Aequilibrium Caelestis
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 Mon amour, ma mort. (Aislinn)

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Innocencio Homes

Innocencio Homes


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MessageSujet: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeMer 11 Mai - 19:51

Je regarde l’humain ivre tomber pour la troisième fois, sa femelle essayant tant bien que mal de le supporter. Mes lèvres tressaillent, rire inavoué. Comme ces créatures sont faibles. Je les envie un peu, dois-je dire. Mes yeux se posent sur la bouteille qui se trouve devant moi. De la plus pure des boissons, de celles qu’on dilue normalement dans du jus, mais malgré l’insistance de la jeune serveuse je n’ai rien commandé d’autre. C’est la huitième de la soirée, je commence cependant à peine à en ressentir les effets. Rien ne tourne, rien ne me satisfait. Tout au plus la magnifique sensation que je perds le contrôle. Je n’ai jamais le contrôle, peu importe donc.

Le goulot de la bouteille goûte comme les lèvres de la jeune femme qui s’est approprié le siège face à moi. Je ne l’ai pas chassée, n’ai rien fait pour l’encourager cependant. Son rire étrange résonne à mes oreilles. Elle voulait absolument m’imiter, veut toujours continuer et voilà ce qu’il en est. Elle ne m’amuse plus du tout, je n’ai qu’une hâte, c’est qu’elle parte. Je suis trop gentleman pour le lui dire directement, toutefois. J’attends. Le coma éthylique ne doit pas être loin…je pourrais même le provoquer, avec un peu d’efforts. Ai-je seulement envie d’en fournir ? Elle me vole presque la bouteille et je soupire avant de fermer les yeux.

Noir, intense, libérateur. La lumière filtre à peine, douleur dans ma poitrine qui se soulève peu à peu. J’attrape la main de la femme, la retire de mon torse et me lève. Peu m’importe la raison, après tout. Elle ne m’intéresse pas, elle ne lui est pas du tout semblable. Son rire est trop faux, ses yeux sont trop bruns, son parfum lui-même est trop commercial. Malgré tout mes efforts, je ne vois qu’elle lorsque je ferme les yeux. Même l’alcool ne peut me faire oublier cela. Je perds mon temps, probablement. Elle est morte, sûrement. Depuis le temps. Sous l’ombre de mes paupières ne survivent que deux iris d’une froideur spectaculaire. Mes lippes se tordent de nouveau. Quelle drôle de soirée. Presque magique, je devrais dire. Peut-être que je ne dois que continuer, que d’ici quelques bouteilles tout prendra un sens nouveau. Je lève la main vers la serveuse, réajuste ma chemise noire, monte mes pantalons noirs, retrousse mes pieds chaussés de noir. Je vois dans son regard le désir, mais que vaut donc une pauvre humaine ? Le chic, elles ne le comprennent pas. Ne voient pas la nécessité de la sobriété – vestimentaire du moins. Elles ne connaissent que les couleurs criardes, les cris, l’absolu. Ce qui n’est pas utile. Parfois j’ai l’envie de leur dire, qu’elles comprennent enfin l’étendue de leur erreur. Les filles du siècle dernier ne peuvent me séduire, moi l’âme ancienne. Même les dames de mon époque ne m’ont jamais asservi.

Je respire de nouveau l’odeur acariâtre de l’opium, douloureusement tentante, et décapsule une énième bouteille. Je dois bien l’avouer, les bars clandestins sont la seule amélioration réelle. Là encore, je me fais rire. Les immortels se plaignent du manque de romantisme de l’époque, ils vantent tous l’ancien Paris ou la vieille Angleterre. Mémoire trop courte. Paris puait, l’Angleterre sombre était déprimante, même pour moi. La peste, l’insalubrité…Peut-être devrais-je dire que mon pays natal me manque également, avec ses guerres. Mais pas ses massacres. Jamais plus le massacre.

Drôle de philosophie pour un ange, me dis-je en sombrant peu à peu.
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Aislinn Keath

Aislinn Keath


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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeSam 14 Mai - 12:09

Les bars chic et les restaurants de luxe sont mon quotidien. Je ne vis que de cela ; l'argent que les hommes en mal d'amour m'offrent lorsqu'ils cèdent à mes séductions pourtant si froides, si distantes. Beauté magnifique et troublante qu'on ne saurait pourtant qualifier de fatale, car ce mot inclut une certaine vulgarité mêlée à une classe que je suis loin d'avoir. Non, je ne suis pas réellement une femme fatale. Jamais je ne tolérerais d'être aussi cliché. Je suis, en réalité, la fascination faite femme, par mes longues jambes fuselées et galbées caressées par le tissu d'un simple pantalon noir s'évasant légèrement sur mes pieds chaussés de ballerines, moulant admirablement mes cuisses et mes fesses généreuses et tombant parfaitement sur mes hanches. Je ne suis pas empâtée, loin de là, j'ai juste des formes pleines et affirmées par les deux enfants que j'ai portés. Ma poitrine ronde est soulignée par le sage décolleté qu'ouvre l'encolure découvrant mes épaules de mon chemisier, noir également, dont la forme cintrée est accentuée par la dentelle en V qui en orne le bas.

Mes yeux bleu glace apportent la touche de couleur nécessaire à l'ensemble, mais pas celle de chaleur. Je suis faite de la banquise originaire de mon pays et c'est cela qui attire et repousse à la fois. Cela me permet de choisir mes proies. Aucun homme n'est jamais venu vers moi. Trop effrayé sans doute, par cette aura sans émotion que je dégage. Cela ne m'a pas empêchée d'obtenir ce que je voulais chaque fois que j'ai jeté mon dévolu sur un mâle. Je suis tellement difficile que malgré les fortunes que je parviens à obtenir à chaque fois que je séduis un homme, cela me permet tout juste de vivre confortablement. Mais je ne saurais tolérer de m'offrir à n'importe qui. Je ne suis pas une vulgaire escort-girl !

Très rarement, certains caressent mon intérêt, et je me souviens alors de la mission que mon mari m'a confiée en faisant de moi une démone, une Princesse des Ténèbres. Je continue à éveiller, mais sans grande conviction. Je le fais juste pour honorer la mémoire de celui qui m'a offert l'immortalité, la puissance, et les deux trésors de ma vie hélas partis trop tôt. Je songe à le faire sur mon actuel époux. Nous fêtons notre premier anniversaire de mariage cette semaine, et il m'a offert ces vacances, qui n'en sont pas vraiment puisqu'il en profite pour travailler. C'est le défaut de choisir des hommes riches et intelligents, la plupart du temps, ils travaillent vingt heures par jour et ne vous consacrent que très peu de temps. mais cela me convient merveilleusement bien. Cela me permet de rester plus ou moins libre. Je tourne machinalement l'alliance autour de mon doigt. Celle de mon mari, mon vrai mari, le premier, elle orne une chaîne que j'entortille autour de ma cheville, et que je sens battre à chacun de mes pas. C'est elle qui me rappelle qui je suis réellement, et qui ranime chaque jour l'étincelle de vie m'empêchant de sombrer.

L'étincelle explose et se transforme en incendie ravageant tout sur son passage lorsque je le reconnais.

Pourtant, d'extérieur, il ne se passe rien. Pas un muscle ne tressaille. Je me rapproche de lui, féline et pourtant si loin de la chaleur caractérisant ces animaux, je me glisse dans son dos, pose mes paumes à plat sur ses épaules. Son odeur me dégoûte. C'est donc là celui qui m'a tout pris ? Un misérable profiteur se noyant dans l'alcool dans un bar trop luxueux pour quatre-vingt pour cent des personnes de ce monde, qui se croit futé parce que pour les plus respectables notables, il n'existe même pas ? Et pourtant, un brusque soubresaut agite mon cœur et se noie dans mes entrailles alors que je le touche. L'odeur douceâtre de la fumée submerge mes sens. Je me penche et susurre à son oreille :

- Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Vous souvenez-vous de moi ?
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Innocencio Homes

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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeSam 14 Mai - 20:17

Il se passe une éternité pendant laquelle la seule chose qui m’intéresse est le fond des bouteilles qui défilent devant moi. Pour une raison ou une autre, le petit geai bavard qui m’importunait a disparu. Peut-être s’est-elle endormie, peut-être l’alcool a-t-il brûlé sa langue et est-elle devenue muette. Quelle idiote. Une belle imbécile pour croire qu’elle pouvait me suivre dans les méandres de la déchéance. Elle aurait dû le voir, au tout début, lorsque sa tête tournait et que je n’étais même pas affecté. Elle serait morte vingt fois que je n’en aurais été que très peu enivré. Résistance exceptionnelle due à mon statut d’ange. Ou peut-être seulement à l’habitude, c’est une autre chose que j’ai oubliée. Pour l’instant, ça n’a plus d’importance. Je ferme les yeux, je sombre.

Combien de temps s’est-il écoulé ? Des millésimes ou une seule seconde. Le contact des mains fraîches contre mes épaules, que je sens malgré la pesanteur du tissu qui me recouvre, me ramène à la réalité. Est-elle revenue, cette dame frivole que je croyais aux tréfonds d’un hôpital quelconque ? Peut-être en est-ce une nouvelle, émerveillée à l’idée d’une nuit avec moi. Possédez donc mon corps, viles humaines, mon esprit est confiné. Mes plaisirs sont rares, souvent égoïstes. Je me retourne, me demandant si celle-ci en vaudra la peine. Surtout intrigué par ses paroles, je devrais dire. Mes yeux se plissent, mon nez se fronce. Impossible.

C’est elle. Ses longs cheveux épais, à l’apparence soignée et douce. Ils luisent sous la lueur des projecteurs qui semblent tous tournés vers nous. Le couple immortel, si magnifique. Ses mèches noires qui retombent contre sa peau parcheminée. J’ai tellement envie de l’effleurer, cet épiderme, encore plus que ses cheveux si soyeux. J’hoche la tête, dodelinant comme un fou qui aurait la plus belle vision de sa vie. Ses yeux si froids, couleur glace, presque morts. J’en reste bouche-bée. Ils sont terrifiants, mais ils n’ont pas perdu le courage que j’y lisais auparavant. Elle n’est pas une victime, ne l’a jamais été. J’ai cru être son bourreau, n’était que l’objet de sa vengeance. Ses lèvres remplies sont tordues dans une expression délicieuse. Elle est un délice, un grand cru à savourer.

Mes yeux se reposent sur la bouteille que je serre entre mes doigts. Quel dommage. Il me semblait bien que ce truc était fort, mais à ce point-là ? J’hausse les épaules. Après tout, qui vivra verra.

- Je ne parle pas aux hallucinations. Vous n’êtes qu’alcool et douleur, partez.

Je me retourne sans plus lui faire attention. Mon esprit me hante. Mon corps ne doit pas se laisser abuser par cette représentation si réelle de mes remords.
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Aislinn Keath

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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeVen 20 Mai - 3:58

Son expression lorsque son regard se pose sur moi est tellement appréciable. Je me repais de sa surprise et de son admiration. En temps normal, je me moque profondément de l'avis des autres hommes - et même des autres femmes - mais là, je ne sais pourquoi, j'analyse son expression et ses sentiments noyés dans l'alcool, et mon auto-satisfaction ronronne de plaisir à ce que j'y lis. Sois terrifié, tu as raison, c'est la mort qui est devant toi, ou plus exactement ta mort. Ne t'inquiète pas, elle sera heureuse, perdue dans le plaisir. Dans la souffrance, aussi, peut-être. Je suppose qu'il est douloureux pour nous de mourir étant donné la seule et unique manière d'y parvenir, mais comment le saurais-je puisque tu as refusé de suivre mon ordre la première fois que nous nous sommes vus ?

Et puis, il se retourne, refusant de croire que je suis là. M'ignorant purement et simplement. C'est la deuxième fois seulement en sept siècles que l'on me contrarie, et c'est lui qui s'y est risqué, les deux fois. C'est deux fois de trop. Il vit dangereusement. On ne m'ignore jamais, et on ne me désobéit jamais, je vais devoir lui apprendre ces deux données essentielles à sa survie prochaine. Je m'avance à ses côtés, lui prends la bouteille des mains, la fracasse sur le bar pour rappeler efficacement son attention à moi et glisse un billet de cent livres sur le comptoir histoire de ne pas être ennuyée pour de telles futilités.

- Maintenant que vous ne pouvez plus boire votre précieuse liqueur à cause de moi, êtes-vous toujours convaincu que je suis une hallucination ?

Me prendre pour une hallucination. Non mais vraiment ! Moi, un vague fantôme, une créature irréelle, un bas délire ! La fumée d'opium lui a embrouillé le cerveau pour qu'il ose penser une chose pareille. Je décide aux yeux de qui j'apparais. Pas l'alcool ou la drogue, ces délices de faibles. Et quand j'apparais, je suis bien tangible, tous les hommes auxquels j'ai prêté attention peuvent le confirmer.

- Je suis déçue. J'aurais voulu que celui qui ait détruit ma vie soit plus fort, plus impressionnant. Au lieu de cela, vous n'êtes qu'un alcoolique avachi à son bar. C'est rabaissant.

Je lève une main pour attirer l'attention du barman qui me sert immédiatement un verre. Ça ne me fera strictement rien si ce n'est que j'en aime le goût, et je suppose que les anges sont comme nous. Alors quelle quantité a-t-il bu pour être dans cet état, aussi lamentable qu'un faible humain ?

- Mais commençons par le commencement. Je ne connais même pas votre nom. Et vous, connaissez-vous celui de vos victimes ou détruisez-vous en aveugle ?
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Innocencio Homes

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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeVen 20 Mai - 20:27

Mes doigts serrent tellement la table qu’ils m’en font mal. Je savais que je ne devais pas me retourner, au risque de sombrer totalement dans la folie. Non, c’était évident. Si je la regardais de nouveau, et que je sache qu’elle n’était qu’une vision n’y changerait rien, je ne la quitterais plus jamais du regard. J’en deviendrais sénile, je mourais de mon chagrin. Cela ne devait pas arriver. Peut-être étais-je déjà fou, peut-être que personne n’avait osé me le dire. Ce n’était pas chose aisée à décliner dans une conversation. L’un dans l’autre, fou ou pas, j’étais doué. Des siècles de précaution m’avaient appris à me sauver, parfois par la peau des fesses, mais je sortais toujours indemne de mes aventures.

Aucune de celles-ci n’avait eu la saveur irrésistible de la femme qui se tient derrière moi.

Elle n’est qu’une vision, je me le répète comme un leitmotiv. Quelle vision délicieuse, quelle merveilleuse damnation elle fait. Pauvre ange. Obsédé par une démone qui est certainement morte, depuis le temps. Elle ne pouvait pas avoir survécu à son mari et ses enfants. Son mari…la seule pensée qu’elle a été touchée par quelqu’un d’autre suffit à me dégoûter. Je la veux tellement. Elle et son doux parfum qui flotte dans l’air, qui emplit mon corps. Je l’absorbe. Elle m’assimile à ses pouvoirs, je la laisse m’englober.

Force m’est d’admettre que, pour une hallucination, elle a une force incroyable.

Je regarde sans trop d’étonnement la bouteille se fracasser contre le comptoir. Mes yeux sont plus attirés par les reflets brillants du verre sur la peau de ma vision que sur le reste. Je ne réalise pas vraiment ce qui se passe, mais je reprends mes esprits juste à temps pour me lever et tirer sa chaise, exemple parfait du gentilhomme bien élevé. Le visage toujours aussi inexpressif, je me penche à son oreille, murmurant des paroles destinées à elle et à elle seule.

- Soit vous êtes une hallucination, soit vous êtes un fantôme. Notre vie étant déjà bien assez longue, ce serait de bien mauvais goût qu’elle soit ainsi allongée. Je penche pour le futur coma éthylique, ne m’en veuillez pas.

Avant qu’elle ait pu répondre, je reprends ma place face à elle. Je n’ai toujours pas décidé quant à sa nature. Bien que je doive avouer qu’il serait nettement improbable que mon hallucination soit partagée par le barman, il me semble idiot de penser qu’elle puisse être vivante. Aurais-je passé ma vie à pleurer quelqu’un qui vivait toujours ? Je ne peux y croire.

- Ne me jugez pas, madame. Mes activités nocturnes, qu’elles tiennent du remords ou de l’ennui, ne vous regardent en rien.

Je suis l’homme qui s’approche du regard. Sa main qui frôle celle de la démone pour lui offrir son verre me donne envie de le frapper. Il n’a pas le droit de la voir. Pas plus que moi, mais j’ai toujours été égoïste. Je glisse un billet dans sa main, une coupure bien trop élevée pour le prix de la boisson, mais il file sans demander son reste. Mes yeux filent de tous côtés, ne pouvant se résoudre à s’ancrer dans l’acier des siens. Je soupire. La mort. C’est tout ce qui nous relie.

- Vous vous nommez Aislinn. Vous êtes ma mort et ma honte. Je suis Innocencio.

J’agrippe sa boisson et, avec un sourire faible, en boit une gorgée avant de la lui rendre.

- L’homme qui m’a nommé avait un sens de l’humour des plus ironiques.
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeDim 29 Mai - 18:13

Je ne réagis pas, ni surprise ni appréciant le geste, lorsqu'il tire galamment mon siège. J'y suis habituée. De part les milieux que je fréquente, déjà, et ensuite parce que le plus malotru des hommes devient d'une rare finesse avec moi, digne même de la réputation des français. J'inspire la galanterie, par ma froideur et ma classe qui n'est même pas travaillée. Je ne sais pas pourquoi, mais je m'en moque. Sans doute pressentent-ils que je serais scandalisée s'ils ne se comportaient pas ainsi avec moi. Lui ne fait pas exception à la règle. Mais ses paroles m'exaspèrent profondément. D'un ton plus glacial que mes iris, je réponds, droite, sans daigner le regarder :

- Bien sûr que non, je ne peux pas être un fantôme. Vous n'avez pas daigné accéder à l'ordre que je vous ai donné il y a sept siècles de cela. J'attends toujours que vous m'obéissiez. Je ne peux mourir que par votre main, parce qu'il est hors de question que j'admette que l'on puisse ignorer un ordre que je donne. C'est ainsi.

Je tourne enfin le visage vers lui, mes boucles coulent sur mon épaule et rebondissent sur ma poitrine.

- Ceci dit, j'ai beau ne pas être une hallucination, je veux bien croire que vous êtes tout de même proche du coma éthylique.

Je marque une pause, ma main vole fraîchement dans les airs, alors que je dis d'une voix gracieuse :

- Pitoyable.

Si je n'ai pas réagi lorsqu'il a tiré mon siège, en revanche, j'approuve d'un clignement de paupières lorsqu'il tend un billet au barman pour payer ma boisson. Un gentleman. Je doute qu'il soit différent avec les autres femmes. Je note surtout le fait qu'il parvienne à l'être malgré son ivresse désolante. C'est si rare. Les hommes qui me désobéissent sont rares aussi. Il me déplaît et me ravit tout à la fois. Insupportable créature. Il n'a pas changé finalement, toujours aussi agaçant. Mon cœur a un sursaut lorsque j'entends sa voix prononcer mon nom. Je ne m'y attendais pas, et le déteste d'autant plus.

Je veux réussir à verrouiller totalement mes émotions, et il m'en empêche. il est le dernier rempart qui m'en empêche. je ne peux pas l'ignorer. Soit je l'aime, soit je le hais, mais je ne peux pas l'ignorer avec la façon irrémédiable dont ma vie a été bouleversée par sa faute. Je le fusille d'un regard mortel alors qu'il prend mon verre. Cesse ! Cesse donc de me combattre ! Il ne fait que me contrarier. Apprends l'obéissance, mon ange. Et ta démone se fera un plaisir de te laisser la dominer ensuite, pour mieux te détruire à la fin.

- En effet.

Je reprends fermement mon verre.

- Je pense qu'il va falloir mettre quelques règles au point entre nous.

Ma voix est pénétrante. Mon regard glace si fort son visage qu'il doit en brûler de froid. Tu ne me désobéiras plus. Sinon, il est possible que je t'arrache le cœur avant de te combler. De me combler.
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeDim 5 Juin - 12:03

Ses yeux me fascinent, j’y suis accroché comme un naufragé à sa bouée. Pourtant, ce n’est pas les premiers iris que je rencontre. Il y en a tellement eu, au fil des siècles. Peu étaient dignes d’attention, certes, il faut l’avouer. Les mortels qui sortaient de la masse étaient rares : ce n’était d’ailleurs jamais par la passion qui brillait dans leurs regards, mais plutôt par son absence. Les âmes désabusées, les gens qui attendaient la mort dans une paix relative, voilà qui pouvait prétendre à mon attention. Une goutte de mystère, un voile devant la pupille, qui rend une personne indéchiffrable. Aislinn remporte la palme. J’ai l’impression d’un puits sans fond, du quel il est impossible de s’échapper. Elle ne projette rien d’autre qu’une farouche détermination, reste tout de même totalement éteinte. J’ai envie qu’elle m’emporte, je veux me noyer dans le néant de ses yeux, être pétrifié et conservé par la glace de ses iris.

- Avez-vous songé que je n’avais aucune envie d’obtempérer à cet ordre, madame ?


Probablement pas. Dans cet esprit presque millénaire – peut-être même plus – il est évident que ses désirs sont des réalités. Pouvais-je même penser à la toucher avec violence ? Les meurtrissures de la passion, peut-être. Mais lui faire du mal, jamais. C’était hors de ma portée, moi le Séraphin, moi le prophète de Dieu…totalement obnubilé par une démone. Elles n’étaient pas rares les femmes qui me désiraient, mais il n’y en avait qu’une qui comptait pour moi, qu’une seule qui se démarquait réellement. Elle n’était pas pour moi.

- Je vous ai dit, repris-je durement, que je ne vous laisserais pas me juger. Malgré tout le respect que je vous dois, il n’est pas en votre pouvoir de prononcer ces mots.

Que dirait-elle si elle savait seulement que je m’enivrais chaque soir pour l’oublier, elle ? Elle trouverait cela pire encore, j’en suis convaincu. Elle prendrait cela pour de la faiblesse : du reste, c’en était. De tous les meurtres, de toutes les barbaries, la seule que je regrettais, c’était celle qui avait inclus sa famille. J’aurais donné tout pour retourner à ce moment et épargner ses enfants. Son mari, non. Je l’aurais détesté d’une manière ou d’une autre. Mais Aislinn, Aislinn aurait pu être mienne…délicieusement mienne. Je pourrais peut-être la convaincre de reprendre goût à la vie… ou je pourrais faire comme Freddie, la rejoindre dans son monde ? Tout pour elle. Même si elle me rejetait.

- Des règles ? Aislinn…

Je soupire lentement. Je ne suis pas fait pour suivre un mode d’emploi. J’improvise et qu’importe si je blesse. Je l’ai tant blessée et je sens à la tension dans son corps que je continue à l’agacer. Elle est la seule qui peut posséder mes regrets. Ne le voit-elle pas ? Je scarifierais mon corps à sa seule demande, je m’humilierais pour son seul sourire. Cela, c’est pitoyable.

- Ne pouvez-vous pas laisser le moment décider pour nous ? Ne soyez pas maître de jeu, soyez joueur, pour une seule fois, belle dame.
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeMar 14 Juin - 23:01

- Je me moque de vos avis. Si je vous le dis, vous le faites, c'est tout. N'étiez-vous pas venu pour cela ?

Tu as massacré mon mari, mes enfants. Tu as arraché le cœur encore battant de l'homme qui partageait ma vie sous mes yeux, sans montrer le plus petit signe de regret. Tu as laissé les animaux qui te servaient de soldats s'en prendre à des enfants, sans défense, alors que leur mère vous suppliait de la tuer à sa place. Tu as éclaboussé de sang cette demeure ancestrale sans le moindre respect pour la famille princière qui y vivait. Et tu as regardé la princesse dont tu venais juste de tuer l'âme droit dans les yeux, alors qu'elle t'ordonnait de l'achever. De tuer son corps comme tu avais tué son esprit, la rendant folle, folle de douleur, folle de chagrin, folle de haine et de vengeance contre un homme que pourtant son corps réclamait déjà à grands cris, dès l'instant où les yeux noirs avaient croisé les yeux bleus. Et tu as refusé, préférant la laisser se tordre de douleur pour l'éternité. Ô mon Séraphin, tu savais qui j'étais. Tu savais que j'étais fille de Satan, Princesse des Ténèbres. Tu savais que je vivrais à jamais avec le souvenir de la perfection tuant toute ma famille. Pourquoi me faire subir cela ? Tu es tellement plus cruel que tu ne le sembles.

- Vraiment ? Expliquez-moi donc ce qui pourrait justifier un tel état. De nous deux, n'est-ce pas plutôt moi qui devrais être désespérée jusqu'à aller m'abrutir en buvant plus d'alcool qu'un simple humain ne peut en supporter ?

Ma paume frappe légèrement le bar, marquant mes propos.

- Des regrets peut-être ? C'est trop tard. Ce fut trop tard à l'instant où vous avez refusé la seule chose qui aurait pu me faire vous pardonner. Me ramener auprès de mon mari et de mes enfants. vous n'avez pas d'enfants, n'est-ce pas ?

Je bois une gorgée de mon verre entamé. Pour masquer ce qu'il a éveillé en moi. Son prénom coulant sur ses lèvres... Ce ton si suave, si délicieusement séducteur, si savamment susurré alors que les voyelles vibrent de force contenue. Si intime, si proche. Je vais le laisser s'approcher, oh oui, tirer tout le plaisir que je peux de lui. Puis je l'écraserai, sans le moindre regret, éteignant les derniers sentiments encore capable de subsister en moi, charbon incandescent sous la cendre dont je suis constituée. Il m'a consumée il y a sept siècles de cela. Je le tuerai...

- Je ne joue jamais. Je suis toujours le maître du jeu.

Je me penche lentement, approche mes lèvres pulpeuses, encore humides d'alcool, et murmure à son oreille :

- Je suis maîtresse des hommes depuis sept cents années. Vous ne ferez pas exception. Je ne jouerai pas avec vous, Innocencio.

Je me redresse sur mon siège, le jauge de mes prunelles froides.

- Vous n'en êtes pas digne.

Il en est douloureusement digne.
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeMer 15 Juin - 13:06

- Non...définitivement non.

Je lui souris maintenant, devant sa magnifique assurance. Elle l’est, magnifique, dans tout ce qu’elle fait. La courbe de son dos, son visage altier, son arrogance touchante. Tout ce que je souhaiterais posséder, tout ce que je voudrais qu’elle m’offre. Peine perdue. Mon sourire se meut en un visage impassible, en un regard fou. Fou, fou de désir pour elle, une démone. Moi le pauvre ange qui a eut le malheur de tomber sur elle. De tous les êtres qui peuplent ce monde, elle est la seule à valoir mon regard, mon attention. De tous les meurtres je ne regrette que le sien – moi qui n’ai pas touché son corps, moi qui ai mutilé son âme. Son âme, si jolie, si puissante, que je pourrais tenir entre mes mains. Embrasser son âme mise à nue…

- Des enfants ? Peut-être. Comment pourrais-je le savoir, ma dame ? Le monde est noir, tout n’est qu’obscurité. Je n’ai aucun souvenir, de rien. Il y avait le froid, il y avait la mort, il y avait vos yeux et votre visage…et il y a l’alcool, il y a ce soir, mais il n’y a rien d’autre.

Rien d’intéressant, en tout cas. J’avais passé les années sans intérêt pour la vie, sans me démener pour survivre. Si un humain me passait sous les doigts, je le prenais. Si une femme s’offrait à moi, si ses yeux étaient encore pleins de haine, je la prenais. La nourriture, l’alcool, mes seuls plaisirs. Et l’alcool avait le pouvoir irrésistible de faire oublier ce qu’on voulait oublier. Tout, oui, tout sauf elle, Aislinn, la Princesse des Ténèbres qui me hantait, qui me hantera à jamais. J’attrape sa main, dépose un baiser glacé sur le revers de son poignet, là où la peau se fait si tendre.

- Je ne regrette pas la violence, je ne regrette pas les meurtres. Je regrette d’avoir croisé vos yeux, de m’être damné dans votre pupille. Chaque jour qui passe je m’en veux de ne pas vous avoir assassinée les yeux fermés, de ne pas avoir frappé votre dos tant qu’il me l’était possible. Mais je ne regrette pas votre mari, ni vos enfants. Ainsi vous êtes seule, ainsi vous êtes disponible.

Je ne peux pas m’en vouloir de choses qui font partie de moi. Les massacres, les tueries. Ils existaient avant elle, ils devaient se poursuivre. Je regrettais seulement le jour où elle m’avait prise au piège dans la glace liquide de ses yeux. Que n’aurais-je pas fait pour avoir eu la force de la tuer, au risque de me détruire moi-même. Elle ne serait pas si tentante, elle ne serait pas devant moi à me torturer de ses paroles.

- Dites-le encore. Mon prénom.

Qu’il danse sur ses lèvres, qu’il éveille encore mon cœur qui battait trop lentement. Je détestais que les gens prononcent mon nom, je le trouvais trompeur, trop vieillot. La plupart du temps, je le changeais. Des dizaines et des dizaines de patronymes tout au fil des siècles. Mais de sa part, je l’aime. Il semble si suave prononcé par ses lèvres pulpeuses…

- Alors soyez ma maîtresse, Aislinn.

Jouez avec moi. Que je sois votre objet, si cela vous chante.

- Je le veux, ça, et tout ce qui vous touche. Ça fait si longtemps que j’attends…
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeMer 6 Juil - 11:31

Contredis-moi encore et ce fol amour, qu'on ne peut décemment appeler de l'amour, ce désir indomptable que tes iris plus noirs que l'enfer - quelle ironie pour un ange, quelle ironie pour nous, alors que les miens sont aussi bleus que le ciel - provoquent en moi, il ne te sauvera plus, même pour un laps de temps déterminé. Contrarie-moi encore et je vais t'arracher le cœur ici, dans ce bar, parce que j'en ai déjà bien trop toléré venant de toi. Et pourtant, je pressens que j'en supporterais encore... parce que sa rébellion me plaît tant, parce qu'il remonte l'estime que j'ai des hommes. Lui, il n'est pas un mouton. Il est un loup pour lequel je voudrais devenir brebis. Soumission tant haïe, que je me refuse à accepter, même si j'en ai envie. Cela ne fonctionne pas si simplement. S'il me veut, qu'il me gagne, peu importe mes propres désirs.

Il est le premier que je veux, si passionnément que mon cœur se soulève de rancœur. Je hais cet amalgame de sentiments qu'il provoque en moi. De la haine, du désir, inchangé depuis des siècles - j'aurais été capable de dessiner son visage après sept cents années sans le voir, et maintenant qu'il était là, devant moi, je pouvais constater que ma mémoire ne m'avait pas trompée. Mon désir le plus douloureux, le plus vivace, est de réussir à n'être plus qu'un cœur mort, battant simplement pour faire vivre mon corps, insensible à tout ce qui m'entoure. C'est l'amitié et le respect profond que j'éprouvais pour mon mari qui me fait regretter encore sa perte, c'est l'amour tellement déchirant que j'éprouvais envers mes enfants qui me force à haïr comme il est inhumain de haïr cet homme en face de moi. Une flamme me brûle la gorge dès que je revois le visage tendre de la chair de ma chair ; eux, ils étaient vraiment innocents ! Si beaux, si purs... Destinés à devenir les plus beaux Prince et Princesse des Ténèbres qui soient. Il avait tout détruit.

Chaque fois que je repensais à eux, des larmes de leur sang perlaient à mes yeux, des larmes que seule une mère peut connaître, peut faire couler par ses enfants. Et pourtant, pourtant, lorsque je plongeais dans les lacs noirs de ses yeux, je ne me souvenais plus d'eux, je ne revoyais plus leur visages si doux. C'était tellement inhumain de m'infliger cela ! Pourquoi devais-je éprouver ce désir poignant pour le meurtrier de mes enfants ? Je le maudissais, je le voulais, je ne savais plus. Et qu'il me tienne ainsi tête le rendait encore plus odieux à mes yeux - mais aussi si délectable... Un homme qui savait se défendre. Je n'en avais jamais rencontré.

- Je ne suis pas disponible.

Je lève ma main, faisant briller mon alliance à la lumière artificielle du bar. Croyais-tu donc que cela serait si simple ? Croyais-tu donc que je me laisserais faire, que parce que je te désire, tu pourrais m'avoir facilement ? Avec ce que tu as commis, alors que tu n'as même pas la décence de regretter le meurtre de mes enfants ? Je suis déjà mariée.

- Et je ne répéterai pas votre prénom. Trop mensonger. Il m'écorche les lèvres.

Je ne veux pas le contenter. Pourtant, je dois résister à l'envie de lui demander de redire le mien, de prénom. Entre ses lèvres douces et suaves, il prend les mille reflets d'un arc-en-ciel. Ah, par le Diable, je voudrais tellement ne rien ressentir envers lui, comme envers tous les autres ! Pourquoi lui, alors qu'il est le seul pour qui je ne peux tolérer un tel sentiment ?

Je le regarde intensément.

Qu'il soit torturé par mes mains avides de lui.

- Si je suis votre maîtresse, alors il faut obéir. Toujours. Sans protester. Je n'ai pas l'impression que vous en soyez capable.

Je fais tourner l'alliance autour de mon annulaire.

- De toute façon, je ne suis la maîtresse que d'un seul homme à la fois. M'auriez-vous crue dévergondée ?

Je n'ai jamais aimé aucun de mes maris. Mais je les ai toujours respectés. Je ne me suis pas offerte à n'importe qui. Et jamais je ne les ai trompés.

Même pour toi, Innocencio.
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeLun 18 Juil - 15:10

Venu pour cela ? Pour tordre son cou entre mes mains, pour plonger une lame dans son cœur, pour la violer devant son mari avant de les achever ? Oui, j’étais venu pour cela. Comme j’étais allé dans tant d’autres foyers, toujours implacable, pour piller maisons, détruire les vies. Je ne laissais jamais de survivants, peu m’importait que la femme soit jolie ou que le mari me propose sa force pour prendre possession de d’autres communautés. Il n’y avait que moi et ma garde, détruisant tout sur notre chemin. La seule faute d’Aislinn avait été de posséder une terre qui m’intéressait. Cumulé au fait qu’elle était une démone, je n’avais pas pu m’empêcher de m’en prendre à eux. Seulement, croiser ses yeux avait été une erreur, que je regrettais encore aujourd’hui. Mais tuer ses enfants ? Non, je n’avais aucun remords. Ainsi, elle était libre, totalement libre. Elle pouvait être à moi une fois au moins, sans qu’elle ait à penser à ce mari dont la seule pensée qu’il ait pu compter pour elle m’indispose, ni à ses enfants qu’elle n’aurait pas à nourrir ou à combler. Elle pouvait être seule avec moi, entièrement seule – toute à moi, seulement à moi. Égoïsme fou, désir inébranlable. Je les tuerais mille fois encore si j’en avais l’occasion.

Ma main agrippe la sienne alors qu’elle me montre son alliance. Songeur, je caresse l’anneau du bout des doigts, me demandant quel effet cela me ferait si jamais il était venu de moi, ce gage d’amour. Mais non, ce n’est pas de l’amour, tout au plus un désir fou d’elle. Je ferais bien glisser la bague hors de son doigt pour la détruire, mais elle ne se laisserait pas faire.

- Vous savez, je ne vois pas ce qui m’empêcherait de tuer votre mari. Ce ne serait pas la première fois.

Oserais-je privé un homme de sa vie pour le plaisir d’une soirée avec la belle démone ? Oui, bien entendu. Ce n’était pas l’envie qui manquait, je devais le dire. Seulement, elle était bien capable de me le faire payer au centuple – ou de le protéger activement.

- Vous pouvez me nommer Incy si vous le préférez, peut-être votre lèvre préféreront-elles ce mot sans réelle signification.

J’ai bien conscience que mon prénom est étrange, surtout pour un meurtrier tel que moi. Cela fait bien rire, chez les Anges. Après Gabriel l’Archange, voici Innocencio le Séraphin. À mourir de rire, vraiment. Pourtant, je veux qu’elle prononce mon nom, qui sonne si bien dans sa bouche en cœur. Et je veux prononcer le sien tant qu’il est possible.

- C’est ce que vous voulez, Aislinn ? Que je vous obéisse ?

Mes yeux se perdent sur sa magnifique chevelure qui me cache la vue de son cou.

- Le respect de vos volontés est le seul prix pour vos touchers ?

Il fallait décidemment que je me dépêche de me débarrasser de son mari. Je l’avais attendue des siècles, je ne pouvais plus être patient, plus maintenant. Mon regard s’allume, enfiévré, alors qu’elle fait tourner l’alliance dans sa douce main que je désire voir bouger pour moi seul. J’attrape l’anneau et le fait disparaître dans ma paume.

- Il me semble que c’est raisonnable. Auriez-vous l’amabilité de me présenter votre mari ?
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MessageSujet: Re: Mon amour, ma mort. (Aislinn)   Mon amour, ma mort. (Aislinn) Icon_minitimeVen 29 Juil - 9:30

Un éclat illumine mes yeux, rien qu'un instant. Un éclat de colère à l'idée qu'il vient de soulever. Tuer mon mari ? Oh, vraiment ? Essaye donc et tu perdras à jamais ce pour quoi tu soupires depuis des siècles. M'aurais-tu prise pour une idiote, Innocencio ? Mon mari ne mourra pas tant que je ne l'aurai pas décidé. D'autant que celui-ci fait partie des rares pour qui j'ai une estime suffisamment haute pour lui offrir l'éternité. Il deviendra Prince des Ténèbres, il en a les épaules. Ils deviennent de plus en plus rares, ceux qui sont prometteurs pour ce rôle, dans le milieu où je les cherche. Je n'oublie pas, je n'oublie jamais quelle est ma mission première, sauver ceux que Dieu pourchasse. Je ne peux pas éveiller les requins qui peuplent habituellement ce monde luxueux où j'évolue.

Tu aurais déjà eu un très mauvais point en tuant un homme que j'ai choisi d'épouser. Si en plus tu décides de mettre tes talents d'assassin à profit sur un futur démon, mon désir ne te protégera plus de mon courroux.

- Vous pourriez, bien sûr. Au prix de mon absence éternelle. Je pourrais vous tuer pour me venger, bien sûr, mais il me semble que vous serez plus tourmenté si je vous laisse en vie et reste à vos côtés, sans jamais vous offrir davantage qu'une présence évanescente. C'est intéressant à savoir. Mon bourreau à mes pieds... fais-je d'une voix rêveuse, plus pour moi que pour lui.

Puis mon timbre redevient froid, plus glaciale que la banquise islandaise dont je suis tirée.

- Malheureusement pour vous, nous ne sommes pas assez intimes pour que je me laisse aller à vous appeler d'un surnom.

Je sens ses yeux se perdre. Que regarde-t-il ? La forme de ma poitrine, délicieusement dissimulée et mise en valeur par mon chemisier ? Le creux de mon cou, appel aux baisers, gorge subtilement attirante ? L'épaisseur soyeuse de mes cheveux, qui donne envie d'y plonger les doigts, d'y noyer son visage ? Je ne sais pas. Il m'admire, en tout cas. Il me veut, sans doute autant que je le veux. Étrange destin que voilà. L'on pourrait sans doute dire que puisque c'est quelque chose que nous désirons instamment tout deux, il n'y a pas à jouer au jeu du "Fuis-moi, je te suis". Mais ce serait trop facile. Qu'il fasse un pas de travers, un seul, et je le priverai à jamais de moi, peu importe ce que je désire également. On ne m'a pas si facilement sous prétexte que cela correspond à mes désirs. On me gagne.

- Ce sera un bon début, en tous les cas.

L'éclat de mes yeux se durcit soudainement. Il n'a pas le droit de toucher à cette bague. Je me relève vivement et échappe à sa prise, reprenant mon bien.

- Nous fêtons notre anniversaire de mariage cette semaine, fis-je de cette voix gracieuse mais légèrement lointaine que j'usais en public, mais mon mari en profite également pour gérer des affaires de travail. Cependant, il me semble que vous pourriez vous joindre à nous demain soir, nous avons un rendez-vous amical avec l'un de ses consultants. Si cela vous sied, présentez-vous au restaurant de l'hôtel à vingt heures précises.

Je m'écarte sans réellement attendre sa réponse. Je l'ai prononcé comme une invitation, mais il s'agit d'un ordre. La première étape est facile à franchir, il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour le comprendre. A demain, Innocencio.
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