Shadow of the day [Pv Kieran]

Je devais reconnaitre une chose à ma fac … Il avait su prendre en considération ma maladie et donc, j'avais pu passer mes derniers partiels sans vraiment de trop grand problème. J'avais même eu le droit à un temps supplémentaire lorsqu'ils me virent arriver. Enfin bref, ça c'était assez bien passé et j'étais même assez confiant… Mais serais-je toujours la pour les résultats, ou pour l'année prochaine… D'ailleurs personne n'avait compris mon choix de m'acharner ainsi. J'avais passé de long jours à l'hôpital et à mon retour, je n'avais fait que dormir. En fait, il n'y avait que aujourd'hui que je m'étais vraiment bougé.

Mais inutile de nier l'évidence, j'étais loin d'être au meilleur de ma forme, loin de là. Ca allé à peu près dans le lit couché. Mais une journée debout … C'était la mort. J'avais vraiment du mal. Je crus d'ailleurs ne jamais réussir à revenir chez moi. J'avais manqué de loupé mon arrêt et bien sur, pile au moment ou je descendais, une pluie torrentiel… Super. Rentrant alors, j'eus la désagréable surprise de tomber nez-à-nez avec ma belle mère… Youpi.

— Tu aurais pu prévenir que tu ne rentrais pas manger !
— Depuis quand tu te soucis de moi ?
— C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Sale petit con reste la quand je te parles.

Car oui, j'avais déjà commencé à monter les escaliers. Et si d'habitude, j'avais la force d'ignorer et de prendre sur moi, ce n'était pas le cas d'aujourd'hui, j'étais mal et fatigué… J'étais loin de pouvoir l'ignorer.

— Tu me parles autrement !
— Je ne dis que la vérité, tu n'es qu'un merdeux qui va crever et cela vaudra mieux pour tous le monde !
— Moi aussi je vais dire la vérité vielle peau, sale connasse qui ne pense qu'à son cul ! Va te faire !
— Je vais en parler à ton père !
— Vas-y et suce le pour que ça passe mieux !

Serrant les poings, je franchis les dernière marches et me précipité dans ma chambre. Re claquant la porte avec violence avant d'envoyer voler une chaise, arrivant face à mon bureau que je débarrassais entièrement d'un coup de bras. Tous tomba au sol. Un vacarme pas possible qui ne passa pas inaperçu vu qu'elle gueula encore. Mes bras se mirent brutalement à trembler et je me laissais tomber sur le sol, fouillant en urgence un tiroir pour en tirer des médicaments. C'est en les avalant que je vis Kieran. Et merde. Je devais pas faire de crise devant lui.

— Désolé, je rangerais quand je me serais changé …

Tirant un short et un t-shirt, je m'isolais dans la salle de bain. Me changeant rapidement avant de revenir tremblant. Me posant sur ma chaise, j'étais sans aucun doute livide et complètement flippant. Je lui souris alors.

— Félicitation pour le bac, j'ai jamais pu te le dire en directe.

Ce furent des éclats de voix qui attirèrent mon attention. J'étais dans la salle de bain et je finissais de m'habiller, quand la voix de ma tante et celle d'Aaron retentirent. Surpris, je décidai d'entrebâiller la porte et je pus ainsi entendre tout l'amour qu'il y avait dans cette conversation. Les paroles de ma tante me scandalisèrent. Je savais qu'elle n'avait rien à faire d'Aaron, il était le fils de l'ancienne copine de mon oncle, il n'était rien pour ma tante, juste un parasite et elle lui faisait bien sentir. J'avais une envie folle de descendre et de me mêler violemment à la dispute, afin de dire ce que je pensais, mais je me retins, surtout en entendant Aaron monter les escaliers et entrer dans sa chambre.

Je m'y dirigeai naturellement. Je ne pensais pas que moi, il m'enverrait paître. Depuis sa crise et sa convalescence, notre amitié s'était encore renforcée. Comme un con, je lui avais promis que je serais là pour lui quand viendrait la fin, qu'il ne mourrait pas seul. Sorcha serait là aussi et probablement sa copine camée, Sarah. Elle, je m'en passerais bien, mais si elle faisait du bien à Aaron... Je n'allais pas la virer.

Aaron se fit un plaisir de balancer deux trois trucs pour passer ses nerfs, avant de s'apercevoir que j'étais entré dans notre chambre et que je l'observais. Il en faisait trop. Il avait quand même fait plusieurs arrêts cardiaques, mais il était têtu et il avait fini par sortir de l'hôpital, pour passer ses examens. Sa fac avait accepté de les lui refaire passer. Sympa franchement, parce qu'en général, ils n'en avaient rien à faire. Cela lui permettait de continuer une vie normale, de croire que tout allait bien. C'était faux, nous le savions tous et Aaron était en sursis.

Il était par terre, à farfouiller dans son sac, sans doute en quête de médicaments. Il s'excusa auprès de moi du désordre, mais je ne dis rien, trouvant cela particulièrement stupide. Il s'éclipsa et j'en profitais pour remettre de l'ordre en silence. Il revint rapidement en short et T-shirt et s'affala sur sa chaise, livide. Il commençait à me faire peur là. Pourtant, il parvint à sourire et à me féliciter pour le bac. Je souris moi aussi.

- "Merci. Je te féliciterai aussi dans quelques jours."

Tiens encore Aaron... Le mois prochain, je partirais en vacances en Irlande, et Aaron ne serait pas du voyage, à mon grand regret. Il était trop mal en point pour cela... Et il serait sans doute mort... Je culpabilisais vis à vis de ça. J'étais heureux de rentrer chez moi l'espace de quelques semaines, de faire découvrir ce pays magnifique à ma copine et mes amies, mais mon cousin ne le verrait jamais. Et s'il mourrait pendant que nous étions là bas? Si finalement, contrairement à ce que j'avais promis, je n'étais pas là?

- "Elle est horrible... Tu ne devrais pas lui répondre, elle ne mérite même pas que tu uses ta salive... et tes forces."

il me remercia avant d'ajouter qu'il me féliciterait à son tour d'ici quelques jours … Je souris doucement à cette optique. Mon acharnement devait réellement semblait fou. Mais si mon ange avait raison … Je ne pouvais pas louper et prendre le risque de louper mes exam. J'aurais perdu une année pour rien. Et non, je n'allais pas perdre une année pour rien. Je n'allais pas non plus tout lâcher maintenant. Je ne pouvais pas.

— Merci.

Il finit alors par me dire que je ne devrais pas lui répondre. Je me fatiguais pour rien … Il s'inquiétait là ? Il était vraiment choux se cousin, mais j'avais fini ma vie, il était temps que je balise les choses. Et surtout, je n'avais plus la force d'ignorer, de passer outre. D'être le gentil qui devait s'écraser et la laisser me prendre pour le diable incarné.

— J'aurais pu ignorer si j'étais pas si crevé et exaspéré… Je pense qu'à mon stade, lui gueuler dessus ne changera plus grand chose…

Mes mains tremblaient toujours et je n'étais pas vraiment en super forme, mais je ne devais pas lui imposer mon état. C'était comme en parler … C'était pas à faire. Vraiment pas. Ma belle mère était une salope, mon maladie, et bien, le problème était plus ou moins réglé. Alors, je voulais, pour une fois qu'on était seul, se changer les idées.

— Mais on va arrêter d'en parler ok ? Y'a plus intéressant, Blu… Putain, Sasha ! J'ai du mal. Je suis content que tu l'aies trouvé, je te préfère souriant et rêveur que blasé et rageur perso !

Ah bien ouais ! Perso j'avais limite été sur le cul en apprenant pour Sasha. Et en même temps, j'étais carrément heureux pour lui. Il méritait quelqu'un de bien et Sasha, à l'époque de Blue, était déjà quelqu'un d'extra. Et bien que je n'avais pas mon mot à dire, j'approuvais complètement leur relation qui était saine pour l'un comme l'autre.

C'était facile de lui dire de l'ignorer, mais je pouvais comprendre qu'il en ai assez de s'écraser devant sa belle mère ou sa belle sœur qui n'étaient toutes deux que des punaises mauvaises et sans cœur. Je n'en revenais toujours pas que l'on puisse dire à quelqu'un que ce serait mieux s'il était mort... Qu'on puisse dire à un mourant qu'on attendait que cela qu'il parte. c'était au delà de ma compréhension et cela me révoltait profondément. Je lui disais de ne pas répondre, mais si j'avais été à sa place, je n'aurais pas manqué de me rebeller moi aussi. Déjà que là, je faisais d'énormes efforts pour ne pas me mêler de cela et prendre sa défense... Je ne savais pas commet il prendrait le fait que je lui vienne en aide. Comme de la faiblesse de sa part? De la pitié de la mienne? Ou comme la preuve de mon soutien indéfectible et de mon amitié? Sans compter que je ne pouvais pas me mettre ma tante à dos, par égard pour Sorcha... Il ne manquerait plus qu'on nous flanque dehors...

- "Sans doute pas..."

Non, cela ne changerait rien, sinon peut-être le soulager et lui apporter un petit sentiment de fierté... Je n'en savais rien. Je l'observais et je craignais à tout moment qu'il ne s'effondre tellement il était pâle et émacié. Il avait l'air vraiment malade, bien plus que quand j'étais arrivé, il y a 3 mois. Son espérance de vie se réduisait à peau de chagrin.

Mais il ne voulais pas parler de cela et je respectai cela. Aaron n'était pas un grand émotif. Tout ce qui touchait à sa maladie, il l'évitait. Comme moi. Je ne lui avais avoué qu'une fois l'aimer et promis d'être là, une seule et unique fois, gravée dans nos mémoires. Je me fendis d'un sourire quand il parla de Sasha. Clair que j'avais changé moi aussi en trois mois. Si Aaron se rapprochait de la mort, personnellement, je m'accrochais davantage à la vie. Grâce à elle. Je m'assis sur le lit, heureux qu'il approuver, même si c'était une histoire de fou.

- "Avoue quand même que je n'ai pas fait les choses simplement. Des jolies filles, il y en a à la pelle, mais non, je suis tombé amoureux de la seule qui se travestissait en mec."

J'émis un petit rire avant de poursuivre.

- "Sasha est une fille géniale. Équilibrée, adulte, douce, marrante... j'avais besoin d'une fille comme elle... Mais toi, tu fais des cachotteries par contre! Tu ne m'as jamais parlé de Sarah. Alors qu'elle a l'air très importante pour toi."

Clairement moins saine que Sasha, vu comment elle était vulgaire et défoncée, mais bon...

Parler de Sasha, celle qui semblait-être devenu le centre de son univers depuis peu. C'est donc avec un sourire difficilement dissimuler qu'il s'assit sur le lit. C'était con, mais j'aimais le voir comme ça. J'avais l'impression qu'il rayonnait, qu'il n'était plus mourant comme moi. Sasha l'avait sauvé et je ne pouvais qu'approuver. Que la remercier d'être là. D'être près de celui qui était devenu en très peu de temps le frère que je n'avais pas eu. Il me demanda alors d'être lucide. M'affirmant qu'il n'avait pas pu faire les choses simplement. Oui il y en avait des tonnes de fille mignonne, plutôt sympas et assez agréable. Sauf que lui, il avait décidé de s'enticher de la seule qui n'assumait pas sa féminité.

Il eut un petit rire qui me fit le suivre malgré moi. Ouais, mais la difficulté, la rareté de leur couple faisait qu'ils ne pouvaient qu'aller loin. Il poursuivit alors pour dire qu'elle était Géniale, équilibrée, adulte, douce et j'en passe. Mon p'tit Kieran tu étais complètement sous le charmes. Mais vraiment. Ca me faisait sourire. Non pas que je me moquais de lui, mais voilà, j'étais content pour lui. Vraiment.

Il enchaina alors sur Sarah. J'eus d'ailleurs du mal sur le coup. Surtout lorsqu'il me dit que je faisais des cachoteries. Surtout que je ne lui avais jamais parler d'elle alors qu'elle semblait si importante pour moi. Si seulement il savait. J'avais l'impression de me jeté dans le vide sans parachute à chacune de nos rencontres. L'impression d'être sur le point de mourir alors qu'en réalité, je ne faisais que renaitre. Remettre sans cesse ma vie en question. Remettre ma vie entre ses mains. Je souris alors comme un con. Secouant la tête de droite à gauche.

— Sasha est extraordinaire pour t'avoir rendu le sourire. Je la remercierais jamais assez, tu fais plaisir à voir …

Passant alors une mains sur mon visage, je finis par le regarder.

— Concernant Sarah … Elle est tous, mais … J'ai pas le droit de l'entrainer avec moi, sauf qu'elle revient toujours. Elle … Elle est pas la parfaite petite fille, elle est pas la belle fille que les parents aimeraient avoir mais …

Me mordant alors les lèvres. Je finis par reprendre.

— Sauf que moi je m'en fou. Elle me fait revivre … Elle m'a toujours fait vivre. On a toujours été ensemble, j'ai toujours été fou d'elle, elle provoque des réactions improbable en moi. C'est … C'est loin d'être sain, c'est destructeur, mais … J'en ai besoin… Alors si je n'ai jamais parlé d'elle, c'est justement pour pas poser plus de problème. Et puis, c'était lui avouer que j'aurais tous fait et tous donné pour elle, et j'avais vraiment pas le droit de lui faire ça… Elle doit apprendre à vivre sans moi… Je peux comprendre que ce manque d'équilibre te choque, mais j'en ai besoin…

J'avais vraiment un vieux sourire sur le visage. J'étais heureux de l'avoir eu, heureux qu'elle existe. Car oui je l'aimais, bien que je n'aurais jamais du...

- "Elle me l'a rendu oui, c'est le mot, j'étais comme ça avant."

Avant l'accident, avant cette culpabilité écrasante, toujours présente mais moins violente. Sasha me permettait de mettre cela de côté, de réapprendre à vivre pour moi, d'envisager un réel avenir. Je me sentais un peu moins coupable d'être heureux.

- "Enfin, j'ai prit un peu de plomb dans la tête aussi. Ce qui n'est pas plus mal."

Avant, j'avais quand même tendance à être arrogant, je m'en foutiste, enchainant les fêtes et les flirts d'un soir. Je m'étais un peu posé et devoir m'occuper de Sorcha et sortir Sasha de l'Under m'avaient apprit à avoir davantage la tête sur les épaules. J'avais un avenir, moi, contrairement à Aaron, c'était idiot de le gâcher dans une spirale auto destructrice.

Je lui parlai alors de sa Sarah, cette droguée bizarre et mal embouchée que j'avais découvert alors qu'elle se jetait sur lui, quasiment mourant sur son lit d'hôpital. Le genre de fille très... raffiné. Le genre de fille que j'avais dragué pour coucher avec, sans vouloir davantage en fait. C'était peut être une fille bien, mais de ce que j'avais vu, elle ne m'intéressait pas. Je préférais les filles moins allumées.

- "Ce n'est pas le manque d'équilibre qui me choque, c'est ta copine elle-même, mais peu importe."

Je soupirai, passant une main dans mes mèches brunes avant de reprendre en le regardant droit dans les yeux :

- "Tu n'as pas encore compris que ça ne sert à rien de vouloir interdire aux autres de t'aimer? De vouloir faire le vide autour de toi pour éviter la souffrance? T'as besoin d'elle, elle a besoin de toi, c'est clair que vous formez un couple vachement trash, mais tu ne peux pas vraiment décider pour elle, tu sais?"

Alors ouais, vue la gonzesse, je doutais fort que l'après Aaron se passe bien si elle était vraiment accroc à lui. Ça sentait la bonne overdose pour enfin cesser de souffrir et Aaron devait sans doute y penser aussi.

- "Puis excuse moi, mais bon, même si c'est une relation destructrice... Je ne pense pas que cela change grand chose. Pour toi, comme pour elle."

Elle crèverait, une seringue plantée dans le bras. C'était déjà écrit, à moins d'un miracle.

- "Ça m'étonne quand même que tu ne l'ai pas présenté à ta belle mère... Elles s'entendraient si bien..."

J'eus un petit sourire malicieux, pour détendre un peu l'atmosphère. Je ne jugeais pas ouvertement sa copine ou leur relation, ça les regardait et si cela permettait de le faire se sentir plus vivant, alors tant mieux.

Je n'étais toujours douté que Kieran avait été différent avant. Mais l'accident l'avait détruit, il n'avait plus était lui-même durant un long moment, mais aujourd'hui, c'était du passé. Sasha l'avait changé. Mais l'expérience lui avait permis de grandir un peu. Ce qui n'était pas plus mal comme il pouvait le dire. Et puis il me parla de Sarah et là, je crus que je n'allais pas m'arrêter. Sarah était beaucoup trop pour moi, elle était toute mon existence et ce depuis des années. Je savais très bien qu'elle ne me survirerait pas et ça … J'avais du mal à le concevoir, à le comprendre. J'avais du mal accepter de la tuer. Car oui, bien que ce soit par extension, je savais très bien qu'elle mourrait par ma faute.

Je n'osais pas relevé la remarque de Kieran, après tous il avait le droit d'avoir un avi et je pense que si je n'avais pas été mourant, j'aurais pu voir Sarah autrement que le soleil de mes nuits. Mais au fond, savoir que c'était Sarah, sa personne en entier qui le choqué, ça ne me faisait pas vraiment plaisir. Il soupira alors et ce qui suivit fus comme une claque.

Il me passa presque un savon, me disant que je n'avais toujours pas compris que cela ne servirait à rien de vouloir interdire les autres de s'approcher, de m'aimer. Que le vide serait impossible. Il avait compris que j'avais aussi besoin d'elle, qu'elle de moi. Mais comme il le disait, je ne pouvais pas choisir pour elle. Autant dire que j'allais la détruire et je ne pourrais rien faire. Il s'excusa alors, me rappelant que notre relation destructive ne changerait pas le futur d'elle et de moi. Sous entendu que nous allions mourir tous les deux. Merci Kieran, mais ça j'avais compris.

— Ce que personne ne semble comprendre c'est que moi, je sais très bien que je vais blesser des gens en mourant. Je le sais, et j'arrête pas de penser que je vais blesser plus que je ne l'aurais voulu.

Il reprit alors sur une note plus légère qui me détendit légèrement. Il me dit qu'il était étonné que je n'avais toujours pas présenter Sarah à ma belle-mère et là, j'explosais de rire. Mais littéralement. Je partis dans un fou rire ou j'eus du mal à m'arrêter. Allant même jusqu'à pleurer tellement la scène était … hilarante. Je mis quelques minutes à retrouver mon calme. M'essuyant les yeux avant de le regarder, loin de ce qu'on avait pu se dire avant.

— Imagine la scène ! Je la tue à coup sur avec Sarah !

Souriant alors j'échangeais un regard malicieux avec Kieran.

— Faut que Sarah lui apprenne la vie … Je suis certain qu'elle va quitter la maison en pleurant ! Surtout que Sarah n'a aucune pudeur …

- "Mais ça, ce n'est pas ta faute Aaron..."

J'avais parlé d'une voix douce, comprenant très bien, trop sans doute, son sentiment. Je pense que j'aurais agi de la même façon stupide. Il ne pouvait pas empêcher les gens de s'attacher à lui, de vouloir adoucir sa vie et la fin de celle-ci, en remerciement de l'amitié qu'il avait pu offrir. Il ne pouvait pas décider pour Sarah, pas plus que pour Sorcha et moi. Son père s'était déjà détaché de lui, soit parce qu'il s'en foutait, soit parce qu'il ne voulait pas souffrir, je ne le savais pas, sa belle mère et sa belle-sœur ne le voyaient que comme un parasite, il n'avait pas d'amis suffisamment proches pour venir le voir vers la fin... Il ne restait que Sorcha, Sarah et moi. Sorcha et moi qui avions déjà souffert d'un double deuil violent, il y a plus d'un an et Sarah qui était droguée et complètement accroc à Aaron, qui ne lui survivrait sans doute pas... Aaron n'avait pas de bol de s'entourer d'éclopés de la vie.

- "Enfin si, un peu, pourquoi t'es pas aussi con et imbuvable que ta belle sœur ou ta belle-mère hein? Ça aurait été facile de te cracher dessus."

J'esquissai un mince sourire, pour alléger l'atmosphère et ne pas s'attarder davantage sur les sujets sensibles qui fâchaient et nous plombaient le moral. Il savait que je l'adorais comme un frère, que je le lâcherais pas, sans que j'ai besoin de lui dire toutes les 5 minutes. Une fois à l'hôpital avait suffi, surtout avec ma sœur qui se foutait de notre gueule.

A propos de belle famille, j'ajoutais avec malice qu'il était étonnant qu'il n'ai pas encore présenté sa copine tarée à sa famille. Étant donné ma tante et Sarah... Non sérieux, je voulais vraiment voir ça et surtout l'air scandalisé de ma tante quand Sarah lui ferait un doigt d'honneur ou lui rabattrait son caquet l'air de rien. J'imaginais trop la scène et apparemment, Aaron aussi parce qu'il eut un fou rire que j'accompagnais, trop heureux de le voir se détendre complètement, même l'espace de quelques minutes seulement.

- "Mais justement, j'imagine trop bien, tu vois."

Un sourire presque diabolique recourba mes lèvres quand il parla de Sarah apprenant la vie à sa belle mère et la faisant fuir.

- "Et alors, qu'est-ce que tu attends pour la ramener hein? Ça leur fera les pieds."

Et là, je tiltais sur son commentaire sur la pudeur, demandant, vaguement intéressé, voire inquiet :

- "Comment ça, aucune pudeur?"

C'était diabolique de penser que ma belle ne survivrait pas à Sarah, diabolique et tellement cool en même temps. Rien que d'imaginer sa tête me faisait pleurer voir hurler de rire. Comme Kieran à première vu. Cette vision nous fit partir en fou rire durant de longues minutes. Reprenant difficilement mon souffle, Kieran affirma que Sarah devrait venir. Essuyant du revers de la mains une petite larme, je repris mon calme avant de répondre.

— Chiche !

Et la Kieran sembla prendre conscience d'une chose. Confirmant mon doute lorsqu'il me demanda ce que je voulais dire par aucune pudeur. Je fais quoi je lui réponds le plus naturellement du monde ou j'épargne ses chastes oreilles. Sarah n'avait pas honte, moi non plus. J'avais pris ma décision. Après tous Kieran était un grand garçon ce n'était pas le cas de Sorcha qui elle, à coup sur, aurait appelé le vatican pour nous faire lavé de nos péchés. Sacré Sorcha, ton innocence t'épargnera bien des réalités. Quoi qu'il en soit, c'était Kieran que j'avais devant moi.

— Se déshabiller en plein milieu d'une soirée dans le seul but de me chauffer, se laisser prendre n'importe où et quelque soit le public. Allumer d'autre mec juste pour me faire réagir, ne pas hésiter à plus que m'embrasser en cours … bref, quelques trucs qui font qui me font réaliser que j'ai autant de pudeur qu'elle.

Souriant alors, avant de me mettre à rire doucement. Je fixais Kieran sans faillir.

— Dit moi qu'il t'en faut plus pour te choquer ?

Passant alors une mains dans mes cheveux je finis par m'étirer. Oui j'étais complètement crevé, mais la j'avais surtout envie de parler à mon cousin. Histoire de profiter un peu de lui et sa présence. Car je ne savais pas quand j'allais tomber, ni ce qu'il y aurait exactement après. Un inconnu qui me faisait aussi peur, qu'envie, un inconnu que je désirais toute en espérant ne pas être vrai.

— On va éviter de le dire à Sorcha ça … Elle pourrait essayer de nous noyer dans de l'eau benite

Non, mais sérieusement, il fallait vraiment qu'Aaron présente Sarah à sa belle mère et à sa belle sœur... Obligé, cela serait absolument épique quoi. Et je devais absolument être là pour voir ça. Sorcha par contre... Même si elle n'aimait pas notre tante et notre cousine, je doutais fort qu'elle apprécie que Sarah leur manque totalement de respect, même si je trouvais cela très drôle, personnellement.

Cela dit, je me demandais jusqu'où pouvait bien aller cette fille. Non parce qu'Aaron avait glissé qu'elle n'avait aucune pudeur et là, tout à coup, j'étais vaguement inquiet... Un intéressé aussi. Des gonzesses comme elle, j'en avais vu plein dans l'Under. Des minettes droguées et bourrées, qui écartaient les cuisses facilement. Pas forcément des coups géniaux (cela était variable en fonction de la quantité de produits illicites consommée), mais de quoi se faire du bien sans se prendre la tête et au risque de se chopper une hépatite, le sida, des clamidias...

Aaron me fit alors une petite liste non exhaustive des qualités de Sarah et j'avouai que cela me laissait sur le cul. Ah ouais, tout ça? Sérieusement, elle faisait tout cela et lui aussi? Enfin, j'avais déjà peloté une nana en public, j'avais déjà fait l'amour à une autre dans un recoin, mais de là à faire tout ça. Choqué n'était pas le mot, je n'étais pas choqué non, j'étais étonné, surpris, un peu dégouté et à la fois bizarrement... envieux? Je n'avais jamais été aussi trash et je ne le serais jamais maintenant que je sortais avec Sasha et que je ne cherchais plus à me perdre dans des plans louches.

- "Il en faut plus pour me choquer, mais tu fais chier Aaron, mon imagination s'emballe là."

Parce qu'il y avait ce petit goût d"interdit, de morale, qui rendait ce qu'il décrivait excitant, bien que malsain, dans un sens. Une nana qui se déshabille devant tout le monde, juste pour m'exciter, clair que ça fonctionne. Qui me touche en public... Bref, je m'emballais effectivement. Mais Sarah était bonne à baiser. Pour moi en tous cas. Aaron semblait vraiment l'aimer. En cela nous étions différents.

Il s'étira alors, l'air crevé, pourtant il ne me demanda pas de partir ou d'abréger notre entrevue. Il devait savourer ce petit moment entre nous. Ils étaient trop rares et nous ne savions pas combien de temps ils dureraient encore... Je ne pus m'empêcher de rire quand il parla de ma sœur et l'imaginait nous noyer dans l'eau bénite pour ces péchés.

- "Ce serait clairement son genre ! Et n'oublie pas le chapelet enroulé autour du crucifix avec les prières en latin pour éloigner le malin qui s'est emparé de nous."

Une fois de plus, j'imaginai la scène et une fois de plus je ris comme un idiot devant ce spectacle incongru. Je retrouvai quand même un semblant de sérieux et lui demandai :

- "Tu l'as rencontrée comment Sarah?"

Je souris malgré moi à sa remarque. Si je n'étais pas dans les combines, je dois avouer que mon imagination ferait plus que s'emballer. Je m'étirais alors bien plus fatigué que je ne l'aurais cru, mais pas assez pour me faire partir, j'aimais trop la compagnie de Kieran, surtout lorsque la conversation était légère. J'avais l'impression de pouvoir respirer, de pouvoir m'éloigner de tout ça. J'avais besoin de ces petits moment avec lui. Car mine de rien, il était devenu important le gamin ! Ouais je sais, gamin n'était pas vraiment approprié pour lui. Bien au contraire.

Je lui dis alors qu'il ne fallait pas en parler à Sorcha sous peine de finir la tête dans de l'eau bénite. Ce à quoi il répondit dans mon sens. Ajoutant quelques détailles qui me firent rire sans attendre. Oui, Sorcha aurait pu réciter tout un tas de prière ou mantra dans le seul but de nous libérer l'esprit, nous ramenant sur le droit chemin, celui de la raison, de la religion. Franchement, c'est bien un fossé qu'il y avait entre Sorcha et moi, mais un fossé basé uniquement sur la religion et donc, pas infranchissable. Ce qui n'était pas le cas avec Kieran. Aucun faussé, donc une communication parfaite et sans accros.

— Paix à nos âmes …

Rire comme deux idiots c'était fun quand même. Bref. Il retrouva un semblant de sérieux, comme moi et me demanda alors comment j'avais rencontré Sarah. Essuyant quelques larmes du revers de la mains, car oui, j'avais ris à en pleurer.

— Euh, à l'école primaire je pense … Enfin à Bristol en sommes, mais quand exactement je sais plus. Je peux juste te dire que depuis le début, je fais des conneries avec elle.

Posant mon menton sur le dossier de ma chaise, je fixais Kieran avec sérieux, presque un air grave.

— En fait c'est ma copine depuis dix ans… C'est beau non ?

Un sourire étira alors mes lèvres. Me redressant je fixais Kieran, un regard plein de curiosité.

— Mais dis-moi, je sais que tu m'aimes, mais on va pas passer la journée à parler de moi ! Parlons de toi ! Moi je veux savoir comment tu as découvert que Blu.. Sasha était une fille !

Partager ce moment de complicité avec Aaron était un bonheur qui n'avait pas de prix. Nous étions conscients tous les deux qu'il n'y en aurait plus beaucoup et nous nous acharnions à ne pas venir endeuiller ce petit moment rare avec le spectre de sa mort, qui n'était jamais loin. Il suffisait que je regarde son visage émacié, aux traits creusés et au teint blafard pour le voir. Alors nous déconnions comme des idiots sur "le mal", sur la façon qu'aurait Sorcha de nous exorciser, sur ce que Sarah pourrait bien faire à la belle mère d'Aaron pour lui apprendre un peu à vivre.

Mais malgré notre fou rire, nous avions des sujets sérieux. Notamment sa relation avec Sarah, sa rencontre avec cette fille paumée, droguée, vulgaire, mais à qui il semblait tenir comme à la prunelle de ses yeux. Pour lui, elle était l'évidence et je ne connaissais que trop ce sentiment. Sauf que je ne m'étais pas engagé dans une relation destructrice, au contraire d'Aaron et Sarah.

Il la connaissait depuis la primaire et il m'avoua, sérieux et à la fois un brin rêveur, qu'elle était sa copine depuis 10 ans... C'était beau oui, sauf que la fidélité ne semblait pas vraiment un critère dans leur couple étrange. J'avais vu Aaron avec des nanas et elles n'étaient pas Sarah. Un peu bizarre comme relation, mais si elle leur convenait... Je me contentai de hocher la tête avec un sourire pour abonder dans son sens.

Mais très vite, il préféra s'intéresser à Sasha et à la façon dont j'avais appris que c'était une fille. Ola, c'était long et pas très glorieux... Mais si il y avait bien quelqu'un qui ne me jugerait pas, c'était Aaron.

- "Un concours de circonstances hasardeux, je dirais."

Je me passai une main dans les cheveux, me mordant la lèvre, pour chercher par où je pouvais bien commencer mon récit.

- "En fait, Sorcha a calculé Sasha dans un magasin de fringues, habillée en fille... Ma sœur a eu l'idée absolument géniale de faire passer Blue pour son petit ami. En échange, elle n'aurait pas révélé son secret... Tu vois le coup tordu, un peu?"

Un petit soupir plus tard, je repris :

- "J'ai vu Blue attendre ma sœur à la sortie du lycée. Là, j'ai pété un câble et j'ai... agressé Blue. Non seulement, c'était un gamin qui trainait dans l'under, donc pas vraiment fréquentable pour ma sœur, mais en plus, Sorcha me volait quelque chose... Mon échappatoire, mon monde, celui dont j'avais besoin. Je sais pas si tu saisis ce que je veux dire par là, mais je me suis senti trahi. Et j'ai malmené Blue, en ignorant que c'était une fille."

Et ça, j'avais du mal à me le pardonner.

- "J'avais déjà eu un soucis avec Blake, et voilà que ma sœur et Blue s'y mettaient aussi. J'ai lâché prise... Blue m'a trouvé dans l'under en train de me droguer, pour la seconde fois. Ça l'a mis hors d'elle. Elle m'a trainé dans les tunnels, avant de m'engueuler. De fil en aiguille, elle a finit par m'avouer qu'avec ma sœur, c'était du pipeau, parce qu'elle était une fille. On s'est expliqué, on a renoué, on est sortis ensemble alors que je voulais qu'elle soit Sasha et j'en suis tombé amoureux. Voilà. Bizarre non?"

Je lui demandais donc comment il avait découvert que Sasha était une fille et il me répondit presque aussitôt que ce n'était qu'un concours de circonstance. Il m'expliqua alors que tous partait du fait que Sorcha avait découvert Sasha. Une suite de tentative foireuse pour le dissimuler à son frère la vérité. De quoi en faire sourire plus d'un je pense. Il me demanda donc si je voyais le coup tordu et je répondais par un immense sourire entendu, écoutant la suite du récit en cinq tome sur l'identité sexuelle de Sasha. Il enchaina alors sur le fait qu'il avait agréssé Sasha en croyant que c'était Blue qui attendait Sorcha. Il y avait de quoi péter un cable en même temps. Je comprenais totalement sa réaction. Si j'avais eu autre chose qu'une sous merde couverte de fond de teint comme soeur, j'aurais sans doute réagit de la même façon. Une suite logique de réaction visant à se protéger lui et sa soeur plus tard, Kieran m'annonça qu'il avait finit par lâcher prise et c'était réfugié dans l'Under.

C'est alors que Blue l'avait trouvé en train de se droguer. Et je fronçais presque automatiquement les sourcils. J'avais vraiment Kieran, il était hors de question qu'il joue avec sa vie. C'était mon trip à moi, pas à lui. Bref, Blue l'engueula et finit par lui avouer que c'était des cracks pour sa soeur et qu'en réalité elle était une fille. Ils finirent alors par se réconcilier et sortir ensemble. Jusqu'à ce que Kieran tombe amoureux. Il conclut sur le fait que c'était sans doute bizarre et je souris à nouveau.

— Pas plus que ta soeur avec autre chose qu'un prêtre …

Me levant alors j'allais me caler à côté de lui sur le lit. J'aimais vraiment ces petits moment de complicité. Je pense que cela allait vraiment me manquer.

— Je suis en train de me demander si les relations simples sont possible dans cette famille ?! Entre moi qui cherche la fille la plus shooté d'Angleterre et toi qui déniche la seul fille caché sous un look d'émo … Ouais, on ira loin plus tard ! On aime les défis !

Enfin moi je n'irais pas si loin que cela, mais c'était déjà pas mal. J'étais persuadé que Sasha et lui iraient très loin. Elle l'avait sauvé, ils s'étaient entre aidé. Alors que moi, j'avais détruit Sarah, je l'avais condamné à mourir avec moi et par amour. J'étais le pire des copains. Accepter que sa copine se suicide par amour, c'était ignoble. Et c'était sans doute pour cela que si je n'étais pas condamné je n'aurais sans aucun doute jamais accepté la situation. Mais la c'était complètement différent. J'étais foutu alors je profitais une ultime fois. Redressant alors le regard, je fixais avec sérieux Kieran.

— Quelque soit les raisons … Ne refait plus jamais de connerie Kieran … Rien, sauf la fin de ta vie te donne le droit de te détruire. Promet moi de toujours être conscient que tu es précieux, promet moi que jamais tu ne replongera et ce quelque soit les raisons. Promet le moi !

Pour moi c'était différent, j'étais condamné depuis mes quatre ans. Lui non, il avait la vie, une chose bien plus précieuse que la drogue elle-même.

- "Oh non pitié, ne me fais pas imaginer des trucs pareils!"

Je fis la grimace avant de rire. Sorcha avec un prêtre? Ouais, sans doute avait-elle le profil de la parfaite petite bonne sœur, une sainte, mais je doutais fortement qu'elle se destine à rentrer dans les ordres. Dommage, cela m'aurait évité de me faire des cheveux blancs.

Aaron se leva et vint s'asseoir à côté de moi sur le lit. Ces moments de complicité étaient rares, le fait que nous nous retrouvions seuls tous les deux était rare en fait. Trop de promiscuité. Il y avait toujours du monde dans cette maison. Même si ma tante et ma cousine ignoraient Aaron, on ne pouvait ignorer leur présence. Et Sorcha qui dormait avec nous ne facilitait pas la tâche non plus.

Alors pour une fois que nous étions entre mecs. Peut-être la dernière fois, songeais-je avec un petit pincement au cœur, alors que nous déconnions sur tout et n'importe quoi. Sur nos histoires d'amour notamment.

- "De sacrés défis. Mais qui en valent la peine."

Je ne savais pas pour sa Sarah, ne la connaissant pas assez pour me faire une opinion, mais concernant Sasha, c'était un défi que j'avais relevé avec brio et j'avais découvert la perle rare. Je ne regretterais jamais rien la concernant, sinon de l'avoir frappée alors que j'étais trompé. J'irais loin, sans doute. Pas Aaron.

Là, il me regarda avec gravité avant de me faire promettre de ne plus jamais cherché à me détruire parce que j'étais malheureux. j'ouvris la bouche pour répliquer, avant de la refermer, muet. Je supposais qu'un mec en bonne santé comme moi, qui se bousille quand lui était condamné et voulait vivre, ça devait être rageant. Mais pouvait-il comprendre le mal de vivre? Pouvait-il comprendre cette terrible mélancolie qui était tapie en moi? Qui était endormie par l'amour de Sasha, mais ressurgirait plus violemment encore si jamais elle m'en privait?

- "Aaron..."

Je soupirai, avant de ramener mes jambes vers ma poitrine, me recroquevillant comme un enfant pris en faute.

- "Je peux comprendre que tu trouves cela... injuste? Je n'ai jamais jugé ta façon de vivre, Aaron. C'est ton choix. Ne juge pas ce que je peux faire. Là dedans..."

Je montrai ma poitrine :

- "Il y aura toujours un côté sombre et dépressif, des griffes qui n'attendent que de me lacérer l'âme."

Ma main retomba.

- "Je suis heureux avec Sasha, vraiment heureux. Elle éloigne cette noirceur, ce mal de vivre, mais si elle venait à disparaître de ma vie... Je sais pas Aaron, je sais pas si je pourrais tenir cette promesse."

À sa voix, je compris de suite que le reste ne me plairait pas. Son attitude elle-même ne me plaisait guère. Il me dit alors qu'il comprenait que je trouve cela injuste. Il ne m'avait jamais jugé pour ce que j'avais fait et il n'aurait pu le faire. On ne disait pas à condamné qu'il devait vivre la vie d'un homme normal. Il ajouta donc que je ne devais pas le juger moi aussi. Pointant alors sa poitrine, il me dit qu'il y avait toujours une part d'obscurité et dépressive dans son coeur. Et que selon lui, ce n'était qu'une question de temps.

Ajoutant qu'il était heureux avec Sasha, qu'elle lui faisait du bien, mais qu'elle pourrait aussi le détruire, si jamais elle quittait sa vie. Il ne pouvait donc pas tenir cette promesse… Il ne semblait vraiment pas comprendre. Serrant les poings, mes bras se mirent à trembler sous la colère. Il ne comprenait pas. Il ne savait pas ce que c'était de voir des gens vivre votre mort. Il ne savait pas ce que c'était de voir les gens craindre chaque jours la fin. Il ne savait pas ce que c'était de lire une douleur latente dans les regards sans pouvoir l'étouffer. Il ne savait vraiment pas. Il ne pouvait pas comprendre ce qu'on ressentait.

— … Si Sasha venait à disparaitre, tu préférais te laisser prendre par la mort … En oubliant tous ceux qui risqueront d'être aspiré dans ta chute …

Me levant brutalement, je fis un pas en avant.

— T'es con …

Des larmes coulèrent malgré moi le long de mes joues alors que je tentais de rester calme. Mais je ne pouvais. Je ne pouvais fermer les yeux face à ça. Je ne pouvais vraiment pas. Il n'avait aucune idée de la chance qu'il avait, il n'avait aucune idée de ce que pouvait-être la vie d'un condamné. Moins de limite, la vie … Mais surtout, le spectre de la douleur, la peur de la mort. Savoir qu'à chaque seconde l'on remet sa vie en jeu. Savoir que sa mort entrainera la déchéance d'autre. Me retournant alors, je me surpris à crier. Oui, je n'arrivais pas à concevoir.

— Tu n'es pas le seul à avoir des parts d'ombre, tu n'es pas le seul à avoir souffert Kieran ! Tu as la vie putain ! Un avenir ! La putain d'optique de vieillir et pouvoir un jour avoir une famille, des enfants, des petits enfants ! Tu as un futur, ce n'est pas juste un rêve, tu fais des études pour construire ta vie ! T'es pas figé, tu n'es pas coincé à une date butoir ! Tu vie dans l'insouciance de la mort et tu voudrais la provoquer pourquoi ? Car la femme que tu aimes aurait disparu ? Mais tu réalises ?! Si elle te quitte c'est que vous ne pouviez pas aller plus loin et si jamais elle meurt … tu crois qu'elle aimerait savoir que tu te laisseras mourir pour elle ?! T'as pensé deux secondes au pourcentage de chance que cela arrive lorsque tu seras marié et aura eut des enfants ?! Tu y as pensé ?! À cette possibilité de te foutre en l'air alors que des vies dépendent de toi ! Mais putain Kieran, j'aurais cru que tu aurais plus de respect pour la vie que ça ! J'aurais cru qu'en ayant vécu la perte de tes parents, tu aurais compris ce que c'était de perdre un proche ! Mais non … Tu préférés penser à la possibilité de faire subir ca à tout ceux que tu aimes …

Prenant enfin un pause, je secouais la tête avant de reprendre. Ne lui laissant pas le temps d'en placer une.

— Je sais que Sarah ne me survivra pas et j'ai refusé pendant dix ans de lui avouer que je l'aimais juste pour qu'elle me survive … Tu crois que j'assume de causé la mort de celle que j'aime ? Tu crois que Sasha assumerait aussi ?!

Détournant la tête vers la fenêtre, j'essuyais mes larmes du revers de la mains.

— Je t'aime comme un frère, car tu es mon frère. Tu es celui qui m'est le plus cher ici … Et tu es juste incapable de me promettre de faire attention à toi. C'est comme-ci Sorcha te disait qu'elle ne croyait plus en rien et qu'elle allait dans l'under, juste pour le fun …

Comment une discussion détendue et complice avec mon cousin pouvait-elle dégénérer en dispute? Enfin, dispute, c'était un bien grand mot, pour qu'il y ai dispute, il fallait encore que les deux partis s'énervent, hors, Aaron s'enflammait tout seul, outré par mes propos, choqué, ulcéré, cochez la mention inutile. Il n'avait pas l'air de très bien saisir ce que c'était que d'avoir vu mourir ses parents sous ses yeux, de se retrouver complètement seul et sans repère avec cette culpabilité atroce qui vous ronge l'âme encore et toujours. D'accord, j'avais Sorcha et je tiendrais le coup pour elle, j'avais promis, mais viendrait bien un jour où elle vivrait sa vie et où je ne serais plus si important que cela. Elle aurait du chagrin...

Alors pourquoi est-ce qu'à entendre Aaron parler j'avais l'impression d'être un putain d'égoïste? Je le trouvais sérieusement gonflé de me faire la morale, quand monsieur devenait le centre de l'univers d'une droguée qui allait surement se détruire quand il n'en ferait plus partie. Et là, je me contredisais totalement alors que je l'avais rassuré toute à l'heure à ce sujet. Super, il me rendait incohérent à m'engueuler.

Ses larmes me surprirent, mais j'étais davantage fixé sur sa colère que sur sa tristesse alors qu'il me déballait tout ce qu'il avait sur le cœur. En gros, il s'imaginait que j'allais avoir LA vie qu'on lui refusait. J'avais l'impression qu'il me demandait de vivre ce qu'il ne connaîtrait jamais et je n'aimais pas vraiment ce poids qu'il mettait sur mes épaules, ce rôle qu'il me faisait endosser. Fais tes études Kieran, ai un métier, épouse une femme, fais des gosses. VIS. Voilà sa leçon. Et je me sentis honteux qu'il doive se mettre dans un état pareil pour me dire un truc qui était évident pour tout le monde et que je comprenais tout à fait objectivement.

Sauf que j'avais transféré mon mal de vivre sur mon amour pour Sasha. Elle était ma bouée de sauvetage en quelques sortes. Notre relation était assez récente mais solide. Peut-être qu'avec le temps, elle réussirait à me débarrasser totalement de mes démons. Je me levai à mon tour, je n'aimais pas qu'on parle de mes parents. Qu'il en parle alors qu'il ne savait rien.

- "Qu'est-ce que tu peux bien savoir de ma douleur de les avoir perdu, hein? Tu crois que d'être condamné te donne le droit de juger et dicter la conduite des autres? Tu crois que tu sais tout? Tu n'étais pas là, Aaron! Tu n'étais pas dans la voiture, tu n'étais pas celui qui a détourné l'attention du conducteur, tu n'es pas celui qui les a vu mourir, qui a blessé sa sœur et arraché ses rêves! Alors ne parle pas d'eux!"

Comme en empathie avec lui, je décolérais alors qu'il se calmait et me parlait de Sarah.

- "Tu n'es pas responsable de ses défauts. De son accoutumance à la drogue. De son amour pour toi. Comme Sasha n'est pas responsable de mes phases dépressives. Ce serait bien que vous le compreniez."

Sa soudaine vulnérabilité me touche et je soupira, ma colère désamorcée, alors que ses larmes provoquaient un nœud de mauvaise augure dans ma gorge. Ah non, il n'allait pas me faire pleurer cet abruti! Hors de question. Je me rapprochai d'Aaron et posai ma main sur son épaule.

- "Je suis désolé. Je te promets de tout faire pour m'accrocher, d'accord? Pour toi, pour Sorcha, pour Sasha. Pour lui éviter cette culpabilité idiote. Pour que ma sœur ne se retrouve pas seule."

Je haussai les épaules, avant de glisser doucement :

- "De toutes façons, la question ne se pose pas pour le moment, je vais bien, Aaron."

Sasha et moi allions bien, il n'y avait pas à se pourrir la question avec des hypothèses.

- "Ça ne fait qu'un an qu'ils... sont morts. Je pense qu'il faut plus de temps que ça pour l'accepter et continuer sa vie, pas toi?"

Et à ce décès allait se rajouter le sien. Je n'en dis mot, mais cela flottait dans les non dits.

Tu vas me manquer.

Il s'énerva aussi mais je ne relevais pas. Je pouvais lui dire quoi ? Que j'avais tué ma mère à petit feu ? Qu'elle avait failli mourir ? Non, nous étions pas comparable. Alors je parlais de Sarah, du fait qu'elle mourrait elle aussi. Il me dit alors que je n'étais pas responsable de ses défauts. Je n'étais pas responsable de ce qu'elle était devenu. Comme Sasha ne l'était pas de ses travers à lui. Il dit alors qu'elle comme moi devrions le comprendre. Nous nous mettions à mal avec ça.

Posant alors une main sur mon épaule avant de reprendre. Il s'excusa, me promettant d'essayer. Et ce pour tout le monde. J'espérais bien qu'il essayerait, cela me tuerait de le voir se foutre en l'air ainsi… Enfin, façon de parler. Il ajouta donc que la question ne se posait même pas. En effet la question ne se posait pas pour le moment. Il allait bien… c'était le principale dans le fond.

— Désolé, c'est juste que … voilà…

Il ajouta donc que cela faisait qu'un an qu'ils étaient mort, le traumatisme était trop présent. Et j'espérais vraiment que le temps finirait par penser ses blessures. Il méritait de pouvoir vivre sans ce poids. J'hauchais la tête. Oui, il fallait du temps pour panser ses blessures. Et je m'en voulais d'ajouter le mien… C'était dans ses moments là que j'espérais vraiment que cette femme ai raison. Qu'elle ne mente pas, qu'elle soit bien ce qu'elle disait et que je ne le quitte pas. Que je n'abandonne pas ce frère.

— Tu finiras par relever la tête …

M'avançant brusquement, je le pris dans mes bras. Le serrant contre moi. Un échange bref au quel je mis fin.

— Merci d'avoir fait de ces dernier mois les meilleurs que j'ai vécu depuis des années…

Les derniers aussi, merci d'avoir fait de cet enfer un paradis. Merci d'avoir finit par me sauver … Merci Kieran. Allez, on arrête de pleurer maintenant. Essuyant mes larmes du revers de la mains, je lui souris timidement. Essayant de m'excuser pour tous.

Je n'aimais pas m'emporter. Surtout face à Aaron, qui, finalement, ne faisait que dire la vérité. Je ne pouvais pas me foutre en l'air comme ça, quand lui aurait adoré vivre sa vie. C'était égoïste et au plus profond de moi, je le savais bien. C'était peut-être la réelle raison de ma colère. Savoir qu'il avait raison et que j'avais tort, en toute objectivité, mais quand la douleur s'en mêlait, il était difficile de rester logique et froid.

Alors je me calmai, m'excusant de mon coup d'éclat et promettant de faire en sorte de me rappeler de cette conversation et d'honorer ma promesse. De garder la tête hors de l'eau quoiqu'il arrive. je voulais le rassurer à ce sujet. C'était inutile de parler de malheur pour le moment. J'étais heureux, je n'avais pas l'intention de me suicider. Il me semblait normal qu'en un an, le deuil de mes parents ne soit pas encore accompli. Il me fallait du temps. Un temps qu'Aaron n'avait plus. Il ajouta que je finirais par relever la tête et j'acquiesçais, avec un petit sourire torve :

- "Je suis déjà en train je crois."

Sourire qui mourut brusquement quand Aaron s'avança vers moi et me prit impulsivement dans ses bras. Je me raidis, surpris, avant de soupirer et de refouler des larmes qui n'étaient jamais très loin quand on abordait le sujet de la mort prochaine d'Aaron. Sauf que si l'étreinte avait déjà miné quelque peu mes efforts, la phrase qu'il prononça termina de saboter mon contrôle et une larme coula alors que ma gorge se serrait. Je levai les yeux au ciel et essuyai rageusement cette larme.

- "C'est petit de te venger en me faisant chialer, tu sais?"

Ma voix tremblait un peu trop à mon goût.

- "Je regrette de ne pas t'avoir connu plus tôt."

Je souris, tentant de garder contenance.

- "Tu nous as accueilli Sorcha et moi, à bras ouverts, malgré tout. Tu as adouci mon arrivée dans cette ville. Je crois que nous sommes quittes."

Je me passai une main sur le visage, chassant l'émotion, ou du moins, essayant de ne pas fondre en larmes comme un gamin de 5 ans.

- "Allez, stop les pleurs, c'est nul de pleurer. On est des mecs virils et sexy, on a une image à conserver."

L'étreinte que je lui avais imposé n'avait pas été sans effet. En effet, j'avais sans aucun doute mit la résistance de Kieran à rude épreuve et je l'achevais sans aucun doute lorsque je lui dis qu'il avait fait de ces derniers mois les meilleurs depuis longtemps. Il m'annonça donc c'était petit de se venger en le faisant pleurer. Ouais, mais c'était comme ça, je n'allais pas lui mentir pour l'épargner. Bien au contraire. J'avais besoin de lui dire, car derrière nos fierté respective se cachaient deux personnes qui s'appréciaient beaucoup et qui aurait sans aucun doute du mal à se quitter.

Il dit donc qu'il regrettait juste de ne pas m'avoir connu plus tôt. Oui, le temps aurait été sans aucun doute plus agréable avec lui. Et je me serais peut-être battu un peu plus pour cette vie que je me savais refusé. Un combat qui aurait prolongé notre vie ensemble. Mais dans un sens … Si nous avions été plus longtemps en contacte j'aurais craint que notre séparation soit un deuxième coup d'épée.

Il tenta alors de reprendre le dessus, souriant en reprenant. Il me dit que je les avais accueilli à bras ouverts. Que j'avais adouci son arrivé dans cette ville. Nous étions quittes en effet. Il m'avait offert une fin majestueuse, je lui avais offert une entrée douce et agréable dans cette ville. Nous nous étions aidé et sauvé mutuellement. Allez, on arrête de pleurer, on se reprend Aaron. Et comme si il avait lu dans mes pensées, il dit exactement ce que j'étais entrain de penser. Des mecs sexy comme nous ne devions pas pleurer. Nous avions une image à conserver. Souriant alors je répondais à cette magnifique conclusion.

— En effet, on ne va pas ouvrir le bureau des pleures. Il serait dommage de perdre nos images d'homme de tout situation.

Essuyant alors mes yeux, je me dirigeais vers mon lit.

— Par contre, ce n'est pas que je ne veux pas parler avec toi, mais j'ai l'impression de mourir depuis ce matin, alors je vais aller dormir, histoire d'éviter de me foirer vraiment aux exam'.

Ok, je mourrais vraiment, mais là, c'était de fatigue que je parlais. Retirant mes chaussures, je me glissais dans mon lit, m'éclatant sur mon oreiller, je tournais la tête vers Kieran.

— Tu peux faire du bruit, à mon stade de fatigue ca ne me réveillera pas !

Voilà, allez on arrête de chialer comme un gosse ou une gonzesse. Putain, Aaron avait le chic pour réussir à faire sortir les émotions les plus violentes en moi, c'était hallucinant. J'étais tellement bouleversé par l'approche de sa mort aussi... Et il se mettait à nu devant moi, me livrant ses pensées, comme je lui livrais les miennes, en un rare moment de totale sincérité. Nous ne vaincrions pas sa putain de maladie. Mais je conserverais le souvenir de ce cousin génial, trop peu connu, toute ma vie. Je ne voulais pas qu'il meure. Je ne voulais pas qu'il disparaisse de ma vie et qu'il laisse un trou béant. Un de plus. Son absence serait terrible.

Je le regardai se diriger vers son lit, épuisé. Il tirait trop sur la corde et je ne l'aidais vraiment pas en stimulant ainsi de vives émotions en lui. Il s'excusa de sa fatigue, voulant dormir et ne pas foirer ses examens. Je ne relevais pas ses paroles concernant le fait qu'il avait l'impression de mourir depuis le matin. Parce qu'il mourrait vraiment. J'esquissai un sourire feint alors qu'il me disait que je pouvais faire du bruit, cela ne le réveillerait pas.

- "C'est noté. Ne ronfle pas trop, j'ai le sommeil léger."

Il devait vraiment être épuisé, parce qu'il sombra très rapidement dans un sommeil profond et je le croyais sans mal quand il disait que je ne risquais pas de le réveiller. Je gravai ses traits dans ma mémoire, remarquant son visage émacié. Il avait l'air vraiment fragile quand il dormait, comme si toute sa force était endormie et cessait de le porter.

En silence, je quittai la chambre, quittai même la maison pour marcher au hasard, troublé, malheureux et ayant besoin d'évacuer un trop plein de tension.