Vous êtes absolument terrifiant aujourd'hui... |Iago

L’enfant s’obligea à se réveiller, elle ne savait plus pourquoi elle devait se réveiller mais elle avait l’impression que c’était important, elle n’avait pourtant pas très envie de sortir du sommeil. Ce qui l’étonna le plus, quand elle fut un minimum consciente, fut le fait qu’elle ne se souvenait pas s’être endormi. Après quelques battements de cil, qui lui parurent durer des heures, il lui apparut qu’elle ne se souvenait pas non plus être arrivée dans son lit ou même simplement dans sa chambre. Tout ce dont elle se souvenait, c’était la fin des cours et après elle avait l’impression que tout le reste n’était qu’un rêve flou avec la vague sensation d’avoir oublié quelque chose de très important. La seconde chose qui la préoccupa fut sa gorge desséchée, elle tenta de se relever dans ses oreillers pour aller se chercher à boire mais se laissa retomber aux milieux d’eux lamentablement, la tête lui tournant follement. La jeune fille avait l‘impression qu’on lui avait tapé sur le crâne comme si on avait voulu le faire éclater, et elle avait l’impression que sa tête tournait dans tous les sens et que toute la pièce tanguait dangereusement. Elle se prit la tête dans les mains laissant échapper un gémissement de douleur tout ce qu’il y a de plus pitoyable.
Sa couverture frottait contre la peau de ses poignets qui était à vif et maintenant qu’elle s’en était rendu compte ça lui faisait affreusement mal. Des larmes de douleur perlaient aux coins de ses yeux mais elle les réprima en prenant une longue inspiration tremblante qu’elle laissa s’échapper lentement. Cela eu une efficacité assez limitée, du moins se rendit-elle compte que quelqu’un était assis près d’elle sur son lit. La jeune fille tourna la tête lentement se sentant encore peu assurer. La personne semblait parler à quelqu’un d’autre qui quitta la pièce, la jeune fille avait l’impression que les sons ne lui arrivaient pas correctement et elle n'arrivait pas à distinguer correctement les deux interlocuteur, les yeux encore trop embués de sommeil. Elle tenta vaguement de demander ce qu’il s’était passé à celui qui était assis près d’elle sur son lit mais seule une suite de sons inarticulés sortie de sa bouche encore pâteuse du sommeil artificiel de l’hypnose d’Azraëlle. L’enfant secoua doucement la tête, avant de tenter de se redresser de nouveau et de réessayer de parler mais de façon intelligible cette fois ci. Elle se sentait toujours un peu faible et ses poignets lui faisaient mal mais elle réussit à se redresser un peu, ne laissant échapper qu’un léger soupir de douleur quand ses poignets frottèrent sur les couvertures.

-Qu’est-ce… croassa-t-elle.

L’enfant toussa un peu pour essayer de s'éclaircir la voix.

-Qu’est-ce qui s’est pas… ssé ? la voix de l’enfant avait repris un peu d’assurance avant de s’éteindre dans un murmure.

Wilha paru d’un seul coup beaucoup plus éveillée, mais pas tellement plus assurée, ses yeux s’étaient agrandis et empli de peur. Elle fixait la personne assise sur son lit, complètement immobile, le visage fermé, les mains légèrement tremblantes sur ses couvertures. Elle paraissait n'avoir qu'une envie, s’enfuir à toute jambe, et elle semblait évaluer ses chances d’y parvenir.

Le retour au volant de cette superbe lexus se fit dans un silence absolu. Wilha dormait à mes côtés, paisiblement il semblerait. La nuit finissait mieux qu'elle n'avait commencé et je sentais encore le parfum envoûtant d'Azraëlle. L'obsédais-je comme elle m'obsédait? Désirait-elle ma présence comme je désirais la sienne? Quand bien même nos rapports étaient tout sauf ceux d'amants normaux, je goûtais sa compagnie et je me prenais à regretter que nous n'ayons aucun échange plus profond que ce jeu auquel nous nous livrions depuis que nous nous connaissions. Il était de fait que je ne pourrais jamais faire confiance à cette femme et elle jamais me faire confiance et que seul le sexe nous liait, ainsi que le jeu, mais des rapports moins complexes n'auraient pas forcément été pour me déplaire. Un jour, peut-être...

Qu'elle ai proposé de sauver Wilha, de me la retrouver, ne cessait de m'interpeller. Elle n'avait pas fait cela gratuitement et ses paroles concernant l'enfant ne cessaient de tourner dans mon esprit. Elle l'avait hypnotisée pour qu'elle ne se rappelle pas cette soirée. Mais jusqu'où avait-elle pénétré le psychisme de l'enfant? n'avait-elle pas parlé de cette fameuse nuit où ses parents avaient péri, où je m'étais lié à Ciel et étais devenu le tuteur de ces deux mômes? Cela ne me disait rien qui vaille et je me demandais quelle mauvaise surprise m'attendait.

Arrivé devant le manoir, je rentrai dans la cour, avant de prendre délicatement Wilha dans mes bras et la ramener à l'intérieur, la couchant dans son lit. L'aube n'était pas encore levée. Je regardais l'enfant avec tendresse. Si Azraëlle ne s'était pas occupée des salauds qui l'avaient enlevé, je m'en serais chargé personnellement. Et la mort qu'elle leur avait prodigué était sans doute plus douce que celle que je leur aurais donné.

Finalement je me décidais à la délivrer de son sommeil. Je murmurais Hypnos à son oreille et observais la jeune fille émerger. Ciel en profita pour entrer dans la chambre, inquiet de ne pas nous avoir vu depuis hier soir et commençant déjà à piquer sa petite crise, mais je ne me démontais pas et l'envoyais sèchement retourner dans son lit à cette heure matinale. Je savais qu'il me le ferait payer plus tard mais qu'importe.

Enfin, Wilha émergea. Demandant péniblement ce qu'il s'était passé et j'allais répondre quand je vis soudainement de la peur dans ses grands yeux. Je fronçai les sourcils, alors que sa réaction étrange ne me disait rien qui vaille.

- Tu es en sécurité chez nous Wilha. Quel est ton dernier souvenir?

J'élaborerais un mensonge en conséquence, bien évidemment.

Wilha sentait que quelque chose n’allait pas, il lui faisait peur. Non. Il la terrifiait, il ne faisait rien pour mais il là terrifiait. Elle se sentait tétanisée, incapable de rien faire à part avoir peur de lui et trembler comme une feuille. C’était simplement son oncle, n'est ce pas? La seule fois où elle se souvenait avoir eu aussi peur c’était quand elle s’était retrouvée emprisonnée dans sa propre tête sans rien pouvoir faire d’autre que penser. La terreur ressemblait à un énorme monstre sans véritable forme qui se nourrissait de toutes pensées rationnelles, plongeant la jeune fille dans un court instant de pure et simple terreur aveugle, complètement tétanisée, ignorant tout, simplement noyée par la vague de terreur. Etrangement, le douloureux épisode de son empoisonnement par Azraëlle lui avait appris ce qu’était la vraie terreur et celle-ci lui ressemblait beaucoup, ce qui permit à la jeune fille de la contrôler, un peu, du moins de l’atténuer.

-Tu es en sécurité chez nous Wilha. Quel est ton dernier souvenir ?

La jeune fille était tellement submergée par la peur que suscitait en elle son oncle Iago qu’elle fut surprise par la simple question qu’il lui posa, sursautant comme si on l’avait prise la main dans le pot de confiture. La remarque eu finalement l’effet inverse, elle rendit encore plus difficile l’entreprise de garder un tant soit peu sa peur muselée.

-Je…

L’enfant tenta vaillamment une réponse mais fut arrêter net dans son élan par les yeux de son oncle. Wilha n'avait fait qu'y plonger un instant ses yeux, elle eu l’impression d’être aspirée par la profondeur abyssale des yeux sombres comme la nuit de son oncle. Elle eu l’impression de se perdre dans une gueule béante prête à la dévorer corps et âme. Heureusement, l’impression passa, la laissant abasourdie clignant des paupières, les yeux agrandi par la peur. La jeune fille décida que regarder son oncle dans les yeux n’était pas non plus une bonne idée. Le fait que celui-ci semblait exsuder une aura maléfique qui chatoyait en magnifique couleur rouge sombre autour de lui n’aidait pas beaucoup la jeune fille à se concentrer sur autre chose que la peur panique qu'elle éprouvait pour son oncle.

-Je me souviens d’avoir fait mes devoirs et après… je ne suis pas sûre après, fit la jeune fille sur un ton confirmant qu’elle n’avait aucune confiance en ce qu’elle était en train de dire.

Le regard de l’enfant fuyait maintenant celui du démon. Elle semblait chercher dans la pièce un sujet sur lequel elle pourrait fixer son attention plutôt que sur l’objet de sa peur mais son regard était irrémédiablement attiré par les deux puits sans fond qu’étaient les yeux de son oncle. Comme quand on essaye de ne pas contempler l’horreur d’un accidenté de la route et que le regard ne peut se détacher des immondes brulures. Le trouble de la jeune fille était d’autant plus visible qu’elle se tordait les mains d’anxiété, avec l’air de se demander si ce qu’elle disait n’allait pas mettre en colère son oncle.

-Après… je crois que je suis allée dans le parc mais je ne suis pas sûre, ajouta-t-elle timidement.

Ses yeux hurlaient sa peur et sa détresse, implorant la pitié de celui qu’elle prenait pour son bourreau. Elle s’accrochait maintenant à ses couvertures, si fort que ses mains blanchirent sous l’effort.

Quelque chose n'allait pas. Je sentais confusément que Wilha avait un problème. Cela transparaissait dans son attitude, dans sa façon de me regarder. Comme si elle était... apeurée? C'était même davantage que de la peur, cela ressemblait à de la terreur, comme un mouton qui observe un loup et sait qu'elle ne peut pas s'en sortir. Jamais elle n'avait eu ce regard là sur moi. Même au tout début, quand elle s'était réveillée et que je lui avais apprit que j'allais m'occuper de Ciel et elle désormais, parce que ses parents étaient décédés dans l'incendie. Wilha m'avait davantage fait confiance et intégré dans sa vie que son frère. Elle m'avait fait confiance, comme seuls les enfants peuvent le faire. Et là... Là, quelque chose avait changé, alors qu'elle ouvrait la bouche et qu'aucun son n'en sortait.

Je savais reconnaître la peur. Je savais la lire sur les traits des visages, je savais la voir dans les pupilles dilatées. Et Wilha en présentait absolument tous les symptomes alors qu'elle semblait paralysée. Je sentis la colère monter en moi. Pas envers l'enfant, mais envers cette damnée Séraphin et ses tours pendables. Soudainement, ses paroles prenaient tout leur sens. Elle avait bien hypnotisé Wilha et elle avait fait ressortir la peur en elle. La peur à mon encontre. Comment? A cause de cette fameuse nuit où nos routes s'étaient croisées?

Je lui demandais de quoi elle se souvenait et elle finit par me parler de ses devoirs, avant d'ajouter qu'après, elle n'en était pas sûre. Je fronçai les sourcils, attendant patiemment la suite, sans la brusquer, sans faire un geste en sa direction, tant j'avais la désagréable impression qu'elle allait prendre ses jambes à son cou si j'approchais. Elle continua en disant être allée au parc ensuite, sans en être certaine. Mon regard se posa sur ses mains qui serraient les couvertures comme si sa vie en dépendait. Bon, autant prendre le taureau par les cornes au lieu de tourner autour du pot.

- Qu'est-ce qu'il se passe Wilha?

Doucement, je me penchai vers elle, la sondant de mes yeux noirs. Pourtant, je n'avais rien de menaçant en cet instant, je ne l'avais jamais été avec elle. Je savais me fondre dans la foule, paraître commun. Enfin, plus ou moins. Parce que banal je ne l'étais pas et je ne pouvais pas l'être totalement.

- Tu as peur de moi ?

Une question dont je redoutais soudainement la réponse. Azraëlle allait m'entendre... En effet, elle ne permettait pas que je sois reconnaissant et là, elle avait gagné sur toute la ligne.

Wilha avait peur. Elle était terrifiée. La jeune fille arrivait à peine à réprimer les tremblements convulsifs qui prenaient tous ses membres. Elle gardait de haute lutte ses pensées plus ou moins claires pour ne pas sombrer dans la terreur aveugle, ses mains serraient si fort ses couvertures qu’elles blanchissaient sous l’effort. Pourtant ce n’était que son oncle Iago, le même qui lui avait appris à jouer aux échecs, le même qui l’accompagnait à cheval, quand il avait le temps. Pourtant elle en avait peur, elle était tout aussi convaincu qu’il était dangereux et qu’il allait lui faire du mal.

La jeune fille s’efforçait de répondre au mieux aux questions de son oncle espérant qu’il ne lui ferait pas de mal si elle répondait diligemment à celles-ci. Elle espérait qu’il serait satisfait rapidement et qu’il s’en irait vite, qu’il arrêterait de la fixer avec ses yeux plein de colère qui la terrifiait, qu’il emmènerait au loin son étrange aura. Elle avait de plus en plus de mal à ne pas hurler sa terreur sous l’intensité du regard du démon. Elle avait les mains moites et l’impression que sa colonne vertébrale se liquéfiait, que son sang charriait de la glace.

-Qu’est-ce qu’il se passe Wilha ?

Quand il commença à se pencher sur elle, la jeune fille laissa échapper un gémissement apeuré et eut un mouvement de recule instinctif, levant légèrement sa main comme pour se protéger. Elle s’obligea toutefois à arrêter son mouvement, elle avait peur mais elle ne devait pas laisser sa peur la contrôler, elle devait au moins avoir l’air d’être courageuse et ça n’avait aucun sens d’avoir peur, ce n’était que son oncle.

-Tu as peur de moi ?

Question piège… si elle répondait « oui » il allait s’énerver et si elle répondait « non » elle ne serait pas convaincante le moins du monde et cela l’énerverait aussi. La question la mettait à la torture, ses doutes se virent un instant dans ses yeux au milieu de la peur qui semblait toutefois s’atténuer.
La jeune fille s’efforçait de réprimer la peur et finalement y arrivait mieux que ce qu’elle pensait du moins en apparence. Elle ne laissa paraitre qu’un instant le trouble que lui causait la question avant que son visage ne se ferme que ses mains arrêtent enfin de martyriser les couvertures et qu’elles reposent bien à plat sur celles-ci. L’enfant avait tout de même les yeux baissés mais sa voix avait une certaine fermeté.

-Non, non je n’ai pas peur de toi tonton Iago.

Une partie de l’enfant savait qu’il ne lui ferait aucun mal et que si elle avait répondu oui cela aurait blessé son oncle mais une autre partie de la jeune fille était convaincu qu’il lui ferait du mal si elle n’était pas assez convaincante. Quel que soit la partie l'emporta quand elle parla, elle fut certaine qu’elle devait être convaincante. Elle y serait presque arrivée si sa voix n’avait pas eu un infime tremblement et qu’elle avait pu se résoudre à regarder son oncle dans les yeux, mais de toute façon même si elle avait réussi un jeu d’acteur digne d’un oscar, rien n’aurait pu effacer le mouvement de recule qu’elle avait eu devant lui.
A cette pensée, la jeune fille décida de changer de sujet d’essayer d’ignorer la terreur qui lui glaçait le sang, qui rendait toute autre pensée difficile. Elle devait l'ignorer, la dernière fois elle y était bien arrivée. Elle avait bien réussi à passer outre la peur dévorante qui avait failli avoir raison de sa raison, alors qu'elle avait une véritable raison d'avoir peur, là elle n'en avait même pas.

-En faite j’aurais plutôt une question à te poser…

Elle essayait d’avoir l’air hésitante plutôt qu’apeurée et elle y arrivait plutôt bien malgré l’impression que si elle posait sa question ce serait comme si elle se jetait du haut d’un plongeoir sans savoir exactement s'il y avait assez d’eau en-dessous. Sa question surprendrait surement son oncle mais du moins, s’ils restaient sur ce sujet, peut-être cela la distrairait de sa terreur insensée. Tout plutôt que cette peur qui remuait au fond de ses entrailles tel un monstre prêt à la dévorer.

-Je… Que… Qu’es-tu ?

L’enfant n’avait rien trouvé de plus approprié que de poser la question directement mais cela ne voulait pas dire qu’elle était satisfaite de la poser ainsi, elle aurait voulu faire preuve de plus de tact. Elle détourna les yeux de son oncle, tentant vaguement de regarder ailleurs mais l’étrange aura qu’elle avait ignorée jusque-là semblait attirer son attention, tout comme la peur qu’elle essayait de repousser dans un coin de son esprit. Wilha avait l’air vraiment mal à l’aise, ses mains se fermaient et s’ouvraient convulsivement sur ses couvertures. Elle baissait et relevait la tête toujours fuyant le regard de son oncle, comme si elle regrettait la question qu’elle avait posée. Mais bientôt ses mains se fermèrent en deux poings comme si elle avait pris une résolution et elle planta son regard dans celui de son oncle, une pointe de peur transparaissait derrière l’air décidé et volontaire qu’elle brandissait comme un bouclier devant la peur qui tempêtait dans son esprit.

Sa réponse sonnait comme un mensonge... Ou une demie vérité. Son regard s'était dérobé au mien alors qu'elle parlait d'une voix plus assurée. J'allais tuer Azraëlle. Rien d'autre que sa foutue hypnose ne pouvait expliquer ce comportement étrange et en total opposé avec celui qu'elle avait à mon égard d'ordinaire. Si quelqu'un se montrait froid, distant, arrogant, ou méprisant, c'était Ciel. Sa sœur, non. Sa sœur se blottissait contre moi quand elle se réveillait d'un cauchemar la nuit, quand le tonnerre et les éclairs venaient réveiller ses peurs primaires. De moi, elle acceptait tout, mon autorité comme mes moments de faiblesse où je me montrais plus tendre. Plus... paternel. Des instants éphémères, mais réels, difficiles à croire pour ceux qui me connaissaient et qui n'auraient vu là que pur comédie. Pourtant, cette jeune enfant éveillait en moi les meilleurs côtés. Je pouvais être égoïste, manipulateur, moqueur, cynique, menteur, avec Wilha, j'étais davantage humain et me souvenais que je n'avais pas toujours été ainsi.

Ma faiblesse, c'était elle, Azraëlle l'avait bien compris. Davantage encore que Ciel avec qui j'étais lié, mais pour qui je n'éprouvais pas de réels sentiments autres que l'agacement et l'envie de me nourrir de son âme incomparable. Ciel ne suscitait pas l'amour. Ce gosse se caparaçonnait trop dans une attitude arrogante et détestable pour cela. Wilha était vraie, ne mentait pas, ne trichait pas, ne cachait pas ses états d'âmes, naturels pour une fillette de son âge.

Et je constatai avec horreur que la voir se défier ainsi de moi me blessait. Me blessait réellement. Je devais mettre un terme à son état de panique, induit par l'hypnose vicieuse d'Azraëlle, mais pour cela je devais décoder ses paroles et trouver la clé. Au moins ne me laissait-elle pas sans rien, mais misait-elle sur mon intelligence et mon sens du jeu. Sauf que quand cela concernait Wilha, j'avais tendance à ne pas m'amuser du tout.

Wilha reprit la parole en disant avoir plutôt une question à me poser. Je restai impassible, mais à l'intérieur, je savais que je n'allais pas aimer cette question. Peut-être celle que je redoutais depuis le début. Ciel refusait que j'avoue à l'enfant ce que j'étais réellement, mais Wilha était trop intelligente pour ne pas remarquer que je n'étais pas totalement humain. Ciel sous estimait sa sœur. Et la question redoutée tomba comme un couperet sur la cou du condamné. Qu'étais-je? Tellement de choses que tu n'imaginais même pas... Tu avais peur en ignorant tout? Quelle serait ta terreur quand tu saurais la vérité? Courageuse petite Wilha qui m'affrontait alors que je décelais sa peur comme un loup face à un agneau. Je décidai de biaiser. Je n'avais pas le droit de révéler qui j'étais, sur ordre de Ciel, mais elle pouvait le deviner. A quoi bon mentir?

- Que penses-tu que je suis?

J'avais parlé d'une voix douce alors que ma colère à l'encontre du Séraphin s'était apaisée. La dernière chose que je souhaitais, c'était apeurer davantage Wilha. Je voulais paraître réconfortant, comme je l'avais toujours été avec elle. Je n'avais pas changé. Sa perception, en revanche, si, et beaucoup trop.

- Qu'est-ce qui t'a amené à cette question Wilha?

Je ne la lâchais pas du regard, de mes yeux aussi noirs que les ténèbres.

- Cette peur que tu ressens, que je ne t'ai jamais vu, n'est pas naturelle. T'ai-je jamais donné une raison de me craindre? Il se passe des choses étranges et je pense qu'il est temps que tu en prennes conscience. Mais je ne peux rien te dire, je suis tenu au secret. En revanche, tu peux deviner.

Wilha avait décidé de combattre la peur en biaisant et non pas en y faisant face. Elle avait sincèrement essayé mais elle ne pouvait pas la supporter. Elle avait tant bien que mal réussi à éviter d’avoir l’air d’être totalement terrorisée mais elle n’aurait pu se retenir de hurler sa terreur encore bien longtemps. L’enfant avait donc essayé de se distraire en trouvant un sujet sur lequel se concentrer et le sujet le plus évident était sous ses yeux depuis deux ans. Cette aura qui entourait son oncle qu’elle trouvait magnifique jusqu’à récemment mais maintenant elle trouvait cela… moins beau.

-Que penses-tu que je sois ?

Toujours la même sale manie de répondre à une question par une question, mais cette fois ci cela ne dérangeait pas autant l’enfant. Si son oncle continuait dans la même voie que d’habitude la conversation demanderai à la jeune fille autant de concentration et d’intelligence qu’une partie d’échec contre lui. Il semblait d'ailleurs d’humeur à mettre son intelligence à rude épreuve. Elle était toujours aussi terrifier mais du moins en écoutant seulement la voix, relativement douce, de son oncle pouvait-elle faire semblant que la peur n’était pas présente.
La première réponse qui vint à la jeune fille fut surement « je ne sais pas ce que tu es mais je sais ce que tu n’es pas. » Personne d’autre d’humain n’avait ce genre d’aura autour de lui.

-Qu’est-ce qui t’a amené à cette question Wilha ?

La jeune fille se forçait à ne pas regarder son oncle, le regard de celui-ci trop plein d’intensité l’empêchait d’oublier la peur alors même que c’était le but de cette conversation. Elle pouvait mieux réfléchir à ce qu’elle se représentait être un défi. Elle devait se représenter cette simple question comme un défi pour ne pas céder à l’hystérie galopante qui semblait vouloir la saisir.

-Cette peur que tu ressens, que je ne t’ai jamais vu, n’est pas naturelle. T’ai-je jamais donné une raison de me craindre ? Il se passe des choses étranges et je pense qu’il est temps que tu en prennes conscience. Mais je ne peux rien te dire, je suis tenu au secret. En revanche, tu peux deviner.
-Ne me parle de rien d’autre que de ce qui concerne ce que tu es, fit-elle d’une voix ferme mais un peu trop aiguë. S’il te plait, fit-elle presque suppliante.

L’enfant gardait obstinément ses yeux détournés des deux puits noirs qu’étaient les yeux de son oncle, se concentrant uniquement sur les questions de Iago et sa propre respiration. Inspirer. Expirer. Lentement, doucement sans se précipiter et réfléchir de la même façon, posément, sans se presser, elle avait l’éternité pour trouver des réponses.

-Je ne sais pas ce que tu es. Personne d’autre à la maison n’a cette… aura qui t’entoure.

Toujours respirer lentement ne pas faire attention à la peur, se concentrer sur la question, simplement essayer de deviner. Parler calmement et avec pondération, réfléchir à une simple question tout ce qu’il y a de plus normale.
L’enfant s’efforçait d’ignorer la voix paniquée qui hurlait que ce genre de conversation ne devrait pas avoir lieu entre un oncle et sa nièce, que personne de normale ne devait avoir ce genre d’aura. Personne qui était censé ne pas être dangereux.

-Ce que je pense c’est que c’est mon frère qui en a fait un secret, pour me protéger, soit disant mais je ne sais pas si ça a été très efficace. Comme la fois où je suis tombée dans le coma, j’ai entendu quelqu’un dire que j’avais été empoisonnée.

L’enfant n’avait jamais dit qu’elle avait parfois entendu les gens parler quand elle avait été coincée dans sa tête. Elle n’était d’ailleurs pas certaine de ne pas avoir tout inventé mais elle partait pêcher donc toutes les lignes qu’elle pourrait tendre seraient bonnes à prendre même si elle ne donnait rien. Le plus embêtant étant qu’elle ne pouvait pas se permettre d'étudier les réactions de son oncle ce qui ne l’aiderait pas beaucoup. La jeune fille s’efforçait aussi à paraitre désinvolte et acéré dans ce qu’elle déduisait.

-En parlant de chose étrange on peut ajouter les dernières heures, je suppose puis ce que je n’en ai aucun souvenir. Que s’est-il passé ? Est-ce que ça a quelque chose à voir avec ce que tu es ?

Wilhelmina se forçait à se concentrer sur la question qu’elle avait posée rien d’autre ne devait avoir de l’importance. Elle eut l’impression de se retrouver devant un plateau d’échecs, d’entendre le doux bruit des pièces que l’on déplaçait, de sentir des pièces sous ses doigts quand elle posait ses questions comme si elle avançait ses pièces pour forcer son adversaire à faire ce qu’elle voulait qu’il fasse. Wilhelmina se força à s’accrocher à ces sensations qui l’éloignait de la terreur qu’elle ressentait et l’aidait à réfléchir.



PS : « Que penses-tu que je suis? » que je sois ? Non ?

[Que je sois oui, en effet >.>]

Je ne pouvais pas lui répondre franchement, mais j'avais suffisamment formé l'esprit de Wilha pour qu'elle soit capable de réflechir par elle-même, faire ses déductions et trouver la réponse seule, avec quelques indices. J'essayais de faire travailler son cerveau, afin qu'elle ne se concentre plus sur ses sentiments chaotiques à mon égard. Et dans mon esprit, je ressassais les paroles d'Azraëlle, la maudissant pour ses devinettes qui me forçaient à me torturer l'esprit pour trouver la solution. Mais en soutenant la conversation avec la petite, il m'était difficile de trouver la réponse et je n'osais la laisser seule, surtout alors qu'elle semblait sur le point de découvrir qui j'étais.

Je lui posais les questions qu'il fallait pour qu'elle analyse tout ce qu'elle savait de moi, tout ce qui pouvait lui sembler bizarre pour l'amener à se poser des questions me concernant. Je lui expliquais toutefois que sa peur n'avait rien de naturel et elle me supplia de ne parler de rien d'autre que ce qui me concernait. Je me contentais d'acquiescer, grave.

Elle détourna le regard, avant de se mettre à parler et je tiquai quand elle parla d'aura. Une aura? Wilha voyait les auras? C'était nouveau ça! Pas étonnant qu'elle se pose des questions me concernant.

- Tu vois les auras ? Comment est la mienne ?

Cela m'intriguait, forcément. Cette petite avait un don, alors qu'elle n'était qu'une humaine. C'était assez étrange et déstabilisant. Et un secret qu'il valait mieux conserver précieusement. Elle pensait que son frère était à l'origine de ce secret et je me contentais de hocher la tête, avant de soupirer quand elle ajouta que ce n'était pas très efficace, puisqu'elle avait été empoisonnée. Elle se souvenait de ça... Évidemment.

- J'ai des ennemis puissants et déterminés.

Azraëlle était redoutable. Laurys m'avait assuré qu'elle n'aurait pas tué l'enfant. C'était sans doute vrai, mais de là à prendre un risque... Deux fois que Wilha était enlevée. Une fois à cause de ma vie immortelle, une fois à cause de ma vie mortelle. Elle revint sur les évènements des dernières heures. Je n'avais même pas besoin de mentir.

- Au départ, non. Je suis extrêmement riche et je n'accepte pas toujours de traiter avec n'importe qui. Cela ne plait pas à certains et ils ont décidé de s'en prendre à toi. J'en suis d'ailleurs navré, je ne pensais pas que le danger pouvait venir de ces minables.

Ce qui était l'entière et exacte vérité.

- J'ai demandé l'aide à une connaissance, qui a le bras long.

Et c'était le moins que l'on puisse dire. Le Séraphin avait étendu ses tentacules dans tous les milieux louches de Londres, voire de l'Angleterre et était au courant d'à peu prêt tout ce qui pouvait se passer.

- Te souviens-tu de cette ange qui te parlait de ta mère et venait te voir en cachette?

Cette ange qui lui avait faire promettre le silence et l'avait embrassée, l'empoisonnant en même temps. Analyse son aura et analyse la mienne. Semblables, mais pourtant différentes. l'ange et le démon. Si les anges existaient... Les démons aussi.

[Bah, de toute façon je suis surement le plus susceptible des deux à faire ce genre de faute et bien d'autre, malheureusement pour tes pauvres yeux]


Wilha fut surprise par la façon dont l’intérêt de son oncle se manifesta pour son étrange don qui lui permettait de discerner d’un coup d’œil un humain d’un céleste, de quelque bord qu’il soit. C’était comme s’il savait qu’elles existaient que certaine personne en avait et pas d’autre, comme si tout cela était des plus naturel, normale. Dans quel monde ces choses pouvaient être normales ? L’enfant commençait vaguement à se dire que ce n’était peut-être pas une bonne idée cette question finalement. Mais elle réalisa qu’elle en avait déjà eu un aperçu, de ce monde étrange qui s’ouvrait de plus en plus à elle, quand elle avait accepté tout naturellement que les anges existaient.

-Alors Ca s’appelle bien comme ça… murmura-t-elle. La tienne est terrifiante… répondit-elle sans hésiter, et magnifique. Je ne saurais pas vraiment décrire, c’est plus comme quelque chose que tu possèdes mais pas les autres, c’est là sans y être. Pour l’instant elle est rouge sombre avant elle était plus... brûlante… l’enfant fit une grimace bizarre comme si ce qu’elle venait de décrire ne la satisfaisait pas.

L’enfant continua ses suppositions et fit remarquer que tout ce que son frère et son oncle avait tenté pour la protéger en la gardant dans l’ignorance n’avait pas toujours été très efficace. La réponse de son oncle sonna comme une excuse, ce qui était d’autant plus surprenant pour la jeune fille que cela sortait de la bouche de la personne qui, en cet instant, la terrifiait par sa seule présence.

La peur commençait à reculer un peu laissant la jeune fille réfléchir plus clairement, lui permettant de faire des rapprochement simple et assez évident, comme le rapport entre les chose étrange et sa perte de mémoire des dernières heures. Son oncle lui répondit pourtant que ce qui lui était arrivé n’avait pas de rapport direct avec ce qu’il était. Il sous entendait, toutefois, que la personne qui l’avait aidé à retrouver ceux qui avaient voulu atteindre Iago au travers d’elle aurait pu la renseigner sur ce qu’il était. Cette information ne l’aidait pas beaucoup mais au moins pouvait-elle en déduire qu’il n’était pas le seul de son espèce.
L’enfant n’arrivait toujours pas à deviner ce qu’était son oncle et la contrariété de ne pas réussir à le faire commençait à prendre le pas sur sa peur. Elle fixait maintenant son oncle en fronçant les sourcils l’air plus contrarié qu’apeurée. La peur n’avait pas disparu loin de là, mais elle était passée au second plan, monstre en cage rodant à la lisière de l’esprit de l’enfant qui mettait tous ses efforts pour l’ignorer.

-Te souviens-tu de cette ange qui te parlait de ta mère et venait te voir en cachette ?
-De l’ange ?…

L’enfant avait l’air d’avoir pris un coup entre les deux yeux. Elle était certaine de n’avoir rien laissé paraitre de ces visites, comment pouvait-il être au courant ? Elle grimaça un sourire contrit.

-Tu étais au courant ?

La jeune fille se demandait comment il avait pu découvrir qu’elle voyait l’ange, elle n’en avait jamais parlé à personne et elle était certaine que tout le monde dormait quand Azie venait. Et puis comment pouvait-il être au courant du sujet de leur conversation… Une idée affreuse traversa l’esprit de Wilha, mais elle la rejeta de toutes ses forces se répétant que c’était impossible, qu’elle n’aurait jamais fait ça. Il avait dut réussir à savoir autrement.
L’enfant secoua la tête en signe de négation rejetant de nouveau cette idée, de toute façon s’admonesta-t-elle, là n’était pas le sujet. Le doute fut visible un instant au côté de la peur dans le regard de la jeune fille, avant d’être de nouveau remplacé par la résolution qui avait transparut quand elle avait posé son étrange question à son oncle. Bon qu’avait-il dit ? Pourquoi en parler maintenant ?... L’évidence vint lui mordre le nez alors qu’el l’avait sous les yeux. Azie était, elle aussi, entourée d’une aura. L’aura de l’ange était similaire à celle de son oncle mais il y avait des différences, de couleur au moins et puis les deux auras ne semblaient pas lui évoquer les même choses. Elles étaient différentes, pas seulement parce qu’elles appartenaient à deux personnes différentes mais peut-être… pour une autre raison.
De nouveau l’enfant secoua la tête vigoureusement, n’acceptant pas ce qu’elle pensait avoir compris, se répétant qu’elle devait avoir fait une erreur quelque part, qu’elle avait mal interprété l’une des paroles de son oncle on ce qu’elle voyait. De grosse larme de dépit et de douleur mêlé perlèrent dans les yeux de la jeune fille.

-Tu n’es pas un ange, affirma tout de même Wilhelmina d’une voix à peine tremblante.

Elle fixait son oncle avec des yeux plein d’espoir et de peur, espérant qu’il la contredise, terrifié à l’idée qu’il puisse acquiescer et plus seulement à cause de l’hypnose d’Azraëlle.

Évidemment que je m'intéressais à sa capacité à capter les auras. A ma connaissance, peu d'être humains étaient dotés de ce genre de pouvoir. Et dire que je l'avais eu sous le nez tout ce temps et que j'aurais pu passer à côté si elle n'avait décidé de lâcher le morceau, au détour de cette conversation que je savais inévitable. Ciel était bien naïf de penser pouvoir cacher un tel secret à sa propre sœur, qui vivait avec nous. Et depuis le début, elle devait savoir que je n'étais pas exactement comme les autres. Elle me décrivit alors mon aura, rouge sombre, terrifiante et magnifique. Les auras pouvaient-elles mentir? Comment percevait-elle celle d'un ange comme Azraëlle? Certains démons étaient plutôt bons. Soignant les blessés, les sauvant des anges ou de l'oubli. Et les anges étaient, pour la plupart, de vraies vermines, à l'aura bien plus malfaisante que la mienne.

- Brûlante est plutôt approprié.

Je manipulais le feu, cela devait expliquer le choix de ses mots, cette impression qu'elle ne parvenait pas à décrire.

- Ne trouves-tu pas étrange d'en avoir peur maintenant, quand elle te semblait naturelle auparavant ?

Hypnotisée, envoûtée, qu'importe le terme, Azraelle avait tiré des ficelles qui auraient du rester tranquilles et provoquait chez Wilha cette peur irrationnelle, qui n'aurait jamais du être. Heureusement que l'enfant se concentrait sur son analyse, reléguant la peur au second plan, ce qui m'impressionnait pour une enfant si jeune. Mais j'avais pris son éducation en main après tout. Elle ne me décevait pas du tout.

Elle me regardait, un pli contrarié sur le front alors qu'elle cherchait toujours sans mettre le doigt sur ce que je pouvais être. Je pouvais l'aider, mais pas lui confier la vérité nue. Néanmoins, je ne lui mentais pas. Non, son enlèvement n'était pas la cause de ce que j'étais. Sa récupération et cette foutue hypnose, en revanche... Je lui demandais alors si elle était se souvenait d'Azraëlle et elle me regarda, surprise, avant de me demander si j'étais au courant. Mon visage se durcit légèrement.

- Pas grâce à toi, cela dit.

Elle avait soigneusement conservé le secret, alors qu'Azraëlle se jouait des croyances stupides des humains envers les êtres célestes, censés être purs.

- Crois-moi, aucun ange n'a côtoyé tes parents. Et sois heureuse qu'ils ne soient pas des anges.

Paroles sibyllines, sans doute difficiles pour une petite fille, mais qui amèneraient indubitablement de nouvelles questions, remettant en cause ses croyances. J'atténuerais cependant la vérité, la rendant plus douce et ébranlant moins ses convictions, lui apportant un réconfort illusoire quant à ses parents. Wilha secoua la tête, avant de pleurer en silence, comme frappée par une révélation qu'elle ne voulait pas accepter. Ses paroles sonnèrent comme une accusation. Tremblante, incertaine, mais tout de même.

- Non, je n'en suis pas un. Et heureusement pour Ciel et toi d'ailleurs.

Je me penchai doucement vers elle, ma main volant vers sa joue, lentement, avec douceur, avant d'essuyer ses larmes, conscient que cela risquait fort de l'effrayer.

- Oublie tout ce que tu sais des anges et des démons, Wilha, car tout ceci est faux.

Anges comme Azraëlle...

Démons, comme moi.

La voilà ta vérité, Wilha.

Wilha était un peu déroutée par les commentaires quelque peu sibyllins de son oncle sur les anges. Elle n’avait rien ressentie en présence d’Azraëlle qui puisse l’amener à comprendre ceux-ci mais du moins l’aidèrent-ils à deviner la véritable nature de son cher oncle Iago.
L’enfant ne pouvait croire qu’elle avait deviné juste, elle essaya de se persuader qu’elle avait commis une erreur dans ses déductions, que la peur lui obscurcissait l’esprit et qu’elle voulait donner une raison à celle-ci. Mais plus elle repensait à la façon dont son oncle parlait des anges plus elle se sentait réduite à devoir accepter une seule conclusion…

La jeune fille sentait les larmes monter, en même temps que la peur qui avait trouvé une cause à laquelle s’accrocher, s’en nourrissant et enflant en elle. Elle tenta de nier ce qui lui semblait maintenant être une évidence, demandant confirmation à son oncle. Elle avait simplement affirmé qu’il n’était pas un ange espérant qu’il lui dirait qu’il était autre chose n’importe quoi au lieu de Ça.

-Non, je n’en suis pas un. Et heureusement pour Ciel et toi d’ailleurs.

Il était autre chose alors, il ne pouvait pas en être un, il devait être autre chose. L’enfant essayait encore et toujours de se convaincre qu’elle avait dut se tromper même quand elle avait sous les yeux cette aura si semblable à celle de l’ange et pourtant si différente, même si elle avait très bien entendu la façon qu’il avait de parler des anges ce qui démentait tout autant les pauvres arguments qu’elle tentait encore vainement d’ériger devant la vérité qui la minait. Les larmes qui perlaient au coin des yeux de l’enfant roulaient lentement sur ses joues glissant un peu plus à chaque fois qu’elle secouait doucement la tête en signe de refus désespéré.

Le démon se pencha avec douceur vers la jeune fille pour essuyer avec une tendresse paternelle, les larmes qui roulaient inexorablement sur les joues de la jeune fille. Alors qu’il étendait sa main vers elle, le regard de Wilha fit la navette entre la main qui se rapprochait et le regard trop intense de son oncle, ses yeux s’emplissant de plus en plus de terreur à presque en déborder. Alors que la main de Iago effleurait sa joue, l’enfant eu un tremblement incontrôlable et essaya de se dérober à la marque de tendresse qu’elle prenait pour une agression pure et simple, laissant échapper un couinement de bête effarouchée, l’air totalement terrifier.

-Oublie tout ce que tu sais des anges et des démons, Wilha, car tout ceci est faux.

La jeune fille n’entendit pas vraiment ce que disait son oncle, une sorte de bourdonnement de bruit blanc tintant à ses oreilles. Elle avait l’impression d’être complètement étourdi, de voir la pièce entrer en révolution, que le haut était en bas et vice versa, et son estomac semblait vouloir suivre l’exemple de sa chambre. Une bille acide remonta le long de sa gorge mais elle eut la force de repousser l’affreuse sensation malgré la terreur. Elle avait l’air vaguement malade, un peu verdâtre sur les bords. L’enfant avait la sensation de ne plus être capable de formuler ne serai-ce qu’une seule pensée cohérente et que seules la terreur et la sensation d’égarement emplissaient encore son esprit.

-Va-t’en ! hoqueta-t-elle.

Wilhelmina ne savait pas vraiment comment elle avait réussi à formuler des paroles intelligibles avec cette sensation de vide qui résonnait dans sa tête, la terreur lui retournant les entrailles et l’impression d’avoir la bouche pâteuse et asséchée.
Les joues baignées de larmes, les mains tremblant sur ses couvertures, les serrant convulsivement sans vraiment s’en rendre compte, la jeune fille ressemblait vraiment à quelqu’un qui avait perdu tous ses repères.

-Laisse-moi ! ajouta-t-elle sa voix légèrement trop aigue, très proche de l’hystérie.

Peut-être s’il n’était plus là cela s’arrêterait ? Peut-être qu’elle réussirait à comprendre ? Mais y avait-il seulement quelque chose à comprendre ? Wilhelmina l’espérait de tout son cœur.


[HRp: Je pense que tu vas pas pouvoir tirer grand chose de plus de Wilha maintenant. Enfin ça confirme l'adage, "ne pose pas de question tu pourrais avoir une réponse" ^^]

Mes révélations étaient encore obscures, mais au vu de la pâleur de Wilha, c'était suffisant. Je n'avais pas besoin de lui compter l'origine de tout, les ambitions de Dieu, le désir de Satan de le contrer. Je n'avais pas non plus l'opportunité de lui signifier que les anges étaient des agents du chaos, qui semaient le trouble là où ils passaient derrière une image de bonté trompeuse. Pas plus que je ne pus lui dire que les démons avaient le pouvoir de guérir... Nous n'étions pas des agneaux innocents, loin de là. Je faisais des pactes et dévorais l'âme de mes pactisants. C'est ainsi que finirait l'âme de son frère, mais ce n'était pas vraiment le moment de lui dire.

Je ne pus rétablir la vérité alors qu'elle me hurlait soudain de m'en aller. Mon visage se ferma devant cet ordre auquel elle ne m'avait pas habitué. Je n'avais aucun ordre à recevoir d'elle, pourtant, je sentais son esprit qui se rebellait, qui était sur le point de succomber devant l'énormité de sa situation. Les anges et les démons existaient et elle avait été approchée par les deux. Elle vivait en compagnie d'un démon depuis plusieurs années maintenant et ne s'était doutée de rien. Voyait-elle désormais en moi un monstre, une caricature du diable, alors que c'était bien plus compliqué que cela?

Elle pleurait et frôlait la crise de nerfs. Je jugeai plus sage de la laisser se calmer. De la laisser tout assimiler, en espérant qu'elle ne ferait aucune bêtise entre temps. Je devais vraiment réflechir à ce qu'avait dit Azraëlle pour libérer Wilha de l'hypnose. Et avec la petite fille en détresse à côté de moi, je ne pouvais pas réflechir correctement. Azraëlle allait m'entendre et elle n'allait pas aimer. Je n'aimais pas ses coups sournois.

- Si c'est ce que tu désires.

Et c'était en effet son désir pour le moment. Je me levai du bord de son lit, lui jetant un long regard, avant de soupirer et de me retirer comme elle me le demandait. Je n'allai pas très loin cependant, refermant la porte de sa chambre, avant de me laisser glisser le long du mur, me remémorant ma discussion avec Azraëlle.

La première clé la sortirait du sommeil. C'était ce qu'il s'était passé.

La seconde clé...

Je fermai les yeux pour me concentrer et tenter de me rappeler ses paroles plus précisément... Des fleurs qui deviennent légende quand le regard des cieux se posent sur elles. Azraëlle était issue de l'Antiquité. La Grèce si je ne me trompais pas. Je devais chercher du côté de la mythologie sans doute. Je me relevai, m'installant sur l'ordinateur pour faire quelques recherches. Fleur, dieux... Je cherchai alors que cette légende me disait quelque chose et effectivement je finis par trouver plusieurs légendes collant, avant de trouver la bonne, du moins me semblait-il. Deux heures après la crise de panique de Wilha, je revins dans sa chambre avant de lui souffler la clé qui la délivrerait de son hypnose.

Narkissos...

Narcisse. Qui tomba amoureux de son reflet. Pourquoi cette clé justement? Trop fasciné par son reflet, il en dépérit... Dis moi mon ange, suis-je ton reflet? Wilha s'était endormie et je ne savais pas de combien de temps je disposais avant de trouver Azraëlle et d'avoir une petite explication avec elle. Je déposai un baiser sur le front de l'enfant, espérant que cela fonctionne et que les choses s'arrangent à son réveil avant de quitter la maison, dans la lexus prêtée par l'ange et de rouler à son encontre. J'avais un bien à lui rendre...

[Prochain RP, tu te réveilles et nous aurons une petite discussion mademoiselle *PAN*]