Cible mouvante a droite | Kieran, Sorcha

Un ami sur qui compter…Merde Kieran ! Tu avais pas le droit de me faire ça ! Ces mots, ils ne cessaient de tourner en boucle dans mon esprit. Je crois même qu’ils m’avaient filé la migraine. Putain ! Je shootais dans une canette de coca qui trainait sur le trottoir. Il avait pas le droit de me dire des conneries pareilles ! J’étais pas un pote ! Je me passais la main dans les cheveux, nerveuse en fait. J’ avais pas mis ma casquette pour une fois, mais je décarais pas de mon style habituel. De toute façon, Sorcha savait très bien ce qu’il en était j’allais pas faire style j’me pomponne pour ma copine si ?

J’avais pris mon aprem juste pour ces conneries ! Aller la chercher a la sortie des cours, putain mais qu’est ce qui m’avait prit ?! Mais vala, j’avais dit, je faisais, c’était idiot et surtout, si je ne le faisais pas, elle allait tout balancer a son frère. Je plongeais les mains dans les poches de mon sweat. Allez, quand on a bu la coupe, autant le faire jusqu’au bout ! Je risquais quoi ? une engueulade ? Ouais sans doute, le pire étant que je pourrais rien dire donc faudrait supporter. En fait, j’me demandais c’était quoi le but de sa frangine…passer du temps avec son frère, okay mais encore ? j’le sentais pas très nette a ce sujet mais bon. Un mauvais moment a passé quoi…Je ricanais. Super le mauvais moment en fait…

Ce foutu quartier, je le connaissais mal, j’avais jamais eu la chance d’aller dans ce lycée, mais ça allait, je savais où il était alors une fois devant, je le regardais bizarrement en me demandant ce qu’il pouvait bien ce passer derrière ce mur, cette grille. Parfois, j’me prenais une vague d’envie en pleine gueule comme maintenant, je connaissais pas cette vie et j’me demandais ce que ça faisait. C’était débile, j’aurais pas cette chance.

Finalement, je m’adossais au mur, a coté de la grille, posant un pied dessus sans me soucier de le dégueulasser ou non. Après, je savais même pas quoi faire avec Sorcha en fait…Faire les boutiques ? Nan autant aller me pendre…Aucune idée…Super !

La sonnerie me sortit de mes pensées et j’appuyais mon crâne contre le mur. Ben y avait plus qu’a attendre…

J'avais bien dormi 5 heures dans l'après midi hier. J'étais rentré vers 1h, j'avais mangé, ce qui avait enfin fait passer mes nausées et mon sentiment de malaise et je m'étais couché. Quand j'avais émergé, Sorcha venait de rentrer dans la chambre et avait eut un temps d'arrêt en voyant mon visage violacé. Bonjour l'ambiance. Comme si c'était de ma faute. Je n'avais pas cherché la bagarre. Si j'avais déjà eu des altercations musclées en Irlande, là, depuis l'accident, je me tenais à carreau et je muselais mon sale caractère. Non, vraiment, ce n'était pas de ma faute. Je ne pouvais pas savoir qu'un prof s'était entiché d'une copine et qu'en l'embrassant, j'allais le rendre jaloux et me prendre son poing sur la gueule. L'aspirine avait légèrement fait refluer la migraine. Légèrement. J'avais toujours la tête trop lourde, mais là, je soupçonnais un effet secondaire de tout ce que j'avais avalé. Et l'odeur n'échappa pas à Sorcha.

J'avais passé le reste de la soirée dans un certain mutisme, à réviser mes cours, avant d'aller me coucher tôt pour tenter d'enrayer cet état léthargique bizarre. Si bien que je m'étais levé ce matin à peu près frais. J'étais allé au lycée avec ma sœur et j'avais du supporter les regards des autres sur mon œil au beurre noir. Pour le coup, j'étais vraiment plus sombre que d'habitude, le visage fermé et le regard noir. Ne pas approcher, Kieran méchant. J'évitai soigneusement Blake. Enfin, non, je l'ignorais. Complètement. Si elle tenta une approche, je n'y fis même pas attention. N'essaie même pas de me parler, où je vais te rembarrer à te faire pleurer... Elle n'avait jamais eu droit à mes sarcasmes. Qu'elle ne découvre pas combien je pouvais être mauvais quand j'étais en colère. Ou déçu. Mon expression dut la dissuader de faire quoique ce soit et elle se tint tranquille. Va donc régler tes problèmes avec Hartwood.

Moi, j'étais désespérément seul aujourd'hui. Pas de Blake pour me remonter le moral et me raconter tout un flot de conneries qui me divertissent. Rien du tout. J'assistais aux cours, sans être concentré, en espérant que la journée allait vite se terminer.

Et quand enfin la cloche sonna, je fus l'un des premiers à franchir la grille dans l'autre sens. J'attendrai Sorcha dehors, c'était aussi bien. Qu'elle ne fut pas ma surprise de reconnaître une petite silhouette mal attifée... Blue était appuyé contre un mur, devant mon lycée. Quelle surprise. Enfin un visage amical. Et pas de mauvaise surprise. Je me dirigeai vers lui, un peu plus souriant.

- "Eh salut Blue, qu'est-ce que tu fiches ici?"

Je lui tendis la main pour le saluer, avant de reprendre en plaisantant :

- "T'attends une copine?"

J'avais été dans ce cas, de faire le pied de grue en attendant une fille, comme un parfait petit ami.

Y avait des jours comme ça où on aurait mieux fait d’aller se coucher. Pourquoi étais je surprise de voir débouler Kieran ? L’idée qu’il puisse être dans le même lycée de sa sœur aurait du me sauter a l’esprit. Mais fallait croire qu’il m’avait définitivement courcircuité le cerveau. Le regarder, c’était me rappeler ces bras autour de moi. C’était idiot, y avait aucune signification la dedans, c’était fraternel, sans plus mais je me souviens avoir rougit, les joues brulantes alors que je n’osais pas bouger. Il m’avait prise par surprise c’était un fait et j’avais eu du pot d’avoir réussis a me ressaisir assez rapidement. Seulement voilà, je n’arrêtais pas d’y penser…Avec la connerie que j’étais en train de faire concernant sa sœur. Il me tendit la main et je dégageais ma mienne de mes poches pour la serrer.

« ‘Lut…Ben ça a dégonflé dis donc. »

Je levais les yeux sur son œil, réussissant a garder un air neutre, quoiqu’un peu embarrassé par sa question. Machinalement, je détournais le regard en me grattant la tempe. Merde ! Je n’avais pas imaginé ça comme ça…En fait, je n’avais pas du tout imaginé. Je regardais un instant derrière lui, rêvant de voir débouler Sorcha, histoire de ne pas être seule dans cette galère…

« Ouais, on peut dire ça… »

Marmonnais je avant de me jeter à l’eau en espérant que j’allais pas me faire démonter. De sur j’allais me prendre une engueulade sévère déjà mais bon. Je ne prêtais que peu d’attention au flot continu des élèves qui sortaient. Certains me regardaient bizarrement et j’me demandais même si je n’entendis pas les mots dealeur ou délinquant, possible, ça ne me touchait plus de toute façon. J’avais jamais dealer.

Allons boire joyeusement la tasse.

« J'attends ta soeur...En fait. »

Enfin pas tout à fait, disons que j’avais dit que je viendrais la chercher…J’osais même pas le regarder là ! Allons allons, y avait pas de raison de speeder, il allait pas me sauter dessus, juste pousser une gueulante ! C’était pas la mer a boire si ? Sauf que là, j’avais pas vraiment envie de me faire hurler dessus alors qu’en fait, je sortais autant avec sa sœur qu’un caniche avec le yéti. Mais ça, il pouvait pas vraiment le savoir hein ?

- "Ouais, grâce à tes bons soins."

La glace et l'arnica, ça avait fait des miracles. Alors bien sûr, on voyait que je m'étais pris un pain, mais ce n'était pas aussi moche que je n'aurais pensé en me couchant hier soir. C'était violet, dans quelques jours, ce serait jaunâtre. Mais au moins, j'avais les deux yeux ouverts. Juste que j'attirais l'attention avec ça et je détestais ça. Je lui demandais ce qu'il fichait là, avant de plaisanter sur le fait qu'il devait surement faire le pied de grue pour une nana. J'eus d'abord le droit à une vague réponse, alors qu'il regardait le flot d'élèves derrière moi. Je détournais un instant le visage, cherchant du regard ma sœur quand il reprit la parole et là...

Bug.

Mon cerveau s'arrêta. Je tournais de nouveau la tête vers lui, mécaniquement.

- "Pardon?"

J'avais mal entendu non? Il ne venait pas de dire qu'il attendait ma sœur quand même? Mon pote, Blue, le gosse qui m'avait accueilli hier et avait entendu mes confessions, ne sortait quand même pas avec MA petite sœur. Là... La bouffée de rage que j'avais étouffé hier ressurgit brutalement et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je plaquai violemment Blue contre le mur. Ma main droite agrippa son épaule et je le poussai, plaquant ses omoplates contre la surface dure alors que mon avant bras l'étranglait presque. Mon regard était plus mauvais que jamais alors que j'approchais mon visage du sien et que je sifflais :

- "J'ai mal entendu n'est-ce pas? Tu n'es pas en train de me dire que tu sors avec ma sœur?"

J'étais menaçant et je ne me souvenais pas avoir ressenti une telle bouffée de rage et de violence depuis un sacré moment. Comme si c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Pas de bol, c'était Blue qui allait trinquer. je le décollais du mir, avant de le repousser de nouveau alors que je balançais :

- "Putain, tu ne l'as vue qu'une fois ma sœur! Comment tu l'as revu? Et pourquoi tu ne me l'as pas dit? J'étais chez toi hier, j'étais chez toi samedi dernier! Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu la fréquentais? Je t"interdis de sortir avec elle! Ton monde n'est pas le sien, je ne veux pas qu'elle plonge là dedans! Pas elle!"

Je pétais un plomb là. J'étais dégouté. Après Blake... Blue. Mais pourquoi me poignardaient-ils tous dans le dos l'un après l'autre? Je n'avais pas suffisamment souffert comme ça? ils avaient décidé de piétiner notre amitié et de me faire payer mes erreurs? La trahison de Blake faisait mal, mais celle de Blue était encore pire. Parce que j'avais pensé que de lui, je n'aurais jamais à craindre un coup fourré. Raté.

Bon c’est partit, j’allais me faire engueuler.

Sauf que j’aurais préféré me faire engueuler en fait.

Je n’ai pas eu vraiment le temps de bouger, je ne m’y attendais vraiment pas. J’me doutais que ça passerait mal mais a ce point. Oh un mur ! Chouette, j’adore les murs, sauf que là, ça faisait un poil mal. Je n’étais pas épaisse du tout, alors espérer atténué le choc, c’était peine perdue. Je serrais les dents quand la douleur se répercuta dans tout mon buste. Merde ! Ca vibrait dans ma cage thoracique et que dire de ma gorge qui fut proprement prise d’assaut. Incrédule, j’ouvris grand les yeux pour me prendre le sien en pleine face. A vrai dire, j’aurais sans doute du avoir peur mais sur le coup, j’étais trop surprise pour réagir réellement.

« Putain mais t’es malade ou quoi ?! »

Evidemment, quand on est a moitié étranglée, ça perdait de son impact. Je ne comprenais pas vraiment l’ampleur de sa réaction et elle me laissait sur le cul. Il en faisait pas un poil trop là ? Mais je crois que plus que tout, c’est la blessure qu’il ouvrit sans même s’en douter. J’étais choquée, blessée. Je ne pouvais même pas lui dire que secouer une fille comme un prunier, ça ne se faisait pas. Risible. Je vivais comme un mec depuis longtemps, alors je devais en supporter les conséquences hein ? Mais ça faisait mal, profondément. Et il éructait. Je ne comprenais que la moitié de ce qu’il disait, un peu trop occupée a tenter de respirer.

« Lâche moi ! »

Sifflais je comme je pouvais en sentant toujours la pression sur ma gorge. Oh a un moment, j’ai bien cru qu’il allait m’écouter…Et ben non en fait, re mur et là, j’eus une image débile en tête, le type qui soulève a bout de bras son adversaire en le tenant d’une main a la gorge…Enfin là, techniquement c’était le coude. Mais je commençais a manquer un peu d’air. Merde mais qu’il me lache ! Ok, j’avais interdiction de sortir avec elle, bien reçu mon capitaine !

Par contre, la colère remplaça subitement la colère dans mes iris sombres. Ah mon monde n’était pas le sien…Comme il est pas le tien hein.

« Mon monde, il est pas fréquentable hein ? Il est juste bon a s’envoyer une Rabbit de temps en temps hein Kieran ? Après tout, les filles la dedans, elles valent pas grand-chose pas vrai ? Mais c’était toujours bon a prendre pour toi nan ? Ca c’est sur, tu vaux largement mieux que moi. »

J’avais pas d’autre choix que de presque chuchoter mais sur le coup, j’étais déçue. Vraiment déçue. Finalement, y avait toujours des barrières entre lui et moi. Y aurait toujours quelque chose parce que je sortais pas du bon coté. Et ben nan, j’étais pas la bonne fille à papa, j’étais pas bourge, ni rien. J’étais juste une ex camée qui essayait de s’en sortir comme elle le pouvait, mais j’étais pas assez bien apparemment.

Seulement, parler me faisait expirer et pour inspirer, fallait qu’il desserre et pour qu’il desserre…Fallait le faire lacher prise, ouais, plus facile a dire qu’a faire…J’avais pas le choix, je lui envoyais mon pied dans le tibia et vu l’épaisseur de mes groles…J’aurais été ce qu’il dépeins , j’aurais frappé son genoux malade mais je ne le fis pas, je frappais l’autre. Du plus fort que je pouvais, tout ce que je voulais, c’était respirer a nouveau.

Moi, malade? Ouais, surement. Ils me rendaient tous malades à me faire des crasses quand je m'y attendais le moins. Blue savait exactement ce que j'avais traversé, il savait pour la trahison de Blake et il s'étonnait de ma réaction? Mais c'était qui le malade? Merde! Ça faisait des mois que je luttais contre cette rage qui me brulait! Rage devant le sort qui s'était ainsi acharné Devant l'injustice, devant l'abandon, devant les remords. Je n'étais qu'une boule de rage et d'amertume! j'avais tout contenu, de même que mon chagrin, mais là, je ne pouvais plus.

Je craquais.

C'était aussi simple que ça.

Non, je n'allais pas le lâcher. J'allais démolir son visage d'ange pour s'être ainsi foutu de ma gueule! J'en avais ma claque de recevoir des coups, d'encaisser, sans jamais broncher. Et je ne parlais pas des coups physiques, qui étaient bien risibles à côté du reste. Je prononçai alors des paroles dures, nées de la colère, que je regrettai presque quand je vis son regard se charger de nuage et qu'il me répondit dans murmure rageur et ironique que son monde était bon pour moi pour me taper des nanas. Mais pas assez bien pour Sorcha.

- "La ferme. Tu sais très bien ce que je veux dire par là. Tu l'as dit toi-même, elle n'a pas sa place là dedans! Et qu'est-ce que ça peut te foutre que je me tape des filles de là-bas hein? Franchement, en quoi ça te regarde? Je n'ai jamais dis qu'elles ne valaient rien, juste qu'elles ne recherchaient pas le grand amour juste l'éclate et que ça me convenait! Ne me fais pas passer pour le méchant de l'histoire, j'en ai assez! Tu savais que ça me foutrait en rogne, sinon, tu me l'aurais dit! Tu le SAVAIS."

Tu savais que ce que tu faisais était mal, que cela allait briser notre amitié. Et tu ne l'as pas empêché... Il aurait très bien pu me demander mon avis avant de sortir avec elle, j'aurais surement accepté, ou du moins, je ne l'aurais pas prit aussi mal. ils se cachaient de moi, et ils savaient qu'ils faisaient une connerie. C'est alors que Blue me frappa avec son pied sur le tibia et que je le lâchais automatiquement sous le coup de la douleur. Putain de merde, il ne manquerait plus qu'il me casse l'autre patte!

Je vis rouge. Je pétais les plombs, littéralement. Et je savais que plus tard, je m'en voudrais à mort de m'être ainsi laissé allé à la violence sur un pote. Enfin, ex-pote. Je me jetai sur Blue, le poussant violemment des deux mains sur la poitrine, le faisant ainsi trébucher et tomber. Avant de me ruer sur lui et de l'attraper par le col de sa chemise.

- "Pourquoi tu m'as fait ça? Pourquoi tous mes amis me trahissent les uns après les autres hein?"

Je ne pensais jamais le voir dans cet état là. D’ailleurs, je ne l’en pensais pas capable…enfin pas pour ça. C’était trop gros, trop violent et même si j’avais pu avoir l’habitude d’être malmenée physiquement, je devais bien avouer que là, je morflais. On ne pouvait pas péter un câble comme ça juste pour…ça, c’était pas possible. Non en fait, je n’aurais jamais cru qu’il puisse s’en prendre physiquement a moi. Pas ce déchainement de violence que je n’arrivais pas a comprendre, pas a endiguer, j’avais juste a encaisser. Sauf que je n’avais pas la carrure de Kieran, j’étais beaucoup plus fragile, je n’arriverais pas a encaisser du tout. C’était pas pour rien que je préférais la fuite. Mais là, pas moyen de fuir.

Game over comme on dit.

Ouais, je savais que ça risquait de le foutre en rogne. Ca je ne pouvais pas le nier, seulement je n’imaginais pas l’ampleur de la chose. Me faire secouer allait bien cinq minutes, mais je savais que je risquais de me prendre une droite et que là, je ne pourrais pas me relever indemne. En quelques secondes, je voyais notre relation basculer inévitablement et ça me déchirait. Je serrais les dents, la gorge comprimée. Hier, il se confiait a moi, aujourd’hui, il me tapait limite dessus…D’un extrême a l’autre, je ne pouvais pas suivre sans y laisser des plumes c’était certain.

« Et moi je dis juste que je suis pas toi bordel !»

A l’entendre j’allais entrainer Sorcha dans les bas fonds et pourquoi pas la prostituer pendant qu’on y était ! Il en savait plus que certain sur moi mais il me pensait assez débile pour faire une connerie pareille. Maintenant, j’en venais a me demander si en fait…Je n’avais pas été qu’un sympa passe temps. Un gamin qui l’amusait assez, qui le sortait de son ennui. Un jouet amusant qu’on jette si il a des velléités de liberté. En fait, est ce qu’il m’avait seulement écouté ? Alors ouais, la blessure se transforme souvent en colère et lui, il me faisait vraiment mal. Je lui envoyais mon pieds dans le genoux, évitant soigneusement l’autre. J’étais conne sur le coup là, pourquoi est ce que je prenais encore des gants comme ça hein ?

Je pus enfin respirer et j’étouffais une quinte de toux alors que l’air s’enfilait a gros bouillon dans mes poumons. J’étais a moitié sonnée et au lieu de me mettre hors de portée, j’ai pas bougé, comme une débile, essayant de reprendre mon souffle. Souffle qui fut brutalement coupé par un choc brutal, après le dos, la poitrine. Bon là je crois que rien ne me sera épargné. J’eus une sorte de hoquet étranglé lorsque je me sentis littéralement propulsée en arrière. Je tendis les mains derrière moi, comme un reflexe pour amortir la chute et le macadam me déchira la paume des mains alors que mon coccyx faisait joyeusement connaissance avec le sol. Si ça continuait comme ça, j’allais vraiment finir par me casser quelque chose et là, ce serait la cerise sur le gâteau. Une douleur intense me vrilla le poignet..Ah…Merde…Mais pas le temps de s’appesantir en fait, j’écarquillais les yeux lorsque je le vis se ruer sur moi. On aurait dit un bulldozer et moi, j’étais pas taillée pour encaisser un bulldozer.

« Tu vas te calmer putain !? »

J’essayais de reculer mais a peine avais je poser ma main droite sur le sol que la douleur enfla a nouveau, fusant le long de mon bras, cédant sous mon poids, résultat, c’est mon coude qui prit en suivant. Ah putain !

J’affrontais son regard sans ciller, même si j’avais l’impression d’être écrasée, d’être plus rien du tout…

« Je suis pas ton punching ball Kieran ! J’ai pas a prendre pour les autres ! »

Ouais, c’était exactement ça, je prenais pour les autres en prime. Il explosait et il fallait quelqu’un pour encaisser et là, pas de bol, ça tombait sur moi…Je lui agrippais un poignet, tirant dessus pour qu’il me lâche et c’est là que je remarquais ma paume en sang, enfin, remarquer…disons que je m’en aperçu sans vraiment y faire attention en fait.

« Arrête, tu me fais mal ! »

Ben voyons, vu l’état de nerfs, je suis presque sure que ça lui faisait plaisir sur le coup.

Plus la journée avançait et plus j'avais peur. Parce que je commençais à penser que j'avais peut-être - un peu, voire beaucoup - abusé. Je savais que Kieran le prendrait mal, ce que je ne savais pas, c'est jusqu'où son amitié avec Blue allait. Est-ce qu'il se contenterait de grimacer puis de nous offrir sa bénédiction ou est-ce que ce serait plus sérieux ? Au fond de moi, je m'en voulais, mais je savais que je serais vexée s'il nous acceptait si facilement. Parce que ça voudrait dire qu'il ne tenait plus à moi autant qu'avant. Ou bien qu'il aimait Blue autant que moi désormais, ce qui revenait un peu au même. C'était puéril, mais je voulais être le seul objet de son affection. Moi non plus, je n'avais pas aimé qu'il aie des copines.

La sonnerie avait retenti depuis longtemps et ce foutu prof de maths nous gardait, encore et encore et encore, et moi je me demandais si Blue serait vraiment là, si Kieran le verrait à la sortie, ou s'il quitterait l'enceinte du lycée après moi et nous verrait tout de suite tous les deux ensemble. Trop de questions tourbillonnaient dans ma tête, et moi d'habitude si posée, lorsque le professeur nous libéra enfin, je rangeai mes affaires en cinq secondes chrono et me jetai presque sur la porte, à peine consciente de mon impolitesse.

Arrivée dans les couloirs, je m'efforçai d'arrêter de courir. Calme, posée, allez Sorcha, on se reprend. J'y étais presque parvenue lorsque j'atteignis les grilles du lycée, et quelle ne fut pas ma surprise de voir tout un attroupement entourer je ne sais quoi !

Renonçant à chercher Blue dans la foule pour l'instant, je me faufilai dans le cercle. Et là, je restai bouche bée. Mâchoire décrochée. Complètement abasourdie.

Je pense que je vais tuer mon frère.

- KIERAN CAHILL ! hurlai-je.

Peu désireuse de lui passer une engueulade maison en public, je passai au gaélique presque automatiquement, avec le volume de ma voix toujours poussé au maximum. Ça non, je ne ferais pas dans la dentelle.

- Tu es complètement malade ! Je peux savoir ce qui te prend ? Tu as vu sa carrure et la tienne, un peu, tu veux le tuer ou quoi ? Tu as vu dans quel état il est ? Tu le lâches IMMÉDIATEMENT ! Pose-le par terre ! Tu croyais que j'allais te laisser faire ça ? Ne me dis pas qu'on va devoir avoir ENCORE cette discussion à propos des petits amis ! J'en ai marre qu'on tourne en rond comme ça, Kieran ! Je te jure que si tu le touches une fois, une seule fois de plus, tu entendras parler de moi jusqu'à la fin de tes jours !

Oui, parce que j'avais eu des petits amis, aussi surprenant que cela puisse paraître, et tous sans exception avaient été démolis par Kieran, que ce soit physiquement ou moralement. Il n'est pas assez bien pour toi, ou alors il est trop vieux, ou il n'est pas assez sérieux, ou... Combien de fois avais-je dû lui expliquer que j'étais libre de mes choix et qu'il n'avait pas à me surveiller, alors que lui-même ne cessait d'enchaîner connerie sur connerie ? Furieuse comme je l'étais rarement, et je l'étais sincèrement, au point que je n'avais même pas l'impression de mentir, je me jetai sur lui et parvins à me glisser entre lui et Blue. Horrifiée, j'oubliai alors mon frère et me concentrai sur l'état franchement alarmant de mon soi-disant petit ami. Une vague de culpabilité me traversa soudain, alors que je songeais brutalement que Kieran serait mort de honte s'il avait osé infliger ça à une fille.

- Je suis désolée, murmurai-je à Blue. Je ne pensais pas qu'il réagirait si violemment.

Peu importait qu'on m'entende, la phrase correspondait au mensonge comme à la réalité. Je regardai Kieran par-dessus mon épaule et le gratifiai d'une œillade furieuse alors que j'entraînais Blue un peu plus loin.

- Il va falloir qu'on reparle de l'origine de ce bleu, sifflai-je en faisant allusion à l'impressionnant hématome qui recouvrait son visage.

Non! Non je n'allais pas me calmer. j'avais besoin que ça sorte et la déception se muait en colère. C'était le frapper ou éclater en sanglots devant l'avalanche de désillusions qui me tombaient soudainement dessus. j'avais été fragilisé par l'accident, je ne m'en étais pas remis, même si je donnais l'impression de bien gérer. Et à nier mes problèmes, voilà où j'en arrivais... A frapper un gosse parce qu'il avait des vues sur ma sœur... J'avais toujours détesté qu'elle sorte avec des mecs, mais jamais je n'avais été aussi violent et radical.

Quand Blue cria que je n'avais pas à lui faire payer ce que les autres avaient fait, je retrouvai un peu de raison. Il avait raison, ce n'était pas juste. Mais cette putain de vie n'était pas juste. L'avait-elle été avec moi? Non. Alors pourquoi le serais-je avec les autres hein? Je poussai violemment Blue au sol, avant de le saisir par le col, plié au dessus de lui, menaçant.

C'est là qu'il me hurla que je lui faisais mal. Malgré moi, je m'arrêtais net. Mais qu'est-ce que j'étais en train de faire au juste? Qu'il sorte avec ma sœur ne méritait surement pas une telle dérouillée... Et tout à coup il me parut terriblement vulnérable. Et jeune.

C'est là que la voix de ma sœur retentit derrière moi, me faisant frémir. Elle était furax. Et bien, je l'étais moi aussi et me faire sermonner n'allait surement pas arranger les choses. Et cela ne manqua pas. Et vas-y que je t'engueule. En gaélique, histoire de ne pas trop se donner en spectacle. Enfin, là, c'est un peu raté quand même. De mauvaise grâce, je lâchais Blue, enfonçant les mains dans mes poches en jetant un regard orageux à Sorcha qui se prenait pour ma mère. Encore. Elle n'avait aucune leçon à me donner, absolument aucune. Je restais muet alors qu'elle s'interposait et vérifiait l'état de Blue. Et je fronçai les sourcils quand elle s'excusa en disant qu'elle ne pensait pas que je réagirais ainsi. Ah ouais? Ma main se tendit et je saisis Sorcha par le bras, l'attirant vers moi, alors que je me décidais enfin à parler :

- "Ah ouais? Tu veux qu'on reparle de ce bleu? Alors OK, on va en parler! J'ai voulu embrasser une amie tu vois? Une fille avec qui je m'entendais bien et avec qui je partageais plein de trucs. Je l'ai embrassée et elle ne m'a pas repoussé. Sauf qu'un mec a déboulé, fou de rage et m'a frappé, alors qu'elle lui disait que je l'avais embrassée et qu'elle ne l'avait pas voulu. Tu comprends? J'ai été accusé de l'avoir forcée. De la part d'une amie, tu imagines quel mal ça peut faire? Et maintenant, j'apprends que tu sors avec un copain? Un gars que tu es censée n'avoir vu qu'une fois? Un gars qui traîne dans un milieu que tu détestes me voir fréquenter? Je peux savoir à quoi, toi, tu joues? Moi, au moins, j'assume totalement mes actes! Oui, je vais dans l'under pour boire, me droguer et coucher avec des filles, j'ai BESOIN de ça pour ne pas péter un plomb! Et toi, qu'est-ce que tu fais? Tu t'immisces dans cette vie d'où je t'ai écarté!"

J'avais haussé le ton, alors que mes pensées étaient de plus en plus limpides. Sorcha savait que je serais fou de rage et que je ne parlerais plus à Blue. Elle me connaissais trop bien.

- "Avoue-le! Tu sors avec lui simplement pour découvrir ce monde que je t'interdis, pour pouvoir me suivre! Ou bien est-ce que tu comptes là dessus pour que je cesse de parler à Blue et que je reste sagement à la maison? Tu me connais mieux que personne, tu savais que j'allais mal réagir! Pourquoi tu as fait ça? Tu es jalouse de ne pas avoir toute mon attention? J'ai un scoop pour toi Sorcha : je suis ton frère, je t'adore et je ne te laisserais jamais tomber, mais je n'ai pas l'intention de m'enfermer dans une relation avec toi seule. Tu me reproches sans cesse de broyer du noir et quand je m'émancipe, ça ne te va pas non plus. Qu'est-ce que tu veux de moi à la fin?"

Je leur jetais à tous les deux des regards meurtriers. Avant de me mordre la lèvre en m'apercevant que j'y avais été un peu fort avec Blue quand même. Et voilà, j'avais des remords. Putain.

- "Désolé Blue. Je n'aurais pas du réagir ainsi. Mais elle s'est servie de toi."

Je jetais un regard dégouté à Sorcha.

- "Je ne te pensais pas capable de faire ça, tu me déçois. Mais ce n'est pas comme si tous ceux qui m'entouraient n'avaient pas tendance à se foutre de ma gueule ces derniers temps."

Je passais une main dans mes cheveux, avant de terminer, rageur :

- "Amusez-vous bien, j'en ai fini avec vous, je ne veux plus vous voir. Blue, Sorcha se fera un plaisir de te donner des cours particuliers, je n'en doute pas. Quant à toi, ma chère petite sœur, ne m'adresse même plus la parole. Tu as gagné. Je n'ai plus d'amis, et c'est aussi bien."

Je tournais alors les talons, résolu à m'éloigner d'eux. Blake, Blue, Sorcha... La coupe était pleine.

Jamais je n’avais été aussi soulagée de voir débouler quelqu’un. Je desperais de le calmer, je n’y arrivais pas, j’avais beau lui hurler dessus, il ne semblait pas m’entendre. Je me sentais perdue, blessée plus que je ne l’aurais cru. Cette image de lui se ruant sur moi resterait gravée en moi, je n’arriverais pas a l’effacer. Le pire dans l’histoire c’est que je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir et quand il me lâcha, je retombais sur mes fesses lourdement. J’haletais, j’avais mal partout et j’étais a peu prêt sure qu’en regardant ma peau, je la verrais magnifiquement teintée de bleu. J’avais le malheur de marquer assez facilement. Pas de bol. Je levais les yeux pour me rendre compte qu’on avait des « supporters » tiens et pas un pour nous séparer, chapeau bas…Je me passais le revers de la main sur le menton, le barbouillant de sang au passage alors que Sorcha incendiait proprement son frère.

Finalement, je réussis a me mettre debout, grimaçant légèrement sous la douleur, j’avais mal partout mais impossible de savoir où exactement. Kieran ne se laissa pas faire et j’eus un pauvre sourire a ce qu’il répliqua a sa sœur. Evidemment qu’elle le savait. J’avais été un peu conne de ne pas le deviner. En gros, j’avais gentiment été manipulée et le pire dans l’histoire, c’est que même si Kieran s’en rendait compte, ça ne changerait rien. Je n’avais pas répondu a la question de sa sœur parce que je n’étais pas sure du tout de garder mon sang froid sans la claquer. Après tout, elle savait très bien que je n’aurais aucun remord a le faire, un mec ne lève pas la main sur une fille, sauf que moi, j’étais pas un mec. J’étais épuisée, en colère, blessée et, en baissant les yeux, je vis l’état de mon poignet…Rajoutons handicapée aussi. Merde ! J’allais bosser comment si j’avais un poignet cassé ?! Je bougeais prudemment les doigts avant de lever les yeux sur Kieran en entendant mon prénom dans la bouche de l’irlandais.

Je haussais une épaule, ouais merci, je me rendais bien compte que je venais de me faire avoir. Qu’il soit désolé n’y changeait rien de toute manière. Je m’ébrouais, histoire de m’éclaircir les idées avant de ricaner légèrement. Ah ouais, tu en avais fini ?

J’eus tôt fais de le rattraper, glissant souplement devant lui, j’avais le regard noir de colère, d’amertume aussi, sans doute. Mais il était hors de question que je me laisse éjectée comme ça de sa vie. C’était mal me connaitre. Pour lui, c’était simple, pour moi beaucoup moins. Alors oui, je pouvais comprendre les tenants et aboutissants de sa réaction, oui, j’étais un peu en mauvais état physique, et oui, je préférais souvent la fuite, sauf dans certain cas et lui, il faisait partit du certain cas. Il était hors de question que je puisse me passer de lui…Même dans cette foutue relation qui n’avait aucun sens. Je tenais a son amitié, c’était tout ce que j’aurais et je préférais ça a rien du tout.

« Tu en a fini avec moi ? Et bien moi j’en ai pas fini avec toi. Casse toi et va te calmer, je vais faire pareil, mais je te garantis que c’est loin d’être fini, je suis pas du genre a me coller la tête dans un trou en me mortifiant sur moi-même ! MOI ! »

Et puis, je lui laissais le passage libre, passant devant Sorcha avec un coup d’œil rageur. Ca j’étais pas prête d’oublier, vraiment pas.

« Désolée de te larguer comme ça mais tu vois, je préfère ton frère. »

Sifflais je entre mes dents assez bas pour qu’elle seule l’entende, sur le coup, j’avais vraiment envie de lui en coller une pour lui remettre les idées en place, pour qu’elle réfléchisse deux minutes avant de se servir des gens autour d’elle.

J’étais bonne pour aller a l’hosto avec cette connerie. J’espérais juste que ce n’était qu’une foulure et au vu de la couleur, il y avait de grande chance. Tant mieux, au moins j’aurais pas un plâtre.

[ Népula NA bande de missants >< ]

Je poussai un cri de douleur lorsqu'il me saisit violemment par le bras. Jamais Kieran ne m'avait fait mal. jamais Kieran ne m'avait fait peur. Je l'avais vu en colère des dizaines de fois, je détestais cela, souvent contre moi, la petite sœur envahissante qui l'empêchait de voir ses amis tranquilles, mais jamais il ne m'avait effrayée. Déçue, attristée, oh oui, forcément, comme tout grand frère attristerait sa sœur en lui faisant comprendre qu'elle n'était pas le centre de son existence, mais c'était un mal nécessaire et c'était normal. Mais là, il me faisait réellement peur. Il avait peut-être été persuadée de s'en prendre à un garçon mais au fond de moi je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il avait bel et bien frappé une fille, et donc après tout, pourquoi pas moi ?

Ses paroles me frappèrent en pleine face alors qu'il me balançait sans plus prendre de gants - et lui, il ne parlait pas gaélique, se foutant visiblement que tout le monde le comprenne - d'où lui venait le superbe hématome qu'il arborait. Je m'empourprai violemment, terriblement gênée. Oui, j'avais cru qu'il s'était bagarré, qu'une dispute avait été provoquée, comme cela venait juste de se produire, et je ne lui avais même pas accordé le bénéfice du doute, ne croyant même pas en sa parole lorsqu'il m'avait assuré, la veille au soir, qu'il ne s'était pas réellement battu. Je me mordis la lèvre, les larmes aux yeux. Jamais je n'avais eu plus honte de moi. Il posait les questions et faisait es réponses, et je me pris de plein fouet son couplet sur la jalousie. Oui, force m'était de l'accepter : j'étais jalouse, terriblement, j'avais besoin de mon grand frère autant voire plus que lorsque je n'étais qu'une petite fille qui voulait être rassurée après un cauchemar alors que ses parents dormaient profondément, j'avais besoin de lui plus fort que jamais pour combler l'absence de nos parents, le peu d'amour que notre foyer nous offrait, j'avais besoin de lui et j'aurais voulu passer la plus petite seconde de mon temps libre à ses côtés. Et c'était impossible, à cause de Blue, à cause de l'under. C'était bien pour ça que je lui avais proposé ce plan complètement foireux...

Son regard me planta un pic de glace dans le cœur. Décevoir Kieran, c'était sans doute l'une des choses que je craignais le plus au monde. Et j'avais foncé en plein dedans, par pure jalousie, m'enlisant dans un mensonge éhonté dont je ne devrais même pas avoir eu seulement l'idée.

- Kieran... Je suis désolée, je voulais juste...

J'avais la gorge nouée, incapable de parler. Et de toute façon, il ne m'écoutait même pas. J'essayais de parler, j'essayais vraiment de le calmer, pleinement consciente de ma maudite responsabilité cent fois haïe dans cette histoire. Jusqu'à ce qu'il lâche précisément les mots qui ne pouvaient que me tuer.

Je fermai la bouche, les yeux grands ouverts sur le vide, sonnée. Je ne voyais plus rien, n'entendais plus rien. C'était nu véritable cauchemar. Kieran qui me déclarait que nous deux, c'était fini, tout simplement. Alors ça y est, j'étais toute seule. Je n'avais plus mes parents, et j'avais perdu mon frère, par ma seule faute. Je me sentais mal, affreusement mal, et j'entendis à peine ce que Blue hurla à mon frère, qui ne voulait plus l'être désormais.

C'était ça, l'enfer ?

Je me réveillai lorsque Blue me siffla une phrase à voix basse, et je la regardai, déboussolée, avant qu'elle ne s'enfuie en courant.

- Hé, Sorcha, murmura une voix douce, alors que je sursautais violemment tandis que des mains se posaient sur mes épaules.

C'était simplement Mila, une fille de ma classe un peu timide qui s'était rapidement rapprochée de moi, attirée sans doute par mon caractère discret. Ben voyons, c'était réussi, là.

- Allez, viens. Viens ! insista-t-elle.

Je me rendis soudain compte qu'elle essayait de me traîner à l'écart de la foule et me laissai faire, totalement absente. J'avais perdu Kieran... C'était la seule chose dont je pouvais avoir réellement conscience en ce moment.

J'avais perdu Kieran.

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