Un concert d'anthologie [Freddie]

C'était électrisant, gratifiant, enivrant! J'étais une autre, j'étais dans un état second. Déchainée sur la scène, devant des milliers de fans en liesse, je me sentais immortelle. Je l'étais, j'étais une démone, mais je ne ressentais rien de comparable à cette pure folie. Micro à la main, je chantais pour eux, pour moi. Je chantais mes désillusions, je chantais ma haine, je chantais tout ce que je ressentais, m'épuisant ainsi. Je m'amusais à composer des textes accrocheurs, violents, que certains auraient qualifié de sataniques. Je crachais sur Dieu et ses anges et l'on m'adulait pour cela, pensant à de la simple provoc'. S'ils savaient... S'ils savaient que j'étais un démon, une Princesse des Ténèbres, qui avait déjà éveillé plus de 100 humains et qui continuerait à le faire! S'ils savaient seulement que j'étais morte, que j'avais été une jeune femme timide, de façon maladive, sans attrait, sans éclat.

Difficile à croire alors que je me déhanchais sur la scène, aguichant mes musiciens, vêtue d'un pantalon de cuir noir taille basse, une chaine autour de la taille, des grosses bottes ferrés aux pieds. Je portais un débardeur noir et un t-shirt résille à manche longue, troué. Mes longs cheveux blonds étaient laissés libres, emmêlés, collés par la sueur. Ma peau était blafarde et l'effet accentué par mes lèvres peintes d'écarlate et mon regard bleu entouré d'un épais crayon noir. Une vraie morte vivante à me voir ainsi.

Et il était impossible de me reconnaître ainsi grimée. C'était le jour et la nuit entre ma véritable apparence et celle de la scène. Quand j'étais dépouillée de tout artifice, j'étais une ravissante jeune fille au regard angélique, aux cheveux blonds, à l'air doux et mélancolique. Comme je détestais cette fille là! Sans attraits, sans intérêts...

Je terminai ma prestation et saluai la foule en délire, avant de décider de rejoindre la foule et mes nombreux fans pour signer quelques autographes. Ça rendait dingue mes gardes du corps et mon manager, allez savoir pourquoi? Comme si je n'étais pas capable de contenir quelques fans hystériques! Je fis mon petit bain de foule pendant une vingtaine de minutes, avant de m'éclipser et de rejoindre ma loge, en transe. J'ouvris la prote tranquillement, la refermai, l'esprit ailleurs, avant de m'apercevoir que je n'étais pas seule. Un sourire étira mes lèvres, alors que je me dirigeais vers ma coiffeuse et m'y asseyais, tournant le dos à mon visiteur.

- "Ce n'est pas parce que nous sommes amis que tu peux pénétrer dans mon sanctuaire comme ça Freddie."

On avait rapporté dans ma loge tous les petits cadeaux jetés sur la scène : fleurs, peluches... Je tendis la main et m'emparai d'un petit ours absolument adorable, avant de faire demi tour sur ma chaise et de regarder le jeune homme qui était là. Freddie... Ancien ange, devenu démon, possédant le talent unique de cumuler les pouvoirs des deux races. Beau gosse au regard bleu à vous faire chavirer le cœur. Un look emo étudié et qui lui allait bien. On pouvait penser ce qu'on voulait de ce look, notamment qu'il était gay, je savais parfaitement qu'il préférait largement les femmes. Je croisai les jambes dans un bruit caractéristique de cuir, avant de finalement les décroiser pour me lever et m'approcher de lui, l'embrassant sur la joue et y laissant une magnifique trace de lèvres rouge sang.

- "Ça me fait plaisir de te voir. Tu as assisté au concert?"

Son avis sur mes performances vocales m'importait vraiment. J'étais l'une des seules à ne pas le regarder avec méfiance. Il avait trahi les anges. Moi, je trouvais ça courageux et j'avais confiance en lui : il ne nous trahirait pas. En plus, nous avions un ennemi en commun.

« Ben ferme ta porte la prochaine fois. »

Me moquais je avec un demi sourire aux lèvres.

« Et en plus tu m’as filé un pass, fallait bien que j’en profite non ? »

Renchéris je en agitant une petite carte plastifiée sous son nez. Ben ouais, elle me l’avait donné en même temps que la date de son concert. J’étais pas un super fan du métal, ni même du pot de peinture qu’elle se collait sur le visage, mais je venais quand même. A chaque fois. Et puis, autant le dire, la voir se déhancher sur une scène était plutôt plaisant, sans compter qu’elle était douée dans ce qu’elle faisait. Que ce soit chanter ou éveiller. Cela dit, elle avait tiré partit des manœuvres de Dieu destinées aux humains a nous fuir, elle, elle se servait de leur désir d’outrepasser les lois et les mœurs. Je ne sais pas si les méthodes étaient plus « saines » que celles des anges, mais elles fonctionnaient très bien.

Du bout de l’index, je jouais avec un pétale de fleur totalement inconnue au bataillon avant qu’elle ne se lève et vienne me barbouiller de rouge a lèvres. Rha mais merde ! C’était l’horreur a oté ce machin ! Mais je ne dis rien, me contentant d’enfoncer les mains dans les poches de mon slim en haussant une épaule couverte d’un sweat a capuche. J’avais un style décalé par rapport a mon age et ça m’allait très bien.

« Comme a chaque fois. Tu diras a ton ingénieur du son de moins booster tes percutions, par moment, on entend qu’elles. »

Oui, je sais, je pouvais pas m’en empêcher. Il fallait que je trouve un truc a redire a chaque fois, mais je mâtinais ma critique d’un compliment.

« Et en plus, ça couvre ta voix, ce qui est dommage. J’adore t’entendre traiter Dieu d’immonde tas de merde.»

Ajoutais je avec un clin d’œil amusé. Elle ne se gênait pas je devais bien l’avouer, dans ses textes pour le traiter de tout les noms. Résultat, on la disait sataniste, ce qui, entre nous, était tout a fait vrai.
Finalement, je tirais une chaise a moi et m’y assis a califourchon, les bras croisés sur le dossier.

« La vache qu’est ce que j’aime pas ton maquillage par contre…Mais je kiffe le pantalon de cuir moulant. »

J’avais un sourire absolument craquant de moquerie aux lèvres, elle était sexy, c’était un fait, mais je la préférais au naturel, y avait pas a chier.

Je souris joyeusement alors qu'il me rétorquait tranquillement que je n'avais qu'à fermer ma porte et que de toutes façons, si je lui avais filé un pass, ce n'était pas pour qu'il dorme au fond de sa poche de pantalon. Ah c'était comme ça? Bien, ma vengeance serait terrible et je la mis aussitôt à exécution en m'approchant de lui et en l'embrassant sur la joue, collant du rouge à lèvre sur sa peau pâle, triomphante. Je t'apprendrais à jouer au plus malin avec moi!

Mais très d'enfantillages, je lui demandai alors son avis sur ma performance. Ses conseils, ses critiques, tout cela comptait énormément pour moi et je tentai à chaque fois d'en tenir compte pour me corriger. Je fis la moue quand il me parla des percussions, trop fortes. Ah merde, si on ne m'entendait pas, quel intérêt de venir me voir en concert, hein? Ce n'étaient pas les musiciens les vedettes, c'était moi! Mais mon sourire revint, accompagné d'un rire quand il me complimenta.

- "Oui, moi aussi, j'aime m'entendre. Tu sais que je passe de sacrées nuits blanches à écrire tout cela? L'inspiration est là, mais je dois sans cesse retravailler pour que cela ne soit pas creux, que cela soit mélodieux, accrocheur."

Parce que je ne voulais pas faire quelque chose de petit, un texte vulgaire et sans panaches. Je m'arrachais les cheveux sur les rimes, sur le tempo, m'entourant de professionnels quand je n'y parvenais pas. Je passais mon temps à l'écriture, à la composition, à l'enregistrement des albums et aux concerts. Et quand j'avais fait tout cela, j'éveillais mes fans, déjà prêts et enrôlés par mes chansons. C'était parfait. Je ris quand il s'assit et critiqua mon maquillage, mais apprécia le pantalon. J'écartai les bras pour qu'il admire, avant de lui tourner le dos et de lui exposer mes fesses moulées dans le cuir, sans aucune trace de sous vêtement. Je posai mes mains sur mes reins, tournant mon visage vers lui en un mouvement de cheveux blonds, prenant une moue aguicheuse.

- "Je suis contente que tu aimes. Mais c'est un enfer à enfiler et à enlever. D'ailleurs, je prendrais bien une douche, je suis dans un état épouvantable."

Je ne relevai pas sa remarque sur le maquillage. Je savais qu'il n'appréciait pas, mais cela me dissimulait aux yeux du monde, comme un masque et j'étais méconnaissable démaquillée. Je pris le démaquillant et commençai à ôter le maquillage. Inutile de dire qu'il me fallut quelques cotons.

- "Installe-toi, fais comme chez toi."

Ma loge était très bien équipée. La douche était bien présente, une douche à l'italienne, dans un coin de la pièce, avec un simple paravent pour éviter les éclaboussures. Je me dirigeai vers la douche de fortune, retirant mon haut et le jetant négligemment par terre. Mes longs cheveux blonds dissimulaient le haut de mon dos à Freddie, mais pas la chute de mes reins. Je lui fis une œillade coquine, avant de filer derrière le paravent et de retirer le pantalon, non sans quelques contorsions. Je mis la douche en route et soupirai d'aise en sentant l'eau chaude sur ma peau.

- "Tiens, puisque tu es là, commande donc un truc à manger, je crève de faim."

Je me savonnais vigoureusement, avant de me rincer, de me sécher et d'enfiler un shorty et un débardeur, remontant mes longs cheveux en une masse informe, retenue par une pince. Je revins près de Freddie, humidifiai mon pouce avec ma salive, avant de lui frotter la joue pour lui retirer le rouge à lèvre que je lui avais collé toute à l'heure.

- "Je sais que tu m'aimes chéri, mais pas besoin de garder l'empreinte de mes lèvres aussi précieusement..."

Je vins me coller juste devant lui, les mains sur le dossier de la chaise, avant de reprendre :

- "Alors, on mange quoi de bon ce soir?"

Je secouais la tête avec amusement. Bon sang ce qu’elle pouvait être chiante avec cette arrogance pas possible quand elle s’y mettait ! Pourtant, je savais qu’elle bossait dur. Trop même. Je lui avais déjà dis de freiner la cadence, que la fatigue ne servait a rien, mais, tête de mule, elle ne m’écoutais pas.

« Tu bosse trop surtout. A force, tu vas perdre toute inspiration, tu devrais te poser de temps en temps et juste te laisser porter. Tu as sortit combien d’album cette année ? Deux ? Trois ? Je n’imagine même pas la somme de taff. Prends une pause de temps en temps, Satan ne va pas te sauter a la gorge pour ça. »

Quoique, vu le savon que nous avait passé la directrice de l’école, c’était peut être pas le bon conseil a lui donner. Enfin ! Mon dernier Eveillé datait d’il y avait 6 mois maintenant. Un ado en pleine crise, utopiste aussi, peut être un peu de trop d’ailleurs. D’un mouvement absent de la main, je chassais son image de mon esprit. Du bout du doigt, j’essayais d’ôter le rouge a lèvre qu’elle m’avait collé partout quand j’eus la brillante idée de commenter sa tenue. Une chose était sure, Erika ne s’embarrassait jamais de pudeur, pas besoin d’être devin pour deviner qu’il n’y avait aucun carré de tissus sous ce fichu pantalon.
Je lui jetais un coup d’œil insondable, ne pouvant pas m’empêcher de suivre des yeux les lignes de ses fesses outrageusement moulées, serrant légèrement les dents.

D’un battement de cil, j’éteignais la lueur de désir qui venait subitement d’allumer l’azur de mes yeux. Elle savait s’y prendre, je ne pouvais pas le nier.

« Tu n’as qu’a les prendre plus large, Erika, mais il parait qu’il faut souffrir pour être belle…Avant que tu ne me reprenne, oui, tu es belle, ça y est ? ta vanité est contentée ? »

J’avais la voix moqueuse et taquine, juste une façon de cacher que je la trouvais effectivement très belle, mais plus que la beauté, elle dégageait une sensualité au quelle tout mâle normalement constitué est sensible…Et moi, je ne suis qu’un mâle. Je chassais mes idées pas très chastes et la regardais se démaquiller, content de voir ces traits de noirs et de rouge disparaitre pour me laisser admirer son visage. Dieu que je le préférais comme ça ! Machinalement, je me mis a mordiller la boule d’un de mes piercings a la lèvres.

Elle se leva, me dit de faire comme chez moi. Cool, mais je voyais pas le frigo de là où j’étais. Du coin de l’œil, je la vis oter son haut, m’envoyer un clin d’œil auquel je répondis par un sourire moqueur tout en me demandant si elle savait ce qu’elle faisait….Question idiote, Erika savait toujours ce qu’elle faisait. M’allumer semblait être son nouveau jeu favori, je n’en comprenais pas vraiment la raison, même si je la pressentais.

« Ouais et après tu hurlera parce que ton pantalon te serre ! »

Fis je tout en sortant mon portable de ma poche. Mmmh..Pizza ? Kebab ? Hot dog ? Allez, pizza ! Je connaissais les gouts d’Erika et je n’eus donc pas besoin de lui poser la question, je passais commande tout en me rendant compte que je ne quittais pas des yeux les ombres chinoises de la douche. J’eus un rictus d’autodérision avant de baisser les yeux sur mes pieds.

Seulement j’étais tellement concentré sur ce que j’étais en train de faire, pour sursauter lorsqu’elle revint. Je la sentis frotter ma joue et je dissimulais mon malaise derrière un sourire amusé.

« Ben c’était pour faire enrager tes fans en fait… »

Et la voilà me collant son décolté sous le nez. Durant quelques secondes, j’eus une terrible envie de me redresser, de l’acculer et de lui demander a quoi elle jouait exactement ! Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait ça, le truc c’est que je n’arrivais pas a déterminer pourquoi elle faisait… Mais je ne fis rien, me contentant de lever les yeux sur son visage et d’afficher un large sourire.

« Pizza…je pense a tes hanches, ne me remercie pas. »

- "Je ne suis pas prof moi, j'ai besoin de bosser."

Petite pique gentillette à son attention, mais le fait était que j'avais besoin de m'occuper l'esprit et de vivre à 200 à l'heure pour ne pas me poser, justement. Parce que si j'atterrissais, je risquais fort de m'écrouler complètement. Il m'était arrivée tellement de choses en si peu de temps... Gabriel avait été une étoile filante dans ma vie. Non, un astéroïde, car il avait tout détruit sur son passage, piétinant mes espoirs, mes rêves et mes illusions! Quelle idiote j'avais été! Comment avais-je pu croire en lui, en nous? Alors qu'il se servait de moi depuis le début! Et le pire, c'est que même dans la mort, j'avais emporté cet amour avec moi. Je le haïssais, et je l'aimais encore tout autant. Il devait disparaître pour que le poison cesse de couler... Et après... Après je n'aurais plus aucun but.

- "Je suis douée dans ce que je fais Fred, alors j'aime autant bien le faire et souvent, ça m'apporte une certaine satisfaction personnelle, tu vois?"

Chanter, éveiller... Les deux étaient liés. Il y a encore 5 ans, jamais je n'aurais pu penser que je m'affranchirais ainsi de mes peurs et que j'oserais prendre un micro et monter sur scène. Brillante élève, c'était Oxford que j'avais choisi et les nobles causes. Aujourd'hui, je continuais à défendre une noble cause, mais pas derrière le Barreau.

Je rejetais toutes ces idées déprimantes et décidai de jouer avec Fred, jouer avec ses désirs et mon corps. J'étais douée pour cela, même si personne ne se retrouvait jamais dans mon lit ensuite. Je m'esclaffai quand il me conseilla de prendre mes pantalons plus larges.

- "J'aurais l'air d'un clown, je te pensais plus fashion que ça chéri."

Je me retournai vers lui dans un mouvement de cheveux digne d'une célèbre publicité, ravie de son petit compliment.

- "Oui, ma vanité est momentanément satisfaite, mais je suis sure que tu peux faire mieux."

Je me démaquillai et fonçai sous la douche, non sans commencer à m'effeuiller sur le chemin, et je demandai à Freddie de s'occuper du diner. J'éclatai de rire quand il me rétorqua que je ne devais pas me plaindre ensuite d'être trop serrée dans mes fringues.

- "Je viens de faire mon sport quotidien sur scène, j'ai bien le droit de recharger mes batteries!"

Non, je n'étais pas au régime, ni anorexique, malgré ce que ma silhouette longiligne pouvait laisser supposer. J'avais un organisme qui éliminait bien le surplus, alors je ne me gênait pas. Il faut dire qu'avec ma période dépressive, j'avais fondu à vue d'œil. Je me dépêchai de me laver, avant de m'habiller légèrement et de revenir vers Freddie. Constatant qu'il y avait toujours la marque de rouge à lèvre, je décidai de lui enlever, comme une mère retire une tâche à son gamin, non sans le chambrer au passage. Sa réponse me fit sourire.

- "Tu aimes vivres dangereusement toi, certains pourraient te tuer et t'arracher la joue pour garder ce trophée."

Je ne plaisantais qu'à moitié. Parce qu'il fallait admettre que dans mon public, il y avait de sacrés tarés quand même. Mais Freddie était un grand garçon, il saurait se défendre si besoin était. Nouveau petit rire.

- "C'est trop gentil!"

Je lui adressai un regard espiègle, avant de rétorquer, un brin mystérieuse :

- "Il y a toutes sortes de façon d'éliminer cela ensuite."

Je m'éloignai alors de lui, me dirigeant vers mon dressing et observant les diverses tenues qui se trouvaient à l'intérieur, songeuse.

- "Hum, pour le prochain concert, j'ai envie de quelque chose de plus... original."

Je sortis une paire de fringues de là, et les déposai sur le divan. Il y avait des bas, des jarretières, des corsets, des robes très minimalistes.

- "Tiens, pendant que je te tiens, et puisque tes conseils sont si pertinents, tu vas me dire ce que tu en penses, j'arrive pas à me décider."

Ni une, ni deux, en attendant la pizza, je retournai derrière le paravent et me déshabillai pour enfiler une tenue plus... sexy. Triomphante, je me dévoilai au jeune homme, avec une petite mine de chatte câline sur les lèvres.

- "Tenue numéro 1."

Je défilai devant lui, afin qu'il me voit bien sous toutes les coutures.

Spoiler:

Je levais les yeux au ciel. Comme si prof a Salvera t’assurait une paie décente ! Non mais elle croyait que je bossais pas ? Bon ok, être derrières des platines, le nez collé devant des écrans a calculer l’instant T pour coller le cri d’un macaque c’était pas ce que j’appellerais du sport de haut niveau, mais quand même ! En plus, j’étais en free lance et donc, j’avais plutôt interet a faire du bon boulot si je voulais continuer. Puis, je rebaissais les yeux sur son visage.

« Ouais, je sais. »

Parce que c’était vrai, elle était diablement douée. Mais je savais aussi qu’elle avait besoin de ça pour garder la tête hors de l’eau et ne pas sombrer. Je connaissais les raisons de sa mort et sa façon de mourir, mais je crois qu’on en avait jamais réellement parlé. Erika était trop fière pour avouer des faiblesses facilement ou s’étendre dessus. Moi, ça m’allait comme ça, je forçais pas la confidence non plus.
Je la laissais jouer avec son corps et, accessoirement, le mien au passage. Erika était ce que l’on nommait communément, une allumeuse et je le savais. Elle pouvait séduire, mais pour passer le pas de sa chambre, fallait s’accrocher sévère. D’où mes interrogations sur cette façon qu’elle avait de vouloir m’allumer a toute les sauces. Outre le fait qu’elle y arrivait très bien et que je devais souvent jouer la comédie de l’indifférence, je ne comprenais pas où elle voulait en venir. Cela faisait quelques années que l’on se connaissait maintenant et ces derniers temps, elle forçait vraiment la dose sur l’allumage avec moi.
Encore une fois, je dissimulais mes pensées pas très pudiques derrières une lueur insondable avant de la charrier sur la taille de son pantalon. Ce qu’elle me répondit me fit sourire en coin.

« Les clowns ont un certain sex appeal, tu sais. »

Euuh…Bon, même moi j’y croyais pas là.

« Ta vanité est assez développée comme ça, tu n’as pas besoin de moi, tu as des milliers de fans ça devrait te suffire. »

Répliquais je tranquillement en posant le menton sur mes bras, une lueur amusée dans les yeux. Lueur qui vacilla dangereusement tandis qu’elle se déshabillait sous mon nez pour sa douche. Je poussais un soupir tenu de soulagement lorsqu’elle disparue derrière le rideau et commandais des pizzas.

Elle ressortit au bout de quelques minutes pour venir effacer le rouge a lèvre de ma joue.

« Ca devient soudainement moins attrayant là. »

Me faire arracher la joue ? Hors de question ! mais je savais qu’elle avait raison, certain timbré serait assez fou pour le faire, je savais me défendre mais quand même ! J’ignorais superbement le sous entendu qu’elle glissa dans sa phrase, même si une dizaine d’images venaient de me traverser l’esprit a vitesse grand V.

Et là, je haussais un sourcil…Pardon ? Mes conseils ? Sur ? Mais j’ai vite compris lorsqu’elle commença a sortit des habits de sa penderie. Elle allait pas me faire le coup du défilé quand même !? Ah ben…si.

« Erika, tu sais que je suis pas fan de ce genre de tenue quand même… »

Bougonnais je dans l’espoir qu’elle abandonne mais ça, c’était croire en la bonté de Dieu. Je fermais les yeux deux secondes en réprimant un soupir. Si elle, ça avait l’air de l’amuser, moi pas du tout. J’avais trop de questions en suspend pour accepter une liaison avec elle, trop prise de tête je le sentais. Mais c’était difficile de faire l’indifférent , voir impossible dans un sens.

« J’ajouterais deux trois trous a tes bas…ou alors mets des résilles. »

Ton tranquille, demi sourire mais une énorme tension intérieure. Mes yeux ne laissaient rien passer, sauf une lueur d’admiration sincère parce qu’elle était tout de même magnifique.

J'eus un petit rire suave alors qu'il se rendait compte que se faire arracher la joue n'avait rien de marrant. Je la lui pinçai doucement, comme une mère pince la joue de son fils, avant de répliquer, moqueuse :

- "Oh, je suis sûre qu'une horde de fans psychopathes ne font pas peur à un homme comme toi!"

Il avait l'âge d'être mon père. Voire mon grand père. Et il avait le corps d'un jeune homme qui pouvait fort bien être mon petit ami. Freddie me plaisait. Pas seulement physiquement (quoique ses vêtements cachaient une musculature fine très attrayante et ses cheveux noirs un regard bleu à se damner), mais aussi moralement. Il était sympa, prévenant, drôle, gentil avec moi. Ça me changeait de cette ordure de Gabriel qui s'était servi de moi tout ce temps. Et puis, Freddie était un être à part... Ange ET démon, il avait conservé les pouvoirs des deux races et ça en faisait quelqu'un de puissant. Il avait une dent contre Gabriel, en plus, nous pouvions très bien nous allier. Voire coucher ensemble. Nul homme ne m'avait touché depuis le Séraphin. Je n'accordais plus ma confiance. Mais faisais-je confiance à Freddie? Oui, sans doute. Lui, il ne me ferait pas de mal.

Je décidai alors de lui demander son avis sur mes tenues de scène. Il tenta une pathétique dérobade, mais je ne l'écoutais déjà plus. Oui je savais qu'il n'était pas fan, MAIS il restait un mec et mes tenues étaient aguicheuses très souvent. S'il avait du mal à penser, alors c'était gagné. Et j'en profitais au passage pour le laisser admirer mon corps tout à loisir! De quoi se plaignait-il? Je revins donc avec la tenue numéro 1 qui lui fit certes de l'effet, mais qui ne lui coupa pas le sifflet. Il arriva même à la critiquer! Des trous dans les bas, ou des résilles.

- "Oh, bonne idée!"

Et hop, je filai de nouveau, enfiler des bas résilles et une robe corsetée qui moulait mon corps et arrivait au ras des mes fesses. Était-il utile d'ajouter que le décolleté était pigeonnant? Qu'on voyait même la dentelle de mon soutien gorge? Je sortis du paravent en prenant une pause de pin-up. Je m'amusais comme une petite folle!

- "Alors, tenue numéro 2... Avec les résilles!"

Spoiler:

Je souris, triomphante, avant de m'approcher de lui d'une démarche chaloupée et sensuelle, posant mes mains sur mes hanches, une moue sur le visage.

- "Celle-là, te plait-elle davantage?"

« Va savoir, c’est dangereux un fan psychopathe. »

Mais dans un sens, non, je ne risquais pas grand-chose. Même parmis les miens, j’étais considéré comme puissant malgré mon jeune age. J’avais plus de 100 Bénis et autant d’Eveillé au compteur. Alors oui, si on ne prenait que ça en compte…Mais personne ne savait a quel point il était difficile pour moi d’Eveiller ou même de Soigner. Cela me fatiguait énormément, me demandait une concentration bien plus élevé que la moyenne. Il me fallait me battre contre ma partie encore angélique qui réclamait une âme a détruire ou enrôler. C’était très dur oui, mais je n’en laissais rien paraitre. Ma double nature ne se voyait qu’a mes ailes. Elles n’étaient pas blanches, elles n’étaient pas noires, elles étaient grises. D’un beau gris argent. Si je les sortais, on voyait tout de suite la différence, mais je ne le faisais jamais. Même Erika ne les avait jamais vu.

Erika qui avait décidé de me torturer a première vue. J’essayais bien de trouver une parade, mais ce fut peine perdue, autant dire qu’elle ne m’écoutait pas du tout, continuant son effeuillage derrière le paravent. Que ce foutu paravent soit Eveillé d’ailleurs. J’avais de plus en plus de mal a faire l’indifférent, celui que ça n’intéresse pas. Elle allait finir par m’avoir a l’usure a cette vitesse et je ne savais pas si ce serait une bonne chose. Alors ouais, j’étais un mec, mais j’utilisais mon cerveau et voyais plus loin que le bout de ma queue. Après tout j’avais plus de cinquante ans maintenant, même si il m’arrive de penser qu’un ado de 17 aurait peut être plus de répondant que moi en ce moment.

Je lui suggérais deux trois trous ou des bas résilles et elle sauta sur l’occasion…Evidemment qu’elle allait sauter dessus, par moment, je devrais apprendre a me taire, surtout quand je la vis réapparaitre en mini robe moulante et scandaleusement sulfureuse. Nom de Satan ! Ne me dites pas qu’elle portait ça sur scène si ?! Outre le fait que c’était diaboliquement sexy, je n’aimais pas l’idée qu’elle étale ces charmes comme une vulgaire poissonnière le ferait de ses prises. Il y avait un coté vulgaire qui ne me plaisait pas vraiment, ou alors j’étais en train de me torturer pour rien…Mais imaginer des centaines de paires d’yeux suintant la concupiscence…Résultat, je me raidis légèrement sur ma chaise, l’azur de mes iris s’assombrissant lentement…

« Dis donc, tu arrive a bouger avec ce machin ? »

Oui, et même qu’elle le faisait très bien. J’avais le regard rivé sur le balancement de ses hanches, a tel point qu’il en devenait hypnotique d’ailleurs. Seulement je m’arrachais vivement a cette vision pour remonter les yeux sur son visage.

« Je sais pas en fait, j’me demande quelle place a l’imagination…c’est dommage. »

J’étais peut être un peu mesquin ou sec dans ma façon de parler, mais je réussis a peindre un sourire taquin sur mes lèvres…Bon sang ! j’espérais qu’elle avait fait le tour là !

Un sourire machiavélique se dessina sur mes lèvres alors que je sentais Freddie se... tendre, légèrement. Ahah, j'avais enfin capté toute son attention. Il était bien chaud là, je le sentais et c'était parfait. Et alors quand il me demandait si je pouvais bouger avec cette petite robe, je me fis un devoir de me déhancher de façon lascive pour lui prouver que oui, j'étais capable de bouger. Et dire que je n'avais jamais osé regarder ce genre de vêtements avant! Jamais je n'aurais pu m'imaginer les porter. J'avais toujours eu un look sage et passe partout : jeans, baskets, chemises, T-shirt... Et aujourd'hui? Talons aiguilles, bottes cloutées, cuissardes de cuir, bas résilles, slims en cuir, débardeurs déchirés, corsets, jupes terriblement moulantes. Mon corps était beau et je le mettais en valeur alors que je le cachais autrefois.

Mais il doucha quelque peu mon enthousiasme en me demandant où était l'imagination dans des vêtements aussi minimalistes. Je m'arrêtai de bouger un instant, tapotant mon menton de l'index, comme réfléchissant à sa question.

- "Tu veux que je tente la combinaison de cosmonaute? Ça te suffira niveau imagination?"

J'éclatai de rire, avant d'entendre frapper à la porte. De nouveau, j'eus un petit sourire diabolique pour Freddie, avant d'aller ouvrir, exposant ma tenue très... particulière au livreur de pizza. Je le vis marquer une hésitation avant de me reluquer sans chercher à s'en cacher vraiment. Charmeuse, je le saluai, avant de tourner le dos, lui exposant la vue de mes fesses outrageusement moulées, pour aller chercher un billet et le lui tendre en échange de la pizza.

- "Merci, gardez donc la monnaie."

- "Oui, ma... mademoiselle. Bonne... soirée."

Je lui lançai un regard enjôleur avant de refermer la porte, pizza à la main.

- "A table chéri."

Je posai la boite sur le canapé, avant de retourner me changer, enfilant un T-shirt large et informe, en complète contradiction avec ma tenue sexy d'avant. Mes cheveux humides cascadaient de nouveau dans mon dos. J'étais de nouveau la jeune étudiante brillante, timide, transparente. Je vins m'asseoir sur le divan, repliant mes jambes sous moi, et ouvrant la boîte avec gourmandise. J'invitai Freddie à me rejoindre, l'observant tout en mangeant ma pizza.

- "Comment ça se passe à l'école?"

Oui, je sautais du coq à l'âne, mais nous avions assez parlé de moi.

« Arrête tu m’excite. »

Répliquais je en mimant un frisson d’excitation très bien imité. Mais la tenue de cosmonaute aurait au moins l’avantage de calmer mes ardeurs remarquons. Je me retenais de lui dire d’aller se changer, me contentant de la regarder d’un air insondable, les lèvres peut être un peu trop pincées. Et ça la faisait rire en plus. Par moment, je devais bien avouer que même si je l’adorais, elle m’agaçait prodigieusement. Je haussais une épaule alors qu’elle se décidait a aller exciter un pauvre petit livreur qui n’avait rien demandé a personne.

Je tournais la tête pour regarder par-dessus mon épaule et vi le dit livreur passer par toute les couleurs, tout en suivant les courbes du corps d’Erika des yeux, il faut dire qu’elle le faisait exprès et je me sentit presque compatissant pour le pauvre homme, je dis bien presque parce que je ne put m’empêcher de le fusiller du regard en réfrénant une envie terrible de lui coller mon poing sur la joue. Calmons nous Freddie, calmons nous.
Finalement, le bredouillant livreur finit par repartir d’où il venait. Erika repartit se changer et je dois dire que je préférais largement sa tenue. Non pour ma tranquillité d’esprit mais juste parce que j’avais l’impression de retrouver mon amie, comme si l’autre masque qu’elle portait me dérangeait. C’était un fait qu’il me gênait parce que je ne pouvais m’empêcher de me dire que ce n’était pas elle, du moins pas véritablement.

« Je crève la dalle en fait. »

Fis je en le levant pour aller me laisser tomber sur le canapé a coté d’elle. Plongeant la main dans la boite, je sortis une part graisseuse et odorante de pizza et la portait a ma bouche. Un demi sourire ombra mes lèvres alors qu’elle me parlait de l’école.

« Bah…Bien. C’est toujours marrant de voir des apprenti découvrir la vérité sur ces méchants démons cornu pas beau. Y en a un qui en revenait pas d’avoir des ailes et qui a gentiment claqué sa voisine en les sortant en plein cours. La pauvre se trimballe avec un œil au beurre noir maintenant. »

Je mâchonnais ma part de pizza avant de déglutir en m’en léchant les babines. Bon sang que c’était bon !

« Un de tes Eveillés d’ailleurs… »

Pouffais je en me remémorant la scène. Il fallait dire que l’image véhiculée sur nous n’était pas des plus glorieuse, certainement l’un des meilleur coup de Dieu ça, nous faire passer pour les grands méchants de l’histoire, donc il m’incombait de déjouer le piège.

Je me présentais à Freddie telle que j'étais, sans plus aucun maquillage, sans plus aucun artifice. Je redevenais la petite Erika insignifiante... Pourtant, c'était cette Erika là qui avait attiré l'œil de Gabriel... Pourquoi? Qu'avais-je donc pour attirer cet homme mystérieux, séduisant et terriblement maléfique? Pourquoi moi? Pas pour ma beauté ou mon charme, j'en étais dénuée, trop innocente et studieuse pour m'en servir. Ma naïveté? Ma solitude? Etais-je alors une proie facile pour cet ange maléfique? Quelque part, il n'avait façonnée. Sans lui, je ne serais pas cette star du rock. J'avais voulu me détacher de lui, le fuir, mais je restais dépendante malgré tout. Le tuer me soulagerait-il?

Simplement vêtue d'un T-shirt trop grand, je pris place dans le canapé, me servant une part de pizza, souriant alors que Freddie m'avouait avoir très faim et prenait place lui aussi, se servant sans se faire prier. Je m'enquis alors de son boulot à l'école, cessant toute provocation. Je devais avouer qu'il faisait montrer d'un self controle admirable. Il avait à peine flanché alors que je me promenais à moitié nue devant lui. Admirable.

Mais là, c'était terminé pour le moment. Je voulais juste passer un petit moment tranquille avec un ami. Rien de plus, rien de moins. Je ne pus m'empêcher de rire quand il parla des élèves qui n'en revenaient pas d'être là et d'avoir des pouvoirs, notamment des ailes. Il parla de l'un de mes éveillés et une lueur de curiosité traversa mes yeux bleus.

- "Oh, lequel? Hum attends... John? Ryan?"

Je pris une mine de gamine malicieuse. Je faisais de très bons scores au niveau éveils. Je touchais une large foule. J'avais un pouvoir d'attraction et de séduction énormes. Une autre idée, étrange, me vint à l'esprit alors que cette histoire d'ailes me revenait en tête. Je terminai ma pizza, avant de me pencher vers Freddie.

- "Freddie... Tes ailes, elles sont comment?"

Ange, puis démon... Je savais qu'il pouvait bénir et éveiller. Qu'il devait sans cesse lutter contre sa partie angélique. Jusqu'à quel point tenait-il encore des anges? Ses ailes trahissaient-elles son appartenance à la race angélique? Démoniaque? Aux deux? Je ne lui avais jamais posé la question, je n'avais jamais vu ses ailes.

« Ryan. »

Enonçais je avec un sourire amusé.

« Plutôt bizarre comme type lui d’ailleurs, tu l’a trouvé où ? »

Parce que ce cher Ryan était un métalleux pur et dur. Du genre a vous mettre une statue de Jésus a l’envers, du genre a faire des rituels satanistes. Il avait eut du mal au début a se dire que non, nous n’agissions pas vraiment en diable maléfique. Que l’on était plutôt le contraire. Mais il s’y était fait, trouvant des avantages a ce qu’il était devenu suite a sa rencontre avec Erika et…sa mort prématurée.
J’enfournais le reste de ma pizza avec un appétit évident quand un bout d’olive me sembla vouloir resté coincé au fond de ma gorge. En fait, c’était surtout la question d’Erika qui me mettait mal a l’aise. Si je ne sortais jamais mes ailes, c’est qu’il y avait une raison. Outre le fait que les occasions pour le faire étaient rares, elles me cataloguaient immédiatement, provoquant méfiance coté démoniaque et répulsion coté angélique. Remarquons que le dernier coté m’indifférait totalement.

Je jetais un coup d’œil en coin a Erika avant de murmurer tranquillement.

« Elles sont comme tout le monde, juste un peu moins…colorées dirons nous. »

Mais je devais m’attendre a d’autres questions. On avait jamais évoqué le sujet mais je savais qu’un jour ou l’autre, il viendrait sur le tapis. Je n’étais donc pas surpris dans le fond. J’essuyais mes doigts dans une serviette en papier avant de me lever souplement, de balancer ma nuque pour accrocher le haut de mon sweat avant de le faire glisser par-dessus ma tête, ébouriffant ma mèche au passage.

« Mais je suppose que ça ne te suffira pas comme réponse. »

Continuais je avec un demi sourire. En vérité, je n’avais pas honte de mes ailes, juste que les garder cacher m’arrangeais. Mon tee short suivit tranquillement mon sweat, laissant apparaitre un dos qui était loin d’être celui d’un ado de 15 ans. Sans égocentrisme exacerbé, je savais être dans les critères de beauté masculine actuels, juste mon foutu look emo en cassait l’image. Mais ce n’était pas ça qui intéressait Erika.

Cela faisait si longtemps que je ne les avait pas sortit qu’une grimace de douleur froissa mes traits en même temps qu’un froissement soyeux retentissait. Elles me faisaient mal, elles étaient engourdies et d’une couleur argent exceptionnelle. Elles étaient uniques car des comme moi, il n’y en avait pas.

« Lorsque j’ai pénétré le mur qui sépare les deux écoles…Elles étaient encore blanches, comme de la neige fraichement tombée…Mais quand j’ai décidé…Elles se sont teintées de noir. »

Les trouvais je belles ? Je ne savais pas trop, je ramenais l’une d’elle autour de moi, en caressant les plumes argents, remarquant que la lumière se reflètait sur elles. Finalement, je pinçais une plume et la tirait d’un coup sec avant de la porter devant mon nez.

« Ni blanches, ni noires….j’aurais préféré qu’elles deviennent l’un ou l’autre, pas ce..gris. »

Nouveau petit rire de gorge quand il me répliqua que c'était Ryan, me demandant où je l'avais déniché.

- "A ton avis? Un fan bien sûr. Très réceptif."

Ah Ryan... Plutôt mignon, jeune, et très, très, gothique. Sataniste même. Je l'avais repéré alors qu'il essayait de m'approcher, malgré les gardes du corps et je l'avais invité à venir dans ma loge, pour un tête à tête. Il semblait en totale adoration devant moi. C'était flatteur, mais un peu flippant quand même. Quelque part, j'étais contente de ne pas être une simple humaine, parce que jamais je ne l'aurais laissé approcher tant il paraissait illuminé, voire dangereux. Mais il vénérait le Diable et crachait sur le Christ. Nous avions sympathisé, parlé, je l'avais éveillé...

Mais ce n'était pas le destin de Ryan qui m'intéressait, mais bien Freddie. Il faillit s'étrangler quand je lui demandais à quoi ressemblaient ses ailes. Il me regarda bizarrement. Question subite, mais il devait être habitué avec moi. Je sautais sans cesse du coq à l'âne. Il me répondit qu'elles étaient comme toutes les autres, justes moins colorées. Je haussai un délicat sourcil, lui indiquant clairement que ce n'était pas assez et il entreprit de répondre à ma question muette en se levant et en commençant à retirer son sweat, pour m'exposer son dos nu. Et musclé. Je n'avais jamais vu Freddie torse nu, je n'avais fait que deviner sa musculature sous ses vêtements.

Mais bientôt, elles apparurent et je retins une petite exclamation d'émerveillement en voyant leur belle couleur argent. Une couleur unique. Comme lui. Il m'expliqua qu'elles avaient été blanches, mais qu'elles avaient foncé quand il avait changé de camp. Sans jamais devenir totalement noires. Fascinée, je me levai à mon tour, avançant vers lui alors qu'il en arrachait une plume et jouait avec. En cet instant, je trouvais Freddie extrêmement séduisant... Plus que jamais en fait. Comme si je le voyais pour la première fois. Je me surpris à l'imaginer nu, avec ses ailes pour seuls vêtements... Et cela était plutôt alléchant. Je m'avançai et tendis une main pour caresser ses ailes argentées, triste quelque part, qu'il souhaite être commun.

- "Elles sont magnifiques et le symbole de tes choix. Tu ne dois pas les renier Freddie, elles font toute ta différence."

Finie l'Erika provocatrice, aguicheuse, je redevenais l'étudiante, sérieuse, intelligente, sensible. La vraie Erika en somme. Je cessai de caresser son aile pour passer une main dans ses cheveux ébouriffés, avant que mon regard ne descende sur son torse aux muscles finement dessinés. Je posai mes deux mains sur sa poitrine, résistant à l'envie de descendre plus bas. Je plongeai alors mon regard dans le sien.

- "Et ta différence me plait."

« La différence est parfois lourde a porter, Erika. »

Je murmurais sans vraiment la regarder, les yeux perdus sur les éclats argent de cette plume qui me narguait de par sa couleur. Je n’avais pas la blancheur si trompeuse des anges, ni les ténèbres si chaleureuses des démons. Quelque part, je trouvais cette couleur froide, indécise. Mes ailes frissonnèrent sous la légère caresse qu’elle leur prodigua. Je me doutais qu’elle serait presque admirative devant elles. C’était le cas de mon mentor lorsqu’il les avait vu. Il avait prit ça pour un signe de changement, moi, juste pour un poids de plus a porter. Trop de visons différentes qui s’entrechoquaient, se heurtaient.

Une de mes mains s’était glissée dans une poche de mon jean, l’autre faisait tourner entre ses doigts cette plume que je ne savais ni aimer, ni haïr. Je sentis la main d’Erika dans mes cheveux et j’eus un léger sourire un peu bancal, rien et tout dans un sourire tandis que mes yeux se détachaient de la plume pour se poser sur son visage. Vierge d’artifice, il en devenait magnifique, juste parce qu’il reflétait ce qu’elle était réellement, pas ce qu’il en avait fait.

Un frisson remonta le long de ma nuque lorsqu’elle posa ses paumes sur moi. Je sentais la chaleur de ses mains se répandre sur ma peau en vague délicieuse et je la laissais plonger dans l’océan azur de mes iris, insondable et agité. En cet instant, j’avais terriblement envie d’elle…

« Sais tu ce que j’ai voulu faire la première fois que je les ai vu ainsi ? Me les arracher, plumes après plumes…Elles me rappellent constamment ce que je fus et ne me permettent pas d’oublier. »

C’était ça, elles restaient là, symbole vivant de ce que j’avais été, de ce que je serais toujours en partie. J’avais choisis, oui, mais elles, elles n’oubliaient pas. J’aimais le regard qu’elle posait dessus, comme si, jusqu'à présent, je m’étais caché l’importance qu’il pouvait avoir pour moi.

Je ne savais pas ce qu’elle cherchait, c’est vrai, ni ce qu’elle attendait réellement de moi. Mais peut être qu’au fond, je m’en fichais. Je redessinais la rondeur de sa joue avec ma plume, toucher soyeux que démentait la couleur rude de ses fins fils.

« Garde la. »

Fis je en me saisissant d’une de ses mains pour déposer la plume sur sa paume avant de replier ses doigts dessus, puis mes doigts rampèrent doucement sur sa joue pour finir par s’enfouir dans ses cheveux. Je savais que c’était une idiotie et pourtant, je le fis quand même. Juste effleurer ses lèvres des miennes, dénuées de rouge a lèvre outrageant, juste douce de naturel.

« Qui sait, peut être qu’elle te portera chance. »

Ma bouche s’incurva légèrement, presque amusée alors qu’en fait, une tempête d’émotion m’envahissait.

J'étais attristée, vraiment, qu'il me réponde que la différence était lourde à porter. Bien sûr que cela devait être difficile, d'être regardé avec méfiance par tous les démons, avec haine par les anges. Ses ailes indiquaient qu'il n'appartenait plus à ces derniers, mais qu'il n'était pas totalement semblables aux démons qu'il avait décidé de rejoindre. Je comprenais son sentiment, mais j'aurais aimé qu'il soit fier de son courage et de ses convictions.

- "Tu as choisi toi même ta voie, il n'y a pas d'acte plus courageux."

Nous avions déjà parlé de ses choix, mais jamais de cette façon si intime, si vraie. Freddie me sembla soudain vulnérable, alors que je l'avais toujours connu nonchalant, de moquant des regards qu'on portait sur lui... Lui aussi portait-il un masque, comme moi? C'était bien possible, mais j'étais étrangement touchée de sa soudaine fragilité. Il ne me regardait pas, concentré sur sa plume argentée. Qu'importe, moi, je le regardais, et je n'en perdais pas une miette, ressentant soudain un violent désir pour lui. Désir que je n'avais plus ressenti depuis Gabriel. Je pensais qu'il avait tout détruit en moi, avais-je tort? Je le regardai de nouveau dans les yeux et son aveu me serra le coeur.

- "Tu as bien fait de résister à cette envie. Freddie, tu as décidé de lutter contre un destin qu'on t'a imposé pour suivre la voie qui te semblait juste. Tous ceux qui se méfient de toi ne sont que des idiots. J'ai confiance en toi, plus qu'en n'importe qui."

Aveu d'importance quand on savait comment j'avais été trahie par celui que j'aimais. Je frissonnai alors qu'il caressait ma joue de la plume si douce. Il me l'offrit alors et je le regardai, interdite, avant de la prendre entre mes doigts. Ses doigts glissèrent sur ma peau, puis dans mes cheveux, avant que ses lèvres n'effleurent les miennes, me laissant toute chose.

- "Ma chance, c'est toi."

Ma seule chance. De me venger de Gabriel. De me sentir appréciée, moins seule, soutenue. Oui Freddie était une chance pour moi, me permettant de voir la vie de façon moins terne. Qu'étais-je en train de faire? J'avais très envie de lui en cet instant, mais un dernier sursaut de peur m'empêcha de céder, alors que j'avais tout fait pour l'aguicher. Mes bras entourèrent son torse et je posai ma tête contre son épaule, en quête de sa chaleur, de sa protection, de lui tout simplement. Sans pour autant oser aller plus loin.

J’eus un léger sourire. Tout le monde me disait courageux. Mais le vrai courage n’était ce pas de suivre une voie que l’on vous a imposé ? Je ne savais pas si c’était réellement du courage ou de la lâcheté en fait. C’était une question qui revenait parfois me hanter. Avais je retourné ma veste par courage ou par lâcheté ?

Erika me touchait, physiquement et spirituellement. Parce que quelque part, nous étions semblable, obligé de porter une costume dont nous ne voulions pas réellement. Un bouclier pour nous protéger du reste du monde. Vision utopique qui s’enflamma sous le désir qu’elle faisait naitre en moi. Ce n’était pas la première fois, sans doute pas la dernière, mais j’avais assez de retenue pour ne pas lui sauter dessus, ni même lui faire des avances. Quoique…Lorsqu’elle était débarrassé de ses vêtements outrageants, de ce maquillage qui lui défigurait l’âme…Il devenait difficile de nier, d’ignorer.

« Suis-je pour autant plus admirable qu’un autre ? je ne sais pas Erika. Toujours est il que je ne reviendrais pas en arrière. »

J’aurais pu tenter de changer le court de la guerre de l’intérieur. Prendre des risques, jouer la taupe. Mais non, j’ai fuis. Alors oui, quelque part, c’était lâche, terriblement.

Elle avait confiance en moi. J’avais tout aussi confiance en elle. C’était ainsi, même si on ne le disait pas toujours, même si les mots restaient bien souvent en travers de nos gorges. Elle avait été cruellement blessée, bien plus que moi en vérité et je savais reconnaitre le cadeau qu’elle me faisait. Peut être est ce pour ça que je lui offrit ma plume….Mais pour le reste, je n’avais pas d’excuses.

Elle n’était pas prête. Cette pensée me frappa. Elle ne le serait peut être jamais, mais en cet instant précis, elle n’était pas prête a oublier ce pourquoi elle se jetait dans l’existence avec une telle fougue. Elle n’était pas prête a aimer a nouveau, ni même a se donner et peut être était ce là ce que j’avais essayé de lui prouver. Sans doute. Finalement, qu’elle se blottisse contre moi me suffisait pour l’instant. Mon soutiens, elle l’avait déjà. Mon amitié aussi…elle n’avait pas besoin du reste pour le moment. En étais je blessé ? Sans doute un peu, mais en même temps, rassuré quelque part. Mes bras l’entourèrent, une de mes mains perdue dans ses cheveux, mes ailes eurent ce réflexe idiot d’accompagner mes gestes, comme si elles devenaient malhabiles, comme si je ne pouvais pas les contrôler et c’était le cas par certain coté.

Je la tins contre moi durant un long moment. Des secondes, des minutes, je ne savais pas vraiment. J’ai aimé cet instant comme unique, précieux avant de le briser.

« La pizza va être froide…je n’aime pas la pizza froide. »

Petite moue boudeuse et regard pétillant. Je n’oublierais pas ces mots, ni ces instants, mais je ne voulais pas voir son regard s’assombrir d’ombre qui n’avait pas lieu d’être.

Je pense que jamais je n'oublierais cette soirée. Parce que ce soir, quelque chose avait changé. En bien ou en mal, je n'en avais aucune idée. Je ne cessais d'allumer Freddie, de chercher l'adoration dans son regard, le désir, et alors que je renonçais à le séduire pour ce soir, me contentant d'être moi, de parler de sujets sérieux, voilà que je me sentais attirée par lui, par sa gentillesse, par son écoute, mais aussi par son physique. Je l'avais toujours trouvé plutôt beau garçon, mais ce soir... Ce soir, je craquais tout simplement. Un éléctro-choc. Et alors que nos lèvres s'étaient effleurés, j'avais reculé. J'avais peur sans doute. Gabriel m'avait dévasté. Et si j'avais confiance en Freddie, je n'étais pas encore prête à sauter le pas. Pas comme ça, pas alors que j'étais si vulnérable, que je ne menais pas le jeu.

Je me contentai de me blottir contre lui. Mon ami. Mon seul ami. Mon seul allié. Mon désir de vengeance semblait plus puissant que ma capacité d'aimer de nouveau. Je ne cessais de me dire que Gabriel mort, je pourrais enfin vivre. Ou me laisser mourir, sans plus aucun but. La mélancolie ne cessait de me harceler, attendant que je relâche mon attention pour m'assaillir et me submerger.

Je sentis quelque chose me frôler et je relevai la tête pour voir ses ailes m'envelopper comme un cocon protecteur. J'eus soudainement envie de pleurer. Trop d'émotions enfouies qui menaçaient de jaillir. Non, je ne devais pas me laisser submerger. J'avais un plan très précis et Freddie en faisait partie. Je devais me servir de notre amitié pour arriver à mes fins. Mon seul objectif, c'était Gabriel.

J'eus un petit sourire en me décollant de lui, alors qu'il revenait à la pizza. Il rompit notre bulle de tendresse et je lui en étais presque reconnaissante. Autant que j'avais envie de le frapper pour ce sacrilège. Je m'essuyai les yeux, masquant mes larmes naissantes et sautant sur le canapé pour récupérer un nouveau morceau de pizza.

- "Tu as raison. Finissons vite. En plus, je suis crevée."

Retourner à ma solitude. Plus de Freddie. Juste moi, seule, avec mes démons. Avec mon ange démoniaque, ce poison dans mes veines. Je devisais de choses banales avec Freddie, mais le cœur n'y était plus. Il le sentit et finit par partir.

Me laissant seule.

Et là, je pleurai enfin.