Dans les rues | Aaron & co

Oh, mon cher frère, croyais-tu réellement pouvoir me rouler ainsi ?

Kieran croyait sans doute que je n'avais pas remarqué l'étincelle de curiosité qui allumait son regard dès que nous voyions Aaron s'éclipser (ce qui était somme toute assez rare, puisque généralement il ne repassait même pas par la maison), mais, à l'affût du moindre signe de vie chez lui, je l'avais repérée à des kilomètres. Et je savais ce qu'il tenterait ; lorsqu'il se décidait à cesser de se morfondre sur sa culpabilité et sa souffrance, il cherchait à se changer les idées d'une manière qui ne me plaisait absolument pas du tout.

Le problème était que, vu l'état d'Aaron dans la matinée, j'avais une idée très claire de ce qu'il pouvait bien faire la nuit. Son air maladif n'était clairement pas dû qu'à la leucémie. Et la dernière chose dont j'avais envie était bien que Kieran le rejoigne. Pourquoi me suis-je contenté de le suivre au lieu de l'arrêter carrément, ce soir-là ? Allez savoir. Peut-être qu'au fond, je m'en voulais de l'empêcher de penser à autre chose. Peut-être aussi que malgré ma sage obéissance apparente, je voulais savoir de quoi il retournait exactement. Voir si je pouvais m'y glisser aussi.

Douce utopie, naturellement. Je le compris dès que je vis Kieran s'engouffrer dans les tunnels du métro. J'entrapercevais à peine Aaron et le gamin qu'il avait rejoint, et je n'étais absolument pas rassurée. Alors quelle ne fut pas la terreur qui me submergea lorsque je vis mon frère payer deux gorilles pour passer dans un espace d'où résonnait des basses bien trop fortes à mon goût !

Je n'avais pas d'argent sur moi, et je ne sus même pas comment j'osai m'avancer jusqu'aux deux... gardes ? Vigiles ? J'aurais été incapable de retrouver la sortie du métro. Et s'il y avait plusieurs sorties à la salle où se déroulait la soirée, je risquais de manquer Kieran. Je crois que sans cette crainte, je serais restée dissimulée dans mon trou de souris jusqu'à ce que les gens commencent à partir.

Des rires gras s'élevèrent à mon approche. Je frissonnai.

- Alors poupée, qu'est-ce qui se passe ?

- Tu ne retrouves plus le chemin du jardin d'enfants ?

- Tu as décidé de venir jouer dans la cour des grands ?

- Tu as perdu ta mère ?

Cette dernière phrase me fit retrouver soudain tout mon courage, et d'une voix glaciale, je lui jetai à la figure :

- Ma mère vient de mourir !

Ils cessèrent immédiatement de rire. J'avais l'impression qu'ils étaient impressionnants mais guère méchants, dans le fond. Un air de compassion s'était même affiché sur leur visage, et le plus baraqué des deux daigna m'adresser la parole comme à un être humain doté d'une intelligence normale :

- Eh, scuse-nous, petite. C'est juste que des gamines comme toi, on n'en voit pas souvent dans le coin. Et puis t'aurais vu ta tête ! Blanche comme un cachet d'aspirine. Ça se voit bien que t'as rien à faire ici. Alors pourquoi tu traînes par là ?

- Mon frère vient d'entrer ici. Il faut que je lui parle. S'il vous plaît. Je n'ai pas d'argent, mais je peux revenir vous payer plus tard si vous voulez...

Ils éclatèrent de nouveau de rire. Je devins aussi rouge que mes cheveux de feu.

- Ça marche pas comme ça, ici, poupée ! Tu payes, tu rentres. T'as pas d'argent, tu vas le chercher. Tu peux tenter ta chance que si tu l'as maintenant sur toi !

- S'il vous plaît ! Il faut absolument que je le voie !

- Mais t'es pas à l'assistance sociale, chérie ! Si tu veux voir le frérot, t'as qu'à attendre qu'il ressorte ! D'ailleurs tu vas me dire à quoi il ressemble, que je le prévienne d'embaucher une meilleure baby-sitter ! Faire le mur à ton âge, non, vraiment, c'est pas raisonnable !

Je le fusillai du regard mais cela ne risquait pas de l'impressionner. Je me doutais bien qu'il faisait le mur alors qu'il était bien plus jeune que moi, mais je ne voulais pas commencer à guerroyer. Lasse, je soufflai :

- Il vient tout juste d'entrer. Un grand brun un peu costaud, avec un accent irlandais, comme le mien... Est-ce que vous ne pouvez pas l'appeler, alors ?

Ils se regardèrent, interloqués par cette nouvelle demande. Le plus grand poussa alors un gros soupir et me prit carrément par la taille, me balançant sur son épaule comme un vulgaire sac de pommes de terre. Je poussai un hurlement strident :

- MAIS ÇA VA PAS ! Lâchez-moi, posez-moi par terre !

- Je vais t'emmener voir ton frère, OK ? Alors tu la fermes, la gnomette !

- Mais je peux marcher, enfin ! Vous êtes complètement malade !

- T'es trop petite, tu te perdrais !

Je continuai à pousser des cris de protestation totalement inaudibles dans la musique qu'il ignora royalement jusqu'à ce que nous arrivâmes au bar, où Kieran était bien là, avec Aaron et le gamin - qui devait être bien plus jeune que moi mais qu'ils n'avaient pas emmerdé, d'ailleurs... A sa décharge, il suffisait de le regarder pour voir qu'il était dans son univers. Moi, j'avais clairement l'air de ce que j'étais : une intruse.

- Hé, Blue, puisque tu as l'air de connaître le frérot, elle te dit quelque chose cette jolie lutine ?

Ce fut à cet instant que je vis que la cigarette sur laquelle Kieran tirait n'en était pas une. Mon regard noir de fureur ne devait pas être très convaincant, perchée que j'étais sur l'épaule du grand costaud. Mais je pouvais garantir qu'il aurait bien plus peur de moi lorsque nous serions de retour au bercail.

Aaron et moi étions d'accord sur une chose : la Rabbit, nous la retrouverions bien plus tard pour la serrer et nous la faire. Son regard avait suivi ses courbes honteusement affichées avec la même expression que moi. On était jeunes, on était des mecs et forcément, difficile de résister à ce genre de fille qui semblait se promener avec une pancarte : libre service. Sans compter qu'Aaron et moi étions loin d'être déplaisant à regarder, ça nous servait bien pour serrer les filles. Blue intervint alors, apparemment insensible au charme de sa copine, pour nous conseiller des capotes, histoire de pas choper de saloperies. J'avais presque envie de dire que pour Aaron, ça ne ferait pas une grosse différence, mourir d'une hépatite ou du sida ou crever de sa leucémie... Le résultat était le même. Cela dit, c'était vraiment dégueulasse comme raisonnement. Et en plus, je doutais fort qu'il ai crié sur tous les toits qu'il était malade. Je ne dis donc rien de cela, me contentant de lancer :

- "Si Aaron ou toi en avez, je suis preneur."

Ah oui, je n'avais pas mon stock sur moi. A ma décharge, je ne pensais pas me retrouver là ce soir et je ne me promenais pas systématiquement avec des capotes. Grave erreur, me semblait-il. Dommage de louper un coup comme ça à cause d'un oubli. D'un autre côté, je n'étais pas assez dingue pour faire ça sans protection, pas envie de chopper une saloperie. Je fis remarquer à Blue qu'il n'avait pas l'air d'un dealer et je haussais les épaules à son interrogation :

- "Rien. Oublie. Encore un cliché à la con."

Il se faisait son joint et nous le proposa. Je fus plus rapide qu'Aaron, la prenant et en tirant une latte avec délectation. Je faisais ça pour lui bien sûr, ce n'était pas bon pour ce qu'il avait. Sauf qu'il ne l'entendait pas de cette oreille. Il me la prit, tira dessus à son tour, avant de me la rendre, prétextant un truc fumeux.

- "Mon cher cousin, ta bonté d'âme te perdra... Te sacrifier ainsi pour moi... Je suis touché."

Je répliquais cela de façon théâtrale, la remettant à ma bouche, me foutant royalement de passer derrière Aaron. Il était malade, pas contagieux. Il passa alors son bras autour de Blue, avant de déclarer un truc qui me fit ricaner par son double sens. Je commençais à me détendre et ça me rendait un brin stupide. La réponse de Blue ne fut pas mieux et je ris de nouveau, avant de déclarer :

- "Vous être trop mignons tous les deux. Quel joli couple."

Si eux, ne s'étaient pas rendus compte du double sens, moi, si et je n'allais surement pas les louper. Blue me fit alors une remarque et je lui tendis la clope trafiquée avec un grand sourire.

- "Ce qui est à toi est à moi, mon frère."

Yeah man... La soirée s'annonçait bonne, bien meilleure que ce à quoi je m'attendais... Jusqu'à ce que mon sourire ne quitte complètement mon visage et que je pâlisse, tandis que je redescendais brutalement sur terre. Pour quelle raison? Parce que le gorille de l'entrée se pointait avec un drôle de colis aux cheveux roux et au regard incendiaire. Merde... Merde, merde, merde. Sorcha. Mais qu'est-ce qu'elle foutait là. J'eus l'envie de rentrer la tête dans les épaules pour me cacher de ce regard accusateur et qui désapprouvait mes pratiques. Putain, mais c'était pas ma mère. Il s'adressa à Blue et je lui lançai un regard un brin anxieux. C'était ma sœur, mais il ne le savait pas. Cependant, vue l'intensité avec laquelle Chacha me regardait, pas difficile de deviner qu'elle me connaissait. Blue observa le gorille et la jolie rouquine, trop jeune, trop proprette, totalement déplacée dans ce milieu, avant de lâcher d'un ton nonchalant, que c'était une copine. Ce qui parut suffire au gorille qui la reposa à terre. Sorcha était dans une colère noire. Aaron devait se marrer de voir que ma sœur m'avait suivi, alors même qu'il me demandait si je ne m'inquiétais pas de la laisser seule avec sa demie-sœur. D'ailleurs, je lui fis la remarque, d'un ton décontracté :

- "Ben tu vois, pourquoi s'inquiéter pour elle?"

Pourvu qu'elle ne me fasse pas une scène ici. Ce n'était pas à ma PETITE soeur de me sermonner comme un gosse. D'ailleurs, je décidai de prendre les devants et de lui saisir le bras, avant de lui demander, furieux :

- "Qu'est-ce que tu fous là Sorcha? C'est pas un endroit pour toi ici. Tu pouvais pas rester à la maison tranquillement, hein? T'es pas obligée de me suivre partout où je vais!"

Puis, je m'interrompis, interdit, me souvenant trop de ce genre de discours que je lui avais tenu, avant la mort de mes parents, quand j'avais tout fait pour la repousser, étouffant de la savoir trop proche et voulant mon indépendance et plus ma gamine de sœur sur mes talons. Je m'étais promis de ne plus lui infliger ça. Je repris, en gaélique :

- "On va rentrer, tu ne devrais pas te promener toute seule la nuit, c'est dangereux."

Adieu mes chances de me taper Rabbit et de passer une soirée cool. J'allais faire la baby sitter. Mais c'était mon devoir de grand frère de la protéger et de ne pas l'entraîner dans mes propres déviances.

Blue nous mit en garde sur les activités nocturnes de Rabbit. Nous conseillant même des capotes. C'est alors que Kieran se dit preneur si quelqu'un en avait. Souriant alors, je sortis de ma poche se petit carré de plastique que les garçon aimaient tant. Le tendant alors à mon cher cousin. Un sourire lourd de sous entendu au visage. Et puis on se mit à parler de la possibilité que Blue soit dealer. Avant que ce dernier ne décide d'offrir un joint au nos petites personne. Kieran l'attrapant bien rapidement. Je lui piquais des mains en prétextant une connerie plus grosse que moi. Chose à laquelle il répondit qu'il était touché. Ajoutant même que ma bonté d'âme me perdra. Oui je savais. J'étais généreux et serviable.

Et puis je renvoyais mon attention sur Blue, me pendant à son cou. M'envoyant une pichenette sur le front Blue accentua le double sens involontaire de ma phrase. Ce qui eut pour résultat de me faire sourire. Et puis, il mit sa mains sur mon visage. Le repoussant avec un sourire aux lèvres. Le fourbe. Kieran ne put s'empêcher de commenter. Décrivant notre couple comme étant mignon. Souriant alors, j'allais répondre quand Blue me grilla. Il réclama alors ce qu'il nous avait donné et que Kieran monopolisé. Lui aussi était fourbe.

Et puis un événement inattendu se produit. Sorcha sortit de nul part sur le dos d'un gorille de l'entré. Elle était forte la gamine. Nous avoir suivit sans ce faire tuer... C'était un miracle. En revanche Kieran allait se faire tuer. Elle n'avait pas l'aire très heureuse. Blue affirma que c'était une amie, ce qui eut comme effet qu'elle put enfin retoucher le sol. Kieran me fit alors remarquer que je n'avais pas à m'inquiéter pour elle. Ce à quoi je répondais tous naturellement.

— Je me demande ce qui est le plus suicidaire... Nous suivre dans l'under ou ma charmante demi-soeur ?

Ils avaient des choses à se dire. Alors, je commandais un bière, m'occupant les mains et essayant de ne pas me mêler à la conversation. Je pouvais comprendre qu'elle n'était pas heureuse de voir son frère se débaucher ainsi. Mais si j'avais était Kieran. J'aurais pété un câble. C'était irresponsable de faire ce qu'elle venait de faire. D'autant qu'elle était jeune, jolie et qu'elle n'avait pas du tout la tête de l'emploie. L'under n'était fait pour elle. Elle avait eu une chance incroyable de rester en vie. Londres était dangereux la nuit. Surtout pour une fille. Mais l'Under l'était bien plus lorsqu'on ne connaissait pas les règles.

Kieran et Sorcha échangèrent quelques mots alors que j'avalais ma bière. Piquant au passage la clope trafiquer de Blue avant de lui remettre directement dans la bouche. Oui, je me permettais beaucoup de familiarité avec lui. Mais c'était si naturelle. Une fois mon petit manège terminé. J'attirais l'attention de Sorcha. Soudain calme et sérieux. Voir moralisateur. Elle avait joué avec le feu. Et je ne voulais pas qu'elle recommence. Kieran aurait foutu sa vie en l'air si elle était morte ou pire. Si elle avait disparu. Et Aucun des deux ne méritait une telle chose. Surtout après tous ce qu'ils avaient traversé. Ils devaient être solidaire et non stupide.

— Sorcha... Je ne suis pas ton frère, alors ce que je vais te dire n'aura sûrement aucune importance, mais Londres la nuit n'est pas fait pour une adolescente. Surtout si elle est seul. Ne refait plus jamais ça sans être accompagné, ok ?

Et puis je me déridais. Emmerdant de nouveau Blue. C'était un jeu comme un autre. Et puis, faire le grand frère, c'était pas mon truc. Je ne pouvais que lui donner mon avis de gamin drogué et sans avenir. Après... Elle en faisait ce qu'elle voulait. C'était sa vie et son avenir. Pas le mien.

Quel joli…Ah ! D’accord. Je viens juste de tilter. En même temps…On aurait pus, scientifiquement parlant, y avait pas d’homosexualité…Mince, je pensais a n’importe quoi là ! Sauf a dire un truc cool ! Alors je haussais une épaule avant de repousser Aaron et de réclamer mon pétard…Enfin, notre pétard quoi ! Je le glissais entre mes lèvres et inspirais une bonne bouffé en fermant a demi un œil. Seulement voilà, on avait décidé de ne pas me laisser tranquille. J’entendis la voix de Pit m’interpeler et je me retournais légèrement pour le découvrir avec un truc sur l’épaule. Truc qui était une fille et pas du tout, mais alors PAS dut tout a sa place ! Je glissais un coup d’œil a Kieran, interrogatif et me rechoppait le sien en réponse. Ouais, d’accord.

« Laisse là Pit, c’est une copine. »

Pit me fit un putain de clin d’œil que j’aimais pas du tout et qui sous entendait que je m’étais enfin trouvé une nana et reposa la demoiselle avant de filer retrouver son poste de malabar. Je tirais encore sur ma clope, me retournant de nouveau tandis que le frère et la sœur se tirait dans les pattes. Je n’intervient pas, c’était pas mon problème mais quand même, se pointer fringué comme une petite fille modèle, c’était pas très malin pour venir trainer dans le quartier.

J’eus a peine le temps de recracher la fumé hallucinogène par le nez que mon joint me fila entre les lèvres. Aaron tira dedans avant de le recaler a sa place. Merci frangin ! Je ne les écoutais que d’une oreille, pas vraiment intéressée par ce qu’il disait, l’un comme l’autre. Avant de me reprendre le bras d’Aaron sur les épaules. Allez, lui, il m’aimait bien ! Cela dit, je ne le repoussais pas non plus, ni même l’envoyé chier. La soirée s’annonçait pas mal du tout, même si elle venait de finir pour Kieran et j’envoyais mon coude dans les cotes d’Aaron.

« C’est a ton tour d’offrir ! »

Fis je en agitant mon verre vide devant son nez, un petit air malicieux sur le visage. Je me détendais tranquillement, bien loin des soucis de Kieran avec sa frangine.

« Par contre, j’crois que Kieran peut faire une croix sur Rabbit…récupère ta capote, c’est p’t’te ton jour de chance. »

Ajoutais je avec un sourire amusé, a moins qu’il n’ai une réserve sur lui. Moi perso, j’en avais pas et quand on savait pourquoi, ce n’était même pas étonnant ! Douce Rabbit, totalement défoncée Rabbit qui revenait tranquillement, oscillant sur ses talons hauts dans notre direction. Je la connaissais pas mal et rien qu’a la voir, je savais déjà qu’elle avait une cible verrouillée. Elle était libre comme l’air, connaissait tout le monde et était sans gêne. J’aurais peut être dût prévenir alors qu’elle s’approcha de Kieran, lui colla son joint dans la bouche avec un sourire ravageur qui en disait assez sur ses intentions. Elle ne sembla même pas faire gaffe a la gamine qui s’accrochait avec Kieran et je sais pas pourquoi, je sentis venir la catastrophe.

« Ah merde ! »

Fis je en fronçant les sourcils, je descendis de mon perchoir pour aller attraper Rabbit par le coude et l’attirer vers Aaron et moi. Bien évidemment, elle n’aima pas trop et eut une petite moue suppliante qui froissa ses lèvres glossées. Seulement, elle était assez pompette pour me suivre sans faire d'histoire et me connaissait assez pour savoir que quand j'agissais comme ça, c'est qu'il y avait une raison..

-Mais qu’est ce que tu fais Bluuuuuuuue …
« Tu vois pas qu’tu dérange Rabbit ? »

Bougonnais je en la poussant machinalement vers Aaron avec un regard qui voulait dire « tu veux pas l’occuper 5 minutes ? ». Avec un peu de chance, elle repartirait aussi vite qu’elle était venue et ce serait cool !

Je fus immensément soulagée lorsque le gosse qui accompagnait Aaron et Kieran donna son aval au gorille qui me maintenait en travers de son épaule. Il me saisit par la taille - je suis persuadée qu'il aurait pu le faire d'une seule main ; mon corps devait faire la taille de son bras - et me déposa par terre. Je fus un peu sonnée lorsque mes pieds heurtèrent le sol, secouai la tête et rajustai mes vêtements tant bien que mal, tentant vaguement de retrouver un semblant de dignité. Je me sentais mal ici ; j'étais une intruse, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ce qui m'inquiétait le plus, finalement, c'était que Kieran n'ait, lui, pas l'air spécialement déplacé ici. Je fus soufflée lorsqu'il balança une phrase ironique à Aaron en m'ignorant totalement. Je fusillai mon cousin du regard lorsqu'il surenchérit. Je pris une brusque inspiration, bien décidée à leur passer une engueulade maison - j'avais parfaitement conscience que je le ridiculiserais, et moi au passage, en faisant une scène ainsi mais c'était le cadet de mes soucis ! - mais il me coupa la chique en me saisissant par le bras et en s'éloignant d'un pas d'Aaron et de son pote. Furieuse, je sifflai tout bas :

- Non, mais toi tu n'es pas obligé d'aller traîner dans des endroits pareils ! Aaron fait ce qu'il veut. Mais tu es la dernière famille qui me reste et je ne veux pas te perdre à cause de tes imbécillités !

Et puis ses paroles en gaélique m'apaisèrent magiquement. Ah, le traître, il savait comment faire pour m'attendrir ! Je poussai un long soupir désabusé.

- C'est dangereux pour toi aussi, Kieran. Pas de la même manière que pour moi, mais c'est peut-être encore pire. Je ne veux pas que tu te détruises à petit feu !

Je m'étais refusée à parler en gaélique. Je ne voulais pas lui montrer qu'il pouvait m'avoir si facilement. Mais le reproche s'était déjà évaporé de ma voix, ne restait plus que le souci que je me faisais pour lui. Je sursautai lorsque Aaron m'adressa à son tour la parole et fis d'une voix que j'aurais voulu plus cinglante :

- Normalement, je n'en aurai pas besoin, hein ? Puisque maintenant, Kieran restera sagement à la maison... ou au moins ne partira pas en douce !

Je me comportais en mère poule, j'en avais conscience. Je savais que je devais l'insupporter, mais qu'y pouvais-je ? Je détestais être séparée de lui. J'avais terriblement besoin de son soutien depuis la mort de nos parents, et voilà qu'il se remettait à faire les quatre cents coups. J'espérais qu'aller dans une ville où il ne connaîtrait personne jugulerait ça, mais visiblement il était capable de trouver de quoi se tuer très facilement. Le pire était que je ne pouvais même pas en vouloir à Aaron ; il ne lui avait rien demandé. Je ne pouvais m'en prendre qu'à Kieran, et j'étais fatiguée de toujours lui en vouloir. Ça aurait donc pu très bien se terminer, n'est-ce pas ? Kieran et moi serions rentrés à la maison, libre à Aaron de se détruire un peu plus s'il le souhaitait, Kieran aurait râlé mais finalement nous nous serions retrouvés tous les deux et il m'aurait pardonnée. Même si c'était pour recommencer plus tard, tant pis, ç'aurait déjà été ça.

Ça, c'est donc ce qui se serait passé si une fille qui n'était pas habillée outrageusement vulgairement ne s'était pas suspendue à son cou et ne lui avait pas planté un joint dans la bouche. J'ouvris de grands yeux exorbités alors que le gamin la tirait de côté, tentant vainement de sauver la situation. Seigneur, pardonnez-moi les pensées peu charitables qui me traversèrent l'esprit à cet instant, je sais qu'il ne faut pas juger les gens à leur apparence. Mais là...

Je reportai mon regard sur Kieran. Et cette fois-ci, plus aucune compassion ne nuançait la flamme noire de colère qui obscurcissait mes prunelles. Je devais me l'avouer, j'étais jalouse, affreusement jalouse. Mon frère préférait traîner avec des Marie-couche-toi-là complètement défoncées au surnom débile plutôt que de rester avec moi ! J'avais une idée très précise de ce qu'il avait pu prévoir de faire avec elle. Je la regardai d'un air froid s'écraser contre Aaron, son décolleté vertigineux quelque part au niveau du nez de mon cousin. Dehors, au milieu de gens normaux, je n'avais pas l'air spécialement BCBG, mais là je devais avouer que j'avais carrément l'impression d'être la frigide de service. Je jetai un regard désolé à Aaron qui se retrouvait prisonnier des bras de cette folle furieuse, avant de me retourner vers Kieran, les larmes aux yeux. Cette fois-ci, je parlai en gaélique - entre parler une langue inconnue devant d'autres personnes ou les insulter comme s'ils n'entendaient pas, la première solution était encore la moins malpolie, et je ne tenais guère à m'attirer d'ennuis.

- Tu préfères traîner avec des gens comme ça plutôt que rester avec moi ?

Aaron répondit avec humour à ma propre tentative. Juste une façon de faire le bravache quand je n'en menais pas large. C'était quand même quelque chose de se sentir comme un gosse pris en faute sous le regard de sa jeune sœur. Nos parents n'avaient que trop eu ce regard là et je n'aimais pas du tout à quoi cela me renvoyait. Je l'attrapai par le bras et m'écartais avec elle. Sorcha était complètement furieuse. Son chuchotement ressemblait à un sifflement de vipère et je résistai à l'envie de hurler à mon tour. Du calme, elle avait juste la trouille pour moi, c'était tout. Je le compris à ses paroles.

- "Ne t'inquiète pas, ma vie n'est pas en danger ici."

Ce n'était pas de fumer quelques pétards ou de rentré ivre qui allait me tuer. Cela me détendait juste, c'était tout ce dont j'avais besoin, mais ça, Sorcha ne le comprenait pas. Je parlais en gaélique pour l'apaiser et pour que les autres ne comprennent pas également et cela eut l'effet escompté.

- "Tu dramatises."

Aaron intervint alors, y allant de son propre ton moralisateur et je devinai que cela n'allait pas plaire du tout à ma sœur. Déjà quand cela venait de moi, ça passait mal, mais là... Sauf que sa répartie cinglante ne fut pas pour Aaron à qui elle s'adressait mais à moi. Je lui jetai un regard courroucé : quoi? Mais ça n'allait pas de parler ainsi devant tout le monde?

- "Tu n'as pas d'ordres à me donner Sorcha! Je suis majeur et tu n'es pas ma mère!"

Et aussitôt que j'eus sorti cela, j'aurais tout donner pour ravaler mes paroles. Parce qu'elle n'était pas ma mère, parce que ma mère, je l'avais tuée. Et ce non dit flotta subitement entre nous. Mais quel con... La soirée était terminée et elle arrivait à me faire culpabiliser de vouloir m'amuser. C'était quand même un comble. Et là... Là, Rabbit arriva. Me collant un joint dans la bouche, complètement indifférente au fait que j'étais en train de m'engueuler avec quelqu'un et que ce quelqu'un allait me tuer. Blue tenta vainement d'empêcher le drame, mais c'était un peu trop tard. Je vis le regard de ma sœur s'embuer de larmes, alors que Rabbit se trouvait collée à Aaron (le petit veinard). Je retirai le joint de ma bouche alors qu'elle s'adressait à moi en gaélique, chaque mot me lacérant le cœur. Je soupirai, tendant le joint à Blue, avant d'enlacer Sorcha et de reprendre dans notre langue :

- "Ce n'est pas ça. Je suis désolé. Je voulais savoir ce que faisait Aaron de ses nuits. Je n'aime pas le savoir dehors alors qu'il est malade. Et j'ai atterri ici. Et je me suis pris au jeu. Tu sais que j'adore ta compagnie mais ici... Ici, je peux oublier, juste quelques heures, ce que j'ai fais."

Que tout était ma faute, que je devais m'occuper d'elle. J'adorais Sorcha, vraiment. Et sa compagnie n'était pas désagréable. Mais parfois, j'avais l'impression que derrière son sourire factice et ses yeux d'eau, se cachait une accusation muette. Et je ne le supportais pas.

- "J'ai besoin de ça, Chacha. D'être un ado comme les autres, de temps en temps et ne pas avoir toutes ces responsabilités et toute cette culpabilité sur le dos."

Je lui embrassai doucement le front, avant de la relâcher.

- "Et ça ne me tuera pas, je te le promet. Tu vas devoir me supporter encore longtemps."

Je me tournai vers Aaron, Blue et Rabbit, un sourire d'excuses aux lèvres.

- "Désolé. Je vais la raccompagner."

Blue me rappela que c'était à mon tour d'offrir chose à laquelle je répondais positivement. Comandant automatiquement pour mon compagnon de soirée. Et puis Blue parla d'une chose qui me fit sourire. S'il croyait que j'en avait qu'une ... C'était mal me connaître. Comment survivre dans l'under sans avoir un minimum de réserve? En plus d'avoir l'air jeune, Blue ne semblait pas être un coureur ou un débauché comme moi. Et puis Sorcha et Kieran se mirent à s'engueuler, alors que Blue et moi tentions de les laisser dans leur coin. Ce n'était pas nos affaires et nous l'avions très bien compris.

Sauf que Rabbit débarqua alors avant de se jeter au cou de mon chère cousin. Lui collant un joint dans les lèvres avant que Blue ne l'intercepte en la tirant en arrière. Je ne sais pas pourquoi mais je sentais clairement que cela allait-être pour ma gueule. Et ça ne loupa pas. En effet Rabbit atterrit sur moi alors que Blue semblait me supplier de l'occuper le temps qu'ils se calment. Ok, d'accord. De toute façon vu comment elle s'accrochait à moi, j'avais déjà le nez dans la poitrine de notre débauché.

Sorcha semblait sur le point d'exploser au visage de Kieran. Et Rabbit n'avait rien arrangé. Ma cousine la regardait avec tant de dégout que j'avais presque l'impression qu'elle était couverte d'ordure ou carrément à poils. Alors que ni Blue, ni Kieran, ni moi n'étions choqué. C'était normal ici. Voir courant. Kieran tendis alors le joints à Blue. Préférant clairement calmer le jeu. Chose qui semblait être la priorité. Et puis au final Ils semblèrent se remettre de leurs émotions. Une bonne chose, car Kieran l'embrassa sur le front avant de se tourner vers nous. Un sourire au lèvres et des excuses dans la gorge. Il allait la raccompagner. Sage décision. Cela ne pouvait-être que la seule chose à faire. Sorcha ne pouvait par rester ici, mais avec la surveillance de nous trois. C'était un coupe gorge pour elle.

— Ok, m'attendais pas ce soir !

Et puis ils s'éclipsèrent. Me laissant seul avec Blue et Rabbit qui semblait essayer d'embrasser mon cou depuis une dizaines de minutes. Elle était vraiment jeté. J'aurais même eu des reproches à essayer quoi que ce soit avec elle. Et ce pour une bonne raison... J'étais encore parfaitement conscient de ce qu'il ce passait. Et puis je me tournais ver Blue, sa copine toujours pendu à mon cou.

— La soirée continue quoi qu'il arrive non ?

Prenant le joint initialement à Rabbit je le passais sous son nez. Observant cette réaction de femme défoncé. Soit ... S'énerver en sentant le joints. Elle commença à s'agiter, tendant les bras à la recherche de son joints. Je finis alors par lui rendre. Amusé par la situation. Elle finit à son tours par partir. Titubant vers le coeur de la soirée. J'avais un vieux sourire sur le visage. Entre le "t'as un putain de cul, mais t'es trop bourré pour que je m'y risque" et le "Je suis un connard".

— C'est mal d'avoir joué pour lui rendre son joints nan ?

Et ça s’engueulait et je n’en mêlais pas. D’ailleurs Aaron non plus, enfin plus après son petit commentaire qui fut généreusement accueillit par la gamine. J’aimais pas les histoires dans ce genre. Ici, personne ne se prenait la tête et il y avait très peu de bagarre quoi qu’on en dise. Je crus que la gamine allait faire une crise d’apoplexie a la vue de Rabbit, et oui cocotte on est pas dans ta petite banlieue tranquille, mais j’eus tôt fait d’éloigner la bimbo en la propulsant dans les pattes d’Aaron avec une petite moue désolée. Quoique, je ne suis pas sure qu’il était utile d’être désolée pour lui étant donné la position de son nez dans le décolté de Rabbit . Y avait pire comme situation nan ?

Mon verre me revint plein et je levais un toast silencieux a Aaron pour son sacrifice, c’est qu’il donnait de sa personne là a voir Rabbit lui mordiller le cou et je ne pus m’empêcher d’afficher un air clairement moqueur. La voix de Kieran nous parvint, nous prévenant qu’il ramenait sa sœur. Je posais un instant les yeux sur la dite sœur avant de revenir au frangin.

« Salut »

Vala, simple, sobre avant que je ne me retourne sur mon verre et mon joint miraculeusement récupéré, ce qui faisait que j’en avais deux dans les pattes…Enfin presque parce qu’un se barra rapidos entre les doigts d’Aaron.

« Yep ! »

Répondis je a son commentaire avant de voir avec quelle classe il se débarrassait de Rabbit. Je la regardais partir avec un demi sourire avant de secouer légèrement la tête.

« Rabbit est bonne perdante, mec. »

Conclus je en haussant une épaule, a vrai dire, je me demandais si elle n’avait pas déjà oublié le cousin pour un autre type moins prise de tête. Je tirais sur ma cigarette trafiquée avec un plaisir non dissimulé avant de le tendre a mon joyeux compagnon de soirée.

« Tiens a la santé de ton cousin dont la soirée vient de s’écourter ! Autant faire la fête pour lui. »

Pas d’bol quand même de se faire fliquer par sa frangine quand même, mais je ne dis rien, après tout, je ne savais rien d’eux, ils ne savaient rien de moi, c’était niquel comme ça.

« N’empêche, t’as du sang froid pour savoir résister a Rabbit, c’est un bon coup parait. »

Oui parce que bon, je pouvais pas affirmer, j’avais jamais couché avec et je crois que ça ne risquait pas d’arriver, a moins qu’il ne me pousse un service trois pièces dans la nuit, ce dont je doutais sérieusement.

Il confirma que joué avec Rabbit était mal. Souriant alors à sa remarque je ne refusais pas son offre trafiqué. Tirant une bonne latte à la mémoire de mon cousin qui avait gagné une nuit de folie chez les Lewis. J'aimais vraiment la mentalité de Blue. Aucune prise de tête. Simple, tranquille. Reposant comme mec mine de rien. Rendant alors la clope à son propriétaire, je répondais enfin à sa remarque.

— C'est là vie, il profitera un autre jour.

Et puis il me fit une remarque sur Rabbit. Me gratifiant sur mon sang froid en présence de Rabbit. Souriant de nouveau, il était vrai qu'il fallait se contrôler avec elle. Mais j'avais une ligne de conduite. Elle était défoncé, je ne pourrais que si je l'étais aussi. Histoire d'être sur un pieds d'égalité. Ou un simple respect. Je ne pourrais pas vous dire. C'était une habitude que j'avais pris depuis que j'avais connue Sarah. Et je n'avais pas déroger de cette regle depuis sa création. Attrapant alors mon verre. Je le vidais d'une traitre avant de répondre à Blue.

— Je ne suis pas assez déchiré et elle l'est trop. Question de respect pour elle.

Puis je sortis une clope décidant de passé au soft. J'avais quand même une santé à surveiller et rentrer dech à la maison n'était pas un bon plan. Quoi que … Nan, quoi qu'il en soit il fallait que je réussis à sortir d'ici sans me prendre un métro. Et cela demandé beaucoup de concentration. Revenant alors à Blue je le gratifiais d'un sourire avant de reprendre.

— Je serais donc un légende. Plus sérieusement. Tu connais pas une variante au bars ? C'est pas que j'aime pas, mais c'est pas marrant.

J'étais pire qu'un gosse. Ok un sacré gosse qui joué avec la drogue et buvait comme trou, mais un gosse quand même. J'avais besoin d'un peu d'action sinon j'allais clairement m'endormir. Avoir était hyper actif dans ma jeunesse ne m'aidait pas aujourd'hui. C'était surtout contradictoire lorsque je disais que j'aimais Blue, car justement … Il était calme.

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