L'envol de l'enfant |Iago

Quelque chose n'allait pas, m'empêchant de trouver le sommeil ces derniers temps. Cette nuit en particulier. Non, quelque chose clochait. J'étais sans doute nerveux à cause de cette saleté d'ange qui tournait autour de moi et de Ciel. Devenais-je paranoïaque? Peut-être, mais mieux valait cela que de se faire poignarder dans le dos. J'avais remporté la dernière manche, mais la guerre était loin d'être terminée. Elle venait de commencer en vérité. Et je la savais une adversaire acharnée et retorse. Vicieuse, à faire des coups en douce. Plus vicieuse que moi, sans aucun doute. Cette fille me mettait mal à l'aise. Je la haïssais pour ce qu'elle représentait : une ange, un danger pour Ciel, Wilha et moi... Et en même temps, elle me fascinait, m'attirait. J'avais envie de la posséder, de la faire plier, qu'elle m'implore. Elle était trop fière, trop libre, trop sûre d'elle. Quel drôle de mélange.

Pas étonnant que je ne puisse pas dormir.

Finalement, je décidai de me lever. Enfilant un jean et un T shirt qui trainait. Là, je n'avais rien du dandy soigné que j'étais la journée. Ni-même du jeune homme branché qui trainait dans Londres. Les cheveux ébouriffés, une ombre de barbe sur les joues, des vêtements choisis au hasard. Rien de bien folichon. Mais je n'aimais pas me promener en sous vêtements dans la maison.

Mu par l'instinct, je me dirigeai vers la chambre de Ciel, entrebâillant la porte de sa chambre pour vérifier que tout allait bien. Il dormait et je refermai la porte. Pourquoi cette drôle de sensation? Cette angoisse qui ne me quittait pas, comme un mauvais pressentiment? Je me dirigeai alors vers la chambre de Wilha... Mon innocente petite Wilha. J'ouvris la porte et là, je me figeai en voyant une paire d'ailes blanches s'ouvrir. Cela ne dura qu'un quart de secondes, je me repris et me précipitai vers la fenêtre. Wilha n'était plus dans son lit...

- "Wilha!"

Non, pas elle. La colère prit le pas sur la panique et la peur que j'éprouvais pour elle. Je n'hésitais même pas alors que je prenais mon envol à mon tour, au mépris de toute prudence. Pauvre T-shirt, il n'y survivrait pas. J'avais une folle envie de brûler cette salope, mais pas tant qu'elle avait Wilha dans les bras. Je volais à tire d'ailes, mais je n'arrivais pas à la rattraper... Cela ressemblait aux cauchemars que l'on pouvait faire, quand on courait pour échapper à quelque chose, mais qu'on restait englué. J'allais la tuer. Cette fois, le jeu était terminé.

Je la vis se poser au loin et un sourire mauvais recourba mes lèvres... avant qu'il ne meurt quand je la vis se pencher sur Wilha et l'embrasser sur les lèvres. Mais qu'est-ce qu'elle foutait? Alors, l'enfant s'écroula dans les bras de l'ange, qui la rattrapa avec une étrange tendresse. C'est là que je me posai et me ruai sur elle pour lui arracher l'enfant des bras.

- "Wilha! Wilha, réveille-toi ma chérie."

Ce n'était surement pas prudent de l'appeler ainsi devant l'autre. De trahir un attachement à la petite fille, mais je ne pouvais pas m'en empêcher alors que je la secouais doucement. En vain. Je la tenais dans mes bras et elle était comme morte... J'en oubliais Clara... Sans doute une autre erreur. Je relevai alors le visage vers elle, la petite fille dans les bras. C'était sans doute la première fois qu'elle me voyait ainsi : sans artifices, et prêt à perdre le contrôle.

- "Qu'est-ce que tu lui as fait?"

Il n'y avait que cela qui m'empêchait de la réduire en cendres : je devais savoir ce qu'elle avait fait et il me fallait une réponse. Ma voix était grondante et mon regard plus noir que jamais... aussi noir que les ailes que j'arborais toujours, sinistres, magnifiques, symboles de la mort que j'allais bientôt dispenser si elle ne parlait pas sur le champ.

Elle avait joué de la naïveté de Wilha... De son innocence, de sa jeunesse. Pour lui mentir, la manipuler. Cette satanée ange se tenait devant moi, dans une robe d'une blancheur éclatante, censées souligner sa pureté. Quelle blague... Je haïssais Ciel de ne pas m'avoir donné l'autorisation de parler à la petite fille des anges et des démons. Si j'avais pu lui parler de cela, elle aurait alors compris que les anges étaient les démons. Que j'étais là pour la protéger, que sa mère était bel et bien morte. Et Clara n'aurait pas pu se servir d'elle.

Et maintenant?

Maintenant, Wilha gisait inerte entre mes bras et sa vie ne tenait qu'au bon vouloir de cette garce. Je la fusillai du regard. Le jeu était terminé, je n'arborais plus cette arrogance de nos précédentes rencontres. J'étais dans une rage noire et j'avais envie de la tuer. A bas les masques. Pourtant, je me contrôlais assez pour ne pas exploser et la calciner sur place. Même quand elle me répondit qu'elle était en train de mourir. Je dus faire appel à toute mes forces pour ne pas laisser libre court à ma colère, pour empêcher les flammes de jaillir.

Un nouveau jeu. Une nouvelle énigme. Elle osait jouer quand une enfant mourrait. Je caressais doucement les cheveux fins de Wilha. Que ferais-je pour la sauver? Bonne question... Elle n'était qu'une humaine, elle ne valait rien n'est-ce pas? Et toutes ces fois où elle était grimpée sur mes genoux pour dessiner? Venue dans ma chambre pour chasser les cauchemars? Pour une histoire? Wilha s'était attachée à moi naturellement. Et je m'étais attaché à elle.

Il y eut un superbe contraste entre la tendresse que je pouvais afficher en caressant les cheveux de l'enfant et le regard soudainement haineux que je jetai à Clara. Je fondis sur elle, sans prévenir et ma main l'attrapa à la gorge. Légèrement plus chaude que la normale. Et si je brûlais sa jolie gorge blanche, hein?

- "Et que serais-tu prête à faire pour conserver la tienne ?"

Ma voix était un grondement de mauvaise augure. Je tenais Wilha contre moi de ma main libre, jolie poupée inanimée.

- "Qu'est-ce que tu veux?"

Elle voulait Ciel, je le savais, mais cela ne serait pas si simple, si? Ciel contre Wilha? Que répondrais-je à cela? Lui donner Ciel, c'était me condamner. Mourir pour qu'il soit libre et à elle. Et lui donner Wilha... Elle en ferait surement un ange...

Espèce de garce.

Sa violence avait quelque chose de jouissif, parce que je savais qu’il perdait ce contrôle qu’il affectait en temps normal. Malgré tout, je ne m’attendais pas a une telle réaction, découvrant par là même sa faiblesse. La première fois, il n’avait pas réagit, maintenant, c’était autre chose. Sa haine suintante de ses yeux aussi noirs que la nuit me le chuchotait, j’avais touché son point sensible, bien plus que si c’était son maitre que j’avais approché. Le hasard fait bien les choses.

L’air se refroidit en réponse a sa propre chaleur et je plissais légèrement les yeux. Il ne me faisait pas mal, pas encore, parce qu’il savait qu’il n’avait pas le choix. Pas d’autre choix que de me laisser en vie et de m’écouter. Ce pouvoir sur l’autre, même contraint, combien pouvait s’en targuer ? personne sans doute et surtout pas sur lui, cette pensée amena un sourire victorieux sur mes lèvres.

« Je l’ai trouvée…Ta faiblesse. »

Répondis je dans un souffle en posant une main glacée sur son poignet. Je l’écrasais d’un regard illuminé d’un vert ondoyant.

« Ce que je veux…. »

J’y étais. Ce point névralgique où chaque mot pèse un poids énorme, où chaque phrase devient sésame. Il ne pouvait pas me tuer et il le savait, je le savais et je me permis une caresse sur sa joue. Joueuse, maitresse, moqueuse…

« Le poison qui corromps son corps est mon œuvre, nulle autre que moi ne connait son contraire. »

Mes doigts resserrèrent leur emprise et une pellicule de glace recouvrit un instant la peau du démon. Si fort, si beau dans sa colère qu’il en devenait fascinant. Bien trop, songeais je dans un sursaut de haine.

«24 heures..Voilà son espérance de vie. Juste 24 malheureuses heures…Trouve mon nom et sa vie sera sauve, échoue et ta vie sera mienne. »

Je lui souris, atrocement pure et féline. Sournoise a plus d’un titre, sa colère ne me heurtait pas, elle me plaisait bien au contraire. Jouons.

« Ta vie et la sienne, car Dieu accueille toutes âmes en son sein… »

Je plissais les paupières, amusée, diablement amusée.

Était-ce un effet de mon imagination ou l'atmosphère se refroidissait? Elle plissa les yeux, comme une chatte qui observait sa proie et je l'imaginais très bien se léchant les babines de gourmandise alors que l'on me servait sur un plateau, prêt à être dégusté. Le froid extérieur ne fit que précéder le vent glacial qui souffla en moi quand elle m'annonça qu'elle avait trouvé ma faiblesse. En effet, elle l'avait trouvé. Pourquoi ne m'étais-je jamais attaché à personne jusqu'ici? Pour éviter cette situation, celle où quelqu'un pourrait exercer une pression quelconque sur moi et me faire filer droit.

Je la haïssais.

Et je la désirais.

Si belle, si fascinante, si mystérieuse.

J'avais envie de la tuer, comme de la prendre violemment.

Je devenais fou.

La sensation de brûlure sur mon poignet me fit baisser les yeux. Ce n'était pas de la chaleur, non... C'était du froid. Maîtrisait-elle la glace quand je maîtrisais le feu? Ironie du sort, quand tu nous tiens. Elle jouait avec moi, et cette fois, j'étais à sa merci. Je la regardai sans un mot et un muscle de ma mâchoire se contracta violemment quand elle me caressa la joue, serpent perfide. Elle avait empoisonné Wilha et il n'y avait qu'elle pour lui administrer l'antidote. Malgré moi, j'étais pendu à ses lèvres. Je réprimai une grimace quand le froid s'intensifia au niveau de mon poignet. Une fine pellicule de givre s'y dessina alors, et je résistai à l'envie d'utiliser mes propres pouvoirs... Non, je gardais cette carte là dans ma manche.

24 heures. J'avais 24 heures pour sauver Wilha. Pour trouver le nom de cette ange. Ce n'était clairement pas assez. J'avais perdu. Mais j'essaierai pourtant. Parce que je n'avais pas le choix.

- "Non. Si j'échoue, tu auras ma vie, mais pas la sienne. Tu me prends pour un con? Si je meurs, Ciel est à toi. N'est-ce pas ce que tu convoites depuis le début? Si j'échoue, tu auras ma vie et donc, Ciel. Dans tous les cas, sauve-là. Ce n'est qu'une enfant."

Je soupirai et finis par la relâcher, arrachant mon poignet de ses doigts fins. Le froid y avait laissé une trace de brûlure. Qui cicatriserait bien assez vite. Comment allais-je pouvoir expliquer ça à Ciel? J'allais devoir mentir, je n'avais pas le choix. Pour Wilha, j'étais prêt à donner ma vie... C'était stupide. Et j'étais faible. Peut-être allait-elle songer à une entourloupe de ma part. Que j'allais me défiler, la flouer. C'était une possibilité en effet et quelque chose me disait qu'elle n'accepterait pas.

- "Pourquoi jouer? Pourquoi me laisser une chance?"

Aussi minime soit-elle... Cette fille était vieille. Elle jouait avec de l'encens, dans une sorte de rituel oublié. Je devais absolument rassembler ce que je savais pour elle et trouver un nom.

- "Quel nom dois-je trouver? Celui sous lequel tes pairs te connaissent?"

Autant mettre les termes du contrat à jour, je ne voulais pas me faire rouler.

Je pouvais presque sentir sa jubilation et cela ne faisait qu'accroitre ma colère. Nous savions tous les deux qu'elle me tenait. Et qu'elle ne me lâcherait pas. J'étais à sa merci et cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti cette impuissance. Tout cela à cause d'une petite humaine qui s'était frayée un chemin jusqu'à mon cœur que je pensais glacé. La preuve que non... J'aurais aimé pouvoir penser que je me fichais bien d'elle et que je pouvais facilement troquer sa vie pour conserver la mienne, mais l'ange venait de m'ôter toutes mes illusions. Je tentai de renégocier les termes du contrat. En vain. Je n'étais pas en position d'exiger quoique ce soit malheureusement. Moi, le Cerbère, féru de mythologie... Elle était calée également. Était-elle si ancienne? Plus âgée que moi et née dans la Grèce ou la Rome antique?

Je n'avais pas le choix. De ma capacité à trouver son nom dépendaient trois destinées. Beaucoup trop à mon goût. Et trop peu de temps. J'allais passer les prochaines 24h à cogiter, faire des recherches... Voire mettre la main sur un ange plus faiblard que les autres pour lui soutirer les informations dont j'avais besoin.

Mais une question demeurait : pourquoi me laisser un délai et risquer de perdre? Je vis le trouble dans son regard et, évidemment, je n'eus pas de réponse. Ce qui ne m'échappa pas.

- "Oh non mon ange. Compte sur moi pour savourer ma victoire demain."

J'affichais une assurance que je ne ressentais pas. Mais elle aurait été déçue si j'avais agi autrement, non? Déjà là, je perdais de précieuse minutes à discuter avec elle. Elle ne m'apporterait pas de réponses. Mais je devais m'assurer de quelque chose avant de partir. Quel nom devais-je trouver? Celui qu'elle arborait en tant qu'ange. Ce serait déjà plus facile. Car si elle était comme moi, son vrai nom, celui de sa naissance, était scellé dans son esprit.

- "Dans 24h, j'aurais la satisfaction de voir la défaite se peindre sur ton beau visage."

Rendez-vous demain, même heure, même lieu. Je me détournai d'elle et pris mon envol de nouveau, vers le Manoir Arlington. Je déposai doucement Wilha dans son lit, le cœur serré de la voir dans cet état là. Je n'avais pas une minute à perdre...

****************

24 heures plus tard, j'étais de nouveau sur le toit, Wilha toujours dans mes bras. Sa respiration était si lente que je craignais à tout moment que son petit cœur ne lâche. Il restait si peu de temps. Elle était là. Jubilant à l'idée de gagner. De m'avoir, d'avoir Wilha et Ciel.

Je n'étais guère plus arrangé que la veille, je devais le reconnaître. 24 heures à courire contre la montre, à chercher, glaner des informations, me retourner les méninges. De nouveau, je me présentais à elle en jean, remettant le T-shirt de toutes façons ruiné. Autant le finir, je n'aimais pas abimer mes fringues inutilement. Je ne m'étais pas rasé et une ombre violacée due à la fatigue et la tension cernait mon regard sombre. L'ange avait troqué son faux habit de vertu pour quelque chose qui seyait davantage à son âme maléfique. Et je ne pouvais nier la trouver absolument séduisante ainsi vêtue. Cela mettait en valeur ses longues jambes fines. Elle était triomphe quand j'étais abattement, mais je n'avais pas dit mon dernier mot.

Ses paroles me firent l'effet d'un seau d'eau glacé et mon regard brûla de haine, avant de se porter sur le petit ange dans mes bras. Même si le terme ange était mal choisi quand on savait ce qu'étaient vraiment ces fumiers.

- "Vas-tu la... bénir?"

Il me répugnait de parler ainsi. Bénir Wilha... Faire d'une petite fille innocente un monstre de perversion. Mais elle m'avait bien laissé entendre qu'elle ferait de Wilha un ange. Ce qui était presque pire que de la laisser mourir. Ma voix semblait totalement éteinte, défaitiste. Je relevai le regard vers elle, avant de demander de nouveau :

- "Et comment comptes-tu utiliser ma vie? Vas-tu me tuer, ici et maintenant? M'arracher le cœur, juste après m'avoir laissé assister au réveil d'un ange?"

C'étaient des questions légitimes. N'avais-je pas le droit de savoir ce qui nous attendait tous? Si bien sûr que si et j'étais persuadé qu'elle ne me refuserait pas ces explications. Elle jouissait déjà de la victoire, enfoncer le clou allait la mener à l'orgasme.

- "Nous savons tous les deux que je ne la verrais pas. Je serais mort avant."

Comme si j'allais pouvoir observer Wilha faire l'ange... Non, l'autre allait me tuer et l'affaire serait réglée. Vivant, j'étais une menace et même si elle aimait jouer, elle n'était pas folle au point de me laisser en vie. Je n'étais pas son toutou. Ciel était mon seul maître et il était impossible pour elle de me museler. Je posais d'autres questions et elle ne répondit pas, se contentant d'approcher, alors qu'un pic de glace se formait dans sa main. Pouvoir de glace donc. C'était bien noté.

Elle susurra ses paroles et je détournai le regard. Regardant sa main toucher les boucles de Wilha. Sa main impure dans les cheveux de l'enfant innocente. Cela me révulsa. Je reculai d'un pas pour l'arracher à sa caresse, avant de me baisser pour poser délicatement Wilha au sol, caressant son front avec douceur, pour me relever et regarder l'ange dans les yeux. J'approchai d'elle à pas mesurée, avant de m'emparer du pic à glace et d'approcher la pointe de mon cœur. En la défiant malgré tout.

- "Tu aimes la mise en scène..."

Je soupirai, fermant un instant les yeux pour finalement déclarer :

- "Très bien. 24 heures se sont écoulées, Wilha se meurt. Il m'a fallut une semaine pour trouver ton identité d'emprunt et ton appartement... Tu savais que c'était une mission impossible que de trouver ton nom en si peu de temps. Tu as gagné le droit de savourer une victoire bien méritée."

Je m'interrompis un instant avant de terminer, me penchant vers elle malgré le pieu de glace qui était en contact avec ma peau :

- "La mienne, Azraëlle."

Je prononçai soigneusement son nom, avec un sourire cruel. Le pic que je tenais toujours sans ma main, fondit, sous l'effet de la chaleur de mon pouvoir. J'avais gagné. Je connaissais son nom. Et je pouvais maintenant admirer l'incrédulité qui prenait le pas sur le triomphe. Que croyais-tu ma jolie? Pour qui me prenais-tu? Tu m'as laissé nombre d'indices... L'encens, la mythologie, le baiser empoisonné, l'erreur qui t'a été fatale. Quelques recherches sur internet, la main un peu lourde sur un jeune ange et le tour était joué.

- "Azraëlle Thanatos... Comme c'est pompeux... Tu as perdu, sauve-là maintenant! Honore ta parole où le jeu s'arrêtera définitivement."

Nominé aux oscars, catégorie, meilleur acteur masculin du millénaire : Iago Kingsley. Oh et puis non, je l'avais carrément eu cette fichue statue. A la voir se décomposer ainsi, elle avait cru me tenir, pouvoir me tuer en toute impunité. Je n'avais pas résisté à l'envie de me jouer de sa fierté, pour mieux ensuite la voir sombrer dans l'abime de l'échec cuisant. Je triomphai. En toute modestie et retenue cependant. Elle était théâtrale, je l'étais aussi. J'avais soigneusement choisi mes mots, jusqu'à la fin. Et j'observais son incrédulité. Elle recula, me fixant sans comprendre, sans que son cerveau ne réussisse à assimiler la réalité. Je ne bougeai pas quand elle manqua de me blesser. Je restais stoïque, la regardant, une ombre de sourire sur les lèvres. Même vêtu comme la veille, je ne ressemblais plus à l'homme désespéré que j'étais jusque là. Qu'importent les vêtements, j'avais le pouvoir, l'aura de charisme qui faisait oublier tout le reste et qui explosait littéralement.

Je frémis de colère quand elle reprit ses esprits et menaça de ne pas tenir sa promesse. Oh oui, je savais à qui j'avais à faire, mais qu'elle laisse mourir Wilha et je la tuerais sans pitié, sans remords. Notre étrange relation s'arrêterait dans le sang. En avait-elle envie? Non... Elle était trop fière pour cela. resterait-elle sur un échec alors que j'avais réussi à déjouer ses ruses? Non. La température chutait de façon alarmante. Elle était furieuse, davantage que je ne l'avais jamais vu. Je ne doutais pas que son cerveau carburait à plein régime.

Soudain, elle fut sur moi, d'un battement d'ailes soyeuses. Je me figeai alors que ses mains encadraient mon visage et que ses lèvres s'emparaient des miennes. Forcer la barrière de mes lèvres ne lui fut pas difficile. Si mon corps était raide, ma bouche me trahissait tant je savourais ce baiser avec ma pire ennemie... Je sentais les courbes féminines et alléchantes de son corps contre le mien. Mais sentir quelque chose envahir ma bouche doucha mes ardeurs et me ramena à la réalité, alors qu'elle cessait et me donnait l'explication de ce baiser. J'étais stupide : cela aurait aussi bien pu être du poison pour moi, qui ne m'aurait sans doute pas tué, mais allez savoir de quoi elle était capable.

Doucement, je m'agenouillai près de Wilha. Et je baisai ses lèvres froides, les entrouvrant pour verser ce qui allait la sauver. Embrasser ainsi l'enfant avait quelque chose de malsain, quelque part, mais c'était pour la sauver, rien d'autre. J'attendis alors, le cœur battant et retins un soupir de soulagement quand elle papillonna des paupières et que sa respiration se fit plus régulière. Elle ne se réveilla pourtant pas et je me contentai de la serrer contre moi, posant ma main sur le derrière de sa tête blonde pour qu'elle enfouisse son visage dans mon cou. Je me relevai alors, observant Azraëlle.

- "Tu es bonne joueuse, je dois te reconnaitre cela. Je serais presque honoré de me mesurer à un Séraphin comme toi... Survivante de la pluie de feu, impitoyable, qui ne connait pas l'échec. Ah non, rectifications, qui ne connaissait pas l'échec jusqu'à maintenant."

Nouveau sourire en coin horripilant.

- "Entre nous, je préfère de beaucoup Azraëlle à Clara... Cela te sied tellement mieux."

Je marquai une petite pause, avant de terminer :

- "Et maintenant? Je suppose que tu ne saurais rester sur une défaite... Ceci n'est que le début de la guerre, n'est-ce pas?"

La provoquer était jouissif, mais dangereux également. Sa colère était loin d'être apaisée. Normal, je ne l'aurais pas été davantage si les situations avaient été inversées. Elle me le prouva alors que le givre glissait sur la peau de Wilha. Je lui lançai un regard noir. Non, ne sois pas mauvaise joueuse mon ange, il y aura d'autres batailles. Ne dégringole donc pas dans mon estime. Tu as gagné mon respect, en même temps que ma haine, ce qui n'était pas une mince affaire. Les anges étaient un ramassis de raclures de l'humanité et peu trouvaient grâce à mes yeux. Notons que c'était un peu pareil avec les démons. Leurs querelles ne me concernaient pas. Le givre reflua.

Ma victoire était totale.

Temporairement du moins.

Elle se rapprocha de moi. Elle me faisait de l'effet, beaucoup trop pour mon propre bien. Elle était une sorte d'obsession, de fantasme. La femme intouchable et dangereuse que j'avais envie de soumettre, de sentir gémir sous mes doigts. Avant de la briser. Je m'enivrais de sa présence. Quel curieux mélange, dangereux pour ma propre survie. Elle était nuisible et elle devait disparaître, pas le temps de badiner avec un tel ennemi. Je devais jouer la prudence. Mais que c'était difficile!

Sa main vola jusqu'à ma joue et son doigt effleura la peau, électrisant mes sens. Finalement, elle avait raison : il était facile de tenir un homme en son pouvoir. Je n'échappais pas à la règle, mais plutôt crever que de le lui avouer.

- "Me promets-tu... l'enfer?"

J'eus une moue amusée. L'enfer... Expression passée dans le langage commun, et totalement erronée. Autant que la pureté des anges. L'enfer, j'en étais issu. Non, elle n'en resterais pas là et oui j'aurais été déçu. Néanmoins, je ne pouvais retenir un instinct de protection féroce qui me hurlait que m'engager dans ce jeu risquait fort de me détruire, à plus ou moins long terme. Qu'attendais-je pour la tuer, me débarrasser de cette menace et retourner à ma quiétude? Simple : je savourais chaque affrontement avec elle, je vibrais face au danger et elle repoussait toujours plus loin mes limites. J'aimais cela. Et je détestais l'admettre. Les vies de Ciel et Wilha étaient en danger tant que je ne l'aurais pas anéantie. J'étais égoïste de vouloir jouer dans ces conditions.

- "Heureux de venir distraire ta morne existence... Admets que cela est plus stimulant que de dévoyer de pauvres types répugnants..."

Petite allusion à son Gordon, qui était désormais réduit à l'état de petit tas de cendre, dispersé aux 4 vents.

- "Quel dommage que tu sois un Séraphin. Quel gâchis. Celui qui t'a béni a eu le nez fin."

Bien, nous nous comprenions. Le Paradis sur terre. Génial. Mais cela ne m'effrayait pas. Je n'étais ni inconscient ni trop sûr de moi. Je ne prenais pas ses menaces à la légère, ni même la dangerosité qu'elle représentait, mais je trouvais une adversaire à ma mesure, qui me permettait de montrer toute l'étendue de ma ruse et de mon génie. Cela faisait des siècles que ce n'était pas arrivé. Et j'étais certain qu'Azraëlle se disait la même chose me concernant. Elle me l'avait plus ou moins avoué quand même.

L'ange se rapprocha de moi, se coula contre moi... Ses doigts se refermèrent sur ma nuque, avec une possessivité qui me révulsait autant qu'elle m'excitait. Sa présence si près de moi était une hérésie... Et pourtant j'aimais cela, bien trop. Elle m'enivrait, créait en mois des pensées profanes... Je devinais son corps mince et souple, et me demandais quelle amante elle était derrière ce regard de glace... Surement torride. Je rêvais de la faire jouir et de lui arracher le cœur lors de son cri d'extase. Mourir dans les bras d'un amant hors du commun, mourir en ayant connu la plénitude, n'était-ce pas une chance?

Sa mains 'étala sur ma poitrine, à l'endroit où mon cœur battait, si fort, trop fort. Elle m'excitait et j'avais bien du mal à le masquer et à rester de marbre, mais hors de question de lui montrer cette faiblesse. Je ne voulais pas qu'elle me voie comme n'importe quel homme. Sauf que quand sa cuisse se glissa entre mes jambes, je ne pus maîtriser la réaction qui s'en suivit immanquablement. Et j'étais certain qu'elle savait très bien quel effet elle me faisait. Et ses murmures... Je sentis les poils se dresser sur mon corps. Elle avait entièrement raison. J'attendrais avec excitation la suite de ce jeu qui ne finirait qu'à la mort de l'un d'entre nous.

- "Ne pose pas de questions auxquelles tu as déjà les réponses, ma jolie."

Je restais de marbre, avant de finalement, glisser ma main dans son dos et la plaquer davantage contre moi.

- "Ne t'inquiète pas. Je n'ai jamais déçu une femme."

J'approchai mes lèvres des siennes, nos souffles se mêlant, nos bouches se frôlant.

- "A toi de ne pas me décevoir et d'être à la hauteur de ta réputation, ange de la mort."

Je souris, avant de me reculer, sans l'embrasser comme je lui avais laissé pensé ou l'avais pensé moi même. J'étais plus fort que cela. Je pris ma précieuse Wilha dans mes bras et déployai mes ailes couleur de ténèbres.

- "A bientôt mon ange."

Et je la laissais là. Sur le toit de cet immeuble qui avait bien failli voir se jouer un drame. Je rentrai à tire d'aile. Jusque dans la chambre de Wilha. Je déposai la petite fille dans son lit, caressant son front avec douceur. J'aurais aimé avoir le pouvoir d'effacer les souvenirs. Elle papillonna des paupières et ouvrit les yeux.

- "Tonton?"

- "Oui ma douce..."

- "Je voulais voir ce que maman voyait de là haut et elle m'a promit que je le verrais. C'est un ange!"

- "Je sais, Wilha. Mais personne ne peut te montrer ce que ta maman voit. Pas même les anges. Elle est dans un endroit que personne ne peut atteindre. Et elle y est heureuse. Ne laisse plus cette ange t'approcher Wilha."

- "Tu l'as vue? Tu me crois?"

Question délicate. Je ne pouvais pas lui dire qu'elle avait rêvé. Je perdrais sa confiance, elle savait qu'elle n'avait pas rêvé, cette enfant était intelligente. Mais Ciel m'avait interdit de lui dire la vérité.

- "Je te crois. Mais c'est notre secret. Pour tous, les anges n'existent pas. N'en parle à personne ma chérie. Et si elle t'approche de nouveau, ne lui parle pas et viens me voir. Fais-moi confiance. Elle ne voulait pas t'aider, mais t'enlever à ton frère et moi."

Elle me regardait, confuse, se mordant la lèvre alors que les larmes noyaient son regard.

- "Elle te ressemblait."

Je la regardais, sans comprendre ce qu'elle voulait dire par là. Comment ça elle me ressemblait? Mais je n'eus pas le loisir de demander à Wilha. Elle s'assit, avant se venir contre moi et de passer ses bras autour de ma taille.

- "Papa... Maman... Ils me manquent."

Et elle se mit à sangloter, alors que je la serrais contre moi, caressant ses longs cheveux soyeux. Azraëlle avait fait de gros dégâts sur la petite dans son désir de me nuire et je ne lui pardonnerais jamais. J'avais beau la désirer, ce qu'elle avait fait vivre à Wilha resterait gravé dans mon esprit à jamais. Je berçais l'enfant et elle finit par s'endormir. Épuisé, je décidai de la garder dans mes bras et m'endormis à côté d'elle, certain qu'elle était, cette fois, en sécurité.