Wilhelmina Joy Arlington

Wilhelmina est une enfant somme toute à la silhouette tout à fait normale, ni trop grosse, ni trop maigre, ni trop grande, ni ridiculement petite. En cela, elle n'a pas à avoir d'inquiétude quand aux remarques que pourraient faire d'autres enfants quand à son apparence générale. La jeune fille possède de long cheveux brun, se parant de chaud reflet cuivré sous le soleil. Elle tient ses jolies cheveux brun de son père là où son frère a hérité des cheveux très sombre de leur mère. Wilha a l'habitude de porter ses cheveux coiffés libre sur ses épaules mais, parfois, elle aime à les porter en deux couettes lâches lui tombant sur les épaules, pouvant tout aussi bien lui donner un air de studieuse écolière que de petit lutin espiègle. Ses traits tiennent encore dans leur dessin les rondeurs adorables de l'enfance, tout comme son nez et ses lèvres qui, bien qu'encore celle d'une enfant, semblent déjà augurer des ravages qu'elle provoqueront, par les sourires qu'elles dispenserons, dans les rangs, fragiles, de la gente masculine. Ses yeux d'un brun clair, son deux fenêtre sur son âme, pouvant exprimer avec toute l'intensité de l'enfance la joie, la tristesse, l'effronterie ou la colère.

Dire que Wilhelmina est une enfant de dix ans semble, déjà, pour la plus part des gens, décrire toute sa psychologie, ce qui n'est pas totalement faux. Quand on dit enfant de dix ans on se figure une jeune fille pleine de vie et de gaieté, un peu têtue aussi et certainement capricieuse. On pourrait même, par les temps qui court se figurer une enfant pourrie gâtée et on n'aurait là non plus pas complètement tort. On s'imagine tout aussi facilement la lèvre boudeuse qui s'avance quand elle est contrariée ou le tremblement, propre à émouvoir, lorsqu'elle est sur le point de fondre en larmes. On se doute aussi qu'une enfant comme elle n'a pas encore appris à cacher ses émotions à volonté. Les sautes d'humeurs qu'elle peut avoir sont aisément imaginable, et la voir passer de la joie sans réserve d'un rire simplement heureux, aux hauts cris d'une femme bafouée, flouée par son frère qui la taquine ou à l'indignation d'une enfant à qui l'on a refusé d'accéder à son caprice...
Oui tout cela on se le représente et c'était vrai, un peu, ça l'est encore plus ou moins mais elle n'est pas que cela. Elle n'est pas simplement une idée que se font les adultes des enfants de son âge. Elle est aussi d'une vive intelligence, intuitive dans la résolution de ses problèmes et inventives. Malgré les épreuves elle essaye de ne pas s'apitoyer sur son sort, elle a un frère géniale même s'il peut être lourd parfois à vouloir tout diriger, tout contrôler et puis leur oncle, bien que tomber du ciel, s'occupe bien d'eux. Elle l'aime bien son tonton Iago, même s'il a tendance à la prendre pour une gamine. Il lui a appris plein de chose, entre autre, sur la monte des chevaux. Elle en avait déjà fait mais avec lui elle trouve ça beaucoup plus amusant. Il lui a aussi appris à jouer aux échecs, jeux qu'elle trouve étrangement fascinant.

La jeune fille errait dans une forêt dense et sombre, arrachant aux griffes de ronce aux épines acérées ses vêtements et ses cheveux. Elle devait se battre pour chacun de ses pas, se battre pour simplement garder entier ses habits et éviter de s'arracher les cheveux à chaque fois qu'elle repoussait les ronces. La jeune fille ne se souvenait pas comment elle avait fait pour se perdre, ni comment elle était arrivée ici. Elle ne savait pas pourquoi cela lui semblait si important d'avancer, rebrousser chemin semblait tellement plus facile que continuer, mais elle avait la conviction que c'était pour le mieux et qu'il fallait qu'elle continu d'aller de l'avant. Une troué s'ouvrit brusquement devant la jeune fille, la faisant trébucher dans un espace vide pour se retrouver devant des gens indistinct, comme des ombres menaçantes. Un rêve ? La jeune fille ne se souvenait plus ce qu'elle devait faire, pourtant cela semblait si important. Oui, si important... Un rêve. Oui... Quelque chose n'allait pas, elle ne se sentait pas bien. Elle était si inconfortable. Si seulement elle pouvait se souvenir, elle pourrait se soulager d'un poids... Non, pas Ce rêve ! Me réveiller ! Vite ! La jeune fille se força à sortir de son rêve, à se réveiller, à se souvenir. Wilha. Elle s’appelait Wilhelmina Joy Arlington et il fallait qu'elle se réveille tout de suite c'était de la plus haute importance. La pensée commença à déchirer le voile de l'inconscience.
Wilha s'agita dans son sommeil, se retournant sur le côté avant d'ouvrir difficilement un oeil et de se remettre sur le dos. Pourquoi s'était-elle réveillée ?... Les yeux papillotant pour chasser les restes du sommeil, essayant de rassembler ses esprits, elle se redressa dans ses oreillers. Elle se souvenait, Ce rêve. Il fallait qu'elle se lève. La jeune fille s'extirpa tant bien que mal de ses draps, les repoussant brusquement, elle s'assit sur le bord de son lit glissant ses pieds menus dans ses pantoufles. La jeune fille lâcha un bâillement involontaire alors qu'elle se levait, jeta un coup d'oeil à son réveil, il était vraiment trop tôt pour se réveiller. Elle se dirigea vers le couloir et rata de quelque centimètre la porte et vint se cogner contre le chambranle, elle lâcha un couinement involontaire mais au moins elle avait repéré la porte cette fois. L'enfant se glissa dans le couloir et se dirigea vers la salle de bain pour régler le petit désagrément qui l'avait réveillée.
Tant qu'elle était levée, elle pouvait aussi aller pirater l'un des petits gâteaux qu'avait fait la cuisinière hier après-midi. La jeune fille au lieu de se diriger de nouveau vers sa chambre descendit les escaliers en chemise de nuit, sans vraiment chercher à ne pas faire de bruit. A mi-chemin de la cuisine, elle frissonna de froid, elle hésita un instant sur le palier du premier étage et se décida finalement pour y aller rapidement et revenir au plus vite. Arrivée dans la cuisine, Wilha ferma la porte derrière elle se retrouvant dans le noir complet elle tâtonna un instant avant de trouver l'interrupteur. Elle ferma les yeux au moment d'allumer la lumière et les rouvrit lentement, avant de se diriger vers le placard ou la cuisinière cachait les pâtisseries qu'elle faisait. La jeune fille attrapa ensuite un tabouret, pour atteindre la porte du placard, elle sortit le plateau de pâtisseries en choisie une et la mangea sur place avant de se lécher les doigts et de réarranger celles qu'il restait pour qu'on ne constate pas trop rapidement son forfait. L'enfant mis ensuite un soin méticuleux à remettre tout ce qu'elle avait dérangé à sa place. Elle se souvenait assez de la honte qu'elle avait eu d'être prise la dernière fois et elle en avait tiré un enseignement utile, ne pas se faire prendre, c'est tout ce qui comptait. Elle éteignit la lumière sans prendre la peine de fermer les yeux cette fois, et ouvrit prudemment la porte de la cuisine tendant l'oreille. Elle entendait les bruits caractéristiques de la maison la nuit mais aussi quelque chose d'autre, elle n'arrivait pas à dire quoi. La jeune fille ne perdit pas sa prudence malgré son étonnement, avançant sur la pointe des pieds n'ayant pas tellement envie de se faire surprendre alors qu'elle venait manifestement de la cuisine. Des bruits de pas précipités venant à sa rencontre la surprirent devant les marches et une silhouette sombre la percuta violemment l'envoyant voler en arrière et s'étaler face contre terre. L'inconscience la pris soudainement la protégeant de la douleur.

La suite est, encore maintenant, un peu confuse. Elle se souvient vaguement d'avoir ouvert un oeil dans les bras de quelqu'un. Pas longtemps juste le temps de voir au travers de ses paupières alourdies par la douleur la figure d'un homme en costume, de sentir au loin une odeur de brulée et d'être terrassée par une affreuse douleur à la tête, semblant naitre entre ses yeux. La renvoyant de nouveau à l'inconscience. Par contre, Wilha se souvient très bien ensuite de s'être réveillée, pour de bon cette fois, dans un lit d’hôpital. Ne comprenant pas ce qu'elle faisait là et sur le moment ne se souvenant pas comment elle y était arrivée la jeune fille avait senti une bouffé de panique la submerger, commençant déjà à ronger toutes pensées intelligentes qu'elle aurait pu vouloir formuler. La porte s'ouvrit presque à l'instant où elle allait laisser échapper un cri apeuré de détresse, livrant passage à son frère Ciel et à celui qui devait devenir leur oncle Iago.
Jusqu'à ce moment-là, la jeune fille ne savait pas que leur maison et leur parent avaient brulé dans un incendie criminel. Après… elle se souvient vaguement des questions que lui ont posées des inspecteurs de police, questions auxquelles elle a répondu de son mieux alors qu'elle avait l'impression de ne pas vraiment réussir à réfléchir. Elle se remémore un peu le moment où Iago et Ciel lui apprirent qu'Iago allait devenir leur tuteur légale mais pas de tellement plus de détail. Wilha ne s'était pas effondrée immédiatement en larme après qu'elle eut appris la nouvelle de la mort de ses parents, elle sembla d'abord trop secouée par la nouvelle pour vraiment la comprendre, c'était comme si on lui avait brusquement enlevé toute faculté de penser. Comme si toutes les émotions, toutes les sensations qu'elle ressentait, traversaient un cocon d'ouate pour lui arriver complètement atténuées, comme de simple fantôme de ce qu'elles étaient et que plus rien n'avait vraiment d'importance. Mais quand il n'y eu plus personne d’autre que son frère et son nouvel oncle cette bien heureuse armure sembla voler en éclat d'un seul coup, brisant le barrage qui retenait ses larmes, les laissant s'épancher, s’écouler de ses yeux sans qu'il sembla possible que cela s'arrêta un jour. Les larmes de Wilha étaient accompagnées de son de douleur inarticulé qui s'échappaient de sa bouche sans qu'elle n'ait ne serai-ce que l'envie de les étouffer.
A un moment il n'y a plus eu de larme et les quelques bruits qui continuaient à s'échapper de son corps étaient réduit à de discret soupir de douleur. Même ces quelques bruits finirent par se tarirent et finalement elle reposa silencieuse dans les bras de son frère.

Quelque jour après, elle sortit de l’hôpital, ses larmes s'étaient taries et elle se sentait comme extérieur à son propre corps et pourtant prisonnière de celui-ci, enchainée, loin, loin sous la surface comme si elle s'observait de l'intérieur, mettant en perspective la douleur, l'atténuant et la repoussant. Cela la laissa toute fois un peu... différente, distante, moins au fait de ce qu'il se passait autour d'elle. La jeune fille faisait tout mécaniquement, sans vraiment rien ressentir, sans vraiment y penser, comme si elle était devenue un automate. Cet état d’hébétude continu dura plusieurs jours. Personne n'arrivait vraiment à l'en sortir, ni à lui parler, c'était comme parler à un mur. Etre avec elle dans la même pièce c’était comme si vous aviez une statue bougeant, de temps en temps, et parlant quand on s'adressait à elle. Jusqu'au jour où quelques mots la sortirent brusquement de sa distante hébétude, de ce vide émotionnel, de son indifférence artificiel.

-Mademoiselle ? Vous êtes certaine de vouloir sortir ainsi ? Vous êtes certaine de n'avoir rien oublié?

Wilha se tourna mécaniquement vers Myriam sa femme de chambre, le regard un peu vide, l'air complètement hébété et un air d'incompréhension sur les traits. Cette figure-là, vide et pourtant pleine de curiosité, était plutôt étrange et un peu effrayante surtout peinte sur le visage d'une enfant. La jeune femme la fixa pourtant un sourire de tranquille sérénité sur les lèvres, sans arrière-pensée, juste pleine de sollicitude. La jeune femme fit un geste vers la mise de sa jeune maitresse comme si cela devait être une évidence pour Wilha. La jeune fille mis quelque seconde à comprendre et finalement baisser les yeux. L'enfant resta un moment sans vraiment donner un sens à ce qu’elle voyait puis petit à petit, une lumière de compréhension sembla s'allumer dans ses yeux et ceux-ci s'écarquillèrent en grand, semblant lui dévorer le visage et se remplir de nouveau de quelque chose de vivant, un peu honteux et gêné mais vivant. La jeune fille eu un violent frisson qui lui parcouru tout le corps des pieds à la tête comme si elle venait de prendre un seau d'eau froide sur la tête et lâcha un petit cri de surprise qui tenait plus du couinement que d'autre chose. Elle lâcha tout ce qu'elle tenait et se précipita en direction de sa chambre, pour régler le petit écart qu'elle avait commis lorsqu'elle s'était habillée.
Après cette épisode peu glorieux la jeune fille se convainquit que s'apitoyer sur son sort était une occupation dangereuse et d'une productivité très limitée. Elle fut aussi convaincue que ses parents n'auraient en aucun cas voulu que leur fille fasse quelque stupidité que ce soit au nom de son deuil. Aussi se força-t-elle à continuer sa vie de jeune fille de huit ans comme si ses parents étaient toujours présents et qu'elle voulait qu'il soit fier d'elle. La jeune fille laissa son nouvel oncle la convaincre de reprendre ses activités équestres et parfois celui-ci l'accompagnait ou l'emmenait en balade. Elle en vint rapidement à apprécier son nouvel oncle, et ça l'énervait beaucoup que son frère le traite en serviteur de façon si ouverte mais elle apprit à vivre avec les changements qui s'étaient opérés dans le comportement de son frère.
Il vint un jour où par pure curiosité, elle demanda à Iago de lui apprendre à jouer aux échecs. Elle n'avait pas vraiment de raison ou plutôt elle avait cru à un moment comprendre qu'il appréciait ce jeu et avait peut-être voulu comprendre en quoi il était intéressant ; ainsi quand il avait le temps ou l'envie son oncle entreprit de lui apprendre les échecs. Elle apprécia de plus en plus ces moments où ils jouaient tous les deux, elle trouvait ce jeu proprement fascinant et jouer contre son oncle était un défi tout à fait exaltant. Elle ne gagnait jamais et elle n'était pas, non plus, proche de le faire, loin s'en faut, elle ne réussissait pas à se concentrer tout au long de la partie, mais du moins eut-elle l'impression, au bout d'un moment, de ne plus être simplement une petite fille qu'il ne prenait pas au sérieux. De temps en temps il lui demandait de résoudre de petit problème, disant qu'ils avaient tous leur lot d'enseignement utile pour ce jeu.

Avec tout ça elle avait réappris à vivre dans le monde des vivants mais elle n'en était pas moins blessé et le fait que les gens ne cessaient de répéter qu'elle était une petite fille forte l'exaspérait et la rendait malheureuse. Ils avaient beau dire cela, elle tout ce qu'elle voulait parfois c'était simplement se rouler en boule dans un coin et qu'on lui fiche la paix ou simplement que sa mère vienne la bercer dans ses bras et qu'elle puisse se blottir contre elle comme elle le faisait parfois, avant, mais ce n'était plus possible maintenant et depuis un bout de temps.
C'était un de ces soirs où elle avait simplement envie de se laisser aller à pleurer tout son saoul et où elle se retenait par pure fierté. Son frère s'était énervé contre elle, sans raison apparente, alors qu'elle voulait juste lui parler, simplement parler avec son frère, la seule famille qui lui restait mais lui, soit il ne l'écoutait pas, soit il la rabrouait sans ménagement. De temps en temps, ça lui suffisait de simplement lui parler sans que cela porte à conséquence parce qu'il ne faisait pas du tout attention à ce qu'elle disait mais ce soir-là elle avait besoin qu'il soit un minimum attentif. Tout ce qu'elle avait obtenu de lui était des éclats de voix où ils se balançaient des insultes à la figure. Elle était finalement retournée dans sa chambre et avait claqué la porte en ruminant sa rancœur. La jeune fille avait écarté du pied ses cahiers et les livres d'écoles qui étaient sur son chemin pour s’abattre comme une masse sur son lit et hurler tout son saoul dans son oreiller ce qui lui fit un peu de bien. Des larmes s'échappèrent de ses yeux sans qu'elle ne puisse les retenir. Les essuyant frénétiquement, elle roula sur le côté pour sortir de son lit et se dirigea vers son balcon. Wilha ouvrit la fenêtre sur le paisible ciel nocturne laissant son regard se perdre dans le parc de la propriété, essayant vaguement de se calmer et d'empêcher les larmes qui lui brulaient les yeux, prêtes à jaillir, de rouler sur ses joues. La jeune fille laissa échapper un soupire exaspéré et se tourna vers sa porte qu'elle n'avait pas fermée à clef, quelqu'un allait forcément venir pour savoir le pourquoi des éclats de voix. Elle n'avait pas très envie qu'on la dérange pour le moment. Elle se força donc à retourner à la porte pour la fermer à clef, elle la rouvrirait plus tard. La jeune fille pris la clef avec elle et la jeta sur son bureau avant de récupérer son pyjama et de se déshabiller pour se changer. Alors qu'elle avait récupéré un livre qu'elle avait laissé trainer par terre, elle trébucha sur le plateau de jeu d'échec que lui avait offert son oncle, les pièces toujours dans la position où elle les avait laissées pour étudier la situation donné par son oncle. Wilha avait cru entrevoir une solution. Elle jeta son livre sur son lit, fixant son attention sur le jeu mais au bout d'un instant elle secoua la tête. Elle ne retrouvait pas ce qu'elle avait cru comprendre. Soupirant, l'enfant ramassa les cahiers et livres de cour qu'elle avait éparpillé plus tôt, pendant qu'elle travaillait, pour les remettre sur son bureau. Alors qu'elle se retournait de nouveau face à sa chambre elle tomba en arrêt devant une jeune femme, très belle, auréolée d'une étrange aura, un peu comme celle de son oncle d'ailleurs. La jeune femme avait les cheveux de la couleur d'une nuit sans lune et des yeux d’un vert tendre, une sorte de nuance époustouflante se rapprochant d’un jade très claire, totalement hypnotisant. Ce n'était pas tant la simple description physique de cette femme qui devait faire sa beauté mais l'harmonie de ce qui se dégageait de son corps comme pour la statue d'un maitre sculpteur qui aurait pris vie, et l'aura de douce assurance qui émanait d'elle n'était pas non plus étrangère à la beauté de l'apparition. Celle-ci regardait la jeune fille un air plein de chaleureuse sollicitude légèrement amusée. Wilha secoua la tête un peu hébétée, un peu confuse.

-Comment êtes-vous arrivé là ? Demanda-t-elle au bout d'un instant se concentrant pour ne pas bégayer et avoir une voix ferme.
-En volant, répondit-elle simplement.

Alors qu'elle répondait laconiquement à la question de la jeune fille, elle secoua ses ailes comme pour en remettre en place les plumes, sous la lumière crue de la lampe de la chambre de Wilha celles-ci semblaient briller de leur lumière propre de même que la jeune céleste. Celle-ci ramena ses ailes dans son dos et elles semblèrent se résorber pour finalement disparaître dans le dos de la jeune femme. Devant l'expression de totale confusion de la jeune fille, l'ange éclata d'un rire doux et simplement amusé. L'ange réussi finalement à apaiser le trouble de la jeune fille et assez rapidement elles se parlaient comme si elles s'étaient toujours connues. Wilha faisait la plus part de la conversation, l'ange se contentant de poser des questions et de faire des remarques qui laissait entendre qu'elle avait bien des histoires à raconter mais plutôt comme si les siennes avaient, même pour elle, moins d'importance que celles de l'enfant. Durant leur conversion, toutes deux assise en tailleurs sur le lit de Wilha, la jeune fille pleura doucement à l'évocation de ses parents et bercée par les mots de réconfort d'Azraëlle ou riait avec elle alors qu'elle racontait une anecdote particulièrement amusante des farces qu'elle avait joué à certain des serviteurs. A un moment l'ange se leva, excusant, en disant qu'elle ne pouvait plus rester, qu'elle avait elle aussi du travail et qu'elle ne pouvait pas garder éveillée une jeune fille qui devait aller à l'école le lendemain.

-Tu reviendras Azie ? Demanda l'enfant pleine d’espoir.
-Si tu le veux, répondit doucement l'ange à moitié tournée vers la fenêtre toujours ouverte.
-Quand tu veux, fit Wilha presque immédiatement.

L'ange sembla réfléchir un instant et à ce moment la lumière de la lampe sembla couler autour d'elle comme un manteau dont elle se serait drapée. L'effet était époustouflant et la jeune fille eu l'impression de rater un battement de coeur devant la beauté de l'ange. La céleste semblait savoir se placer par rapport à la lumière pour que celle-ci la sublime ou l'entoure simplement comme si elle pouvait en jouer pour s'habiller ou se découvrir à dessein. Elle secoua finalement la tête, l'air désolé.

-Je ne sais pas quand je pourrai revenir mais j’essaierai de revenir dès que possible, précisa-t-elle avec entrain. Oh ! Si tu pouvais éviter de parler de nos conversations à qui que ce soit ce serait sympa, ajouta l’ange comme si ça n’avait pas tellement d’importance.

La jeune fille secoua la tête avec vigueur un air de pur ravissement éclairant ses traits juvéniles. L’ange ne revint pas le jour d’après ni le suivant mais revint le surlendemain. La conversation sembla reprendre comme si rien ne s’était passé, l’enfant et l’ange assises en tailleurs sur le lit à discuter comme deux amies de longue date.
Ce manège dura presque un mois, la jeune fille se demandant toujours ce qu’était l’aura si semblable à celle de son oncle qu’elle voyait autour de l’ange chaque fois qu’elle la revoyait mais semblant oublier après quelque minute en compagnie de celle-ci. La céleste et l’enfant discutaient de tout et de rien, de la famille de la jeune fille avec une nette préférence pour l’oncle Iago mais de temps en temps l’ange jouait aux échecs avec Wilha, lui donnait des conseils ou des pistes pour résoudre les problèmes que posait Iago à sa nièce.
Un soir, alors que la jeune fille parlait de ses parents, celle-ci commença à pleurer de façon incontrôlable d’abord silencieusement mais quand la céleste vint s’assoir à côté d’elle et l’attira dans son giron lui murmurant des paroles de réconfort, les larmes de la jeune fille coulèrent simplement de plus belle. L’enfant murmurait des excuses, entre deux soupir larmoyant, s’excusant notamment des dégâts qu’elle causait aux habits de la céleste qui se contentait de lui caresser tendrement les cheveux un sourire chaleureux dans la voix et des paroles réconfortantes sur les lèvres. L’ange embrassa doucement le front de l’enfant et au bout d’un moment l’obligea à aller se coucher s’excusant gentiment de l’avoir fait pleurer. La céleste borda la jeune humaine en la priant de lui pardonner de l’avoir obligée à parler de chose douloureuse. Elle dégagea tendrement une mèche de la figure de l’enfant, avant de déposer un baiser sur sa joue comme l’aurait fait une mère puis elle prit son envol depuis le balcon étendant largement ses ailes sans se retourner.
Le lendemain Wilha n’ouvrit les yeux pour personne. Elle était réveillée mais elle ne pouvait ouvrir les yeux. La jeune fille entendait vaguement ce qui se passait autour d’elle. Elle sentit son frère ou son oncle, peut-être, la secouer pour la réveiller mais rien y faisait, elle avait beau essayer de bouger quelque muscle que ce soit c’était comme s’ils étaient en coton, sans force, impossible à bouger.
Wilha ne sait pas comment, cette état d’impotence est passé, elle n’avait aucune idée du temps qu’elle avait passé ainsi avant que son frère ne le lui dise. La jeune fille se souvient par contre très bien de la panique maladive qui l’avait saisie noyant toutes autres pensées dans un océan de terreur qui lui parut sans fin, si immense et si vorace qu’il ne devait jamais vouloir refluer. Toutefois, la terreur s’évanouie d’elle-même la laissant simplement comme pantelante au milieu d’un vide. Elle n’avait plus aucune pensée, il ne subsistait qu’un calme absolu, la simple tranquillité d’une sorte de néant. Toutefois, l’ennui pointa son nez petit à petit. Elle essaya vaguement de se raconter des histoires, d’inventer un jeu, n’importe quoi pour tromper l’ennui, pour finalement jouer une partie d’échec sans fin contre son oncle. Au début elle n’arrivait pas à garder un jeu où les pièces restaient à leur place puis tout doucement chaque coup restait gravé un peu plus longtemps dans son esprit lui permettant de revenir en arrière à chaque fois qu’elle estimait qu’elle faisait faire à son oncle des erreurs stupides.
A un moment, elle s’endormit rêvant de chose et d’autre, d’ange et de pièce d’échec apparaissant et disparaissant, d’un plateau d’échec se transformant au fil du jeu des cases tout aussi insaisissable que les pièces. Puis elle se réveilla de nouveau, et bougea le bras pour chasser un poids gênant qui pesait dessus. Ses yeux clignèrent un moment avant qu’elle ne réalise qu’elle avait finalement retrouvé toutes ses capacités motrices. Elle se redressa brusquement, surprenant son oncle, le mouvement la renvoyant dans ses oreillers la tête tournant follement et une affreuse envie de vomir remontant le long de sa gorge. Son oncle voulut la forcer à se reposer mais elle n’avait aucunement le désir de se rendormir ayant trop peur de, de nouveau, ne plus pouvoir se réveiller complètement.

La jeune fille aurait surement apprécié qu’il ne lui arrive plus rien de trop dérangeant, qu’il ne lui arrive rien qui soit du même ordre que perdre ses deux parents dans un incendie ou que se faire empoisonner par une ange. Il est vrai que seul son inconscient à fait le rapprochement entre son état de catatonie et l’ange et elle a même était quelque peu blessé de ne pas revoir l’ange après cette incident. Toutefois, elle aurait surement grandement apprécié de ne plus se retrouver dans ce genre de situation mais il faut croire que les partenaires de son oncle Iago n’étaient pas du même avis. Ils avaient, il est vrai, des opinions à défendre mais elle aurait préféré qu’ils les défendent autrement. La première personne à laquelle a pensé son oncle quand il a découvert la disparition de sa jeune nièce fut l’ange, Azrëlle, qui, étrangement, n’y était pour rien. Elle a même donné de sa personne pour sauver l’enfant. Avec la suite des évènements on est en droit de se demander si la seule raison de la visite d’Iago à Azraëlle était vraiment dans le but de la sauver… mais ceci n’est pas ce qui nous intéresse. Le plus intéressant c’est de savoir que Wilhelmina Joy Arlington a décidé qu’il serait peut-être temps d’arrêter d’atermoyer quant à la question réellement important de ce qu’est réellement son chère oncle qui possède la même… « Aura » qu’un ange.
Ami, attention, car Wilha ne veut plus qu’on la prenne pour une truffe, ça lui allait très bien avant parce que c’était plus facile mais maintenant elle aimerait bien comprendre pourquoi c’est toujours pour sa pomme.