Comme un air de déjà vu [Yue Hue]

Ah…Hum. Oui, c’était ce que je pensais. Ou alors je n’étais par totalement objective aussi. Je ne savais pas vraiment alors je biaisais.

« Disons que moi, je me retournerais. »

On évitera de rougir comme une adolescente idiote, je préférai mettre un peu de rire dans ma voix. De toute façon, je ne pouvais pas essayer de lui faire croire qu’il ne me plaisait pas. Il n’était certainement pas dupe, vraiment pas. Et je n’avais pas de honte a le dire ou l’avouer. C’était quelque chose de terriblement étrange. Je ne savais pas d’où cela venait, mais je l’acceptais, petit à petit, doucement, malgré le bouleversement que cela provoquait en moi. Ces élans que je bridais tant bien que mal, indépendante de moi, indépendante de ma propre volonté. D’ailleurs ma volonté me poussait plutôt au contraire et pourtant, je continuai a discuter, comme si de rien n’était.

« Je ne fais qu’émettre un fait, rien d’autre. »

Répliquais je en riant parce que je le voyais très mal vaniteux ou arrogant alors qu’il avait toute les raisons de l’être quelque part. Il avait ce qu’il fallait pour.

« Je ne dirais pas que c’est stupide…Mmmh…C’est juste terriblement surprenant. De nos jours, coucher avant le mariage, changer de partenaires, ne s’attacher a aucun en particulier ou pour peu de temps est monnaie courante. Je veux dire…Même les jeunes font des paris sur le nombre de filles qu’ils arriveront a avoir…C’est pathétique d’une certaine façon mais terriblement réel. »

Cela dit, il devenait terriblement intriguant avec cette philosophie, cela me plaisait c’est vrai. Je n’étais pas une femme a coucher sans sentiment aucun, ni même a enchainer les amants, j’avais été trahie aussi. J’aurais sans doute aimé avoir un homme avec une tel conception du couple. Je me serais sentit en sécurité, aimée, désirée et adorée. Et l’être par lui…

« Baigné la dedans ? »

Je ne comprenais pas vraiment en fait. De nos jours, les jeunes préféraient faire leur études, draguer et s’enivrer mais combien se passionnait pour un art martial ?

« Tu es vraiment un passionné alors. »

Conclus je avec un sourire doux avant de paraitre sans doute un peu gauche et je ne sus pas comment je me retrouvais a parler de mon dojo, de mes propres aptitudes qui semblaient bien dérisoires face aux siennes. Une lueur de joie s’alluma dans mes iris sans même que j’en eu conscience alors qu’il acceptait de venir me voir a l’entrainement. Un désir secret de l’impressionner ? Je n’en savais rien. Une envie folle de le faire entrer dans ma vie jusque dans ses moindres détails ? Sans doute. C’était irréel mais bien présent.

« Raconte moi. »

Je ne comprenais pas vraiment en quoi son éducation avait pu être si différente de tout le monde et j’étais curieuse de le savoir. Il était un mystère, fascinant, attractif, je me sentais attirée…Et je voulais l’être.

Moi je n’hésitais pas a lui livrer des détails de ma vie, de mes passions cachées aussi. Secrète ? Je ne savais pas, disons que je n’avais jamais réellement parlé du manque qu’avait été le dessin dans ma vie, manque que je comblais parfois en dessinant selon l’envie. Mais devant ses plats terriblement bon, je ne pus m’empêcher de le taquiner, disant que c’est lui qui viendra faire la cuisine mais il ne sembla pas d’accord. J’affichais une moue presque larmoyante.

« Et si ce n’est pas bon ? »

Quoique, je n’étais pas un cordon bleu, mais je me défendais quand même. Je le regardai se lever pour aller chercher la suite et je ne pus m’empêcher de battre des mains de contentement lors qu’il revint avec un plat que j’appréciais particulièrement. Cependant, en me laissant aller a ce genre de débordement je provoquais la fuite intempestive d’une baguette qui trouva très amusant d’aller s’échouer a quelques mètres.

« Bon sang ! je ne suis décidément pas douée. »

Bougonnais je avant d’aller la chercher presque a 4 pattes, pestant intérieurement contre ma fébrilité qui me poussait a faire que des idioties….

Je souris en coin et baissai le regard pour me concentrer sur le reste de ma soupe quand Yue Hue répliqua qu'elle, elle se retournerait. Je savais que je lui plaisais, mais me l'entendre dire était assez satisfaisant, je devais l'avouer. J'avais crains que son amour ne puisse renaître... Nos âmes étaient liées, mais cela suffisait-il? Son apparence aurait pu ne pas me plaire, sa personnalité ne pas m'intéresser... Comme ses goûts auraient pu changer. Beaucoup trop de questions qui trouvaient enfin leurs réponses. Et j'étais flatté de l'entendre me dire que si elle m'avait croisé par hasard dans la rue, elle se serait retournée sur moi. Je notai tout de même sa façon de dire cela légèrement, pour se donner une contenance. Quelque chose qu'elle faisait souvent, je l'avais noté.

Je plaisantais sur sa propension à me flatter et à entretenir une vanité qui n'existait pas vraiment. Elle répondit qu'elle ne faisait qu'énoncer un fait. D'accord, je rendais les armes à ce sujet. Pour lui expliquer les raisons d'un célibat prolongé. Sans entrer dans les détails, mais sans lui mentir non plus. Plus tard, quand elle saurait qui j'étais et qu'elle se remémorerait nos conversations, elle constaterait que jamais je ne lui avais menti, juste que j'étais resté vague sur certains éléments. Je ne voulais pas lui mentir et j'étais déjà assez gêné comme ça de me faire passer pour ce que je n'étais pas... Un banal humain.

- Oui, et c'est bien dommage.

Je souris légèrement.

- Alors disons que j'ai une éducation d'un autre temps.

Ce que je confirmais alors que je parlais de mon... passe temps. Qui n'en était pas vraiment un. Les arts martiaux étaient ma vie, tout simplement. Yue Hue en pratiquait en loisir, pour apprendre à se défendre également et elle n'avait pas à rougir de sa maîtrise. Ou de n'en pratiquer qu'un. Je faisais cela depuis l'âge de 4 ou 5 ans alors... Ce n'était réellement pas comparable. Elle fut surprise alors que je lui disais avoir baigné là dedans. Je hochais simplement la tête.

- On peut dire ça.

Je n'avais pas non plus eu mon mot à dire. J'étais fils de samouraï, ma voie était donc tracée d'office. Et cela m'avait plu. Si ça n'avait pas été le cas, ça aurait été la même chose. Elle me raconta alors avoir trouvé un dojo à Londres et m'invita à venir la voir, ce que j'acceptais le plus naturellement du monde. Je voulais tout savoir d'elle, la comprendre, tout partager... Pour le moment, c'était elle qui s'ouvrait le plus à moi, mais bientôt, je l'inviterais dans ma vie... Pour le meilleur et pour le pire. Mais je craignais terriblement sa réaction. Elle pouvait choisir de fuir ce monde là. Et je savais que c'était un désir égoïste de ma part de l'entraîner là dedans. Cela pourrait être dangereux pour elle. Elle me demanda alors de lui raconter mon éducation. Question délicate si je ne voulais pas lui mentir.

- Je ne suis pas allé dans une école classique. Mon quotidien, c'était l'éducation du corps et de l'esprit. Énormément de sport, des arts martiaux, mais aussi des matières plus classiques, comme les mathématiques, la littérature, l'histoire, la géographie, la philosophie. La théologie aussi. Le bouddhisme.

Je souriais. Je ne pouvais lui en dire plus sans risquer de susciter trop de questions auxquelles je ne pourrais répondre.

Yue Hue se régalait et elle me pria de faire la cuisine chez elle, ce que je déclinais avec humour. Malgré son regard larmoyant alors qu'elle me demandait ce que je ferais si ce n'était pas bon.

- Et bien, je n'ai jamais tué personne par déception culinaire. Je m'en remettrais. Et si c'est si catastrophique, je t'emmènerais manger au restaurant.

A ce propos... Je me levai, allant chercher la suite. Et je vis de nouveau son enthousiasme, alors que je me rasseyais en déposant le tout sur la table. J'étais stoïque, soutenant une conversation quand mon esprit s'enflammait et avait tendance à battre la campagne, m'imaginant la renverser sur les cousins et découvrir son corps. Des débordement auxquels je ne pouvais me laisser aller. Mais quand je la vis soudainement à 4 pattes pour récupérer une baguette, je déglutis péniblement, alors que mon regard glissait le long de son dos et s'attardait sur ses fesses. Seigneur... Elle n'avait qu'un T-shirt... Si bien que j'avais une vie imprenable sur ses sous-vêtements.

Je me levai d'un bond, faisant le tour de la table pour m'accroupir et récupérer la baguette en même temps qu'elle, ma main se posant sur la sienne. Je croisai son regard.

- Yue Hue... Dois-je te rappeler que tu n'as qu'un T-shirt?

Et que donc, je viens de voir quelque chose qui vient de m'enflammer le sang? Ma main se posa sur sa joue et glissa jusqu'au creux de sa nuque alors que je m'emparais de ses lèvres. Ce désir, ce manque d'elle... Qui ne demandait qu'à être comblé. A quoi bon jouer la comédie, quand nos corps s'appelaient de façon si criante? Je perdais un contrôle vieux d'un siècle... Cela ne m'arrivait jamais. Juste une fois. Et ça avait causé notre perte. Mais aujourd'hui, que craignions-nous? Rien, il n'y avait plus d'obstacle insurmontable et je ne laisserais personne lui faire le moindre mal. Lentement, mes lèvres glissèrent le long de sa mâchoire, pour embrasser son cou.

Plus on parlait, plus il m’apparaissait terriblement mystérieux. C’était étrange et en même temps familier. Je n’aurais sû dire exactement ce que je ressentais. Beaucoup de surprise, c’était un fait, énormément de curiosité aussi, une attraction qui se faisait chaque seconde plus puissante que la précédente. Je ne me comprenais pas moi-même et pourtant, je me prenais a prendre tout cela avec un certain détachement, c’était comme plonger les yeux fermés dans un gouffre sans fond mais avec le sourire aux lèvres. Sensation agréable, terriblement. Je le découvrais au fur et à mesure. Impressionnée, intriguée, ravie et séduite, un peu tout cela en même temps. Il m’était impossible de mettre un mot sur ce qui me chavirait, ce qui s’enfonçait profondément en moi a mesure que le temps passé en sa compagnie s’écoulait. J’avais envie que cela n’ai jamais de fin, que le temps s’arrête et ne reparte plus jamais, nous enfermant dans une bulle, rien que nous deux.

Je me sentais idiote de telle pensées alors que je le connaissais a peine mais c’était comme une évidence que je n’arrivais pas a réfréner, qui s’imposait malgré la raison. Comme une force qui me poussait vers lui, qui me soufflait que je pouvais le faire, lui confier ma propre vie les yeux fermés.

« On dirait que tu as grandis dans un temple, c’est étrange. »

Murmurais je alors qu’il me contait ce qu’avait été sa vie. Je l’imaginais grandir au milieu de colonnes ouvragées, entouré de prêtres. Apprenant sous leur égide et bizarrement, cela ne me semblait pas si…incroyable que cela. J’eus un demi sourire amusé.

« En fait, cela ressemble beaucoup a l’éducation que recevait les samouraïs a une époque. »

Et j’ignorais a quel point je frappais juste tellement cette idée pouvait être totalement farfelue.

« Quand a moi, je me sens terriblement banale en comparaison . Un parcours classique si on oublie un séjour aux états unis puis ici. »

Continuais je avec un sourire amusé sans pour autant porter plus loin mes questions, après tout, il fallait savoir savourer chaque découverte et je me disais qu’il était pétrit de surprise, que la vie avec lui ne pouvait être ennuyeuse. D’ailleurs, je me sentais assez a l’aise pour plaisanter avec lui, certaine qu’il répondrait au tac au tac et je ne pus m’empêcher de rire lorsqu’il m’assura n’avoir tué personne pour faute culinaire.

« D’accord mais quand même, ce serait une magnifique faute de gout. »

Se rater alors même que nous étions l’hôte. Ma mère me tuerait si cela devait arriver un jour. Elle m’avait élevée selon certains principes et, malgré mes séjours en occident, malgré le fait que je vive en europe, je respectais ces principes. Je le regardai amener la suite, déjà excitée a la perspective de gouter a nouveau sa cuisine et, ce faisant, je laissai échapper ma baguette. Encore une boulette. Ce n’était tout de même pas difficile de garder sa dignité si ? C’était bien la première fois que ce genre d’incident m’arrivait a la chaine. D’ordinaire, j’étais calme, posée, souriante mais ce soir, j’enchainais les catastrophes.

Surprise, je levai les yeux en découvrant la main de Ryu sur la mienne, sentant sa chaleur se répandre sur ma peau. Je ne l’avais pas entendu bouger, ni même vu d’ailleurs. Et je me fis la réflexion absente qu’il se mouvait avec une rapidité plutôt étonnante…Mais cette pensée me quitta aussi vite qu’elle était arrivée a ses mots. Je battis deux trois fois des paupières avant de me rendre compte de la situation. D’accord. C’était pire que je ne le pensais en fait. Il me mettait tellement a l’aise que je ne faisais plus attention a rien. J’aurais aimé me redresser et m’excuser mais j’en fus bien incapable, capturée par l’éclat sans pareil de ses yeux plongés dans les miens. Mes paupière frémirent a sa paume sur ma joue puis enserrant ma nuque. Elles lui volèrent la lueur de mes iris lorsqu’il attira mon visage vers le sien. Je n’avais pas oublié ce qu’était ses lèvres sur les miennes, comme un cadeau inespéré quelque chose que l’on retrouve après en avoir été privé si longtemps, avoir terriblement souffert de cette absence, de cette chaleur et, malgré moi, je m’accrochais a sa chemise, la froissant sous mes doigts tremblant.

Pourquoi avais je l’impression de lui appartenir totalement et ce, depuis la nuit des temps ?

Je souris, un brin énigmatique alors qu'elle faisait la conclusion que j'avais grandi dans un temple. C'était presque le cas. Je n'affirmais, ni n'infirmais rien. J'en avais suffisamment dit et je lui fus gré de ne pas s'étendre davantage à ce sujet. Elle ne fit qu'ajouter que cela ressemblait à l'éducation des samouraï. Exactement. C'était exactement cela, sauf que ma caste avait été dissoute il il a plus d'un siècle maintenant. Impossible que celui qu'elle pensait humain et normal ai bénéficié d'un tel enseignement, n'est-ce pas? Je la laissais faire ses propres hypothèses. Que j'étais né dans un village du fin fond du Japon, avec des traditions séculaires bien ancrées. Dans ce cas, j'avais eu de fabuleuses capacités d'adaptation pour être le jeune homme qui se tenait devant elle, totalement à l'aise avec la modernité.

- Chaque parcours est unique. Aucun n'est banal. Et la normalité a parfois du bon.

Je ne regrettais rien de ma vie ou de mes choix. Mais au fil du temps, quand je voyais les mœurs changer, les rapports entre membres d'une même famille évoluer, je ne pouvais que me dire que j'avais manqué d'une certaine affection étant enfant. Pas Yue Hue et c'était bien ainsi.

Nous plaisantâmes sur la cuisine. J'avais envie de goûter la sienne, même si elle semblait réticente, de peur de ne pas être à la hauteur. Ou que je n'apprécie tout simplement pas ses talents culinaires. Foutaises... Je n'étais pas du tout difficile et quand même cela serait mauvais, je ne pourrais que louer ses talents. Parce que c'était elle, tout simplement. Je lui assurai que je n'avais jamais tué personne pour cela et elle rétorqua que ce serait quand même une faute de goût. Je me contentai de sourire, avant d'apporter la suite.

Comment une simple discussion anodine pouvait-elle basculer? Comment le désir pouvait-il prendre le pas sur la raison aussi rapidement? La simple vue de son dos cambré, de ses cuisses mises à nue de ses fesses, suffit à me faire perdre un contrôler vieux de 170 ans. Elle avait toujours eu cet effet là sur moi. Elle avait été la seule à pouvoir se targuer de me faire cet effet là. La dernière fois, cela m'avait coûté la vie. Cette fois serait différente. Pourtant, je n'avais nullement dans l'intention de lui faire l'amour en l'invitant ce soir. Juste la découvrir, gagner son cœur. J'avais omis de prendre en compte certains facteurs, totalement incontrôlables.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je me retrouvai près d'elle, ma main sur la sienne et le regard assombri. Je lui expliquai d'une voix rauque la raison de ma présence si près... Pourquoi était-elle donc tombée dans ce bassin, se retrouvant maintenant vêtue d'un T-shirt trop grand et pourtant encore bien trop court ? Elle était encore plus désirable ainsi que dans sa robe ajustée. N'y tenant plus, je m'emparai de son visage et baisai ses lèvres. Je la sentis se détendre complètement, alors que ses mains s'accrochaient à ma chemise, que ses doigts en froissaient le tissu.

Enhardi, j'embrassai sa mâchoire, son cou, sa clavicule. Doucement, mais inexorablement, je la poussai en arrière, la faisant allonger alors que ma main remontait le long de sa cuisse soyeuse, jusqu'à sa hanche, remontant le tissu pour dévoiler sa fine culotte.

Dis-moi d'arrêter, repousse-moi... Seul, je n'en serais pas capable, mon corps se consume d'un brasier qui ne cesse de grandir depuis 170 ans...

Comment avions nous basculer ? Je n’en savais rien et quelque part, je m’en fichais allégrement. Pourtant, je n’étais pas de celle ouvrant les cuisses le premier soir, j’en étais même bien loin, alors comment expliquer ce brusque désir, tellement puissant que je n’arrivais pas a le repousser, que je ne pouvais que m’y laisser noyer, le laisser parcourir mes veines a l’image d’un torrent furieux. Subjuguée, prise par des émotions, des sensations que je ne contrôlais pas, qui m’envahissaient insidieusement, profondément, je ne résistai pas lorsque je nous sentis basculer en arrière. Je ne protestai pas en sentant sa paume sur ma cuisse, légère, respectueuse même. Non, aucun son ne passa mes lèvres, juste un souffle qui s’accélère subitement, une flamme qui illumine les abysses de mes iris a demi voilé par mes cils. Juste l’envie irrépressible de le laisser me découvrir, de le découvrir aussi tout en ayant l’étrange sensation de le connaitre par cœur.

Ce fut strident, brutal même et pourtant, cela mit du temps a percer notre bulle. J’aurais aimé l’ignorer mais ce n’était pas possible, sonnerie que je haïssais en cet instant. Mais je n’avais pas réellement le choix, je devais être joignable a tout moment, l’inconvénient de vivre expatrier sans doute. Le regard flou, trouble, mes paumes glissèrent sur les épaules de Ryu et, doucement, sans heurt, a contre cœur même alors que je ne rêvais que de l’attirer plus prêt, je le repoussai.

« Il…Il faut que je réponde. »

Murmurais je d’une voix rauque, cherchant dans ses yeux un pardon quelconque alors qu’il se redressait, m’entrainant avec lui. Je me passai une main tremblante dans les cheveux en fouillant dans mon sac abandonné dans un coin. Me saisissant de l’appareil, je décrochai…Et…Rien. Personne au bout du fil. Je fronçai légèrement les sourcils en répétant allô en anglais et coréen sans avoir plus de réponse. Sceptique, je fini par raccrocher, fixant mon téléphone d’un air légèrement contrarié. Le numéro était masqué, impossible de connaitre la personne qui venait de me téléphoner.

« Bizarre… »

Murmurais je en m’asseyant sur mes talons, une partie de moi maudissant le mystérieux correspondant et l'autre...le maudissait aussi en fait.

La paume qui enserrait sa cuisse me brûlait. J'avais tellement rêvé ces retrouvailles, ne me consolant de sa perte qu'avec le souvenir de cette unique étreinte. Elle s'était donnée à moi, cœur, corps et âme. Avec une confiance aveugle. Elle avait trahi son mari, simplement parce que son amour pour moi était beaucoup plus puissant que son honneur. Comme le mien pour elle. Elle m'avait fait confiance et j'avais lamentablement échoué. Je n'avais pas su la protéger. Nous avions été découvert et nos quelques minutes de bonheur s'étaient soudainement transformées en horreur.

Mais cela était loin, une autre vie. Je m'abreuvais à ses lèvres délicieuses, goûtais la soie de sa peau. Je n'avais pas envisagé que les choses se déroulent ainsi, en plein diner sur quelques oreillers. J'avais songé à quelque chose de plus classique, mais pas forcément plus naturelle. Céder à notre désir était on ne peut plus légitime. Et si c'était moi qui avais fait le premier pas, la façon dont elle s'accrochait à moi me laissait penser qu'elle n'avait attendu que cela.

J'entendis soudainement la sonnerie d'un téléphone. Je tentai d'en faire abstraction, mais n'y parvins pas, surtout quand Yue Hue me repoussa, prétextant qu'elle devait répondre. Complètement douché et horrifié de cette perte de contrôle, je la laissais m'échapper et filer jusqu'à son sac pour voir qui nous dérangeait. Je me pris la tête entre les mains, repoussant mes cheveux en arrière avant de fermer les yeux et de rassembler mes idées, reprenant le contrôle de mon corps et de mes émotions alors qu'elle s'étonnait de l'identité secrète de son correspondant. Elle ne savait pas qui il était, ni ce qu'il voulait. Ce que je voyais, moi, c'est qu'il était encore trop tôt pour se laisser ainsi aller. Je me levai et regagnai calmement ma place alors qu'elle s'était assise.

- Au moins ne négligerons-nous pas ainsi un dîner, fruit d'un dur labeur.

Je lui jetai un regard, l'invitant à revenir s'asseoir, avant de murmurer :

- Je suis désolé. Je ne t'ai pas invitée ce soir pour... ça. Du moins, pas ainsi.

Je parlais très calmement, espérant qu'elle ne se méprendrait pas sur mes intentions. Non pas que je ne veuille pas coucher avec elle. J'en mourrais d'envie, mais pas dans ces conditions.

- Je préférerais te connaître et que tu me connaisses davantage avant.

J’eus un sourire un peu timide lorsqu’il parla du diner. A vrai dire, je l’avais totalement oublié ce diner, perdue entre ses bras. Je déglutis avec un peu de difficulté, tentant de reprendre contenance comme je le pouvais. J’aimais ces mains sur moi, ses lèvres sur les miennes, la chaleur de son corps mais pas que cela en fait. J’aimais qu’il me parle, qu’il me regarde comment maintenant alors que je glissais doucement prêt de la table. Pestant intérieurement contre mon téléphone, je relevai soudainement les yeux a ses mots, secouant doucement la tête.

« Ce n’est pas non plus dans cette idée que j’ai accepté. »

Soufflais je avec un léger sourire, ce qui n’était absolument pas faux. Je n’étais pas venue dans l’idée de me retrouver dans son lit, non, j’étais venue parce qu’il m’attirait, m’intriguait et ce, depuis notre premier rencontre, j’étais venue parce que je voulais savoir pourquoi je perdais tout contrôle en sa présence. J’étais venue pour savoir…Pourquoi mon cœur ne semblait qu’a lui. J’inspirai profondément, comme pour chasser le trouble qui existait encore en moi, né de ses mains, de son rire…

« Je préférerais aussi. »

Approuvais je avant de soupirer doucement.

« Mais je ne sais pas pourquoi je réagis ainsi, d’ordinaire, je suis plus distante, plus…froide ? Alors qu’avec toi…Je ne contrôle plus rien. Bizarrement, cela devrait me faire peur mais même pas, je trouve cela parfaitement normal… »

Repris je en me triturant une mèche de cheveux. J’étais plutôt pudique sur mes sentiments d’habitude mais je lui devais tout de même une certaine franchise et aussi lui faire comprendre a demi mot que je n’étais pas ainsi avec n’importe qui. Juste lui. Parce que cela m’apparaissait si limpide, si vrai. J’attrapai mes baguettes avant de lever les yeux sur son visage séduisant.

« Promis, cela ne se reproduira plus…Enfin…Je crois. »

La situation avait échappé totalement à mon contrôle. Je n'étais pas habitué à ce que quelque chose m'échappe et je ne m'en sentais que plus honteux. Il m'avait fallu une interruption pour recevoir comme une douche froide et ne pas commettre l'irréparable. Je l'aimais, j'avais envie d'elle, d'imprimer ses courbes au creux de mes mains. Mais je voulais que les choses se déroulent de la façon dont je l'avais décidé. Je désirais qu'elle ne regrette rien, qu'elle soit certaine de son amour pour moi. J'ignorais encore si je lui confierais ma vraie nature avant... Je ne m'étais pas encore décidé si j'attendrais qu'elle se souvienne pour nous unir ou si je laisserais Yue Hue m'aimer et non pas Amaya. C'était compliqué.

Mais en tous les cas, c'était beaucoup trop tôt. Je m'excusai donc, avant de m'expliquer. Qu'elle n'interprète pas mes paroles de travers. Je la trouvais terriblement attirante. Mais je ne devais rien précipiter et je préférais nouer des liens puissants avec elle avant de me laisser aller au plaisir charnel. Ce qu'elle sembla comprendre alors qu'elle me répondait que n'avait pas accepté de venir chez moi simplement pour coucher ensemble. Elle m'avoua préférer aussi que nous nous connaissions mieux avant de passer à l'étape supérieure. Deux rencontres seulement. C'était trop peu.

Elle m'exposa alors sa perplexité concernant son propre comportement. Elle n'était pas ainsi d'ordinaire, elle était plus distante, alors qu'avec moi, les barrières tombaient et cela lui semblait naturel. Je pris une petite inspiration, avant de rétorquer d'une voix douce :

- Je ne suis pas non plus du genre à perdre la tête devant le corps d'une jolie femme. N'essaie pas de comprendre, il n'y a rien à comprendre. C'est une attirance naturelle, plus forte que nos volontés.

Et née d'un amour profond, mais cela, je le passais sous silence. J'esquissai un petit sourire en coin alors qu'elle reprenait ses baguettes et que je faisais de même, assurant que cela ne se reproduirait plus.

- Je n'en serais pas aussi sûr à ta place.

Non, j'étais loin d'en être sûr. Mais je ferais ce qu'il faut pour ne pas succomber aussi rapidement. Je commençai à manger, sans réel appétit en fait. Si j'étais d'apparence sereine, en réalité, je bouillonnais de frustration.

Je me mordillai la lèvre de perplexité, de nervosité aussi. Attirance naturelle ? Oui, je voulais bien le croire mais jamais je n’avais perdu la maitrise de moi-même ainsi, aussi facilement, aussi…sereinement bizarrement. Parce que même si j’étais agitée de sentiments violents, de pensées contraires, il m’apparaissait que tout cela n’était que voulu, désespérément voulu. Et il y avait cette tristesse, ce vide immense qui semblait s’être comblé lorsque je l’avais rencontré. Comme si un autre moi avait pris ma place.

« Tu as sans doute raison mais…Oh je ne sais pas en fait ! Peut être devrais je arrêter de réfléchir. »

Finis je par murmurer en me saisissant de mes baguettes, déterminée a manger même si c’était une autre faim qui me torturait. Il y avait du désir charnel, oui, énormément mais pas que cela, c’était diffus mais tout puissant. Je ne savais pas quel mot mettre sur ce sentiment, violent et sucré. Je lui assurais que cela n’arriverait plus. Pieuse promesse que je savais incapable de tenir et il ne m’aida pas. Je levai mon regard sur son visage, le scrutant un instant avant de laisser un sourire amusé se peindre sur mes lèvres.

« Bien sur que si, la prochaine fois, je sors la combinaison de ski… »

Ou on ira au restaurant, avec du monde. C’était un fait que j’étais incapable de réfléchir lorsqu’il me touchait, incapable de penser réellement lorsqu’il me regardait et j’avais la sensation, toujours présente, que ce n’était pas la première fois. Un lointain écho, souvenir ? Je ne savais pas, ce n’était pas possible, sinon, je m’en rappellerais. Alors pourquoi ce sentiment qu’il savait tout de moi ? Aucune idée. Etait ce ce que l’on nommait un coup de foudre ? Non, j’étais trop rationnelle pour cela…Et pourtant.

« C’est très frustrant…Non ? »

Risquais je doucement en me traitant de tout les noms. On avait pas idée de sortir de telles bêtises ! Et pourtant, je les avais dites…

Je m'en voulais de ne pas pouvoir lui expliquer le pourquoi de son état. Elle devait penser que je la prenais pour une sorte de nymphomane, alors que je savais pertinemment ce qu'il se passait dans son cœur et dans sa tête, sans pour autant pouvoir lui apporter un élément de réponse. Et j'en étais le premier désolé. Cela ne servait à rien qu'elle y réfléchisse, à moins qu'elle ne fasse des recherches sur ce sentiment de déjà vu et de familiarité et en vienne seule à la conclusion que la réincarnation était possible. Mais je doutais fortement qu'elle mette le doigt dessus, ni même qu'elle retienne cette hypothèse, elle qui semblait si cartésienne.

Elle se saisit de ses baguettes et se fit un devoir de manger. Avait-elle aussi peu faim que moi? Je me forçais, pour l'accompagner, mais le cœur n'y était plus alors qu'une autre faim me dévorait. Une faim que je devais dompter. Sans doute était-elle totalement ignorante de mon combat intérieur. Il n'y en avait aucun signe extérieur. Cela faisait 200 ans que je maîtrisais la moindre de mes émotions, la moindre de mes pensées. Ce brusque écart de conduite n'était qu'un incident de parcours, qui ne se reproduirait pas, du moins l'espérais-je... Et elle également.

Je ne pus m'empêcher de sourire quand elle évoqua la combinaison de ski. Il était vrai que comme répulsif, ce n'était pas mal. Même si je n'étais pas certain que cela suffise à cacher ses charmes et à me faire oublier mon désir pour elle. Mais ce serait plus long à enlever, j'en convenais.

- Pas vraiment de saison cela dit...

Non la prochaine fois, nous sortirions, voilà tout. Restaurant, cinéma, théâtre, opéra, musée, café... N'importe quoi, mais en public. Histoire de ne pas griller les étapes, cela serait vraiment dommage. Je mangeais lentement, avant de m'interrompre quand elle me parla de frustration. Je relevais lentement le regard vers elle. Qu'est-ce qui était frustrant? De devoir se contrôler pour ne pas se sauter dessus tant le désir nous attirait l'un vers l'autre? Frustrant était un euphémisme.

- Oui. Et presque effrayant quelque part...

Je marquais une pause, avant de conclure, à mi-voix :

- Je n'ai pas pour habitude de me laisser dicter ma conduite par mes émotions. C'est déroutant.

Même si je connaissais la cause de ce phénomène, rien ne m'avait préparé à perdre le contrôle.

« Mais efficace… »

Ou pas songeais je a part moi. Non, le plus simple était encore de sortir a l’extérieur. Pourtant, c’était idiot quelque part de se mettre autant de barrières. Nous étions adultes et consentants…Mais je crois que je préférais que nous nous basions sur autre chose que du sexe. J’avais besoin de le comprendre, de l’admirer, de l’envier. Qu’il sache me mettre en colère, me faire rire, m’intriguer et seulement là, je saurais me donner totalement. C’était frustrant et je ne pus m’empêcher de le dire a voix haute.

« je comprends… »

Moi aussi. Je n’avais pas cette habitude bien au contraire, ne m’avait on pas déjà reproché d’être trop cérébral ? Si, plus d’une fois et a un moment, j’y avais cru mais maintenant, je savais que je ne l’étais pas, c’était juste que ce n’était pas lui. Tout simplement.

« Alors la prochaine fois, je t’emmène découvrir mon restaurant préféré. On mangera Coréen et certainement mieux que si c’était moi qui me mettait aux fourneaux. »

Décrétais je avec un sourire amusé, décidant d’oublier cette frustration qui me tenaillait, ce désir sans raison mais brulant. Petit à petit, l’appétit revient, les mots aussi tellement il était facile de parler avec lui. De tout et de rien, comme de sujets bien plus sensibles, plus épineux. Il me surprise plus d’une fois en affichant une culture impressionnante et, parfois, je me faisais l’effet d’être une petite fille qui a encore beaucoup a apprendre lorsque je l’entendais parler.

Je ne sais pas quelle heure il était lorsque vint le moment du départ. Je ne voulais pas partir, tout comme je comprenais que même nécessaire, cette séparation serait quelque part douloureuse mais accompagnée d’une douceur sans nom. Il me raccompagna jusqu'à la porte et j’hésitai un instant sur le pas de la porte, finalement, je posai une paume légère sur sa joue, me haussant sur la pointe des pieds pour baiser sa joue tant j’avais peur de céder si je venais a rencontrer ses lèvres. De ne plus pouvoir repartir, de ne plus pouvoir m’arracher a lui.

Puis, rapidement, comme pour le fuir, je descendis les marches, fit quelque pas avant de me retourner de nouveau, agitant la main, un large sourire aux lèvres.

Je ne remarquai même pas en démarrant qu’un autre véhicule se glissait a ma suite…Aurais je dûs ?

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