I'm right where I want to be [PV Liam]

Un mariage.

Ça faisait un mois et demi qu'il me l'avait demandée d'une manière très conventionnelle. Tellement conventionnelle que ça m'avait fait tomber dans les pommes quand j'avais compris qu'il était sincère. Bon, d'accord, s'il me l'avait VRAIMENT demandé de manière conventionnelle, ça aurait sans doute été encore pire, mais je ne l'imaginais franchement pas un genou à terre, me tendant un énorme diamant serti sur un anneau. De toute façon, je ne l'imaginais pas faire une demande en mariage. De quelque nature que ce soit.

Et il en avait fait une, à moi. Moi, la petite étudiante surexcitée tellement puérile. Tout le monde lui soupirait après et c'était MOI qu'il avait choisi ! Mon cœur se gonflait de fierté à en exploser - et puis ensuite j'avais imaginé tout ce qui pouvait mal tourner.

J'avais à nouveau sombré dans mes vieux démons. Alice devait encore se souvenir de la fois où je l'avais appelée en larmes à trois heures du matin en lui affirmant que tout cela n'était qu'un vaste complot monté par mon père qui avait payé Liam pour me promettre monts et merveilles afin que la chute soit plus rude encore quand il me laisserait tomber. C'était crédible après tout, mon père était un riche industriel japonais tandis que Liam n'avait que son salaire de prof ! Les cauchemars d'une femme enceinte sont bien plus effrayants et réalistes que ceux d'une adolescente hyperactive, je peux vous le garantir. Alice avait mis une heure et demi à me consoler et me convaincre de mon idiotie.

Je n'avais jamais confié mes craintes à Liam. Je lui faisais confiance, vraiment, c'était en moi, maintenant, que je n'avais plus confiance. Je craignais de le lasser avec mes peurs alors je ne disais rien, laissant ma joie éclater quand j'étais avec lui pour retourner ensuite étaler les mille et une raisons qui pouvaient faire que tout s'annulerait auprès de Kieran et Alice. Hum... Seulement Alice en réalité. Kieran m'avait passé un tel savon quand il avait entendu mon illogisme que je n'osais plus tellement lui en parler. J'arrivais encore à discerner les problèmes raisonnables de ceux que je n'aurais pas dû avoir, aussi avais-je plutôt tendance à lui évoquer la détestation farouche de ma mère à l'égard de son futur beau-fils, et les difficultés que j'avais à accepter sa liaison avec Lyam Austec, le fait qu'elle vive enfin pour quelqu'un d'autre que moi. Nous étions toutes les deux jalouses, au fond. Je me fichais qu'elle sorte avec mon professeur, ça n'avait été qu'un prétexte, finalement.

Et maintenant, j'étais sur les dents encore plus que d'habitude en attendant les résultat du test ADN que nous avions fait avec Sasha. Je n'arrivais plus vraiment à faire bonne figure devant lui. Le stress de ce mariage, des relations de ma mère - avec moi, mon fiancé, ou son petit ami - ajouté à une potentielle demi-sœur, c'était trop pour moi. Seulement que pouvais-je lui dire ? Je ne voulais surtout pas lui avouer à quel point ce mariage m'effrayait, je ne voulais pas qu'il pense que je n'en avais pas envie, parce que ce n'était pas le cas. Il était au cœur des problèmes avec ma mère et je n'avais pas envie d'en parler avec lui, quant à Sasha... Je ne voyais pas vraiment comment lui annoncer une telle nouvelle, ni comment il pourrait m'aider. Il n'y avait rien d'autre à faire que d'attendre les résultats.

J'avais fait quelque chose que je n'aurais pas du, mais ça n'était jamais arrivé depuis le début de l'année et j'avais besoin de ça. Besoin de lui, besoin qu'il me fasse tout oublier. Alors à la fin de notre dernier cours, j'avais traîné dans sa classe au lieu de partir et de le retrouver chez lui, plus tard, comme à notre habitude. Et lorsque nous fûmes seuls, je lui sortis tout de go :

- J'veux pas rentrer chez toi, Liam. Emmène-moi quelque part pour me changer les idées, s'il te plaît. Comme la dernière fois à la plage !

Regard de biche innocente et sourire de petite fille enjouée, il ne pourrait pas y résister. Je savais qu'il aimait mes élans soudains de gaminerie. Non ?

Elle n'allait pas bien.

C'était un constat que je faisais chaque jour, elle pleurait parfois sans raison. Me rejettait sans raison. Riait parfois comme si de rien n'était. je ne disais rien mais je n'en pensais pas moins. Elle n'allait pas bien. La nouvelle de la liaison de sa mère avec Lyam l'avait plus bouleversée que je ne l'aurais cru et pourtant, j'avais tenté de la raisonner. Sa mère avait le droit de refaire sa vie, elle m'avait moi, sa mère avait Lyam...Mais il fallait croire que cela ne suffisait pas, elle cauchemardait la nuit, je le savais, même si nous ne passions pas toutes nos nuits ensemble. Elle dormait mal, se nourrissait mal...

Elle ne me disait pas tout, je le savais et je m'étais retenu plus d'une fois de retenir Alice a la fin des cours pour la questionner. Blake ne pouvait résister a l'envie de s'épancher mais ce n'était pas sur moi qu'elle le faisait.

Je repliais mon cahier de note, levant soudainement les yeux sur Blake, Blake lasse, fatiguée. la grossesse semblait la vider de toute énergie et pourtant, elle en avait a revendre. Je ne savais pas ce qui la minait, ma demande en mariage ? J'en doutais et pourtant, je me demandais si elle n'allait pas revenir sur son oui. Je le redoutais. Je ne savais pas si je serais capable d'attendre encore qu'elle cesse de tergiverser, qu'elle cesse de douter, de moi, d'elle, des autres. Elle n'était qu'une enfant fragile, mais une enfant que j'aimais comme une femme, telle une femme entière et magnifique.

Je fermai mon sac avant de m'approcher doucement d'elle, de glisser ma paume sur sa nuque alors qu'elle venait de me demander la plage...Je plongeai dans ses yeux, m'approchant doucement d'elle la surplombant de ma taille qu'elle n'avait plus a craindre...

"Arrêtes de me regarder comme ça."

soufflais je doucement, le bleu de mes prunelles vacillant sous ce qu'elle pouvait éveiller en moi. Le désir, l'amour, la tendresse ou la protection, c'était un mélange explosif...

"Entendu."

Je l'embrassai doucement avant de prendre sa main, de l’emmener au parking, de lui ouvrir la portière...Mais ce n'était pas a la plage que je l'emmenais. Non. Je partis en direction de l'écosse. Je voulais qu'elle m'épouse et parfois, je me faisais peur a songer que je l'obligerais a le faire. Non pas pour le bébé qui grandissait dans son ventre, mais pour être sur qu'elle serait toujours a moi. J'étais bien trop possessif avec elle, je m'en rendais compte mais je n'étais pas capable de brider mes élans en ce qui la concernait.

Alors quand je me garai devant une auberge atypique, quelque heures plus tard, elle savait déjà que nous n'étions pas a la plage...

"Je veux que tu sois a moi...tellement que parfois, j'ai peur de ma propre folie..."

murmurais je en levant les yeux vers les lumières vertes pâles de l'enseigne écossaise....

Je poussai un petit soupir lorsque sa main se glissa sur ma nuque. J'avais besoin qu'il me rassure. J'avais conscience d'être trop exigeante, comment pouvait-il me rassurer alors qu'il ne savait même pas que j'avais des problèmes, qu'il ne connaissait même pas la source de mon stress ? Je ne lui avais pas parlé de Sasha, ni de mes craintes concernant le mariage, ni de rien du tout. Tout ce qu'il voyait était que je n'étais pas bien et au fond, il pouvait tout aussi bien mettre ça sur le compte de mes émotions exacerbées par la grossesse.

Je baissai rapidement les yeux, incapable de vraiment savoir comment le regarder, finalement. Pour qu'il ne voie pas l'inquiétude dans mes yeux ? Je n'y arriverais pas, j'étais trop entière, trop naturelle, alors autant ne pas le regarder. C'était plus prudent, même si ce ne serait sans doute pas fait pour le rassurer non plus. Je n'y pouvais rien, je n'arrivais pas encore à me confier à lui mais j'étais tout simplement incapable de lui mentir. Il valait sans doute mieux, d'ailleurs, ou je n'aurais pas arrêté, et c'était une habitude tout à fait détestable. Au fond, j'étais contente de ne pas savoir mentir.

Il m'entraîna jusqu'au parking alors qu'un sourire s'éveillait sur mes lèvres. Peu importait où il m'emmènerait, je savais que ça me consolerait, que me ferait au moins pour un temps oublier cet imbroglio qu'était devenu ma vie, si banale il y avait un an. Je ne fis même pas attention aux gens qui auraient pu nous voir, épuisée de devoir sans cesse nous dissimuler. A l'instant t, je n'en avais plus rien à faire, alors qu'il était de plus en plus important que Liam conserve son emploi avec notre enfant à venir. Mais j'étais incapable de m'en préoccuper maintenant.

Je crois que je me suis endormie dans la voiture, alors que le trajet était si long, même pas curieuse de savoir où il m'emmenait alors qu'il était évident qu'il ne roulait pas au hasard. Je lui faisais confiance. On allait passer une soirée romantique qui me ferait tout oublier, ça pouvait bien être à l'autre bout du monde et pour l'éternité que je m'en moquais. J'émergeai doucement alors que le moteur s'éteignait et clignai des paupières gonflées de sommeil et tournant ma tête ébouriffée vers lui.

- Moi, je veux bien être à toi, murmurai-je, ne me rendant même pas compte de la portée de mes mots, de ce que je scellais. Pourquoi ce serait de la folie, après tout ? Puisqu'on s'aime. C'est normal.

Je regardai autour de moi, essayant tant bien que mal de me réveiller.

- On est où, dis ?

"En Ecosse."

Répondis je doucement, quittant l'enseigne des yeux pour les poser sur son visage ensommeillé. Elle était belle ainsi, encore parée des brumes du sommeil, alanguie contre le siège passager, le regard embrumé. Tellement belle que mon coeur se serra violemment. Parfois, je me traitais de fou. D'idiot. Mais a aucun moment je n'ai regretté mes actes ou mes mots.

D'une main un peu hésitante, je caressai son ventre légèrement rebondi. Ce bébé n'était pas prévu mais je savais déjà qu'il serait aimé comme jamais aucun autre. Il m'avait fallut me battre pour gagner le droit d'être son père, mais je n'avais aucun regret, absolument aucun. Pas lorsque je la regardais.

"L'Ecosse permet le mariage avant la majorité, sans consentement des parents..."

Indiquai je d'un murmure avant de plonger dans l'immense lac qu'était ces yeux vert. Je savais qu'elle risquait d'avoir peur peut être, je la brusquai, j'en avais conscience, mais j'étais incapable de faire autrement.

"Epouses moi Blake. Maintenant."

parce que j'avais besoin de la savoir a moi. Rien qu'a moi. J'avais acheté les alliances voilà quelques jours, en prévision de notre mariage, mais je n'avais jamais pensé qu'il se ferait en Ecosse. En cachette. En secret. Je savais qu'elle serait déçue d'une certaine manière aussi me fis je la promesse de lui organiser un véritable mariage lorsqu'elle serait majeure. Avec ses amis, les miens, une robe magnifique qui ferait d'elle une déesse parmi les femmes.

"Plus tard, lorsque la loi ne nous l'autorisera, je t'offrirai le mariage que tu mérite, c'est une promesse que je tiendrais, tu le sais..Mais je veux que notre enfant naisse dans un foyer, je veux que tu porte mon nom, même si tu ne pourras pas le clamer sur tout les toits. Je veux pouvoir regarder ta main et y voir un anneau d'or qui te proclame a moi. Rien qu'a moi."

En Écosse ? Pourquoi en Écosse ? Rien ne nous rattachait à ce pays. J'étais purement anglaise - bon, un peu japonaise, mais il savait que je reniais totalement ce côté de mon héritage - il l'était aussi, au mieux avait des racines irlandaises, mais autant que je sache, il n'avait rien à voir avec l’Écosse. Je le regardai, une expression sceptique sur le visage accentuée par la brume de sommeil qui embrouillait encore mes pensées. Pourquoi donc m'avait-il emmené dans un pays brumeux, triste et plein de fantômes ? C'était dangereux, les fantômes. A cette pensée quelque peu irrationnelle, j'eus le réflexe de poser ma main sur mon ventre en un geste protecteur, comme si un spectre se tenait là à deux pas et me fixait avec l'envie évidente de s'en prendre à mon bébé. La fatigue, ça ne me réussissait pas.

- Oh, c'est bizarre. Il y a beaucoup de pays qui font ça ?

Non, non, je n'avais pas compris ce que ça impliquait. Mais en revanche, mes yeux bouffis de sommeil s'agrandirent tout rond et je me redressai, bel et bien réveillée, quand il me... somma de l'épouser.

Et le premier mot qui m'échappa, sans que j'eusse seulement le loisir d'y réfléchir, fut un :

- Non !

Jeté avec un regard de frayeur qui en ancrait la conviction. Non ! Je ne pouvais pas l'épouser ! Ma mère n'était pas d'accord, mes amis n'étaient pas là, il était mon professeur, et puis que signifierait ce mariage des plus illégaux ? Serions-nous toujours officiellement mariés de retour en Angleterre ? Ça ne voulait rien dire, ce ne seraient que des mots. Je ne voulais pas de ça.

Et puis j'étais terrifiée à l'idée de devoir me lier à lui là, tout de suite. Je n'avais pas eu le temps d'y réfléchir. De m'y préparer. D'aucuns m'auraient dit que depuis sa demande, j'aurais eu tout le temps de faire ça, mais nous n'en avions pas reparlé, jamais, et peu à peu cette réalité terrifiante s'était muée en un rêve, effrayant, mais très lointain. On avait tout le temps.

Et voilà que je devais l'épouser tout de suite ?

J'écoutai son discours. Je le comprenais. Je l'approuvais... en partie. Mais je ne pouvais pas.

- Je ne porterai pas d'alliance, Liam. Je ne pourrai pas. Et quand bien même je pourrais, il ne proclamera rien du tout, parce qu'on devra se cacher, encore et encore et encore. A quoi bon se marier si personne ne le sait ? A quoi bon se promettre d'être à l'autre si on ne peut même pas l'affirmer ? Les imbéciles du lycée, elles ne sauront pas que tu es à moi... Et j'aurai une bonne raison de plus de le leur crier, et je ne pourrai même pas le faire. Comme d'habitude.

A cet instant précis, j'avais terriblement besoin de Kieran. Quelqu'un de solide, avec la tête sur les épaules, qui saurait me guider pour ma décision.

- J'ai trop peur pour ça.