimais pas sentir…S’échapper mon contrôle. Un vieux complexe de fille qui n’avait pas son mot à dire pour décider de sa vie durant son existence humaine. En somme, maintenant, j’étais une femme qui s’assumait totalement et décidait librement. Sauf que là, je ne décidais rien et ça me gonflait sévèrement.

Un léger sourire ombra mes lèvres et j’envoyai un baiser à Raphaël du bout des doigts.

« Oui, je comprend très bien ce que tu veux dire. »

Je pouvais avoir une apparence légère en cet instant, mais l’éclat de mes iris démentait cette apparente superficialité. Raphaël réagirait mal si on s’en prenait a moi et je savais que j’étais tout à fait capable de descendre les Enfers pierre par pierre pour ses beaux yeux si jamais on venait a me l’enlever. Il n’y avait pas vraiment de mot pour nous définir mais cette relation était parfaite sur bien des angles. On pouvait rire, plaisanter et aborder des sujets plus sérieux, s’enquérir l’un de l’autre sans pour autant être taxé de faiblesse et, surtout, je savais pouvoir compter sur lui dans n’importe quelle situation. Durant une demi seconde, on eu sans doute l’impression que l’on se parlait sans qu’aucun mot ne sorte de notre bouche mais cette impression disparu en même temps qu’apparaissait le sourire de mon ange préféré.

« Elle doit avoir un sacré complexe quand même. »

Mais bon, ça ce n’était pas mon problème du tout cela dit en passant. Et la conversation reprit, entre légerté et sérieux, c’était ça aussi qui nous différençiait quelque part, cette capacité à passer de tout à rien en un clin d’œil, comprenant à demi mot ce que l’autre ne disait pas. J’eus une petite moue amusée.

« Et la palme de la modestie est attribuée à…roulement de tambour…Raphaël L Assur ! D’ailleurs, même ton nom d’emprunt veut tout dire…Assure… »

Le taquinais je doucement avant de parler de mon futur Béni si Dieu le voulait bien. Je ne pus m’empêcher de rire a sa réflexion.

« Oh, il n’y aucun risque qu’il réussisse, je lui laisse juste croire qu’il le peut, la nuance est subtile et j’aime pas les blonds. »

Répondis je avec un clin d’œil avant d’ajouter :

« Mais je pense qu’il a certaine prédisposition intéressante. C’est ce qu’il y a de magnifique dans le monde de la finance, du pain béni, sans mauvais jeu de mot d’ailleurs ! Il faudrait que tu le rencontre pour te faire une opinion et puis…Je ferais d’une pierre deux coups si il pense avoir un rival. »

Nouveau sourire angélique de ma part, oui, j’aimais Raphaël mais je n’hésitais pas a me servir de lui et j’étais sûre que cela l’amuserait, il était trop doué pour ça !

Je préférais ne pas m'attarder sur le risque qu'il y avait à ce qu'on attaque Holly et ce que je ressentirais si cela devait arriver... Nul doute que l'éminence grise que je pouvais être pouvait prendre les armes et devenir ange vengeur. Je n'étais pas un guerrier de base, humain, j'avais préféré privilégier mon intelligence retorse que mes muscles et c'était encore le cas maintenant, alors que je noyais le poisson sous de belles paroles et une attitude désinvolte. Je n'étais pas diplomate, dans le sens où je ne cherchais pas forcément à ménager les susceptibilités, mais je préférais régler une affaire par des échanges verbaux que dans le sang. Mais si Holly devenait cible, si une goutte de son sang était versé, si une parcelle de sa peau se devait d'être violentée, alors il ne serait plus l'heure des belles paroles. Si nous en parlions de façon légère, quelque chose dans nos regards échangeaient trahissaient le profond attachement que nous ressentions l'un pour l'autre.

Nous parlâmes des deux autres archanges, disant du mal d'eux avec joie, surtout d'Azraëlle la frigide et j'acquiesçais quand Holly argua le fait qu'elle devait avoir un complexe.

- Sans doute, mais je ne m'amuserais pas à la psychanalyser, je tiens à mon intégrité mentale.

Parce que rentrer dans les pensées d'un sujet âgé de plus de 2000 ans et aussi spécial qu'Azraëlle... Non, merci. Je me considérais relativement sain d'esprit, et j'aimais que cela demeure ainsi. J'éclatais de rire quand Holly me décerna la palme de la modestie, avant de se permettre un jeu de mot sur mon nom d'emprunt.

- Oh, c'est très fin ça !

Je trempai les lèvres dans mon verre, avant de reprendre :

- Je n'y avais pas pensé, j'étais plus axé sur mes origines, mais j'avoue que cela est tout à fait à propos.

Holly me parla alors de sa future cible, un jeune loup ambitieux, mal dégrossi, mais qui avait du potentiel. De toutes façons, si ce n'était pas le cas, il serait éliminé et on n'en parlerait plus. Je demandais à ma bénie préférée comment elle comptait s'y prendre et j'appris qu'il la courtisait, sans surprise. Holly était une femme formidable, il avait au moins du goût. Le Séraphin m'annonça qu'il n'avait aucune chance de réussir à la séduire, n'aimant pas les blonds.

- Oh et puis, en vivant quotidiennement avec moi, difficile de trouver mieux, n'est-ce pas ?

Je lui lançais un sourire éblouissant de vantardise et de charme. Parfaite imitation de Gabriel d'ailleurs, je me demandais si elle allait faire le rapprochement. Et Gabriel était blond aussi, au passage. Holly enchaina en parlant de nous faire nous rencontrer et lui faire penser que je pouvais être un rival.

- Oh, je ne serais pas ton adorable petit frère du coup ? Le pauvre, il va être découragé de devoir se mesurer à moi, tu ne penses pas ? Remarque, il peut toujours se méprendre sur mon identité, avant que nous ne lui annoncions que je suis ton... frère... Dis moi ce que tu préfères, je ferais ce qu'il faut pour te contenter.

Je lui renvoyai un beau sourire innocent. Et ben quoi ? Raphaël pouvait avoir un égo qui frôlait les paquerettes il n’en était pas pour autant dénué de fierté ! Alors c’est vrai, je n’ai pas pu résister a l’envie de le titiller sur son nom de famille. Sérieux ! C’était quoi ce jeu de mot.

« Je suis la finesse même, tu devrais le savoir mon cher ! »

Oui, enfin, je l’étais dans le boulot, avec mes cibles, mais avec lui, jamais. Il savait exactement sur quel pied danser et même si j’essayais de lui cacher quelque chose, il y avait de forte chance pour qu’il le devine tout seul, alors inutile de faire dans la finesse. J’étais totalement libre d’être moi en sa compagnie, je n’allais pas me gêner.

Bref, je lui parlai de mon futur petit béni, si il passait les tests bien sûr et ne pu m’empêcher de préciser, sans trop savoir pourquoi, que de toute façon, Jeff n’avait aucune chance avec moi. Pas qu’il ne soit pas séduisant, bien au contraire, même, grand, sportif, une allure élancée et féline mais…Bon allez, avouons le, je ne goutais que moyennement les loveurs, les infidèles, les…les…Bref, je crois qu’on aura comprit. Oh je n’attendais pas pour autant le grand amour toujours mariage enfant et falbala, ma vie humaine m’avait bien apprit sur le sujet, mais si je devais avoir une liaison, j’entendais bien être la seule et, surtout, mener le jeu du début à la fin. Fin qui m’incombait de décider d’ailleurs. Cependant, j’éclatai de rire a la reflexion de Raph, mimant soudainement un embarras que je ne ressentais pas.

« Mince…Tu as deviné…D’accord…J’avoue…Ca fait 4 siècles que je suis folle amoureuse de toi et je n’osais pas te le dire et…et… »

Gémis je très convaincante avant de secouer la tête avec un sourire amusé avant de lever un index dans sa direction.

« Ceci dit, ce n’est pas faux, ils sont pas légion ceux pouvant t’arriver à la cheville. »

Finis je par dire avec sincérité. Parce que c’était vrai. Les hommes que je pouvais rencontrer ne bénéficierait jamais d’un seul centimètre cube du respect et de l’affection que je pouvais éprouver pour Raphaël. Quelque part, c’était l’homme de ma vie d’une certaine façon et je n’hésitais pas a me servir de lui, ainsi que de sa virilité d’ailleurs.

« Tu es adorable ! Bon, j’avoue que j’avais une idée dans ce genre là, ce serait marrant. Classique, mais terriblement amusant lorsqu’on y regarde. Un mâle qui se sent en danger sur son terrain de chasse devient soit un abruti ridicule, soit un sacré manipulateur…Tope là ! »

Je plissai les yeux avec amusement, du rire dansant dans mes iris.

« Et avoues que ça t’amuse aussi. »

Je ris doucement. Oui, depuis le temps que je la pratiquais, effectivement, je savais qu'elle avait un esprit vif et à propos. Le jeu de mots m'avait échappé, mais je n'étais surement pas objectif dés lors qu'il s'agissait de moi. Mais Holly et moi entretenions une telle relation qu'il n'y avait pas de mensonges ou de duperie entre nous, ce qui rendait notre lien si fort et si... pur quelque part. Jamais je ne lui aurais fait le moindre coup tordu, et il en allait de même la concernant. Du moins, j'osais l'espérer... Une trahison de sa part serait un coup fatal pour moi. Enfin, peut-être pas fatal, mais dur, sans aucun doute.

Mais il n'était pas question de trahison ici, juste de son béni. Elle me demandait mon avis, comme souvent. Un jeune loup aux dents longues, qui bavait sur cette femme magnifique et intrigante sans avoir aucune chance de l'avoir. N'est-ce pas ? Je n'aurais sans doute pas supporté qu'un homme de petite envergure lui tourne autour. Je n'aurais pas supporté qu'un homme qui ne soit pas digne d'elle l'intéresse et personne ne l'était hormis moi. Sauf qu'aucun homme ne m'arrivait à la cheville. Nous pouvions le dire en plaisantant, cela n'en demeurait pas moins vrai.

Et Holly plaisanta en disant être amoureuse de moi depuis des siècles. Une déclaration qui m'amusa et qui m'aurait touché si je ne savais pas que tout cela était exagéré et du pur domaine de la plaisanterie. Mais quand elle admit que peu m'arrivaient à la cheville, je la sentais sincère et un éclair de compréhension passa dans mon regard, dans l'échange muet qui eut lieu entre nous. J'aurais plus plaisanter à ce sujet, mais je me retins, ne voulant pas gâcher la sincérité de ce moment.

Je préférais parler de son béni. De la façon dont nous pourrions nous jouer de lui et la solution que je proposais sembla enthousiasmer Holly qui m'en remercia, ravie de pouvoir nous amuser un peu. Je tendis la main pour sceller notre accord. Espérons que son jeune loup se révélerait manipulateur et non pas idiot. Ou je m'occuperais personnellement de me faire disparaître.

- Tu me connais, évidemment que jouer ce genre de vilain tour m'amuse. Il n'y a pas grand chose de drôle en ce moment, alors profiter de ces petits moments, non ?

Le diner commença alors, succulent naturellement alors que nous devisions de tout et de rien. De petit frère en début de soirée, je devins ami... Puis davantage, la frontière dans nos sentiments étant floue, ce qui nous convenait à tous les deux.

« Je t’aime ! »

M’enthousiasmai-je. Oui, oui, parfois il m’en fallait peu, mais j’avais gardé ce petit côté chien fou qui avait fait ma jeunesse. J’y tenais d’une certaine manière, une façon comme un autre de ne pas sombrer totalement je pense. Et même si ce côté-là devait souvent resté caché, il était bien présent avec Raphaël. Après tout, il était le seul à me connaitre parfaitement et ne pas juger. Jamais il ne m’avait manipulée. Sauf au début peut être mais même maintenant, en y réfléchissant, je savais qu’il n’avait fait que me tester en éveillant mon intelligence aux énigmes qu’il pouvait être. Il était tour à tour un ami, un frère, un confident, un père et un mystère. Il tenait sans doute tout les rôles, sauf celui d’amant. Je l’aimais oui, platoniquement. Et cela nous convenait très bien.

Finalement, le reste du repas se passa dans la bonne humeur, agrémentée de bon vin et de nourriture divine, sans mauvais jeu de mot. Je profitais de chaque minute passée avec lui avant que je ne me lève, royale, poussant l’addition vers lui avec un rire cristallin.

« On se retrouve au Diam’s. »

Citant l’une des boites les plus en vue de Londres, me penchant sur la table, je m’approchais de son visage, une étincelle amusée au fond des yeux.

« J’ai bien envie de danser et, malheureusement pour toi, tu es le seul danseur hors pair que je connaisse, alors il va falloir te sacrifier. »

Soufflai je a quelque centimètre de ses lèvres, d’un point de vue extérieur on aurait sans doute pu imaginer que je m’apprêtai a l’embrasser avec fougue et passion mais je me redressai souplement, lui envoyant un clin d’œil malicieux avant de me diriger vers la sortie, non sans un regard coulé dans un brasier au mari d’une femme estomaquée qui n’avait de cesse de me suivre des yeux.

Je montai dans ma voiture sûre que Raphaël ne tarderait pas et prit la direction de la boite, musique à fond dans ma voiture. C’est un coup de fil impromptu qui me fit stopper sur une aire de repos le long du périphérique. Je ne fis même pas attention au fait que c’était assez désert et carrément éloigné de la route. Avant de répondre, j’envoyai un message à mon mentor *J’arrive, te fais pas de soucis, un coup de fil important…PS : J’aime le champagne. *

Puis je répondis. La conversation était semi professionnelle puisque c’était mon cher futur Béni qui m’appelait. Je contins un sourire amusé avant de sortir de la voiture. Après tout, que risquai-je ? J’étais bien plus puissante qu’un simple humain, plus forte et plus retorse. Et surtout…Raphaël avait été mon maitre d’arme. Je conclus la conversation sur un rire de gorge proprement sensuel avant de raccrocher, retournant à ma voiture. J’allais mettre le contact lorsque la vitre conducteur explosa, me surprenant littéralement. Par reflexe, je me protégeais le visage avant de sentir l’odeur immonde d’un démon. Je ne réfléchis pas, j’ouvris violemment la portière, percutant l’agresseur et sortit en trombe. Nez à nez avec un homme d’une quarantaine d’année, magnifique, et proprement déterminé a me tuer. Ben voyons.

-Jolie voiture

Me dit-il aimablement. Mes lèvres s’incurvèrent.

« Merci, mais pourrais-je avoir votre numéro d’assurance ? »

D’un geste vif, il sortit deux kukris de son dos. Des armes modifiées en plus. Je posai mes mains sur mes hanches, une moue boudeuse peinte sur mes traits.

« Tut tut tut, ce n’est guère loyal ça. »

Le démon haussa les épaules, affable, inclinant légèrement la tête vers moi.

-Certes.

Mes mains glissèrent entre mes cuisses, relevant ma jupe pour dévoiler des cuisses nerveuses et souples entourées de fines lanières de cuir. Alors certes, j’étais censée passer ma soirée avec Raphaël, mais il m’avait appris a ne jamais me faire prendre au dépourvu. Alors je n’étais que très rarement vulnérable. Mes doigts s’enroulèrent autour des manches de dagues d’argent, un petit cadeau d’ailleurs et le démon émit un sifflement admiratif.

-Jolis.

Admit-il en hochant la tête, connaisseur ? Mince, de quelle puissance était-il ?! Pas moyen de le savoir ! Mais vu la manière dont il tenait ses armes, j’optais pour le « âgé ». J’inclinais a mon tour la tête, amusée, un sourire narquois sur mes lèvres.

« Merci. »

Comme si il n’attendait que cela, il se jeta sur moi. Il était rapide. Très rapide. Je n’esquivais qu’au dernier moment, levant une dague pour intercepter le coup qu’il cherchait à me donner.

« Dites donc, Laurys a fait monter les enchères… »

Ricanai je avant de me débarrasser de mes talons d’un mouvement leste, de déchirer ma jupe pour qu’elle n’entrave mes mouvements. Le démon fit tourner gracieusement ses armes dans sa main.

-Tu crois ?

J’étais persuadée qu’il savait très bien qui j’étais. De quelle puissance je disposais. J’avais l’impression de l’amuser ou alors j’étais un défi intéressant. Très bien. Je déployai des ailes d’une blancheur immaculée auquel il opposa ses propres ténèbres et le combat reprit. Changeant d’angle, de saveur. J’avais rapidement comprit que je n’avais pas à faire à un débutant. Il souriait lorsque sa lame empoisonnée, me rendis je compte, lacéra subitement l’une de mes ailes, nappant le blanc de carmin. Je rugis et ripostai, lui entaillant la cuisse en profondeur. Son rugissement de douleur fut un plaisir à mes oreilles. Mes lèvres lui sourient avec un rien de provocation.

Ce fut sans doute le combat le plus dur de ma vie. Dans le ciel, il n’y avait que des éclairs argentés, des grondements furieux. Et la douleur qui explosait au grès des blessures ? Mon tailleur n’était plus qu’un souvenir et des rigoles de sang coulaient sur ma poitrine haletante. Il n’était pas dans un meilleur état cela dit mais aucun de nous ne lachait, repartant à l’assaut sans cesse et, je crois que je n’aurais jamais eu la force de le battre si il ne fit un légère erreur, laissant le chemin de son cœur libre. Ma lame d’argent plongea, s’engouffra dans la chair tendre comme dans du beurre en direction du cœur où elle se planta. Mais je n’avais plus la force d’arracher son cœur. Mon corps présentait trop de blessures, mon sang coulait sans cesse et chaque fois qu’une plaie se refermait, une autre s’ouvrait. Le poison m'empêchait de cicatriser normalement, saloperie !

Il me jeta un coup d’œil incrédule et perdit conscience, retombant lourdement sur terre. Je ne tardais pas a le suivre, mes ailes, trop lacérées, ne pouvaient plus me porter et, j’avoue dans ma grande honte que, finalement, l’inconscience avait du bon, je ne sentis même pas la douleur de mon impact sur l’asphalte, mon corps rebondissant en laissant des trainées de sang sur le sol. Je finis ma course dans un talus, une aile brisée et déchiquetées, l’autre n’étant guère mieux. De multiples plaies parcourant ma peau, suintant d’un liquide carmin. Mon corps ayant beaucoup de mal a guérir affaiblie.

Ah. Finalement, je serais en retard…Songeais je avant de plonger dans l’inconscience.

- Je sais.

C'était dit avec une pointe d'arrogance, mais ce n'était pas faux pour autant. Oui, je savais qu'elle m'aimait, comme je l'aimais et cette situation un peu ambivalente mais qui n'évoluait pas nous convenait à tous les deux. Nous étions très complices et je me demandais si d'autres séraphins avaient une telle connivence avec un de leur béni... Il ne me semblait pas que c'était le cas d'Azraëlle ou de Gabriel, même si ce dernier semblait avoir flashé sur la délicieuse et piquante Naya. Le temps me montrerait si mes soupçons étaient fondés ou pas. Nous mangeâmes donc dans la bonne humeur, oubliant nos sombres préoccupations concernant les attaques des nôtres sur les démons et réciproquement, avant que je ne m'occupe de l'addition alors que Holly me proposait de nous retrouver en boîte.

- Et merde.

Je souris, la laissant s'échapper, avant de m'acquitter de mes dettes, grand prince. Soit, petite soirée en boîte donc, cela me convenait tout à fait. J'avais besoin de me détendre, de décompresser un peu et rien ne valait quelques heures volées en compagnie de Holly. En l'occurrence toute une nuit. Je pris mon temps, avant de me diriger vers ma voiture, les mains dans mes poches, tranquillement, pour finalement prendre le volant et me rendre au Diam's. Sauf qu'une fois à l'intérieur, nulle trace de Holly. Je reçus un SMS me disant de ne pas m'en faire et j'attendis un peu, commandant du champagne. Mais les minutes s'égrenaient et toujours pas de Holly. Je l'appelais, mais elle ne répondit pas sur son portable et là, je commençai à être inquiet. Ce n'était pas son genre, et partie avant moi, elle aurait du arriver avant moi également.

Ma belle humeur s'envola et je me lançais à sa recherche, la localisant assez facilement, je ne la perdais jamais totalement de vue, grâce à la nouvelle technologie et je me rendis sur un parking malheureusement désert. Je me garais et avisais sa voiture, et les débris de la vitre. Le sang également... Et un démon, inconscient. Mais nulle trace de Holly.

- Holly ?!

Là, j'étais même plus qu'inquiet soudainement. Je fouillais les alentours, avant de me calmer et d'analyser la situation. le démon avait une des armes de Holly figée dans le coeur. Donc, elle devait être quelque part. Je suivis les traces de sang, avant de la découvrir, ensanglantée, brisée, dans un talus.

- Merde !

J'approchais de l'ange, effleurant sa joue avec douceur. Vivante. Blessée, mais vivante. Un soulagement intense me parcourut, avant que je ne la prenne délicatement dans mes bras, la soulevant avec précaution pour la sortir de là et revenir vers le démon. Je déposais Holly avec douceur, caressant son front, avant d'enserrer la dague qui plongeait le démon dans l'inconscience. Une colère sourde suintait de mon être. Comme les démons, j'avais le pouvoir de guérison, mais pas sans contrepartie... La vie du démon pour celle de Holly. Tout simplement. Je retirai la dague du cœur du démon, posant ma main sur la blessure, avant de poser l'autre sur le cœur de Holly. Ses blessures se mirent à guérir, alors que la vie du démon s'échappait de son corps. Il remua faiblement, mais je le tenais fermement au sol, avant de le foudroyer du regard.

- Il aurait fallu y penser avant de t'attaquer à une disciple de l'archange Raphaël mon vieux.

Il essaya de s'échapper à ma poigne, mais il était trop faible et la vie le quitta alors. Je le lâchais, avant de récupérer son cœur, l'arrachant de sa cage thoracique avec une fureur contenue. Je m'essuyais les mains sur son pantalon, avant de revenir à Holly, qui avait récupéré quelques couleurs. Ce n'était qu'un coup de pouce, son corps allait faire le reste. Je m'assis à même le sol, la reprenant dans mes bras et repoussant les cheveux blonds de son visage.

- Holly ?

Je souris légèrement, reprenant avec une pointe d'humour :

- Tu vas exiger que je t'embrasse pour te sortir de ton sommeil, Blanche Neige ?

Sur le coup, je n’ai pas senti que l’on me soulevait, ni même que l’on me touchait. Tuer un ange relevait de l’exploit mais nous n’en n’étions pas pour autant intouchable et là, dans ce talus, totalement dans les vapes, j’en étais un bon exemple. L’inconscience avait du bon, au moins, je ne sentais pas la douleur parce que quelque chose me disait que j’aurais morflé. Sérieusement morflé.

J’eus un pauvre sourire lorsqu’une voix très familière passa les brumes de mon inconscience. Peu à peu, mon corps expulsait le poison, permettant a mes plaies de se refermer lentement, mais toujours plus vite que si Raphaël n’avait rien fait. Je serrai les lèvres tandis qu’il m’arrachait un rire étranglé. Mince, je devais avoir une ou deux côtes cassées, c’était bien ma veine.

« C’est la Belle au bois dormant, inculte… »

Coassai-je avant de sourire avec un peu de difficulté. Je posai ma main sur la sienne, mêlant mes doigts aux siens en soupirant. J’avais mal oui, mais je savais que je ne risquais plus rien maintenant. Je n’avais jamais rien craint avec lui. Rien du tout.

« Et fais gaffe à ce que tu proposes tu veux, tu risquerais d’être pris au mot. »

On pouvait être aussi proche que deux êtres pouvaient l’être, nous n’avions jamais dépassé certaines limites. Jamais. C’était comme une pudeur ou une peur irrationnelle, je n’en savais fichtre rien, mais là où certaines femmes ne voyaient absolument aucun mal à s’envoyer leur meilleur ami par soir de déprime ou beuverie, ce n’était pas mon cas. Non, il valait mieux respecter certaines frontières, même si celles-ci étaient floues. Je déglutis, trouvant le gout métallique du sang sur ma langue.

« Bon sang, il ne m’a pas loupée…. »

Si il n’avait pas fait cette erreur, sans doute serions-nous encore en train de nous battre jusqu'à l’épuisement, aucun de nous deux n’avait vraiment eu le dessus. Je fermai les yeux, imprimant une légère pression sur les doigts de Raphaël.

« Merci. »

Parce que sans lui, j’aurais sans doute fait une proie facile jusqu'à ma complète guérison. Beaucoup trop facile. Parce qu’il s’était inquiété pour moi et je savais que c’était rare parmi nous. Parce qu’il tenait assez à moi pour me sauver. Un autre rire me traversa, rapidement étouffé par une quinte de toux et du sang qui envahissait subitement ma bouche. Poumon perforé. De mieux en mieux.

« Il a bousillé mon tailleur Armani…dire que je l’avais payé une fortune… »

Je souris quand elle murmura d’une voix faible que ce n’était pas Blanche Neige mais la Belle au Bois Dormant. Bon, si elle faisait de l’humour et savait me reprendre, c’était qu’elle n’allait pas si mal que ça, ou que le processus de guérison était ben et bien enclenché.

- Attends, le prince charmant n’embrasse pas non plus Blanche Neige devant les nains pour la réveiller ? Bon je t’accorde qu’être plongée dans le sommeil à cause d’une quenouille est plus classe que de s’étouffer avec un morceau de pomme.

Sa main se posa sur la mienne et je resserrai les doigts autour de siens, encore faibles. Elle n’allait sûrement pas mourir de ses blessures et même sans mon intervention, elle s’en serait sortie. Avec plus de temps et d’énergie. J’admirais sa force et son courage. Elle avait résisté seule à l’assaut de ce démon et l’avait presque tué pour se défendre. Elle reprit alors de plus belle en me disant qu’elle serait capable de me prendre au mot. L’embrasser pour la tirer de sa torpeur ? Cette idée n’avait rien de déplaisante, bien au contraire, mais il y avait là une connotation un peu dérangeante, qui me disait que cela serait faire basculer notre relation vers autre chose, une situation inconfortable pour elle comme pour moi.

- Tu crains donc tant mon baiser ? Je t’assure que bien des femmes tueraient pour avoir cet honneur.

Je répondais d’une voix fanfaronnante, mais je ne pouvais tout à fait me départir de la tendresse qui m’habitait en posant mon regard sur cette fille. Sur cette femme, qui avait attiré mon regard dés le premier jour, alors qu’elle était une sœur contrainte parmi tant d’autres, baissant chastement les yeux pour sauver les apparences alors que son âme abritait le feu. C’était ce contraste qui m’avait intrigué en premier lieu, qui m’avait poussé à m’approcher d’elle.

Elle me fit alors remarquer qu’il ne l’avait pas loupé. Mon regard s’assombrit, même si mon sourire s’élargit, en revanche.

- Mais faut voir ce que toi, tu lui as mis.

Elle me remercia alors et je lui jetai un regard en coin. Merci de quoi ? D’être venu la chercher ? De l’avoir soignée ? Il n’y avait pas besoin de remerciement, je faisais cela naturellement, parce qu’elle m’était chère, tout simplement et que l’idée d’un monde où Holly ne serait pas m’était difficilement concevable.

- Tu sais bien que je ne rate jamais une occasion de forcer les autres à avoir une dette envers moi.

De l’humour pour masquer mon trouble, il n’y avait rien de mieux. Et elle me connaissait suffisamment pour savoir que j’étais ému. Trop sans doute pour pouvoir me le permettre et surtout le montrer. Elle rit alors, un rire discordant, qui se termina dans une quinte de toux sanglante qui me fit grimacer, alors que je soulevais doucement sa tête, la tournant sur le côté avec douceur pour éviter qu’elle ne s’étouffe. Ce qui ne la tuerait pas mais serait plus que désagréable. Elle plaisanta alors sur son tailleur totalement bousillé et je ris à mon tour.

- Je vais envoyer la facture à Satan, c’est une honte !

Je repris alors mon sérieux, caressant son beau visage du bout des doigts dans un élan de tendresse et de sincérité qui ne m’étaient pas forcément familier.

- Je suis réellement fier de toi, tu as du te battre comme une lionne. Et je regrette de ne pas être arrivé plus tôt pour t’éviter cela.

Si je l’avais suivi directement, si je m’étais fié à mon instinct, j’aurais pu arriver avant qu’elle ne soit mise dans cet état là. C’était totalement inconscient de la laisser seule alors qu’on venait justement de parler de toutes ces attaques…

« Avoues que devant des nains, ce n’est pas…sexy. »

Il y avait de quoi rire certainement, mais a vrai dire, même si je plaisantais, je ne pouvais pas endiguer la douleur qui parcourait mon corps, m’indiquant sans faillir l’endroit de mes blessures. Entre une côte ou plusieurs, je pensais plus à plusieurs d’ailleurs vu la souffrance qui pouvait m’irradier la poitrine. Pourtant, je trouvai encore la force de rire de ces conneries. C’était plus facile et c’était sans doute un signe que j’allais mieux. Pas au top de ma forme mais mieux quand même. Je levai les yeux sur son visage alors qu’il rebondissait sur ce que je lui disais, laissant un sourire mêlant tendresse et amusement fleurir sur mon visage.

« Justement Raph, je suis déjà accro à la caféine, mieux vaut ne pas multiplier les addictions. »

Et ce serait mauvais pour moi, autant que pour lui sans doute. Peut-être se cachait-on derrière des paravents, mais cela valait sans doute mieux. Pourtant, en toute objectivité, cela aurait pu être un épisode romantique non ? Oui, enfin, encore aurait il fallut que je ne sois pas percluse de douleur.

Je risquai un coup d’œil sur le côté, remarquant la poitrine de mon adversaire ouverte et la cavité creuse qui aurait dût abriter son cœur. Je soupirai doucement.

« Dommage, il était digne de moi, il avait juste choisit le mauvais camp. »

Enfin façon de parler, mais, même si ça restait un ennemi, il avait été galant, respectueux et c’était battu à la loyale, ce qui n’était pas mon cas. Mais j’avais vite appris que tous les moyens étaient bons pour gagner parfois, surtout dans un combat à mort. J’entrelaçai mes doigts aux siens, le remerciant doucement. Il savait que j’étais sincère, je savais le lire dans sa voix, ou dans l’éclat de ses yeux, mais comme toujours, il préférait souvent la plaisanterie. Cela ne me gênait pas, nous savions l’un comme l’autre comment nous étions.

« J’ai comme l’impression que mes dettes s’alourdissant d’années en années surtout. »

Fis je en souriant, parce que je lui devais beaucoup. La liberté, pour commencer, une chance de vivre comme je l’entendais, un soutien sans faille…Je fermai les yeux, me reposant contre lui, écoutant les battements de son cœur à travers sa chemise. Du bout des doigts, je tripotai un lambeau de ma jupe, pestant contre mon tailleur détruit et Raphaël s’amusa tranquillement de ma déconfiture.

« Je suis pas sûre qu’il me rembourse mais qui sait ? »

Un léger soupir m’échappa, je me sentais totalement épuisée et la régénération pompait mes dernières forces lentement mais sûrement. J’ouvris les paupières, scrutant ses traits…

« C’est toi qui m’as tous apprit. Et puis tu me connais, je n’aime pas me laisser faire… »

Je voulu me redresser un peu mais sans succès, sauf un gémissement. Bravo Holly, tu iras loin là.

« Finalement, si on sutait l’étape boite de nuit et allait directement chez moi ? »

Il y avait un réel amusement dans ma voix mais aussi une véritable lassitude. Il fallait que je guérisse avant l’aube.

- C'est vrai.

Je souris doucement, soulagé de la voir faire de l'humour et badiner comme si elle ne venait pas de subir une terrible attaque qui aurait pu lui être fatale si son adversaire avait pu se frayer un chemin jusqu'à son cœur. Le danger était passé, mais la colère continuait de vibrer en moi, sourde, étouffée, mais présente. Le démon avait eu son compte, je l'avais achevé, mais cela ne me soulageait pas vraiment. Je plaisantais sur le baiser que je pourrais lui offrir et elle renchérit en se disant suffisamment dépendante comme ça d'autres choses. Je faillis lui rétorquer que mes baisers étaient bons pour la santé, contrairement à la caféine, mais je me retins, jugeant que cette fois, le terrain risquait de devenir vraiment délicat. Et glissant.

Mon regard se porta sur le cadavre alors que Holly me confiait que c'était dommage pour lui parce qu'il était un valeureux adversaire, mais qui s'était trompé de camp. Je haussai un sourcil interrogateur, avant de hausser les épaules.

- Pas de chance en effet.

Je fis remarquer que je ne l'avais sauvé que pour avoir le plaisir qu'elle contracte une dette envers moi et elle rétorqua que sa dette s'alourdissait surtout. Je la regardais un moment sans rien dire, gravement, les yeux insondables, posés sur elle. En cet instant, je n'étais plus le lycéen insolent, ou l'archange jovial. Le masque tomba un instant, révélant l'être deux fois millénaires que j'étais, laissant entrevoir la puissance qui était la mienne, toujours soigneusement contenue, masquée par une nonchalance affectée. Je n'avais pas l'aura écrasante de Gabriel ou Azraëlle en permanence.

- Il ne saurait y avoir de dettes entre nous. Ce que je t'offre, tu me le rends chaque jour en étant un soutien sans faille et une amie fidèle.

Holly se serra contre moi, avant de déplorer l'état de son tailleur hors de prix et je redevins le Raphaël auquel elle était habituée, plaisantant sur la note que j'allais envoyer à Satan. Non, cela ne marcherait pas, mais on pouvait toujours rêver. Je la félicitais de s'être ainsi défendue et elle me rappela que je lui avais tout apprit. Je n'étais surement pas le plus puissant guerrier parmi les anges ou les démons, mais je me défendais. Holly tenta de se redresser et échoua, avant de me proposer d'aller chez elle.

- Attention, je ne suis pas un garçon facile, jeune fille ! Pas de proposition indécente.

Je souris, avant de la soulever délicatement dans mes bras. Avec précaution, je marchais jusqu'à ma voiture, la déposant sur le siège passager pour ensuite m'installer au volant et quitter cet enfer. Je roulai une vingtaine de minutes avant d'arriver chez Holly. Là, je la repris dans mes bras, entrant chez elle et l'emmenant jusqu'à la salle de bain.

- Un bon bain pour te débarrasser du sang, ça te dit ?

Je la portais sans effort, elle ne pesait rien pour un être de ma trempe. Et j'aimais sentir sa chaleur irradier contre moi.

Pas de dettes ? Sans blague ! Si je n’étais pas aussi dans les choux, j’aurais rit bien volontiers. C’est sur que c’était difficile de parler de dette entre nous mais quelque part, tout ce que l’un donnait lui était rendu au centuple. Une relation bien étrange lorsque l’on voyait dans quel milieu nous étions. Après tout, n’importe quel ange m’aurait sans doute achevée histoire d’éliminer une rivale, même si pour cela, il fallait risquer la colère de Raphaël. J’eus un sourire faiblard.

« Arrête de faire ça, tu me file la chair de poule a chaque fois… »

Bougonnais je plus par jeu, quoiqu’il n’était pas faux de dire que l’impression d’écrasement qu’elle pouvait ressentir parfois, lorsqu’il lâchait la bride à ce qu’il était, pouvait devenir dérangeante, même pour moi qui lui était si proche. Mais cela ne durait jamais avec lui, a croire qu’il n’aimait pas étaler son pouvoir, ce qui était sans doute le cas. Toujours était-il que je ne me sentais pas au mieux de ma forme, totalement éreintée en plus d’avoir l’impression que mon corps entier était une plaie ouverte. Combien de temps aurais-je souffert comme ça si Raph n’avait pas accéléré ma guérison ? Je n’osais même pas y penser. Je n’avais qu’une envie, rentrer chez moi, me blottir entre les bras de mon mentor, dormir tout mon soul et manger un steack saignant. Et là, on se demande comment je peux avoir faim dans une telle situation, mais qu’importe ! J’aimais ces désirs simples, tranquilles, ils me rapellaient que j’avais frôlé la mort. Alors, ne perdant pas mon sens de l’humour dans la douleur, j’aguichais Raphaël pour me faire payer mon billet de retour. Remarquez que je n’avais pas forcément besoin de cela pour avoir son aide, mais cela faisait partit du jeu.

« D’accord, d’accord…Je t’offrirais un verre avant, ça te va ? »

Pouffais je avant de grimacer, retenant un gémissement, alors qu’il me soulevait, réveillant des plaies dont je n’avais même pas soupçonné l’existence. Je dûs abandonner ma voiture pour emprunter celle de Raph mais je ‘men fichais, elle sentait bon le cuir et son parfum. J’étais bien malgré tout. Le trajet se passa en silence, j’avais fermé les yeux et posé la tête sur la vitre. Bizarrement, j’arrivais presque a sentir mes chairs se refermer. Sensation très étrange et, lorsque nous nous garâme devant chez moi, je savais que mes blessures superficielles n’existaient plus. Il restait celles plus profondes, internes. Les plus douloureuses évidemment…

Je soupirai lorsque j’entendis le mot bain…Oh que oui ! Un bon bain moussant !

« Si c’est avec un verre de bordeaux, une musique de chopin et un muffin chocolat…Je t’épouse. »

L'humour pour masquer la peur, l'angoisse, l'inquiétude. Holly était mon talon d'Achille, je le savais, elle le savait et les autres archanges le savaient. Mais je l'avais prise sous mon aile, lui avait enseigné tout ce qu'elle devait savoir pour ne pas être une proie facile, pour ne pas être un poids mort. Ce soir, elle avait prouvé que tout cela n'avait pas été vain, que mon enseignement, mon influence, lui avaient été bénéfiques et j'en étais rassuré. Et elle pouvait bien être ma faiblesse, si on s'avisait de lui faire du mal, elle était alors une force, capable de faire sortir l'éternel archange tranquille de ses gonds, pour une colère plus que dévastatrice. C'était sans doute pour ça qu'Azraëlle ou Gabriel n'avaient encore rien tenté contre elle. Ils n'étaient ni stupides, ni fous.

Je la conduisis jusque chez elle, mais il n'était pas question de l'abandonner là. Son corps guérissait, son sang angélique faisant son œuvre et je comptais bien veiller sur elle jusqu'à ce qu'elle soit totalement remise. Je lui proposais donc un bain pour se détendre, pour se débarrasser des souillures et retins un ricanement quand elle me fit la liste de ce qui lui plairait pour aller avec.

- Ola, proposer le mariage à un homme, faut-il que tu sois sonnée ! Tu veux me faire fuir ?

Alors que je la tenais toujours contre moi d'un bras, je libérais l'autre pour ouvrir les robinets et commencer à faire couler l'eau, tandis que ses bras s'étaient joints autour de mon cou pour s'agripper à moi. Le silence s'installa, seulement troublé par le clapotis de l'eau. Je ne la lâchais pas, pas encore et elle ne semblait pas décidée à s'éloigner non plus. Finalement, cette situation nous convenait à tous les deux.

Mais quand la baignoire menaça de déborder, je refermais les robinets et la reposais doucement au sol.

- Ça va ?

Elle semblait capable de tenir debout et lentement, je commençais à lui ôter ses vêtements déchirés et poisseux de sang, révélant son corps martyrisé à la lumière artificielle. Nul doute que si j'avais osé regarder plus tôt, avant que je ne l'aide à guérir, j'en aurais été malade, mais il demeurait des ecchymoses et des cicatrices encore fraîches. J'en effleurais une du bout des doigts, avec tendresse.

- Un vrai vétéran... Autant de traces témoignant de ta force.

Et il y avait de la fierté dans ma voix. Holly était magnifique. Son corps de femme, fort et souple à la fois, sensuel et mince était un bonheur à regarder, un régal et éveillait en moi des appétits charnels que je me refusais pourtant de ressentir la plupart du temps. J'étais au dessus de ces bas instincts et ne me laissais pas dicter ma conduite par eux. Quand je l'avais approché sous couvert d'être un prêtre, cela n'avait pas été forcément très difficile. J'admirais les femmes, comme des œuvres d'art.

J'aidais alors Holly à se glisser dans la baignoire, s'enfoncer dans l'eau chaude dans un gémissement d'aise.

- Pour le bordeaux et Chopin, je peux sans doute faire quelque chose, mais pour le muffin, je crains de ne pas avoir assez de temps... A moins que tu décides de passer des heures là dedans.

Je quittai la salle de bain, en quête de vin, que je trouvais facilement, débouchant la bouteille et versant deux verres, avant de m'attarder sur la chaine HiFi et les Cd et de trouver ce que Holly désirait. La musique classique retentit dans l'appartement et je regagnais la salle de bain, proposant le verre à l'ange.

Je haussai un sourcil amusé.

« J’avoue que j’aimerais bien te voir fuir en hurlant devant une femme, ça changerait ! »

Bon, un bon trait d’humour pour cacher ma grimace de douleur. Il n’y avait pas plus pathétique qu’un ange un poil blessé. Ouais enfin dans mon cas, comment dire sans être vulgaire ? allez soyons fous ! Je m’étais bien fait défoncée. Ma seule satisfaction était de savoir que l’autre n’était pas mieux, voir carrément moins étant donné que Raph’ l’avait achevé, chose que je n’avais pas put faire. Mes blessures superficielles se refermaient les premières dans une étrange sensation que je n’arrivais pas vraiment à définir. Pour les plus grave, je suppose que cela prendrait plus de temps, comme un bout de ma côte joyeusement planté dans mon poumon droit. Par exemple. Mais autant demeurer vaillante, Raph’ ne m’avait pas éduquée comme une pleutre ou une lâche et surtout pas comme une chochotte. Bien que je souffrais le martyr alors qu’il me déshabillait, me forçant a bouger des membres qui avaient déjà bien souffert.

« Ca va…Enfin encore quelque heure et cela ira très bien. »

Ce qui n’était pas faux. Il effleura mes blessures du regard, en caressa une du bout des doigts, me faisant frémir comme un réflexe. Il n’y avait aucun double sens dans ce geste mais c’était quelque part assez troublant. Pense a ton bain moussant Holly !

« Que veux tu, il paraît que je suis coriace et que j’ai de qui tenir. »

répondis je doucement avec un demi sourire presque taquin mais néanmoins doux. Il y a une chose que je ne savais pas, c’était que lever une jambe pouvait être aussi douloureux. Il fallait dire que j’avais défendu ma vie avec rage sans même sentir la douleur des coups donnés et j’en payais le prix maintenant. L’eau me fit un bien fou et je m’accrochais à Raph jusqu'à être sûre de ne pas me casser la figure sur le marbre, ce qui ne serait pas de bon ton vu les blessures que j’avais déjà.

« Ne me tente pas ! Enfin, laisse tomber le muffin, déjà du vin pour me remettre et de la musique pour adoucir. »

répondis je en me laissant glisser dans la baignoire, la mousse effleurant tout en dissimulant ma poitrine. Cela dit, je n’avais jamais eu de problème de pudeur mal placée et là, elle aurait été plus que mal placée étant donné que j’aurais eu un mal de chien a me déshabiller toute seule. Je fermai les yeux, attendant qu’il revienne et lorsque je les ouvrit de nouveau, ce fut pour tomber nez à nez avec un verre remplit d’un liquide rubicon.

« Merci. »

soupirai je en le prenant, le portant aussitôt a mes lèvres. Je demeurai pensive quelque seconde avant de lever les yeux sur le visage de l’archange.

« Tu vois, je pensais que j’avais le temps avant que cette putain de guerre n’arrive jusqu'à moi. Il fallait croire que je me suis trompée. Le truc qui me turlupine c’était que je n’étais pas une cible au hasard, et là, ça commence à sérieusement me gonfler. »

Oui parce que maintenant que j’étais bien au chaud dans mon bain, un verre de vin dans la main, l’autre négligemment posé sur le bord de la baignoire, je pouvais réfléchir.

« Tu crois que les démons tiennent une liste des Bénies ? »