Ronflex est un petit joueur | Kieran

Claquée….Vannée…Sur les rotules…Exténuée…Crevée…Enfin je manquais pas de mot pour qualifier mon état a l’instant où je refermais la porte de mon studio sur ma silhouette éreintée. J’en pouvais plus tiens. Une semaine que je courais partout, sans compter les nuits a sortir, sans forcément que ce soit a but lucratif d’ailleurs.

D’un coup de pied, je fis voler une boots rapidement suivie par l’autre, elles allèrent d’ailleurs toutes les deux s’écraser contre le mur avant de retomber au sol. Je fis un pas dans mon chez moi, otant mon sweat dans le même mouvement en soupirant. Le sweat atterri sur mon lit…Enfin matelas posé a même le sol devrais je dire avec une couette noire dessus. Deux minutes plus tard, mon pantalon suivit, ainsi qu’une large bande blanche et une petite culotte.

Je m’étirais souplement avant de filer dans mon coin douche. Je me sentais poisseuse a courir partout en tout sens, je devais puer la transpiration a quinze mètre alors impossible de me coucher comme ça. Je pouvais avoir une vie totalement en marge, je tenais a mon hygiène corporelle, après tout, j’avais assez côtoyé

la crasse pour en développé une allergie. Seulement, c’était un mauvais plan une douche chaude, je ressentis la fatigue s’abattre a nouveau sur mes épaules mais avec plus de force. Je jetais un rapide coup d’œil sur mon réveil. Une heure…Allez…Juste une heure…Ensuite, j’enverrais un sms a Kieran pour mon premier cours et après…J’embrayerai sur la pizzeria. Ouais voilà, on allait faire ça..songeais je avant de m’écrouler de tout mon long en travers de mon lit, seulement enroulée dans une serviette éponge. Adieu le monde, bonjour Morphée.

Mon réveil agonisa sous mon poing serré qui venait de s’abattre avec une rare violence sur son bouton « off ». Connard ! Je n’avais pas l’impression d’avoir dormit, putain ! Mais je me forçais a me lever, mes cheveux avaient prit des direction bizarre constatais je dans le miroir, vas y Sasha couche toi encore avec les cheveux mouillés tiens ! Haussant une épaule, je me détournais de mon miroir avant d’enfiler un bas de jogging dans lequel pouvait tenir deux blue ayant trop mangé et un pull si large qu’il me glissait toujours sur une épaule. Me frottant la tête, je me saisis de mon portable et envoyait un message a Kieran…Mmh…Avec un peu de mal cependant et sans doute truffé de fautes, sauf peut être mon prénom pour qu’il sache a quel appart toquer quand même. Je balançais le portable sur mon lit avant de tiquer sur mon sous vêtement gisant dessus. Wesh…Valait mieux l’enlever de là…Ce faisant je buttais sur un magasine de musique qui trainait par là m’arrachant une grimace. J’étais encore dans les vapes. Bien que mon studio ne soit pas un dépotoir, et bien que je le tenais propre, j’avais tendance a laisser trainer un peu tout et n’importe quoi. Je fourrais ma culotte dans le linge sale et rageais soigneusement ma bande avant de rejoindre mon coin cuisine, de sortir du frigo une bouteille de lait et de boire a même le goulot.

Mes yeux se posèrent sur la batterie qui bouffait un espace pas possible dans mon petit studio et j’eus un instant de regret en voyant ce qui était marqué sur la basse…Dark Heal….Bon sang qu’ils me manquaient parfois ! Je me trainais jusqu'à ma seule et unique table..basse et pourvue de coussin disparates de chaque coté, posait la bouteille de lait dessus et me laissait tomber en tailleurs sur un coussin. Un lourd soupir me traversa…Putain ! Il manquerait plus que je m’endorme tel la vraie durant le cours moi tiens ! Songeais je en étalant mon bras sur la surface sombre, tripotant du bout du doigt mon livre et sans même m’en rendre compte, j’avais posé la tête dessus et replonger…La barbe.

La semaine s'était étirée un peu trop paresseusement à mon goût. Le temps ne passait pas assez vite, j'aurais aimé qu'il s'accélère. Que les remords soient moins virulents, lancinants. Que j'ai mon bac en poche et que je puisse aller à la fac. Parce que je m'ennuyais au bahut. Suivre les cours, c'était bien. Être seul, beaucoup moins, mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même de toutes façons. Même si je m'étais quand même rapproché de Blake. Elle était sympa comme fille. Drôle, optimiste, pleine de vie, malgré ses propres problèmes. Plutôt mignonne. Le courant passait bien entre nous. Elle m'apaisait et il me semblait que c'était aussi le cas pour elle. Une réelle amitié semblait pouvoir naître entre nous, finalement.

Et j'en avais quelque peu besoin. Parce que je n'étais pas retourné dans l'under depuis que Sorcha m'y avait attrapé la première fois. Ce n'était que partie remise, bien sûr, mais j'attendais qu'elle se soit apaisée avec ça. Sorcha s'inquiétait inutilement à mon sujet. Comme si j'allais mourir de sortir de temps en temps, de picoler et de fumer un petit joint. Relax quoi, il fallait savoir s'amuser. Et si Aaron était malade, condamné et que cela n'allait rien arranger, j'avais encore de belles années devant moi. Et je n'avais que ça pour décompresser.

La vie chez Aaron n'était pas facile. Disons que nous vivions dans une certaine indifférence à laquelle nous n'étions pas habitués. Mon oncle et ma tante se montraient courtois, mais un peu froids. Et je ne parlais même pas de la façon dont ils traitaient Aaron. Notre cousine était une belle pétasse qui m'horripilait totalement. Ce n'était pas la joie, même si Aaron était de bonne compagnie, bien qu'assez réservé. Nous avions pris l'habitude de ses crises soudaines. Et je n'arrivais pas à m'habituer. Une question me hantait : et si jamais, la prochaine fois, la crise était fatale, alors que j'étais là? Que Sorcha était là? Comment réussirions-nous à gérer ça? parce que dire de ne pas s'attacher c'est bien, mais en vivant ensemble, c'était un peu difficile. Surtout qu'Aaron était vraiment sympa. Ce n'était pas juste pour lui.

Bref, j'avais besoin de m'aérer l'esprit. Et j'attendais le signal de Blue pour me rendre chez lui et jouer les profs. C'était inédit ça, je ne savais pas du tout ce que je pouvais valoir en prof d'anglais. J'étais patient. Mais entre avoir apprit, et apprendre, c'était différent. Surtout que c'était assez loin pour moi tout ça.

Je reçus finalement le SMS et je quittai le domicile familial. J'expliquai à Sorcha que j'allais aider Blue pour ses devoirs, ce qui n'était pas un mensonge, mais pas l'entière vérité non plus. Je ne voulais pas dire qu'il ne savait pas lire ni écrire, enfin, pas correctement. C'était son secret, d'une certaine manière.

Pour une fois, il faisait un temps potable. Aussi, je sortis simplement en T-shirt. On était au printemps quand même. Bref, je devais suivre les indications et je mis sans doute le double de temps, surtout quand une brusque averse s'abattit sur moi et me trempa en moins de 20 secondes. Mais quelle saleté de pays.

Je me mis à courir, avant d'enfin trouver l'immeuble. Au moins, j'étais au sec. Je finis par dénicher sa porte et sonnai. J'attendis un peu, avant que la porte ne s'ouvre sur un Blue complètement endormi, avec les cheveux en bataille et les yeux en peau de saucisson. On avait l'air fin tous les deux. Lui, complètement débraillé, avec des vêtements trois fois trop grands... Son pull tombait sur son épaule d'une façon furieusement féminine. Un détail qui me mit mal à l'aise. Quant à moi, j'étais trempé. Mon T-shirt me collait de façon désagréable à la peau, pareil pour le jean. J'aurais du prendre une veste, j'avais été trop optimiste.

- "Salut. Désolé, je te réveille?"

Machinalement, j’envoyais mon poing dans le vide avant de me rendre compte d’un truc débile. Et d’une, j’étais pas dans mon lit, et de deux, taper la table faisait mal. Je grimaçais légèrement en me frottant la tranche de la main. Fallait pas que je fasse l’idiote, si je me blessais aux mains, je pourrais plus jouer, finalement, mes neurones daignèrent se remettre en branle pour me faire comprendre que c’était la sonnerie de la porte d’entrée que j’avais pris pour mon réveil.

« Merde ! »

J’avais totalement oublié Kieran et je m’étais endormie comme une loque. Je pris appui sur la table pour me lever et me trainer jusqu'à la porte d’entrée. Bon voyons le bon coté des choses, il s’était pas perdu. Le mauvais, il était trempé comme une soupe. J’avais ouvert la porte directement sur sa poitrine avant de relever les yeux, de les rebaisser de nouveau, avant de les remonter en un yoyo assez comique vu de l’extérieur. C’était journée tee shirt mouillé, youpi ! Sauf que moi, je n’avais pas l’habitude de voir tes types en tenue collée ( par l’eau ou autre chose ) a même la peau trouvant marrant de dessiner les moindres petit coin et recoin des muscles. Je reniflais légèrement avant de sortir la première connerie qui me passa par la tête.

« Y a pas a dire, j’serais jamais comme toi…J’suis deg. »

J’avais la voix éraillée d’avoir trop fumé avant ma sieste et finalement, je lui fit signe d’entrer en tournant la tête histoire de regarder ailleurs, ça paraitrait suspect que je continu a le fixer comme ça. Je m’ébouriffais un peu plus les cheveux en me passant une main nerveuse dedans avant de montrer vaguement ma table basse.

« Pose toi par là, j’vais te chercher une serviette. »

Ajoutais je en me dirigeant vers ma minuscule salle de bain, remontant mon putain de pull qui voulait pas rester sur mon épaule dans un geste qui, lui, n’avait rien de féminin ou presque. Je revins quelques minutes plus tard en lui lançant une serviette propre et je me laissais tomber sur le coussin lui faisant face. Ma main se referma sur la bouteille de lait et je la portais a ma bouche après deux trois excuses :

« Désolé, j’ai eu une semaine de dingue alors j’me suis rendormi comme une merde. »

Je haussai un sourcil surpris à la remarque de Blue. C'était une drôle de remarque en fait, je ne m'attendais pas trop à ça, ni qu'il me lorgne de bas en haut et de haut en bas. Un examen qui me gêna un peu. Je fus presque soulagé quand il s'écarta pour me laisser entrer. J'allais m'asseoir sur la table basse alors que Blue allait chercher une serviette, ce dont je lui fus reconnaissant. Il m'envoya la serviette et s'assit, avant de boire du lait et de s'excuser. je souris en coin :

- "Je ne pensais pas que tu buvais du lait."

C'était un peu contradictoire avec l'alcool et les joints, ainsi que la clope, ça faisait presque enfantin. Blue était un mystère pour moi. Il avait une personnalité contradictoire, un peu trouble. Il n'était pas aussi transparent qu'il en donnait l'air au premier abord. Je posai la serviette à côté de moi, avant de retire mon T-shirt, le posant sur mon genou avec une moue dépité. Il était à tordre. Je me séchais tant bien que mal avec la serviette, finissant par mes cheveux, qui rendaient ceux de Blue très bien peignés en comparaison du coup. Je passai mes doigts dedans dans l'espoir vain de les discipliner un peu.

- "Y'a pas de mal, t'as besoin de sommeil. Désolé de t'en voler."

Je me levai finalement, récupérant mon T-shirt et le secouant pour le défroisser.

- "T'aurais quelque chose pour le faire un brin sécher?"

Une cicatrice courait sur mon flanc, signe d'opération, pareil que sur le bras que je lui avais montré l'autre fois, sans oublier les traces de brûlure, où la peau était plus luisante et rosée. Enfin, on était entre mecs, je n'avais pas à lui plaire de toutes façons, même si je sentais Blue... jaloux? Non ce n'était même pas de la jalousie. Ni de l'envie dans son regard. Je n'arrivais pas à définir et je préférais ne pas m'y attarder en fait.

« Ca fait grandir parait. »

Mouais, j’avais déjà ma taille adulte donc je pouvais rien espérer du lait, mais j’aimais ça et pis, je mangeais tellement mal qu’il fallait que je compense quand même. Tomber malade ou même dans les vapes était exclu chez moi. Je reposais la bouteille sur la table avec un soupir satisfait, j’en avais quand même vidé la moitié d’un coup hein ! et je posais mes coudes sur la table, main pendantes vers mon ventre. Posant le front sur mes poignets.

« Pas d’mal. C’est moi qu’ai voulu, t’a pas a t’en faire. »

En fait, si il devait y avoir un coupable, se serait ma foutue détermination a vouloir apprendre a lire et écrire. Je le voulais ! Quitte a me passer d’une heure de sommeil sur la poignée habituelle. Bref, je relevais subitement la tête au son très caractéristique d’un tee shirt trempé que l’on secoue et faillis m’étrangler. Mais qu’est ce qu’il foutait bordel ?! Durant une seconde, je l’avais maté les yeux ronds de stupéfaction avant de me reprendre….enfin me rattraper aux branches. Bon, je les accumulais avec lui apparemment. Et que j’m’étale sur lui et que j’débarque trempé et maintenant torse nu, c’était quoi la suite des réjouissances ? Tous a poil ? Je me frottais le crâne a deux mains, histoire de m’aérer l’esprit qui se souvenait soudainement de ses raisonnements féminins avant de tendre la main, de choper le tee shirt et d’aller l’étendre vers la fenêtre où était coincé un séchoir. Du coin de l’œil a travers l’angle de la fenêtre, je voyais une bande de jeunes du quartier assis sur les escaliers de secours parcourant la façade. Putain ! Il fallait qu’il se refringue merde ! J’arriverais a rien sinon. Il me stressait et je le savais a la crispation soudaine de tout mon corps…Je me forçais a me détendre en priant pour que le tee shirt sèche rapidement avant de faire une magnifique esquive vers le coin cuisine pour lui ramener une bière tout droit sortie du frigo. Surtout, ne pas regarder fixement. On était entre mec ! Vala, entre mec ! Enfin, ma curiosité pouvait passer pour de la fascination de gosse devant un mec plein de cicatrice partout nan ?

Je revins a ma place, non sans chiper au passage mon sac d’herbe. D’hab, je fumais pas chez moi, juste en soirée mais là, j’avais comme une envie affolante de me détendre.

« Ta sœur ne t’a pas suivit cette fois ? »

Déclarais je totalement concentrée sur la fabrication de ma clope trafiquée, sauf sans doute un léger sourire en coin avant que mon épaule n’ai un soubresaut visant a remettre mon pull en place.

« Bon, prof, on commence par quoi ? »

Je finis de rouler mon joint avant d’oser lever la tête, les yeux, fallait fixer les yeux !

- "Alors le soir, tu te fais des soupes?"

D'accord, je me manquais gentiment. Qu'il boive du lait et de la soupe, je m'en fichais au fond, c'était une remarque comme une autre pour engager la conversation, voilà tout. Blue s'excusa d'avoir dormi et je m'excusai de lui voler du sommeil. On pouvait s'excuser encore inutilement longtemps comme ça, aussi ne répondis-je rien. C'est vrai que c'était lui qui avait voulu après tout, alors bon, je ne faisais que lui rendre service, je n'y pouvais rien s'il avait un emploi du temps de ministre.

Je me débarrassai donc du T shirt et essayai tant bien que mal de me sécher. L'idéal, ça aurait été une douche et changer de vêtements pour en mettre des secs. Les jeans, c'était la méga galère quand c'était trempé. je ne repartirais pas d'ici en ayant été sec, je le savais, il allait falloir plusieurs heures et d'ici là, je serais rentré chez Aaron et changé. Je me baladais donc torse nu, inconscient des regards et des dilemmes de Blue. De ses regards sur moi, imputables aux traces de l'accident. Enfin, je lui en avais parlé brièvement de cet accident, il savait d'où ça venait. Il prit mon t shirt et le pendit avant de retourner s'asseoir et de prendre de l'herbe au passage. J'espérais que ça n'allait pas nuire à sa concentration.

Il me parla de ma sœur et je soupira, passant une main dans mes cheveux humides, un brin embarrassé.

- "Je ne pense pas. Je n'espère pas en tous les cas."

Je me mordis la lèvre, avant d'ajouter, comme pour la défendre :

- "Elle n'était pas comme ça avant. Pas à ce point. Elle ne se serait jamais risquée à me suivre en pleine nuit si nos parents..."

Je m'interrompis brutalement, laissant ma phrase en suspens. mais le massage était clair et la suite pas difficile à deviner : si nos parents étaient encore là. Il me demanda par quoi on commençait et j'en fus soulagé. Je sortis une paire de bouquins, un cahier, avant de venir m'asseoir à côté de lui, en tailleur, remarquant sa manie de remettre son pull.

- "Pourquoi tu te fringues avec des trucs trois fois trop grands? Ce serait même trop grand pour moi."

Son tic me rendait un poil nerveux en fait.

- "Bref. Qu'est-ce que tu sais faire? Que sais-tu écrire? Jusqu'ici, t'as appris comment à déchiffrer un mot?"

Vas y moque toi va, c’est d’bonne guerre vu que je me « foutais » en live de ta tronche quelque part. Ouais l’inconvénient d’être une nana dans la peau d’un mec, c’est qu’on avait la méchante impression de se foutre de la gueule du monde en permanence. Sympa quoi .

Alors le numéro du chippendale…j’avoue…J’ai un poil bugger quelque part. Pour lui, ça ne lui posait pas de problème, j’étais qu’ un gosse d’environ 14 ans donc pas besoin de complexe. Pour moi c’était un peu beaucoup plus compliqué. J’avais déjà eut des contacts avec des mecs, c’est vrai, mais je ne sais pas si Crazy comptait dans le tas et pour les autres, je devais sans doute être trop défoncée pour m’en souvenir. Par la suite, j’avais vraiment fait gaffe. C’était franchement une mauvaise idée que de lui avoir dit qu’on pouvait faire ça chez moi. Vraiment. J’avais l’impression que mon sexe se lisait sur mon visage en fait, c’était déstabilisant comme sensation. Trop sans doute. Résultat, j’étais en train de rouler un joint en pleine journée alors que jamais ça ne m’était arrivé. Merci Kieran.
Je lui posais une question avec un demi sourire. Sourire en biais qui disparut un peu a sa réponse.

« Ouais, j’avais cru comprendre…Pour tes parents quoi. M’enfin, j’veux pas être chiant mais j’te diras pas que j’suis désolé ni que j’comprends. Ca marche ? »

Parce que dans un cas comme dans l’autre, ce serait un foutu mensonge ! Je pouvais pas savoir ce que c’était que de perdre ses parents, j’en avais jamais eu donc osef.

« Pour ta frangine, là ouais, j’comprends un peu et encore pas sur. »

Mais je ne m’étendis pas plus finissant mon joint tranquillement en me disant qu’au moins avec ça, le court allait se passer comme sur des roulettes sauf que…ouais, sauf que j’avais pas prévu le déplacement subit de mon prof. Putain mais NAN ! Respire…Il fallait que je respire. C’est rien du tout ! Il fit une remarque sur mon pull et je le regardais d’un air interrogatif avant de laisser fleurir un petit sourire amusé.

« J’suis a l’aise la dedans… »

Autant ne pas m’étendre sur mes fringues où tu pouvais en caser trois comme moi dedans et passons a des choses plus sérieuses comme allumer ce foutu joint !

« Mmmh…En fait, j’crois que jusqu'à présent, j’y allais a la mémoire. S’tu veux, je voyais un truc d’écrit, je m’arrangeais pour qu’on me le lise et je gravais ça dans ma petite tête. Mais bon, ça suffit pas quoi…Je sais écrire mon nom, tout ça… j’peux me débrouiller s’tu veux mais ça me prends un temps pas possible et j’ai pas d’temps a perdre. »

Expliquais je en évitant de le regarder, même dans les yeux, il était trop prêt ce con ! Je n’étais pas a l’aise du tout et je résistais vaillamment contre l’envie de m’écarter de un ou deux mètres. J’aimais pas ça. Vraiment pas.

« tu veux pas que j’te file un pull ? Tu vas choper la mort a ce rythme, Londres s’pas hawaï. »

Qu’il se rhabille s’il vous plait !

[Cadeau <3]

Malgré moi, je lui parlai de mes parents, alors que ça ne faisait que la troisième fois que je le voyais. Mais je ne voulais pas que Sorcha passe pour la soeur pot de colle de service. Elle l'avait été, bien sûr, mais là, elle avait quelques circonstances atténuantes : j'étais la seule famille qui lui restait et elle ne voulait pas me perdre. C'était assez compréhensible. Et j'appréciai l'attitude de Blue. Je hochai la tête, satisfait :

- "Ça marche."

Voilà, pas de pitié, pas de compassion, pas de regard de saint bernard. C'était très bien ainsi. Peut-être avais-je parlé à Blue parce qu'inconsciemment, je me doutais qu'il serait pas du genre à me prendre la tête avec ça après tout.

- "Sorcha a peur de me perdre, ça la rend sur-protectrice avec moi."

Bon, cela dit, je n'étais pas mieux avec elle. Je n'allais pas jusqu'à la suivre quand même, mais je gardais un oeil sur elle. Et il était évident que je ne la laisserais pas fréquenter qui elle voudrait non plus. Dans un sens, j'étais pire qu'elle, parce que moi, j'avais vraiment les moyens de l'empêcher de faire ce qui lui plaisait. Je haussais une épaule, jetant le sujet aux orties, avant de me rapprocher de Blue, tout en m'interrogeant sur sa propension à toujours se fringuer en XXL. Il me répondit qu'il était à l'aise dedans et je le regardai d'un œil critique, avant de déclarer forfait. Concentrons-nous donc. Je demandai alors ce qu'il savait faire déjà et comment il avait apprit.

- "Je vois. Tu photographies les mots en fait. Ce qui fait que devant un nouveau mot, tu bloques."

Il n'y avait pas 36 façons d'apprendre à lire. Moi, j'avais apprit en associant les syllabes. Si bien que je pouvais tout décrypter. Pas comme la méthode globale, où on butait sur les mots inconnus. J'avais toujours su très bien lire. Quand certains de mes camarades ânonnaient, moi, j'avais un débit fluide et rapide. C'est que j'avais apprit très tôt à lire des histoires pour Sorcha, secondant mon père et ma mère.

- "T'inquiètes, ça va surement être laborieux les premières fois et ça ira de mieux en mieux après."

J'allais commencer quand il me demanda si je ne voulais pas mettre un pull pour ne pas tomber malade. Je le regardai, surpris, avant qu'un sourire ironique ne naisse sur mes lèvres.

- "Décidément... Entre Aaron qui me pique un joint pour vérifier s'il n'est pas piégé, Sorcha qui débarque en plein Under et me ramène pour pas que je boive et fume et maintenant toi qui ne veux pas que je chope la crève... J'ai l'air fragile et chétif, ou quoi?"

Non parce que bon, je ne me faisais pas du tout cette impression là. Enfin bref, si Blue voulait que je me rhabille OK. Je m'en foutais.

- "Si ça peut te faire plaisir."

Mon manque d’hypocrisie sirupeuse sembla lui plaire, même si je m’étais demandé un instant si je n’allais pas le vexer en étant aussi direct, mais ça passa comme une lettre a la poste. Je ne compatissais pas vraiment mais ça ne voulait pas dire que j’étais insensible. Juste qu’imaginer ce genre de chose m’était impossible. Par contre, la réaction de sa sœur, je la comprenais un peu mieux oui et j’eus un léger sourire en hochant la tête.

« Crazy était un peu comme ça avec moi avant. Même si on trainait l’Under en long, large et travers, il avait toujours un œil sur moi, on sait jamais, des fois que je disparaisse dans un trou quoi ! J’pouvais lui dire que j’étais assez grand pour m’démerder, y avait rien a faire. Mais j’avais beau gueuler, il changeait pas et maintenant qu’il est plus là, finalement, j’me dis que c’était pas si déplaisant, au moins tu sais qu’on fait gaffe a toi, même si t’es rien. »

Ouais, parfois ça me manquait. Il avait toujours été là, même si c’était étouffant parfois, même défoncé ou bourré comme une outre, il avait toujours gardé un œil sur ma tête. P’tete parce qu’il savait que ça pouvait être dangereux pour moi ou simplement par ce qu’il avait besoin de ça pour se sentir exister. Je sais pas et je ne lui ai jamais posé la question en fait. Je haussais une épaule pour clore le sujet. J’aimais pas trop parler de Crazy, ça me rappelait autant de bons que de mauvais souvenirs. Un bien et un mal alors bref, autant éviter le sujet des fois.

Je ne m’attendais pas a ce qu’il se rapproche de moi. Dans ma petite tête, il allait resté a sa place et tout. Raté. Sauf que ça fit grimper ma tension artérielle en flèche et j’me rendis compte que mes mains devenaient moites. J’allumais mon joint en priant tout les saints pour récupérer ma sérénité quand il me demanda comment je me débrouillais normalement. Je lui répondis, presque normalement d’ailleurs tout en refrénant l’envie de m’écarter. Je n’étais pas comme Rabbit ou d’autre dans ce genre a se sentir a l’aise dans n’importe quelle situation, c’était pas le premier mec a moitié a poil que je voyais non plus mais sans doute le plus proche physiquement jusqu'à présent ou presque. Depuis ma nouvelle vie, j’évitais ce genre de contact, c’était plus prudent, sauf que là, j’me voyais mal lui dire d’aller s’installer de l’autre coté…Coincée.

« Ouais, c’est ça. Ou alors je devine et il m’arrive de me planter. Le quartier d’Estwick, s’pas pareil que la rue Estpark, t’vois ? »

Il tenta bien de me rassurer sur la méthode tout en me prévenant que ça pouvait être difficile. Tant pis ! J’y arriverais c’était tout. Je tirais une latte sur mon joint pendant qu’il me faisait une remarque sur mes fringues. Je répondis que j’étais a l’aise, ce qui était totalement vrai, mais je ne dis pas que là n’était pas la seule raison. Je n’étais pas voluptueuse physiquement, j’avais des formes, mais discrètes et subtiles, porter ce genre de fringues me permettait de les cacher facilement, même si j’avais prit la sale habitude de me vouter un peu pour creuser la poitrine lorsqu’elle n’était pas bandée. Comme maintenant quoi et je me fis la reflexion débile que je n’avais pas interet a m’étaler sur lui comme la dernière fois aujourd’hui, sinon, j’étais mal. Bon allons y ! Mais avant…Je lui demandais innocemment si il ne voulait pas que je lui prête un pull et, contrairement a ce qu’il pensait, c’était pas parce que je m’inquiétais pour lui, c’était plus pour ma tranquillité d’esprit, mais j’allais pas lui dire ça.

« Bah, même le plus résistant des types résisterait pas a ce foutu climat. »

Fis je en me levant, cachant le soulagement de mon visage avant d’aller lui chercher ce pull. Un très large même, noir d’ailleurs et en laine, ce qui changeait de mes sweats a capuche d’ailleurs. Je me laissais retomber en tailleur tout en remettant mon propre pull en place avant de lui tendre le sien. Je croisais mes doigts avant d’étendre mes bras devant moi.

« Tu me le rendra le week end prochain. »

Alors même que mon gentil joint me permettait de me détendre subitement. Ca allait aller, c’était juste parce que je n’avais pas l’habitude, au bout de deux ou trois fois, tout redeviendra normal. On y croit !

« D’ailleurs, on étudiera plus tard qu’aujourd’hui, je dois jouer le soir et tu voulais venir avec moi. »

Lui rappelais je avec un léger sourire, parce que si ça se trouvait, il avait changé d’avis. Vu les réactions de sa sœur, ça n’était pas improbable. Je crois que ça me décevrait dans un sens…

Je souris malgré moi quand il me raconta sa propre expérience. Ce n'était pas tout à fait la même chose mais cela s'en approchait. Ce mec avait prit Blue sous son aile et veillait sur lui. Je veillais sur Sorcha, mais elle veillait également sur moi. Elle craignait pour ma santé. Parce que j'avais tendance à avoir des pulsions auto destructrices en recherchant l'oubli dans l'alcool et la drogue. Avant, c'était pour m'amuser. Aujourd'hui, c'était par culpabilité. Sorcha ne pouvait pas savoir comme je crevais d'avoir le poids de ces morts sur la conscience. Le poids de son infirmité. A cause de moi, elle ne pouvait plus écrire comme avant, elle ne pouvait plus vivre de ses rêves. Je l'avais brisée en plein vol. Je ne me le pardonnerais jamais.

- "Ouais enfin, ton pote ne t'a sans doute jamais foutu la honte comme ma sœur l'a fait..."

Je haussais une épaule. Je n'étais pas en colère contre elle. Je ne l'étais plus. Je comprenais ses motivations, ses craintes. J'étais la seule famille qui lui restait. Mais trêve de bla bla, nous avions du boulot et il était temps de nous y mettre. Je m'approchai de lui, afin de commencer, lui demandant comment il faisait jusque maintenant. Il photographiait les mots. Pratique, mais cela avait des failles. Il me fit alors une réflexion qui me prit au dépourvu et je pris le parti d'en plaisanter. En quoi cela pouvait le gêner que je me balade torse nu? Une idée insidieuse se glissa dans mon esprit. Blue semblait complètement insensible aux charmes des filles, suffisait de voir comment Aaron et moi avions maté Rabbit, alors que Blue s'en fichait totalement. Et là, il était gêné? Il n'était pas gay quand même? Pensée un peu troublante, que je rejetais férocement. Ce n'était qu'un gamin.

- "Oui, enfin l'Irlande, ce n'est pas l'Espagne non plus, hein? Il y fait froid et humide également."

Cela dit, si ça pouvait lui faire plaisir... Je le regardai se lever et aller chercher un pull qu'il me fila, me disant que je lui rendrais le week end prochain. Je haussai les épaules et enfilai le pull, avant de me mettre à rire.

- "Gagné, je savais que tes fringues seraient trop grandes pour moi aussi."

Même si son pull m'allait surement mieux qu'à lui, vue la différence de gabarit. Il m'annonça que la semaine prochaine, on ferait plus tard qu'aujourd'hui, parce qu'il devait jouer ce soir, me rappelant ma promesse d'aller le voir.

- "Si j'arrive à amadouer ma sœur, je viendrai oui."

Ça me faisait chier de devoir lui avouer être à ce point dépendant des humeurs de Sorcha, mais j'escomptais qu'il comprendrait en sachant un peu ce qui nous liait. Je sortis un livre de mon sac. Littérature classique enfantine. J'avais conservé quelques bouquins de mon enfance, bourrés de souvenirs. Celui là, c'était "Derrière le vent du Nord" de George Mac Donald. Un livre qui m'avait marqué. Que j'avais aimé petit et redécouvert adolescent. Je me demandais si Blue l'apprécierait. Ce n'était pas un simple conte pour enfant, cela parlait de la vie et de la mort. De façon poétique et symbolique.

- "Tiens j'ai apporté ça. Je l'ai lu très jeune et c'est l'un de mes livres préférés. Il est simple mais pas simpliste. Je pense qu'il fait une bonne base."

« J’suis pas sur, tu vois. »

Non parce que Crazy avait toujours su que j’étais une fille. Il l’avait deviné rapidement, trop sans doute mais nous avions partagé une telle intimité alors qu’il m’aidait a décrocher de la drogue que le contraire m’aurait surprise. Alors parfois, ses réactions pouvaient paraitre étranges, suspectes même envers un gosse dans mon genre. Il repoussait souvent les mecs qui m’approchaient, c’était irrationnel pour eux et je ne pouvais pas leur expliquer pourquoi il agissait ainsi. Alors si, quelque part, il m’avait plus d’ une fois collé la honte.

Mais ni lui ni moi ne nous attardions sur ces souvenirs, bons ou mauvais d’ailleurs. D’autant plus que j’eus bientôt l’esprit occupé par autre chose et cela n’avait rien a faire avec les cours. Non, c’était lui a moitié nu trop prêt de moi. Je ne pouvais pas supporter ça longtemps, ce n’était pas du dégout mais une gêne étrange que je n’arrivais pas a controler alors je n’y tiens plus, je lui proposais un pull, inconsciente des pensées qui pouvaient l’agiter. Si j’avais pu lire dans les pensées, surement aurais je éclaté de rire.

« Ah merde, tu brise un mythe là, autant pour ta carrière touristique ! »

Répliquais je avec un léger sourire, cachant mon soulagement a enfin le voir vêtu. C’était stupide comme réaction et j’étais la première a m’en rendre compte. Je haussais un sourcil a son rire avant de le regarder vraiment, détaillant de quel manière tombait mon pull. Ah ouais quand même…Je savais que je m’habillais large mais a ce point…

« Grandis un peu, il t’ira parfaitement… »

Bougonnais je en détournant les yeux sur le bout de mon pétard qui se consumait lentement. J’inspirais doucement. Je n’aimais pas me sentir aussi mal a l’aise et même si le joint m’aidait a me détendre, je ne pouvais m’empêcher de me focaliser sur une seule idée. Et si il découvrait la vérité ? C’était stupide, il n’y avait aucune raison pour qu’il le fasse mais…et si ?! Mes lèvres esquissèrent un sourire amusé alors qu’il m’assurait prudemment être là.

« Au pire, emmène là, mais franchement, elle a pas sa place, carrément pas même, sinon..tant pis »

Putain mais a quoi je jouais là ?! Si il ne pouvait pas venir a cause de sa frangine, il pouvait pas point ! Pas la peine de partir dans des invitations débiles !

Mais finalement, il détourna mes pensées de mon cerveau ne tournant pas rond pour fourrer sous mon nez un livre avec une couverture plutôt…rêveuse. Je le pris doucement entre mes mains avant de le retourner dans tout les sens, l’écoutant avant de me focaliser sur le quatrième de couverture, fronçant les sourcils en déchiffrant lentement les mots.

« Dérrière le vent du…Nord. »

Fis je dans un murmure avant de lever la tête sur mon prof.

« On ne m’a jamais fait la lecture ou rien, alors je ne connais pas, mais je te fais confiance…Tu pourras me le laisser ? »

Le quatrième de couverture m’avait semblé un peu flou, mais en même temps, accrocheur, même si j’étais sure d’avoir loupé un ou deux mots dans le tas.

« Toi, tu en as pensé quoi ? »

Ajoutais je en posant ma paume sur la couverture. Voilà, c’était pour ça que je voulais aussi apprendre a lire, juste pour pouvoir comprendre enfin ce que ça voulait dire que s’échapper dans les livres…

Je souris en coin quand il me répliqua que j'avais fait une erreur stratégique en parlant du climat de l'Irlande. D'accord. J'avais beau pester contre le climat de Londres, celui de mon pays n'était pas exceptionnel non plus. Mais la beauté des paysages, l'air pur, la chaleur des habitants, cela sublimait les pluies fines, qui nous entrainaient dans les landes enchantées.

Je fis plaisir à Blue et enfilais un de ses pulls, avant de faire remarquer qu'il s'habillait quand même super large. Même pour moi, qui n'étais quand même pas fluet. Blue m'observa d'un œil critique avant de me répondre de grandir un peu. Je haussai un sourcil.

- "Je crois que c'est foutu maintenant, désolé, je ne ferais jamais de basket."

Cela dit, je n'étais pas particulièrement petit. Je faisais une taille standard. Et je n'étais pas tout maigre ou fluet, ni outrageusement musclé. J'étais athlétique, façonné par des années de sport. On reparla de son prochain concert, j'y étais invité et je voulais vraiment y aller. Suffisait de m'occuper de Sorcha. Comme si c'était facile.

- "Non, ce n'est pas son monde."

Le sien, c'était l'imaginaire, le rêve. De la douceur. Pas de drogue dans des souterrains avec une faune étrange. Et dangereuse. Allez, cessons de divaguer, concentrons-nous un peu. Nous avions du boulot. Je sortis un livre de mon sac et le lui tendis. Il le déchiffra tant bien que mal et je lui annonçais que nous allions travailler dessus. Il avait une valeur sentimentale ce livre. J'acquiesçai quand il me demanda pour le lui laisser.

- "Oui. Fais-y juste très attention, j'y tiens."

Je n'ajoutai rien, mais je le laissais tirer ses propres conclusions quant au pourquoi de cet attachement. Il me demanda mon avis et je souris :

- "Derrière l'histoire, il y a une vraie philosophie sur la vie et la mort. Je l'ai lu quand j'avais 7 ans. Avec ma mère. Il m'a marqué... j'avais envie que tu le découvres toi aussi. Si il te plait, je te recommanderai d'autres lectures. Maintenant, ouvre la première page, on a du boulot."

Je me penchai par dessus Blue et la leçon commença. Blue était déterminé. Et attentif. Il lisait lentement et je l'aidais, mais au delà de la technique, son esprit fourmillait de questions sur ce qu'il déchiffrait et finalement, le temps passa à une vitesse folle. Je repartis, satisfait de cette première heure et étrangement impatient de la prochaine.

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