Liam Hartwood| U.C

Je ne supporte pas le bruit. Surement un vieux souvenir, sans doute même. A chaque fois c’est la même chose, je ne peux pas m’empêcher de la caresser. Elle est discrète, c’est vrai, elle ne détruit pas l’harmonie de mes traits, sans doute même qu’elle rehausse ce coté ténébreux dont sont folles les minettes pré-pubères. Oui, elles doivent s’imaginer tout et n’importe quoi a son sujet. Ce n’est pourtant qu’une cicatrice, une banale cicatrice qui se creuse lorsque je souris trop franchement, chose plutôt rare. A l’époque, le médecin qui m’a soigné a fait des miracles et maintenant, ce n’est plus qu’un fin fil pâle qui me barre la joue. Bizarrement, elle fait ressortir l’éclat profond de mes yeux. Un bleus qui vire presque au violet, ourlé de grands cils, fournis, a tel point que certaines de mes maitresses sen sont dit jalouses. Vraiment ? Idiotie. Finalement, le silence revient et je soupire presque lourdement, la classe est vide et durant quelques instants, on peut voir mon visage apaisé, comme il est rare de le voir ainsi, le plus souvent, ce n’est qu’un masque immuable qui ne sait que se peindre d’ironie ou de sarcasme. D’autorité aussi ou d’indifférence. Au premier abord, je ne suis pas abordable, au second non plus de toute manière. Ma taille avoisine les 1m90, de ma jeunesse, j’ai gardé élasticité et souplesse. Quelques heures parfois dans une salle de sport lorsque je m’ennuie m’ont permis de conserver un corps jeune et en pleine forme. Il parait même que je suis « canon », dixit une petite imbécile de seconde. Ca me fait rire. Le bon vieux mythe du grand ténébreux revu et corrigé par des hormones femelles en pleine croissance, mais plus rien ne m’étonne vraiment. Quoique…peut être cette lettre dégoulinante de sentiments mielleux reçue l’année dernière ?

Il est toujours difficile de se décrire en profondeur. On se ment a sois même comme l’on ment aux autres, alors dans ce cas, comment savoir qui l’on est réellement. A vrai dire, ce genre de question métaphysique ne m’a jamais empêcher de dormir. Je suis froid, indifférent, cynique, ironique mais disons qu’il est plus facile d’être ainsi que gentil, doux, a l’écoute. Non moi, je préfère qu’on me laisse tranquille, je vis sans rien devoir a personne, sans rien demander a personne. Je n’ai pas de dette et personne n’en a envers moi. Je suis a part dirons nous, mais il m’arrive de pousser des gueulantes sévères, c’est vrai, même si il est extrêment difficile de percer ma carapace avec assez de force pour me faire sortir de mes gonds. Je dirais bien que c’est impossible, mais ce mot est trop extrême pour être vrai dans un sens. J’ai été turbulent, violent, hargneux et haineux, maintenant, l’âge m’a calmé, la maturité dirait certain, je n’en suis pas si sur. J’ai juste voulu construire ma vie comme je le voulais et ne pas laisser les événements décider pour moi. En cela, j’ai développé une certaine autorité et je suis difficilement impressionnable ce qui déstabilise un peu les petites frappes du lycée où je travaille, évidemment, je ne suis pas une petite prof débutante qui tremble en mouillant sa culotte devant une bande de jeunes se prenant pour des hommes, sans doute étais je un peu comme ça dans le passé. C’est sur même. En vérité, il est plus facile d’être détesté que de souffrir non ? du moins, un psy dirait sans doute ça de moi. Pourtant, ma faiblesse peut se voir lors de mes cours, spécialement de théâtre. Même si j’ai accepté a reculons, j’aime réellement ça, un reste de mes ambitions enfantines de devenir acteur, mais disons le franchement, je n’avais pas la hargne nécessaire pour ça.

Il pleuvait a torrent lorsque je suis né. Un jour pluvieux du mois de Novembre dans le quartier sud de Londres. J’étais le quatrième, les pompiers n’ont pas eu le temps de conduire ma mère a l’hopital, je suis né sur le carrelage froid de la cuisine, entre une chaise de paille et une table de bois. Devrais je dire que c’était un bon présage ? Je ne suis pas sur. Quatrième garçon, entouré de trois frères plus âgés, je ne fus cependant pas le seul. Avec moi naquit un jumeau qui ne vécu que quelque heures. Du moins, c’est ce que l’ont m’a dit. Il éxiste une vieille croyance qui dis qu’un jumeau prends toujours la vie du plus faible. Alors quelque part, n’avais je pas tué mon frère ? Croyance idiote.

Ma famille n’avait rien de riche ou d’aisé. On devait souvent se débrouiller seuls mes frères et moi, mais tout petit déjà, j’étais a l’écart, silencieux, trop silencieux. Durant mes premières années, la plus grande crainte de mes parents était que je sois handicapé. Seulement, je ne l’étais pas, je n’avais juste pas envie de parler, pas envie de vivre dans ce monde qui ne me semblait pas mien. Solitaire, presque muet, je lassais vite mes frères qui, au final, ne cherchèrent plus le contact avec moi. Je pouvais être raillé, bousculé, chahuté, ils n’obtenaient aucun pleur, aucun cri. Un instituteur osa même prononcer le mot « autisme » devant mes parents. Quel imbécile. Je n’étais pas plus attardé ou malade qu’un autre, juste que j’étais ainsi. Ils n’ont jamais comprit. Plus tard, lorsque je fus assez grand, je rendis coup sur coup a mes frères, trop violent, trop brutal, j’envoyais Sam a l’hôpital. J’avais10 ans, lui seulement 11. Je crois que c’est la première fois que je vis la peur dans les yeux de ma mère. Une peur étrange, terrible pour son plus jeune fils. Je n’ai que des souvenirs flous de cette époque, mais je me souviens de leur discussion la nuit, lorsqu’ils pensaient que je dormais. Deux jours après cet incident, je fus envoyé chez mon oncle maternel, en Irlande, a Dublin plus précisément. Il avait la main leste et l’alcool facile. Sans doute ma mère pensait elle qu’il pourrait me dresser, elle qui me qualifiait de sauvage.

Elle fit un mauvais calcul.

Je plongeais dans la spirale de l’argent facile, de la délinquance dirait certain. Mais c’était un chemin tout tracé pour moi a cette époque. Je haissais mon oncle et sa maison puant la sueur et la vinasse. J’y restais le moins souvent, trouvant toujours a dormir a droit ou a gauche. J’étais déjà grand pour mon âge, ma scolarité était plus que chaotique. J’y allais lorsque j’en avais envie, me moquant de ces discours sur l’avenir que l’on me servait. Mon monde, c’était la rue, ces dalles crasseuses, ses murs tagés. Je grandis encore, m’enfonçant dans le silence comme d’autre le ferait dans la drogue, trouvant ma place a coup de poing. L’argent ? Je l’avais grâce a eux d’ailleurs, ces combats de rues organisés dans les sous sol sales des immeubles a moitié détruit. C’est a cette époque que l’écopais de ma cicatrice, un tesson de bouteille habilement manœuvré. Je ne sais pas par quel miracle mon œil échappa a l’agression, mais je me souviens du sang dans ma bouche, glissant sur mon menton pour gouter sur le sol. Goutte à goutte. Bizarrement, j’ai vu ma mort dans cette flaque qui s’étalait, indifférent au hurlement du public avide de chair fraiche, de violence sans douleur qui entourait l’arène. Jusqu’a présent, je m’étais cru immortel, intouchable. J’étais souple, rapide, bien plus que ces brutes…

Mauvais plan.

J’ai raccroché trois jours plus tard. Mais quitter le milieu est assez difficile alors je n’eut pas d’autre choix que de retourner en Angleterre. Je n’avais rien, pas d’argent en poche et je me serais pendu plutôt que de retourner chez mes parents. Replonger aurait été facile, mais justement, je n’aimais pas la facilité, alors je me suis racheté une conduite pourrait on dire. Au début, j’ai fais la manche, comme un clodo….Non, comme le clodo que j’étais devenu. J’avais 17 ans, je savais a peine lire et écrire, tout ce que je savais, c’était me servir de mes poings. Pourtant, on me donna ma chance. Oh ce n’était rien, juste un sale boulot de plus, de nuit. Inconfortable, laborieux, mais je le faisais. En parallèle, je me suis réinscrit au collège, avec deux ans de retard sur le reste de la classe. Je m’en fichais. Je faisais taire les mauvaises langues d’un coup d’œil. Il y avait pas mal de rumeurs sur moi a cette époque et elles me servirent, on me laissa tranquille dans mon coin, je ne demandais rien de plus. C’est une période assez nébuleuse de ma vie. Je crois que j’étais trop crevé pour véritablement en faire des souvenirs précis. Je dormais peu, je mangeais peu mais j’étudiais beaucoup. Etrangement, malgré mon mauvais départ ou mon attitude, on a décelé un gros potentiel chez moi et, quelque part, je me suis pris de passion pour les études. Un autre genre de combat qui ne laissait pas de cicatrice. Toujours est il que malgré mes cernes, mes bâillements intempestifs et mon air de me foutre de ce que les profs racontaient, j’étais en tête de classe. Superbe revanche me direz vous, sans doute oui, mais a cette époque, je n’avais pas le choix, c’était ça ou crever dans le caniveau comme une merde infâme.

Finalement, j’eus mon diplôme et poursuivit avec des études supérieures. J’eus droit a une bourse et je pus alléger mon temps de travail. C’est là que ma mère me retrouva. Enfin, retrouver…Elle ne m’avait jamais vraiment chercher dirons nous, mais les rencontres fortuites sont assez risible, surtout lorsque l’on habite la même ville aussi grande soit elle d’ailleurs. Elle avait vieillit et en mal je dirais. Elle ne me reconnu pas tout de suite, moi par contre, ce fut instantané. Je les regardé longtemps, sans rien dire, les mains enfoncées dans les poches de mon jean. Encore maintenant, je ne saurais dire si c’est la peur ou la joie de me revoir qui la faisait trembler. Sans doute un peu des deux, du moins, j’aimerais m’en convaincre. Pour autant nos relations ne se sont pas resserrées. J’avais 22 ans, je menais ma vie comme je le voulais depuis tellement longtemps. Je n’ai jamais recherché mes frères ou tenter de me rapprocher de ma famille. Elle m’apprit que mon oncle était mort dans un attentat orchestré par l’Ira, cela me laissa indifférent. Mes frères allaient bien, comme si cela m’interessait tiens ! Ils bossaient avait une situation, Sam c’était même marié avec une femme qu’il avait mise enceinte. Que de la joie, j’écoutais tout ça avec absence, on pourrait dire que je m’en fichais royalement. Puis, nous nous sommes quittés sans même échangé nos numéros, sans même qu’elle ne sache où^j’habitais. Ni l’un ni l’autre n’avait posé les bonnes questions ou donné les bonnes réponses.

Je finis par suivre un cursus d’enseignant. Un drôle de virage dans ma vie plutôt chaotique, pourtant je réussis, contre toutes attentes, pourtant personne n’aurait pu prévoir que je ne serais pas au bout de mes peines. Mon métier m’apportait de la satisfaction, mais une fierté égoïste d’avoir fait mentir ce destin qui me promettait mort et crasse a ma naissance. J’avais déjà découvert le théâtre durant mes années d’études et, tout naturellement, un prof de biologie me déclara tout désigner pour encadrer celui de mon lycée. Sans moi, pas de club parait il, ben tiens ! Mais je me suis laissé faire, après tout…C’était ma troisième année d’enseignement. Je m’en souviens encore avec une précision qui me fait peur. Pourquoi lui avais je donné ce rôle a elle ? Bonne question. Mais elle avait ce qu’il fallait pour devenir Juliette. Enfin, presque ce qu’il fallait. Elle avait l’énergie de la jeunesse et une certaine pureté qui allait a ce rôle, hélas, il lui manquait cette capacité d’expression essentielle a ce rôle. Celui de pleurer, de laisser s’exprimer la tristesse par tout les pores de sa peau. Elle ne pouvait s’empêcher de bouger, de marcher, d’esquisser des gestes inutiles, trop inutiles. Au final, Juliette n’était qu’une marionnette incapable de se maitriser. Elle en venait a éclipser les fondements de ce rôle. Je ne fus pas tendre, c’est vrai, mais je n’avais pas a l’être, sans doute ne le serais je jamais d’ailleurs. Je l’ai forcée, obligée et le résultat fut a la hauteur de ce qu’elle pouvait faire, trop sans doute. Après cette soirée, je lui ai retiré le premier rôle. Pourtant, elle avait été parfaite, trop sans doute. Mais il est des choses que je ne préfère pas analyser même si je sais que tout est inutile au final. Elle ne m’a jamais pardonné, je ne me suis jamais expliqué. Qu’aurais je pu lui dire de toute manière ? Qu’aurais je bien pu dire sans être obligé de me regarder en face ? Il valait mieux se voiler la face, même si au final, mes tortures se font de plus en plus fortes, plus dures a endurées. Elle me teste, chercher ma faille sans réussir a la trouver alors qu’elle est si voyante parfois. Chercher ma faiblesse serait se chercher elle-même. Pathétique.

Finalement, peut être demanderais je mon transfert bientôt, c’est ça ou j’irais me faire enfermer. .