Shadow of the day [Pv Kieran]

Comment une discussion détendue et complice avec mon cousin pouvait-elle dégénérer en dispute? Enfin, dispute, c'était un bien grand mot, pour qu'il y ai dispute, il fallait encore que les deux partis s'énervent, hors, Aaron s'enflammait tout seul, outré par mes propos, choqué, ulcéré, cochez la mention inutile. Il n'avait pas l'air de très bien saisir ce que c'était que d'avoir vu mourir ses parents sous ses yeux, de se retrouver complètement seul et sans repère avec cette culpabilité atroce qui vous ronge l'âme encore et toujours. D'accord, j'avais Sorcha et je tiendrais le coup pour elle, j'avais promis, mais viendrait bien un jour où elle vivrait sa vie et où je ne serais plus si important que cela. Elle aurait du chagrin...

Alors pourquoi est-ce qu'à entendre Aaron parler j'avais l'impression d'être un putain d'égoïste? Je le trouvais sérieusement gonflé de me faire la morale, quand monsieur devenait le centre de l'univers d'une droguée qui allait surement se détruire quand il n'en ferait plus partie. Et là, je me contredisais totalement alors que je l'avais rassuré toute à l'heure à ce sujet. Super, il me rendait incohérent à m'engueuler.

Ses larmes me surprirent, mais j'étais davantage fixé sur sa colère que sur sa tristesse alors qu'il me déballait tout ce qu'il avait sur le cœur. En gros, il s'imaginait que j'allais avoir LA vie qu'on lui refusait. J'avais l'impression qu'il me demandait de vivre ce qu'il ne connaîtrait jamais et je n'aimais pas vraiment ce poids qu'il mettait sur mes épaules, ce rôle qu'il me faisait endosser. Fais tes études Kieran, ai un métier, épouse une femme, fais des gosses. VIS. Voilà sa leçon. Et je me sentis honteux qu'il doive se mettre dans un état pareil pour me dire un truc qui était évident pour tout le monde et que je comprenais tout à fait objectivement.

Sauf que j'avais transféré mon mal de vivre sur mon amour pour Sasha. Elle était ma bouée de sauvetage en quelques sortes. Notre relation était assez récente mais solide. Peut-être qu'avec le temps, elle réussirait à me débarrasser totalement de mes démons. Je me levai à mon tour, je n'aimais pas qu'on parle de mes parents. Qu'il en parle alors qu'il ne savait rien.

- "Qu'est-ce que tu peux bien savoir de ma douleur de les avoir perdu, hein? Tu crois que d'être condamné te donne le droit de juger et dicter la conduite des autres? Tu crois que tu sais tout? Tu n'étais pas là, Aaron! Tu n'étais pas dans la voiture, tu n'étais pas celui qui a détourné l'attention du conducteur, tu n'es pas celui qui les a vu mourir, qui a blessé sa sœur et arraché ses rêves! Alors ne parle pas d'eux!"

Comme en empathie avec lui, je décolérais alors qu'il se calmait et me parlait de Sarah.

- "Tu n'es pas responsable de ses défauts. De son accoutumance à la drogue. De son amour pour toi. Comme Sasha n'est pas responsable de mes phases dépressives. Ce serait bien que vous le compreniez."

Sa soudaine vulnérabilité me touche et je soupira, ma colère désamorcée, alors que ses larmes provoquaient un nœud de mauvaise augure dans ma gorge. Ah non, il n'allait pas me faire pleurer cet abruti! Hors de question. Je me rapprochai d'Aaron et posai ma main sur son épaule.

- "Je suis désolé. Je te promets de tout faire pour m'accrocher, d'accord? Pour toi, pour Sorcha, pour Sasha. Pour lui éviter cette culpabilité idiote. Pour que ma sœur ne se retrouve pas seule."

Je haussai les épaules, avant de glisser doucement :

- "De toutes façons, la question ne se pose pas pour le moment, je vais bien, Aaron."

Sasha et moi allions bien, il n'y avait pas à se pourrir la question avec des hypothèses.

- "Ça ne fait qu'un an qu'ils... sont morts. Je pense qu'il faut plus de temps que ça pour l'accepter et continuer sa vie, pas toi?"

Et à ce décès allait se rajouter le sien. Je n'en dis mot, mais cela flottait dans les non dits.

Tu vas me manquer.

Il s'énerva aussi mais je ne relevais pas. Je pouvais lui dire quoi ? Que j'avais tué ma mère à petit feu ? Qu'elle avait failli mourir ? Non, nous étions pas comparable. Alors je parlais de Sarah, du fait qu'elle mourrait elle aussi. Il me dit alors que je n'étais pas responsable de ses défauts. Je n'étais pas responsable de ce qu'elle était devenu. Comme Sasha ne l'était pas de ses travers à lui. Il dit alors qu'elle comme moi devrions le comprendre. Nous nous mettions à mal avec ça.

Posant alors une main sur mon épaule avant de reprendre. Il s'excusa, me promettant d'essayer. Et ce pour tout le monde. J'espérais bien qu'il essayerait, cela me tuerait de le voir se foutre en l'air ainsi… Enfin, façon de parler. Il ajouta donc que la question ne se posait même pas. En effet la question ne se posait pas pour le moment. Il allait bien… c'était le principale dans le fond.

— Désolé, c'est juste que … voilà…

Il ajouta donc que cela faisait qu'un an qu'ils étaient mort, le traumatisme était trop présent. Et j'espérais vraiment que le temps finirait par penser ses blessures. Il méritait de pouvoir vivre sans ce poids. J'hauchais la tête. Oui, il fallait du temps pour panser ses blessures. Et je m'en voulais d'ajouter le mien… C'était dans ses moments là que j'espérais vraiment que cette femme ai raison. Qu'elle ne mente pas, qu'elle soit bien ce qu'elle disait et que je ne le quitte pas. Que je n'abandonne pas ce frère.

— Tu finiras par relever la tête …

M'avançant brusquement, je le pris dans mes bras. Le serrant contre moi. Un échange bref au quel je mis fin.

— Merci d'avoir fait de ces dernier mois les meilleurs que j'ai vécu depuis des années…

Les derniers aussi, merci d'avoir fait de cet enfer un paradis. Merci d'avoir finit par me sauver … Merci Kieran. Allez, on arrête de pleurer maintenant. Essuyant mes larmes du revers de la mains, je lui souris timidement. Essayant de m'excuser pour tous.

Je n'aimais pas m'emporter. Surtout face à Aaron, qui, finalement, ne faisait que dire la vérité. Je ne pouvais pas me foutre en l'air comme ça, quand lui aurait adoré vivre sa vie. C'était égoïste et au plus profond de moi, je le savais bien. C'était peut-être la réelle raison de ma colère. Savoir qu'il avait raison et que j'avais tort, en toute objectivité, mais quand la douleur s'en mêlait, il était difficile de rester logique et froid.

Alors je me calmai, m'excusant de mon coup d'éclat et promettant de faire en sorte de me rappeler de cette conversation et d'honorer ma promesse. De garder la tête hors de l'eau quoiqu'il arrive. je voulais le rassurer à ce sujet. C'était inutile de parler de malheur pour le moment. J'étais heureux, je n'avais pas l'intention de me suicider. Il me semblait normal qu'en un an, le deuil de mes parents ne soit pas encore accompli. Il me fallait du temps. Un temps qu'Aaron n'avait plus. Il ajouta que je finirais par relever la tête et j'acquiesçais, avec un petit sourire torve :

- "Je suis déjà en train je crois."

Sourire qui mourut brusquement quand Aaron s'avança vers moi et me prit impulsivement dans ses bras. Je me raidis, surpris, avant de soupirer et de refouler des larmes qui n'étaient jamais très loin quand on abordait le sujet de la mort prochaine d'Aaron. Sauf que si l'étreinte avait déjà miné quelque peu mes efforts, la phrase qu'il prononça termina de saboter mon contrôle et une larme coula alors que ma gorge se serrait. Je levai les yeux au ciel et essuyai rageusement cette larme.

- "C'est petit de te venger en me faisant chialer, tu sais?"

Ma voix tremblait un peu trop à mon goût.

- "Je regrette de ne pas t'avoir connu plus tôt."

Je souris, tentant de garder contenance.

- "Tu nous as accueilli Sorcha et moi, à bras ouverts, malgré tout. Tu as adouci mon arrivée dans cette ville. Je crois que nous sommes quittes."

Je me passai une main sur le visage, chassant l'émotion, ou du moins, essayant de ne pas fondre en larmes comme un gamin de 5 ans.

- "Allez, stop les pleurs, c'est nul de pleurer. On est des mecs virils et sexy, on a une image à conserver."

L'étreinte que je lui avais imposé n'avait pas été sans effet. En effet, j'avais sans aucun doute mit la résistance de Kieran à rude épreuve et je l'achevais sans aucun doute lorsque je lui dis qu'il avait fait de ces derniers mois les meilleurs depuis longtemps. Il m'annonça donc c'était petit de se venger en le faisant pleurer. Ouais, mais c'était comme ça, je n'allais pas lui mentir pour l'épargner. Bien au contraire. J'avais besoin de lui dire, car derrière nos fierté respective se cachaient deux personnes qui s'appréciaient beaucoup et qui aurait sans aucun doute du mal à se quitter.

Il dit donc qu'il regrettait juste de ne pas m'avoir connu plus tôt. Oui, le temps aurait été sans aucun doute plus agréable avec lui. Et je me serais peut-être battu un peu plus pour cette vie que je me savais refusé. Un combat qui aurait prolongé notre vie ensemble. Mais dans un sens … Si nous avions été plus longtemps en contacte j'aurais craint que notre séparation soit un deuxième coup d'épée.

Il tenta alors de reprendre le dessus, souriant en reprenant. Il me dit que je les avais accueilli à bras ouverts. Que j'avais adouci son arrivé dans cette ville. Nous étions quittes en effet. Il m'avait offert une fin majestueuse, je lui avais offert une entrée douce et agréable dans cette ville. Nous nous étions aidé et sauvé mutuellement. Allez, on arrête de pleurer, on se reprend Aaron. Et comme si il avait lu dans mes pensées, il dit exactement ce que j'étais entrain de penser. Des mecs sexy comme nous ne devions pas pleurer. Nous avions une image à conserver. Souriant alors je répondais à cette magnifique conclusion.

— En effet, on ne va pas ouvrir le bureau des pleures. Il serait dommage de perdre nos images d'homme de tout situation.

Essuyant alors mes yeux, je me dirigeais vers mon lit.

— Par contre, ce n'est pas que je ne veux pas parler avec toi, mais j'ai l'impression de mourir depuis ce matin, alors je vais aller dormir, histoire d'éviter de me foirer vraiment aux exam'.

Ok, je mourrais vraiment, mais là, c'était de fatigue que je parlais. Retirant mes chaussures, je me glissais dans mon lit, m'éclatant sur mon oreiller, je tournais la tête vers Kieran.

— Tu peux faire du bruit, à mon stade de fatigue ca ne me réveillera pas !

Voilà, allez on arrête de chialer comme un gosse ou une gonzesse. Putain, Aaron avait le chic pour réussir à faire sortir les émotions les plus violentes en moi, c'était hallucinant. J'étais tellement bouleversé par l'approche de sa mort aussi... Et il se mettait à nu devant moi, me livrant ses pensées, comme je lui livrais les miennes, en un rare moment de totale sincérité. Nous ne vaincrions pas sa putain de maladie. Mais je conserverais le souvenir de ce cousin génial, trop peu connu, toute ma vie. Je ne voulais pas qu'il meure. Je ne voulais pas qu'il disparaisse de ma vie et qu'il laisse un trou béant. Un de plus. Son absence serait terrible.

Je le regardai se diriger vers son lit, épuisé. Il tirait trop sur la corde et je ne l'aidais vraiment pas en stimulant ainsi de vives émotions en lui. Il s'excusa de sa fatigue, voulant dormir et ne pas foirer ses examens. Je ne relevais pas ses paroles concernant le fait qu'il avait l'impression de mourir depuis le matin. Parce qu'il mourrait vraiment. J'esquissai un sourire feint alors qu'il me disait que je pouvais faire du bruit, cela ne le réveillerait pas.

- "C'est noté. Ne ronfle pas trop, j'ai le sommeil léger."

Il devait vraiment être épuisé, parce qu'il sombra très rapidement dans un sommeil profond et je le croyais sans mal quand il disait que je ne risquais pas de le réveiller. Je gravai ses traits dans ma mémoire, remarquant son visage émacié. Il avait l'air vraiment fragile quand il dormait, comme si toute sa force était endormie et cessait de le porter.

En silence, je quittai la chambre, quittai même la maison pour marcher au hasard, troublé, malheureux et ayant besoin d'évacuer un trop plein de tension.