C'est déjà l'heure ? | Kieran

A or E What else... Age : 45 Messages : 160 Date d'inscription : 01/12/2010

Je tournai le bouton lentement, méticuleusement, la tête un peu penché, une main sur l’énorme écouteur que j’avais sur la tête. Il fallait trouver le moment juste, ou plutôt, ajusté pour que tout cela fasse naturel, parfait. Béatement, je souriai comme un idiot. C’était débile, je me sentais comme un ado amoureux. De fait, j’étais amoureux depuis longtemps, mais le souvenir de ma dernière soirée avec Erika me revenait en souvenir brulants, indécent, terriblement sensuels…Il fallait peut être que je pense a autre chose en vérité, sinon, mon jean risquait de rétrécir dangereusement.

Résultat, je loupais ma séquence en jurant. Bordel ! Deux heures de boulot a rattraper ! Erika me le payerait ! Je soupirai, m’étirant sur mon fauteuil, faisant craquer ma nuque en penchant la tête d’un côté et de l’autre avant de me lever pour aller me chercher un café au distributeur. Bon, on était pas nombreux..Deux pour être précis, plus les intérimaires que je prenais de temps en temps, mais j’appréciais la machine, même si Sasha m’enquiquinait pour une vraie machine a café. Peut être que j’y penserais. Quand ? Je ne savais pas mais bon.

Me massant la nuque, je traversai le couloir, n’ayant en tête que la machine lorsqu’une silhouette me figea a l’accueil.

« Kieran ? »

Je le fixai un instant sans rien dire, étonné d’une certaine manière de le voir là.

« Sasha est partie depuis un moment tu sais ça ? »

Sauf qu’une partie de moi savait que ce n’était pas Sasha qu’il venait voir. On avait jamais parlé de son agression, pas plus de ce qu’il avait vu, mais inconsciemment, je savais que cela viendrait. Où ? Quand ? Comment ? Je n’avais pas de boule de cristal, mais mon instinct me disait que le moment était venu.

« Mais tu n’es pas venu pour Sasha je présume….Tu veux un café ? »

J’étais tendu, mais cela ne se voyait pas. Du moins pas aux yeux de Kieran…Et j’avais vraiment envie d’un café.

Tout allait bien dans ma vie ces derniers temps.

J'étais tellement peu habitué à cela que je tendais le dos chaque jour en attente d'une catastrophe. Ma vie n'était qu'une succession de drames et d'accalmie, alors forcément cela rendait méfiant. Pourtant, non... Depuis l'agression de Sasha, tout était en ordre : nous étions fiancés et plus amoureux que jamais, j'étais parrain d'une adorable petite fille et j'avais bientôt terminé ma première année qui se passait plutôt bien. Mes examens n'allaient pas tarder, mais j'étais assez confiant, bien que totalement stressé la plupart du temps, révisant jusqu'à des heures indues la nuit. Sous le regard amusé, amoureux et parfois inquiet de Sasha. Mais une fois cette session terminée, je serais tout à elle et elle ne s'en plaindrais sans doute pas.

Et pourtant, il restait une ombre. Un petit quelque chose que je devais tirer au clair et qui concernait l'agression de Sasha justement. j'avais assisté à un miracle, à un phénomène que je ne pouvais absolument pas expliquer de façon rationnelle. Rien ne pouvait expliquer qu'une paire d'ailes avait émergé du dos du patron de Sasha et qu'il avait pu réduire le saignement de la plaie. Rien de scientifique, il n'y avait là que la religion. Il était un ange ou un truc du genre et mon esprit renâclait à l'admettre, pourtant, c'était le plus... logique. Si tant est qu'il y avait de la logique là dedans, bien évidemment.

Alors j'avais prit mon courage à deux mains. Je jouais avec la plume ramassée, au fond de ma poche, me rendant au boulot de Sasha. Je savais que je ne l'y trouverais pas. Je ne lui avais parlé de rien. Je n'étais pas du genre à lui faire des cachotteries, mais en l'occurrence, je voulais savoir de quoi il en retournait avant de tenter quoique ce soit. Aussi me retrouvais-je seul avec Freddie, surpris de me voir. Pourtant, il comprit vite que je n'étais pas là pour ma copine mais bien pour lui. Peut-être avait-il toujours su que je viendrais un jour lui demander des comptes.

Il aurait pu m'envoyer balader, mais ne le fit pas et je lui en fus reconnaissant. Il me proposa un café et j'acquiesçais.

- Je veux bien. Noir.

Je le laissais alors préparer le breuvage, préparant mentalement ce que j'allais dire, avant de finalement simplement sortir la plume de ma poche et la lui montrer, la faisant tourner entre mes doigts de façon explicite :

- Sans vous, elle serait morte, je le sais et je ne vous en remercierais jamais assez... Mais je suis un cartésien, qui a du mal à croire aux miracles... Et aussi un catholique qui ne peut s'empêcher d'y croire, quelque part... Je sais ce que j'ai vu ce jour là. Vous n'êtes pas humain. Vous ne l'êtes plus.

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« Noir. »

Un peu pensif, je fis glisser la monnaie nécessaire dans la machine, sélectionnant la boisson chaude pour finir par la tendre a Kieran. Pour moi, désolé mais se sera pire, un expresso bien serré, je sentais que j’allais en avoir besoin. Quoiqu’un whisky aurait été pas mal non plus mais bon, j’étais un peu au travail.

Je m’adossai à la machine, soufflant légèrement sur mon breuvage avant de lever les yeux par-dessus le gobelet pour accrocher l’éclat argenté d’une de mes plumes. Un discret sourire ombra un instant mes traits.

« J’ai la mauvaise habitude de les perdre en ce moment… »

Commentai je avant de soupirer légèrement, baissant mon gobelet pour vriller mon regard sur mon vis-à-vis. Le mot catholique avait tendance à me hérisser les plumes d’ailleurs mais passons, c’était plutôt normal qu’il se réfère a la religion.

« Je ne crois plus aux miracles depuis longtemps Kieran, tu devrais faire pareil et non, je ne suis à proprement parlé plus humain. »

Je levai la main, saisissant délicatement ma plume qui dansait entre ses doigts. Un bel argent, c’était ironique. Je les avais eut d’un blanc immaculé voilà bien longtemps.

« Je suppose que tu as retourné tout cela dans ta tête je me trompe ? »

C’était presque certain, du peu que je savais du jeune homme, il lui avait fallut réfléchir avant de venir me voir, pas certain de l’accueil que je lui ferais. En d’autre circonstances, peut être aurais je poliment nier, mais là, ce n’était pas possible. Plus possible et, je ne me leurrais pas, avec les mouvements, les meurtres sauvages, je risquais d’être une cible de choix pour ange ou démon en mal de reconnaissance ce qui exposait Sasha sans que je ne le veuille.

« Quelle conclusions en as-tu tiré ? »

Quelque part, c’était mesquin de lui poser ce genre de question, mais je tenais tout de même à savoir à quoi il pensait exactement. Déjà qu’expliquer les ailes et tout le tatouin n’allait pas être de la tarte mais si on ajoutait au mélange que moi, j’étais unique en mon genre…De quoi perdre le plus cartésien des humains.

J'étais un brun nerveux, je ne pouvais pas le nier, mais j'essayais de n'en rien montrer. j'avais l'intime conviction que Freddie n'était pas un danger, du moins pas pour Sasha ou moi. Peut-être étais-je trop naïf ? Peut-être me tuerait-il pour préserver son secret ? Même si je n'avais pas l'intention de le révéler, pour la simple et bonne raison que je ne voyais vraiment pas à qui raconter ça. On allait me prendre pour un taré si je disais que le patron de ma copine était une sorte d'ange et qu'il l'avait sauvée en apposant ses mains sur elle. Je n'étais pas assez stupide pour parler de ça. Et qu'est-ce que cela m'aurait apporté de toutes façons ?

Je lui montrais la plume, jouant avec et il se fendit d'un petit trait d'humour à ce sujet, me faisant légèrement sourire. Il n'allait pas me tuer en plaisantant quand même ? J'étais un peu plus rassuré.

- Il existe des vitamines pour arranger ce genre de problème chez les moineaux, ça doit pouvoir s'arranger pour vous.

Moi aussi je pouvais faire de l'humour, en espérant qu'il n'allait pas se froisser pour ce trait d'esprit. Peut-être n'apprécierait-il pas que je le compare à un canari, même si, de ce que m'avait dit Sasha, il semblait avoir un solide sens de l'humour et ne se prenait pas forcément au sérieux. Je lui livrais alors ce que j'avais vu et il soupira, avant de me dire de ne plus croire aux miracles et de confirmer qu'il n'était plus humain.

- Sasha serait morte sans votre intervention, j'en suis persuadé. Les médecins n'expliquent pas comment elle a pu en réchapper. Il y a des incohérences. Alors oui, c'est un miracle.

Mais je notais qu'il n'était plus humains. Ce qui supposait qu'il l'avait été. Pas d'essence divine donc, un humain, mort, devenu un ange, comme ces histoires qu'on raconte aux gosses quand un proche meurt et s'en va au paradis. Ne t'inquiète pas mon chéri, mamie est là haut et elle te regarde, elle veille sur toi, avec les autres anges. Freddie me prit alors la plume des mains, l'observant à son tour, avant de me dire que j'avais du retourner tout ça dans ma tête. je me contentais de hocher la tête, silencieux. Et naturellement, il me demanda mes conclusions. Je me mordis la lèvre légèrement... Avant de finalement me jeter à l'eau :

- Je me suis posé pas mal de questions. Est-ce que j'avais rêvé ? Est-ce que c'était seulement possible ? Est-ce que je devais oublier, ou venir vous en parler, au risque de représailles ? Finalement, je suis là et je me dis que vous êtes une sorte... d'ange ? Mais les ailes des anges sont blanches... Ou alors vous êtes... autre chose encore ?

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« Ouais, le jour où il me poussera un bec, j’y penserais. »

Répondis je avec un léger sourire qu’Erika aurait sans doute qualifié de crispé. Mais Kieran ne me connaissait pas assez pour discerner la différence. Je le sentais nerveux et cela ne m’étonnais pas. Il fallait une bonne dose de courage pour venir et m’affronter directement sans même savoir à quoi s’attendre. Rien ne m’empêchait de lui coller le crâne dans la machine à café et de l’égorger avec le reste de la vitre ainsi défoncée…Bon, ça, c’est ce qu’aurait fait un ange je pense, ou alors, il aurait tenté de le détourner du droit chemin. Mais honnêtement, y avait il seulement un droit chemin ? Pas sûr du tout sur le coup. J’étais assez bien placé pour le savoir d’une certaine manière. Néanmoins, entendre parler de miracle et de catholicisme m’indiqua immédiatement de quelle confession il était. Evidemment, a moins que l’Irlande ne soit subitement passée à l’Islam, Kieran ne pouvait être que catholique.

« J’ai juste réparé certains tissus, ce n’était pas suffisant pour compenser la perte de sang, le reste… » Je haussai les épaules. « Elle l’a fait toute seule. »

Je n’étais pas un créateur de miracle, qu’on se le dise, cela faisait même très longtemps que je ne croyais plus en ce genre de conneries juste réalisées par Dieu dans l’intention de leurrer les humains. Le gris de ma plume me narguait et je ne pus m’empêcher de m’en saisir, la faisant lentement tourner devant mes yeux. Kieran était un garçon curieux, rationnel même. Je me doutais qu’il avait dût s’interroger de longues heures et, sans réponses satisfaisantes, il avait fait ce qu’il pensait juste, a savoir, me coincer. Enfin, encore aurait il fallut que je me sente coincé en fait.

L’entendre parler de représailles me fit sourire avec un rien d’amusement. Oui, je pourrais sans doute, mais avouons le, je n’avais aucune raison de le faire. C’était moi qui avait fait une erreur, je faisais avec les conséquences n’est ce pas ? Je plissai légèrement les yeux…

« J’ai été un ange si tu veux tout savoir, mais…Comment dit on déjà ? Ah oui…J’ai chus. »

C’était dit avec ironie, un cynisme certain. Puis, je soupirai légèrement, ne le lâchant pas du regard.

« Tu sais Kieran, il faudra vraiment que tu oublie tout ce que l’on t’a apprit si tu veux comprendre exactement ce que je suis, la question est de savoir si tu t’en sens capable. Si non, oublie cette conversation et rentre chez toi. »

Ce n’était pas dit méchamment, sans paternalisme, ce n’était qu’un conseil c’était tout. Si il tenait réellement a savoir la vérité, il lui faudrait s’accrocher. Je savais par expérience que les humains réagissaient mal lorsque tout ce qu’ils croyaient acquis ne se révélaient être qu’un vaste mensonge.

Bon d'accord, ce n'était pas forcément astucieux de faire ce genre de blague avec un type qui avait des ailes qui lui poussaient dans le dos et qui pouvait soigner en apposant les mains. Je supposais qu'il ne lui faudrait qu'une fraction de secondes pour me faire taire définitivement si je devenais un danger. Sauf que je n'arrivais pas à voir Freddie comme un danger... C'était un mec cool, qui avait risqué son secret pour sauver une jeune femme qui travaillait pour lui et à qui il avait donné une chance. Il avait payé ses frais d'hospitalisation, il était resté avec moi alors que je paniquais et étais désespéré... Je ne pouvais pas le considéré comme une menace. Mais j'avais besoin de comprendre. Alors je l'affrontais. Je n'étais pas accusateur, juste curieux. Peut-être avait-il pensé que j'allais oublier ce que j'avais vu, ou décidé que j'avais rêvé et cela aurait sans doute été le cas si je n'avais pas récupéré cette plume qui m'indiquait clairement que ce que j'avais vu était la réalité. Une réalité folle, à laquelle j'avais du mal à adhérer, malgré ma foi.

- Si vous n'aviez pas donné un coup de pouce, elle n'aurait rien fait toute seule...

Peu importe, pas la peine de minimiser son intervention. Pour moi, il l'avait sauvée et je n'avais pas besoin qu'il fasse de fausse modestie.

- Peu importe au final.

Il se saisit de la plume, alors que je lui livrais mes conclusions, aussi folles soient-elles. Un ange, c'était tout ce qui m'était venu à l'esprit. Des ailes argentées, la capacité de guérir... Et en fait, je n'avais pas tapé loin. Je le regardais avec des yeux ronds. Un ange... qui avait été déchu ? Un démon ?

- Attendez... Vous êtes déchu ? C'est comme être un... un démon ?

Il me conseilla alors d'oublier tout ce que je savais si je voulais comprendre. Je hochai la tête, avant de boire une sacrée gorgée de café. Je fis la grimace alors qu'il était brûlant.

- En fait, vous avez pas quelque chose de plus fort, je crois que je vais en avoir besoin...

Un peu d'humour. J'étais capable de faire abstraction de ce que je savais... Mais serais-je capable de l'accepter, là, aucune idée. Malgré tout, je n'avais toujours pas peur de cet homme et je le regardais droit dans les yeux, résolu.

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Peut être, peut être pas, comme on dit, les voix du Seigneur son impénétrables. Belle connerie ! Songeai je en haussant les épaules. Soit, inutile de s’apesantir sur le sujet, si Kieran tenait à tout prix que les miracles existaient et bien ma foi…Cela dit, je n’étais jamais tranquille avec ces conneries d’anges et démons, bien et mal, blanc bonnet et bonnet blanc. En fait, si on s’amusait a nous analyser je dirais qu’il y avait certain ange aux mécanismes de démons et certains démons à l’esprit angélique. Sauf que peu, voir aucun, mis à part moi, n’avait vraiment fait de choix. Croire en quelque chose de supérieur rassurait toujours mais je n’étais pas sûr que là était la bonne chose à faire. Surtout lorsque l’on était humain…

Je ris avec un rien de cynisme lorsque, éberlué, il me demanda si j’étais un démon. Et bien oui mon grand…

« Prince des Ténèbres, je te prie, ça sonne tellement mieux. »

Je haussai un sourcil moqueur alors qu’il avalait la réponse, cherchant une échappatoire dans le café qui, vu la légère grimace, venait de lui brûler la langue. Je me massai un instant la nuque, si il voulait avoir une chance de comprendre quoique ce soit, il fallait qu’il oublie tout ce qu’il savait et lorsqu’il me demanda quelque chose de plus…corsé qu’un café, j’eus un demi sourire amusé. Ouais, en fait, boulot ou pas, vu l’heure, je pouvais me permettre un petit whisky.

« Si je dois avoir ça quelque part. »

Je lui fis signe de me suivre, traversant le couloir pour aller a mon studio de travail. J’ouvris la porte, l’invitant à entrer avant de me diriger vers une petite console d’où je sortis deux verres carrés et une bouteille de liquide ambré. Après avoir servit une généreuse rasade dans les récipients, j’en tendis un à Kieran. Je bus une longue gorgée avant d’agiter ma plume sous le nez du jeune homme.

« Argent. Les anges ont les ailes blanches, les démons les ont noires. Moi, comme j’ai changé sciemment de camp, si on peut dire comme ça, j’ai droit au mix des deux. Et pour information, le pouvoir de guérir est démoniaque, pas angélique. »

Je me massai in instant l’arête du nez.

« Pour faire plus simple, prends la bible dans l’autre sens. D’ailleurs, la bible à toujours été la plus grande fumisterie jamais imaginée par Dieu. »

On ne pouvait pas dire que je prenais pas de gants, mais j’étais à peu prêt sûr que, quelle que soit la manière de le dire, Kieran aurait en première réaction un déni total, pensant que le démon que j’étais cherchais à l’embobiner. Bon, remarquez, cela serait facile…Si j’étais encore un ange…D’ailleurs, il ne devait même pas être au courant pour son cousin.

Ah... D'accord...

Prince des Ténèbres, carrément. Non seulement, c'était un démon, mais apparemment, pas vraiment un truc basique. Mais les démons n'étaient-ils pas censés être mauvais ? Dans ce cas, pourquoi est-ce que Freddie avait aidé Sasha ? Pourquoi se montrait-il gentil ? Pour mieux berner son monde ? Oui, c'était assez logique et je commençais à me demander dans quoi je m'étais embarqué au juste. Ce n'était peut-être pas très intelligent de venir le voir, sans que personne ne sache où j'étais et j'étais moins assuré qu'au début. Pourtant, je ne reculais pas, affirmant vouloir en savoir plus et demandant même un petit remontant pour avaler tout ça. Je n'avais jamais été un trouillard et j'étais du genre têtu et tenace, même devant un plus gros poisson que moi.

Freddie m'assura qu'il avait ce qu'il fallait et je le suivis, non sans une infime hésitation en me demandant où il m'emmenait comme ça... Oh de toutes façons, je ne pensais pas qu'il ai besoin de se cloitrer dans une salle de torture pour m'exécuter... Je ris intérieurement de mes propres réflexions, lui emboitant le pas jusqu'à son bureau. Là, j'entrai et le regardai sortir une bouteille et deux verres de whisky, nous servant et m'offrant un verre. Je le pris, avant de boire une rasade. Et bien, ça remettait les idées en place au moins.

Il agita alors sa plume devant mon nez et m'expliqua que la couleur argentée était le résultat de son changement de camp. Éberlué... et fasciné, je l'écoutais. Pourquoi quitter les anges et aller chez les démons ? Et encore une fois, le cours de mes pensées m'amusa. J'étais vraiment en train d'admettre qu'il existait des démons et des anges et que je discutais avec l'un d'entre eux ? Apparemment oui... Comment nier un tel truc ? Alors que tout m'indiquait que cela existait. Je fronçai les sourcils quand il ajouta que le pouvoir de guérir était un don démoniaque et pas angélique. Je retins une salve de protestations et de questions, attendant sagement la suite.

Je reculai légèrement quand il reprit en disant que la Bible était un tissu de mensonges et qu'il fallait la prendre à l'envers. Ola, deux minutes, on reprend... Je fermai les yeux un instant, avant de les rouvrir pour planter mon regard dans le sien :

- Alors quoi ? Les démons seraient gentils et les anges les méchants, c'est cela que vous tentez de me dire ? Et pourquoi est-ce que cela n'a jamais été démenti si vous dites la vérité ? C'est impossible que l'humanité ai été trompée durant tout ce temps... Des siècles, des millénaires même !

Évidemment que mon esprit se cabrait à cette idée. D'ailleurs, mon cerveau fit une autre association qui me donna des sueurs froides.

- Et Dieu et Satan dans tout ça ?

Si les anges étaient les méchants, qu'en était-il de ce Seigneur de Bonté dont on m'avait fait louange, que je priais chaque jour ?

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Bon, c’était un peu dur de lui faire avaler la couleuvre d’une certaine manière. Mais je pouvais reconnaitre à Kieran une bonne paire de couilles, si j’osais dire. Il ne tomba pas dans les pommes, ne hurla pas, ne réfuta pas tout en bloc. Non, en fait, il se contentait de pâlir, ce qui était pas mal comparé a certain de mes Eveillés qui avaient carrément tourné de l’œil. C’était marrant d’un certain angle de vue.

A peine me demanda-t-il quelque chose de plus fort a boire qu’un café et pourtant, ce café était franchement dégueulasse. Mais bref, je me retrouvai avec lui dans mon studio, un verre de whisky dans la main à lui expliquer certaine chose de la vie. Bon, alors déjà il y avait le fait d’avaler qu’ange et démon existaient. Ensuite que tout ce que l’on croyait savoir n’était pas. Et là, c’était le plus gros morceau et ça ne loupa pas.

Un rictus amer traversa furtivement mes traits.

« Si c’est très facile. L’homme est naturellement crédule, il a besoin de croire en quelque chose. Foutez lui deux ou trois miracles devant le nez et il croira même que les oursins volent. Démentit ? Oui, pourquoi pas, si on avait réussit a contrecarrer son plan avec Jésus. Malheureusement, on était un peu occupé ailleurs à ce moment là. »

Je bus une autre gorgée d’alcool, pensivement avant de braquer mes yeux glace sur son visage.

« Et bien, une partie de la Bible est vraie. Celle qui veut que Satan se soit détourné de Dieu. La raison par contre est totalement fausse. Ce n’était pas de la jalousie ou de l’envie…En fait, je crois qu’il aime les hommes beaucoup plus que Dieu qui ne voient en eux qu’un moyen de grossir son armée. »

Je me grattai la tempe, cherchant les bons mots. J’avais beau avoir fait ça des centaines de fois, c’était toujours pareil. Principalement parce que chaque personne était différente l’une de l’autre.

« Tu as déjà joué à Black and White ? Si oui, tu vas comprendre ce que je veux dire. Dieu n’est pas unique dans l’univers par contre, sa soif de pouvoir l’est elle. »

Je souris avec un rien d’ironie.

« Je ne te demande pas de me croire, d’ailleurs, tu dois même penser que c’est le rôle du Malin que de détourner l’homme du droit chemin non ? »

Ce qui était sans doute le plus vraisemblable.

« Preuve qu’il est difficile de faire mentir la Bible. »

Bon, on respire, mais on s'assoit quand même, parce que je sentais mes jambes trembler. Tout mon être en fait. j'étais tombé dans la 4e dimension alors que j'écoutais un type, le patron de ma copine, me parler d'anges et de démons. Déjà là, j'avais du mal, même si je ne pouvais qu'y croire, puisque je l'avais vu. Comme St Thomas. Je n'avais trouvé absolument aucune autre explication scientifique et j'avais du me résoudre à admettre qu'il y avait des choses qui dépassaient largement les compétences de la science, des choses qui étaient encore mystérieuses et mystiques et que rien ne pouvait expliquer. J'étais en pleine théologie et bien que catholique, bien que priant souvent, je ne m'étais jamais attendu à avoir ainsi une manifestation physique d'un pouvoir divin.

Alors déjà ça, il fallait l'avaler. Mais d'apprendre qu'en plus, les anges étaient de sales enfoirés manipulateurs, alors qu'on parlait toujours d'anges bienveillants, d'anges messagers, d'anges gardiens, là, ça faisait mal. C'était tout un concept qui s'écroulait, toute une idée rassurante. Quelque part, le petit garçon que j'étais s'était consolé de la mort de ses parents en se disant qu'ils étaient au ciel, au paradis, qu'ils veillaient sur Sorcha et moi, qu'ils étaient des sortes de Gardiens bienveillants. Des anges oui. Alors j'avais la nausée à m'imaginer que cela ne soit pas le cas. Qu'ils étaient simplement morts, disparus, que leur âme n'était plus.

Mais Freddie continua impitoyablement. En plus Dieu n'était qu'un parvenu avide de pouvoir et Satan aimait davantage les humains que lui. Je bus le whisky d'une traite, sentant ma tête tourner, mais pas à cause d'une quelconque ivresse. C'était trop, trop violent... Je l'écoutais, mais je ne répondais pas, lèvres pincées et visage pâle et fantomatique. Mais il finit par me poser une question et je relevai un regard perdu vers lui.

- En fait, je ne me dis rien... Je ne sais plus quoi penser... Ce qui est vrai, ce qui est faux... Je sais juste que mes convictions viennent de s'effondrer. Si ce que vous dites est vrai... Vous allez me prendre pour un idiot, mais imaginer que mes parents gardaient un œil sur ma sœur et moi avait quelque chose de réconfortant, rendant plus supportable leur mort et en fait... Ils ne sont juste plus.

Cela devait lui paraitre incroyablement puéril et stupide, mais c'était à peu près la seule pensée cohérente que je pouvais avoir dans tout ce chaos. Je n'étais jamais loin de la dépression, de la mélancolie et là... Tout venait de s'effondrer.

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Je voyais sur le visage de Kieran ses doutes, ses acceptations, son rejet. Je me doutais bien que ce ne serait pas facile, surtout pour quelqu’un élevé dans la religion. Apprendre que tout ce que l’on croyait n’était qu’une illusion…Dur à avaler.

Je n’étais pas spécialement doux, ne prenant pas vraiment de gants, mais je crois qu’il n’y a pas de manière adéquate pour cela. Il n’y en aura jamais. Je grimaçai légèrement alors qu’il finissait le whisky d’une traite, cherchant un fauteuil du regard, s’y laisser tomber. Je le resservis sans aucune honte et absolument pas dans l’idée de le souler d’ailleurs. Juste qu’il fallait encaisser.

« Ce n’est pas idiot. Disons que c’est naturel. Mais la réalité est un peu plus compliquée. Certes, tes parents ne sont pas assit à la droite de Dieu mais… -J’avalai une gorgée d’alcool-Mais contrairement à ce que dis la religion, la réincarnation est un fait avéré. Tes parents ne sont plus, comme tu le dis, ils attendent juste de renaitre. Et ça, c’est quelque chose sur laquelle Dieu ou Satan n’ont aucune prise. »

Je ne savais pas si c’était réconfortant de penser ainsi, ne risquait il pas de chercher ses parents ? Inconsciemment ? Peut être, peut être pas, mais je ne pouvais pas non plus détruire tout ce à quoi il croyait sans essayer d’en minimiser l’impact au maximum. Et l’éclat hanter de son regard me pinçait le cœur. Quelque part, je m’en voulais de lui imposer ça. De piétiner tout ce qu’il croyait acquis. Ce soutient qu’il trouvait dans la religion.

« Ca fait peut être un peu trop d’un coup pour toi. »

Ajoutai je en finissant mon verre d’un coup.

« L’ignorance a parfois du bon. »

Soupirai je en reposant mon verre sur une enceinte avant de croiser les bras sur ma poitrine, vrillant mon regard clair sur le visage pâle du jeune homme.

« Il va te falloir du temps pour avaler tout ça, mais je tiens quand même à te rassurer, Sasha ne craint rien avec moi par contre…-C’était là une décision qui était difficile a prendre pour moi, mais quelque part, avais je seulement le choix ? Il finirait par découvrir le pot aux roses- Par contre, méfies toi de ton cousin. »

J'étais anéanti. J'aurais pu me révolter, j'aurais pu me relever brutalement et hurler qu'il n'était qu'un sale menteur, un démon qui cherchait à réduire mes espoirs à néant. Oui, cela aurait sans doute été bien plus facile. Et pourtant, quelque chose me retenait d'agir ainsi. Quelque chose dans son attitude, dans son regard. Il y avait de la sincérité chez Freddie et je ne pouvais oublier qu'il avait sauvé Sasha, qu'il s'était toujours montré doux et attentionné avec elle, protecteur. Il lui avait donné un job, il avait payé ses frais d'hospitalisation. Alors oui, peut-être que ce n'étaient là que des pièges pour rendre son entourage plus crédule et mieux frapper ensuite, mais je n'y croyais pas vraiment.

Et surtout, j'étais totalement, entièrement, focalisé sur le fait que tout ce que j'avais apprit, toutes ces croyances ancrées dans mon cœur et qui aidaient à réduire les peines n'étaient que mensonges. Mes parents ne veillaient pas sur nous, ne vivaient pas dans un monde meilleur. Au mieux, ils avaient disparu réellement, rejoignant le néant, au pire, ils avaient été... recrutés, devenant des anges, des soldats, fourbes et calculateurs. Et ces deux idées étaient intolérables. Bien qu'intellectuellement, je préférais qu'ils aient disparu, alors qu'émotionnellement, j'espérais qu'ils vivaient, même changés.

C'était un terrible dilemme intérieur et cela m'avait ôté toute force, toute combativité. Il ne restait que la résignation, l'horreur. L'effondrement, pur et simple. Je devais reconnaître une chose à Freddie : il était très doué pour accabler les gens. En quelques phrases, j'avais l'impression qu'il avait éteint toute lumière en moi, cette petite flamme fragile que Sasha avait su raviver. Elle venait d'être soufflée, en un rien de temps.

Et pourtant, cela ne semblait pas réjouir le démon repenti. L'ancien ange. Parce qu'il dut lire ma profonde détresse, la ressentir vivement et qu'il crut bon d'ajouter que j'avais raison, oui, mais qu'il y avait une autre option. La réincarnation. Je levai le regard vers lui, étonné.

- Parce que ça existe aussi ?

Renaître... C'était un concept très séduisant... Cette histoire d'âme qui renait sans cesse. Cela pouvait prendre quelques années, comme quelques siècles. Quoiqu'il en soit, mieux valait penser qu'ils étaient morts. Quand bien même ils se réincarneraient de mon vivant, ils ne seraient plus mes parents. Cela faisait mal, terriblement, et je chassais ce concept de mon esprit, aussi fort que je le pouvais. Je n'avais pas songé qu'en venant le voir, j'en serais aussi fortement ébranlé et blessé dans ma chair, dans mon âme, que j'en apprendrais autant. Freddie conclut que cela en faisait sans doute trop pour moi et que l'ignorance était parfois salutaire. J'avais tendance à penser que non, mais alors que j'étais frappé de plein fouet, je prenais à effectivement acquiescer, lâchement, puérilement.

Il reprit la parole en disant que j'allais avoir besoin de temps pour digérer ces informations, et que Sasha était en sécurité avec lui. Ça, je n'en doutais pas, étrangement. C'était une intime conviction que je m'étais forgé. Mais je relevais brutalement la tête quand il parla d'Aaron, alors que mon cœur se serrait brutalement.

- Que vient faire Aaron là dedans ?!

Je m'étais relevé sans m'en rendre compte, encore plus pâle, alors que mon cerveau faisait ses propres conclusions, sans que je lui en donne l'ordre. Allons, c'était tellement évident... Un leucémique, en stade terminal, qui s'éloigne une paire de mois et revient dans une forme insolente à cause d'un mystérieux traitement expérimental... Fallait-il être bête pour y avoir cru ! A ma décharge, j'ignorais que l'on pouvait devenir... autre chose. J'écarquillais les yeux d'horreur alors que je comprenais soudainement avant de lâcher d'une voix blanche :

- Il est... mort ?

Mort de sa maladie ? Devenu ange ou démon ensuite ? Je ne me sentais vraiment pas bien... Je voyais moins Aaron depuis sa guérison miracle, mais je n'avais pas compris que c'était peut-être son souhait de m'exclure de sa vie. Mais dans tous les cas, pourquoi me méfier de lui ? Quoiqu'il soit devenu, il restait Aaron, il ne ferait pas de moi une recrue n'est-ce pas ?

- Mais, comment est-il devenu quelqu'un comme vous ? Pourquoi lui ?

A or E What else... Age : 45 Messages : 160 Date d'inscription : 01/12/2010

« Oh que oui… »

Fis je en laissant un coin de mes lèvres se relever, même si il n’envahit pas mes yeux. J’étais désolé pour lui, de devoir détruire ce en quoi il croyait et je savais, au fond de moi, que je m’y prenais comme un manche. Je me passai la main dans les cheveux.

« Ils renaitront. Une nouvelle vie, c’est un cycle. »

Ajoutai-je en détournant légèrement les yeux. Non, je ne mentais pas, ce n’était pas ça le propos, juste que je me disais que moi, je n’aurais pas cette chance si je venais a mourir. Ni Erika.

Preuve si il en ai que je m’y prenais comme un manche. Je parlais de son cousin. Il aurait fini par savoir, d’une manière ou d’une autre. Soit Aaron le lui dirait, lui offrant l’éternité par la même occasion, soit…Et bien il risquait d’être tué. Kieran réagit comme un serpent qui mord, il se redressa d’un coup, levant un regard perdu sur moi. Et merde ! Niveau pédagogie, on repassera ! Je n’étais franchement pas doué.

« De ce que j’en sais, les desseins d’Azraëlle sont rarement…compréhensibles. Si tu es aussi catholique que je le pense, tu sais très bien qui est Azraëlle…Mais rajoute deux L et un E »

Mince, j’avais besoin d’un second verre et lui aussi vu comme c’était partit. Donc je nous resservis généreusement avant de me laisser tomber dans un fauteuil.

« Elle l’a repéré, a gagné sa confiance, l’a bénit et l’a tué. Voilà comment ça se passe chez eux. »

Murmurai je doucement après une bonne gorgée, frissonnant presque malgré moi en songeant à ma propre mort.

« Moi, on m’a poussé dans un escalier… »

J’eus un sourire sardonique. L’avantage d’Azraëlle, enfin si on peut dire ça comme ça, c’était sans doute qu’elle faisait de la mort de ses Bénis une véritable œuvre d’art et y mettait un soin particulier. Toujours mieux que finir le cou brisé après une chute dans l’escalier, surtout plus classe peut être.

« Toujours est-il que…éloigne toi de lui. Si tu représentes une faiblesse, quelquelle soit, tu mourras plus vite que tu respires. »

Après les anges, les démons... La réincarnation... Je ne voyais même pas pourquoi je m'en étonnais encore. Il n'y avait rien de déconnant à ce qu'une âme se reconvertisse, intègre un nouveau corps. C'était même moins bizarre que de se voir pousser des ailes. Et cette idée avait quelque chose de rassurant quelque part. Si je passais outre mon désir égoïste de les revoir, de leur parler, de leur demander pardon, l'idée qu'ils puissent revivre, ailleurs, dans quelques années ou décennies était réconfortante. Et se posait alors la question des âmes sœurs. Dans la littérature, il arrivait que l'on parle d'âmes qui étaient faites pour se retrouver encore et encore. Était-ce vrai ? Est-ce que j'avais déjà connu Sasha auparavant ? Est-ce que je la retrouverais dans une prochaine vie ? Autant de questions qui se bousculaient dans ma tête, mais que je n'osais pas poser maintenant. J'intégrai le principe de la réincarnation comme le fait que les anges et les démons existent. Et qu'ils n'étaient pas forcément ce que j'en savais. Toute une éducation remise en cause, des millénaires de mensonges. Si toutefois, ce n'était pas Freddie qui mentait, purement et simplement.

Mais tout cela fut balayé quand il m'apprit qu'Aaron était un ange. Je pouvais encaisser bien des révélations, mais celle là, elle me scia totalement. J'aurais voulu nier, mais mon esprit perfide, froidement calculateur, venait déjà de me hurler que c'était la vérité, en additionnant les indices qui allaient en ce sens. Sa soudaine guérison, grâce à un traitement expérimental plus que nébuleux, sa forme insolente, son luxe soudain... J'avais l'impression d'une trahison, alors que je me sentais sombrer. Oui, c'était froidement et implacablement logique. Freddie me répliqua alors que les desseins d'Azraëlle étaient difficilement déchiffrables et là, je retombais. Azraël ? L'ange de la mort ? une femme ? Je frissonnais brusquement en me rappelant cette femme magnifique qui s'était pointée au chevet d'Aaron quand il avait failli mourir, cette femme qui nous avait effrayé Sorcha et moi. Je me rappelais son regard d'eau, sa froideur... Je devais être aussi blanc qu'un linge.

Freddie me resservit un verre, avant de m'expliquer qu'elle l'avait repéré, gagné sa confiance et tué. J'avalai péniblement ma salive, avant de boire de grandes gorgées de whisky. Il ajouta que lui, on l'avait poussé dans l'escalier et je relevais le regard vers lui. C'était toujours comme ça ? les anges tuaient les humains qu'ils avaient choisi ? C'était horrible... Sauf qu'Aaron serait mort de toutes façons, et bien trop rapidement à mon goût.

- Aaron il était... malade. Il était mourant, il allait mourir, ce n'était qu'une question de jours...

Ma gorge se serra brutalement.

- Il était condamné, ce n'était pas difficile de gagner sa confiance... Je ne peux même pas lui en vouloir.

Ma voix s'éteignit dans un murmure. Aaron avait mon âge, il voulait vivre, on lui en avait offert l'occasion... A sa place, je n'aurais sans doute pas hésité. Non, je ne pouvais pas lui en vouloir d'être devenu un ange, aussi salaud puisent-ils être... Aaron restait Aaron. Et je ne parvenais même pas à lui tenir rancœur de ne rien m'avoir dit. Comment l'aurait-il pu ? Salut Kieran, en fait, je suis bien mort et je suis devenu un ange, c'est cool, non ? Freddie me conseilla alors de m'éloigner de lui, au risque d'être tué. Je sortis de ma torpeur, de cet étrange engourdissement.

- Il me tuera, c'est cela que vous voulez dire ?

A or E What else... Age : 45 Messages : 160 Date d'inscription : 01/12/2010

« Ouais, j’imagine que la proposition était alléchante..Elle l’est toujours et avant que tu me demande ce que l’on m’avait proposé a moi, sache juste que je ne savais rien avoir d’avoir la nuque en angle droit en bas d’un escalier. »

Et je dois dire que le retour à la réalité avait été…frappant. Dur. Glacial. Savoir tout ça avait un prix, je le savais et Kieran allait le payer un jour ou l’autre. Je bus une gorgée de whisky avec un sourire désabusé.

« Pourquoi lui en vouloir ? Qui ne rêve pas d’une vie éternelle ? De puissance ? Même si pour cela on doit vendre son âme ? »

Les anges étaient doués pour brouiller la vérité, la réalité, la tourner a leur avantage, tirer partit de la noirceur de l’homme humaine qui existait en chacun.

« Si je t’avais proposé de sauver Sasha, cette nuit-là dans la ruelle, d’en faire une démone pour lui assurer une vie longue...Ne te serais tu pas laissé tenter ? Il faut beaucoup de volonté pour refuser un tel cadeau… Enormément même. »

Et l’homme n’en avait pas. C’était aussi simple que cela. J’ouvrais à Kieran un monde qu’il n’était pas prêt a parcourir, ou même à comprendre, mais d’une certaine façon, je lui offrais aussi les armes pour y résister. Triste compensation alors que je brisais ses illusions. Je me sentais mal pour lui et fourrager dans mes cheveux n’y changerait rien, autant le mettre en garde.

« Peut être même si tu l’en crois incapable maintenant par exemple, l’enseignement des anges est sans pitié…Mais si lui en a encore, elle, elle n’en aura aucune, est ce que tu saisis ce que je veux te dire Kieran ? Le danger vient peut-être d’Aaron, mais il viendra plus sûrement d’Azraëlle et elle ne se contentera pas de te tuer froidement… »

Même si je n’avais jamais vu l’ange de la Mort a l’œuvre, j’avais déjà entendu des échos. Ses Bénis Mâles ne bénéficiaient d’aucune tolérance de sa part, d’aucun droit à l’erreur et se la mettre à dos…J’en frissonnais d’avance tiens !

Je frissonnais à l'image lugubre que faisait naître la mort de Freddie dans mon esprit. J'imaginais son corps désarticulé en bas des escaliers. Il avait été prit en traître, tué sans savoir ce qui allait lui arriver, ce qui l'attendait. Cela devait faire une drôle d'impression quand même, de se penser mort et finalement, de revivre, sous une autre forme, avec d'autres pouvoirs. Quant à Aaron... Il allait mourir, c'était facile de le tenter. N'importe qui aurait accepté le marché... Surtout si on ne savait pas ce qu'étaient vraiment les anges, si on pensait qu'ils étaient des êtres de pureté. Ce qui n'était pas le cas d'après le démon que j'avais devant moi. Je murmurais que je ne pouvais pas en vouloir à Aaron de son choix et Freddie renchérit, s'attirant un regard indéchiffrable de ma part. Rêver de vie éternelle, de gloire, de puissance ? Non, cela ne me faisait pas envie. Si je pouvais sauver ma jeune vie, oui, sans doute, mais si j'avais déjà bien vécu, vieilli auprès de Sasha, alors tout cela me semblait fade.

- Vendre son âme pour ne pas mourir à 19 ans, oui, pour sauver un être cher d'accord. La vendre pour la gloire, la puissance, l'argent ou même une vie éternelle... Non.

Parce que je savais déjà que si j'étais dans cette situation, près de trépasser alors que la vie était devant moi, j'accepterais... Après avoir passé des mois à trainer ma carcasse et ma culpabilité, je me découvrais une furieuse envie de vivre malgré tout. Et si je devais vendre mon âme pour sauver la vie de Sorcha ou Sasha, j'étais persuadé de ne pas hésiter bien longtemps non plus. Freddie me demanda alors si j'aurais accepté de laisser Sasha mourir en sachant que lui, il pouvait lui offrir l'éternité et surtout la vie, même sous forme de démone. Je bus une autre gorgée, avant de répondre lentement :

- J'aurais sans doute accepté... Par égoïsme. Par pur égoïsme et surement pas dans son intérêt à elle.

Parce que la vie sans elle était totalement inconcevable, parce que la perdre était au dessus de mes forces. Mais aurait-elle accepté ce cadeau ? Ne m'en aurait-elle pas voulu de prendre cette décision ? peut-être aurait-elle été heureuse de ne pas me laisser, de ne pas me plonger dans l'abîme en disparaissant, mais elle m'en aurait sans doute voulu de lui avoir offert cette existence là.

Un gouffre s'ouvrait sous mes pieds et ce n'était pas agréable d'y plonger. Je regrettais presque de savoir tout cela, mais de façon froidement rationnelle, je savais que c'était un mal nécessaire. Mes émotions et mon intellect se livraient une guerre acharnée. J'étais reconnaissant à Freddie de me livrer cette vérité autant que je lui en voulais de m'ouvrir les yeux. J'en voulais à Aaron de m'avoir menti, d'avoir accepté ce marché, mais je savais aussi que c'était normal et que j'aurais sans doute fait pareil. C'était difficile. Mais le pire, c'était d'entendre Freddie m'assener que je devais m'éloigner de mon cousin, au risque de mourir. D'être tué. Par lui. Ou par sa créatrice, si j'étais une faiblesse. Et je savais que je l'étais, parce que je savais qu'Aaron ne me ferait jamais le moindre mal. Ce qui laissait Freddie sceptique.

- Je sais que vous faites ça pour mon bien, mais... il est question de généralités et je doute que n'importe quel enseignement puisse briser ce qui nous lie Aaron et moi... Vous ne savez rien de lui, juste qu'il a rejoint le camp ennemi au votre, qu'il a été transformé par l'ange de la mort et qu'il n'aura pas le droit à l'erreur... Le danger ne viendra pas de lui. c'était peut-être idiot, puéril, mais je sais que je n'ai rien à craindre de lui...

De lui. Pas d'Azraëlle. Je me levais, reposant le verre sur le bar.

- J'ai besoin de prendre du recul avec tout ça...

Si vraiment, Azraëlle voyait en moi une faiblesse et décidait de me supprimer... Ou de tuer Aaron... Je frissonnais. J'avais besoin de réfléchir à tout cela, calmement et de faire mes choix.

- Vous jurez que Sasha est en sécurité avec vous ?

A or E What else... Age : 45 Messages : 160 Date d'inscription : 01/12/2010

« Tu es sans doute plus sage que beaucoup d’humain c’est tout. Mais la gloire, l’argent, l’immortalité…Ce sont des cadeaux auquels bien peu d’entre vous peuvent résister. La peur de la mort est un facteur d’acceptation…L’avidité aussi, l’ambition bien évidemment. L’amour encore…Un sentiment noble bien souvent pervertis. Tu l’aurais fait pas par égoïsme, mais par desespoir. J’ai vu des anges se servir de cela pour avoir ce qu’ils voulaient… »

Répondis je crûment. Parce que j’étais brutal, je n’y pouvais rien. Quels étaient les bons mots ? Il n’y en avait pas. Apprendre pour son cousin était surement un coup dur, je pouvais en convenir aisément, mais plus tôt il le saurait, plus tôt il s’y ferait. Raisonnement digne d’un barbare, enfin façon de faire digne d’un barbare, mais Kieran encaissait plutôt bien.

« Tu es naïf Kieran. »

Fut mon seul commentaire alors qu’il soutenait que son cousin ne deviendrait jamais un ange véritable. Oui, une belle innocence que voilà ! Si encore Aaron avait été le béni de n’importe quel ange…J’aurais laissé le doute, mais là, on parlait d’une femme plusieurs fois millénaire, froide comme la glace et dénuée de pitié…

Je le regardai poser son verre, déboussolé et j’eus un rictus indécis qui se transforma en sourire amusé lorsqu’il voulu s’assurer de la sécurité de Sasha.

« Oui. »

Mais sans doute n’aurais-je pas dût être aussi sûr de moi, surtout lorsqu’une impression froide, presque familière se répandit sur ma peau…Je cessai immédiatement de sourire et, vif comme l’éclair, je me saisis du bras de Kieran pour l’attirer vers moi, dans le même mouvement, j’ouvris mes ailes dans un déchirement de chair et de tissus, nous enroulant dedans quelques secondes avant qu’une explosion ne fasse vibrer les murs de mon studio, qu’une odeur de fumée se répandait et que des cris joyeux retentissaient. La porte vola en éclat et des morceaux de bois s’enfoncèrent dans mes plumes, les maculant de sang.

« Merde ! »

Grommelais je en les ébrouant, serrant les dents de colère de rage, réprimant mon envie de le jeter dehors pour faire des coupables de la chair à paté…Seulement, je ne pouvais pas…Pas encore…

« Finalement…Peut être pas…Ecoute moi bien Kieran, je vais envoyer Sasha en stage, je ne veux plus qu’elle mette un pied ici tant que…-je soupirai- Je crois…qu’une guerre couve… »

Plus sage ? Non, mais j'avais sans doute vécu des choses dans ma vie qui me la faisaient considérer autrement. La gloire, le pouvoir, l'argent, franchement, c'était dérisoire dans la vie et cela ne l'embellissait pas, n'en augmentait pas la valeur. En revanche, j'aurais sans doute fait n'importe quoi pour ne pas perdre un être cher, pour protéger un proche que j'aimais. Freddie me fit remarquer qu'on pouvait utiliser cela pour bénir et je hochais la tête. Oui, c'était même sans doute l'une des meilleures façons d'amener quelqu'un à accepter ça.

Concernant Aaron, je refusais de croire qu'il puisse un jour changer au point de vouloir me nuire. Non. Impossible. Nous avions vécu trop de choses tous les deux, des drames qui nous avaient lié à jamais. Freddie me taxa de naïveté et je haussai les épaules, ne m'offusquant même pas de ce jugement de valeur.

- Peut-être. Mais vous ne savez rien de lui, c'est tout.

Il ne savait pas par quoi il était passé, ce qu'il avait vécu, cette maladie qui lui avait collé à la peau pendant plus de 10 ans. Il n'était pas là quand Aaron était mort dans cette chambre d'hôpital, même brièvement. Qu'il fasse donc des généralités, je m'occupais du cas particulier. Je terminais en lui demandant s'il protégerait Sasha et il me répondit par l'affirmative, tout simplement.

Et puis après... Après, j'eus un blanc alors que tout s'enchainait trop vite. Freddie me saisit par le bras et me plaqua contre lui alors qu'un froissement soyeux et un bruit de tissu déchiré raisonnaient, juste avant qu'il y ai une explosion. Je retins mon souffle, persuadé que cette fois, j'allais vraiment mourir, mais c'était sans compter sur la constitution du démon. Il jura et se redressa en s'ébrouant alors que je reculais, les yeux écarquillés alors qu'il était blessé mais semblait ne pas en faire grand cas. Je butais dans quelque chose et faillis trébucher alors qu'il reprenait la parole, l'air grave. Dehors, des rires avaient retenti. Il prononça le mot Sasha et je le regardais. Mes oreilles bourdonnaient du bruit de l'explosion et je sentais mes jambes trembler sous moi, mais me raccrochais à ses paroles.

Finalement, Sasha n'était pas en sécurité ici, pas à cause de Freddie, mais à cause d'une... guerre ?

- Une guerre ? Entre anges et démons ? Non, ne répondez pas, j’ai pas envie de savoir je crois… Je veux juste que Sasha soit en sécurité. Je dois y aller, j’aimerais éviter de mourir tout de suite et j’ai pas l’impression que rester avec vous assure ma survie… Merci pour Sasha, et merci d’avoir été honnête avec moi.

Je reculais, sonné, désorienté, mais j’avais besoin de fuir maintenant. Partir loin de tout ça et réfléchir. J’avais été courageux jusque là mais ce courage m’abandonnait maintenant et sans plus de cérémonies, je tournais les talons et partis, n’importe où, mais seul. Ce soir là, je rentrais tard chez Sasha et elle était déjà endormie quand je me glissais à ses côtés, l’entourant de mes bras et la serrant contre moi, conscient que notre bonheur était éphémère au final.

[RP TERMINE]

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