3 sur 20...Privé de sortie ! | Raphaël

- Moi, c'est Gabriel que j'aimerais fuir ainsi, ça ne manquerait pas d'ironie.

Parce que si je n'étais pas du genre à fuir, Gabriel, avec sa sale manie de se servir des femmes comme de jouets, méritait bien plus que moi un tel retournement de situation. Je posais mon regard sur Holly, au corps martyrisé, même si elle dissimulait admirablement bien sa douleur. J'étais fier d'elle, fier de ses capacités, de sa façon de réagir pendant et après la bataille. J'avais eu peur pour elle, quand je l'avais vue dans cet état. J'avais réalisé que je pouvais la perdre et que je n'étais pas du tout prêt à vivre dans un monde où elle ne serait pas. Je lui demandais comment elle se sentait et elle répondit bravement que ça allait, et que ça irait même mieux dans quelques heures. Quelle formidable pouvoir que celui de guérison, inhérent à tous les anges et les démons, même si ces derniers pouvaient donner un coup de pouce non négligeable. Comme moi.

- Je suis coriace moi ?

Je lui adressais un sourire éblouissant de charme et d'innocence. D'accord, on ne vivait pas tant d'années en ne l'étant pas. Et si je n'étais pas le meilleur combattant de la création, j'étais assez filou et retors pour me sortir des situations les plus périlleuses. On ne craignait pas l'archange Raphaël comme on tremblait face à Azraëlle ou Gabriel, mais je n'en avais cure. J'endormais la méfiance et cela me convenait tout à fait. Je n'avais jamais aspiré à la gloire, juste à tirer les ficelles dans l'ombre.

Holly me fit la liste de ses souhaits alors que je venais de la plonger dans l'eau chaude et mousseuse et je me levais pour accéder à ses désirs, revenant avec le verre de bordeaux et la petite musique douce en fond, afin de l'apaiser. Le repos du guerrier, qu'elle avait amplement mérité. Elle rouvrit les yeux et se saisit de son verre, avant de reprendre la parole, pensive. Elle était persuadée de ne pas avoir été choisie au hasard et l'intérêt s'alluma dans mes prunelles. J'aimais suivre ses réflexions, assister aux démonstrations de son intelligence. Holly, après tous ces siècles, continuait de m'impressionner.

- Ils seraient sacrément bien informés alors... Mais si c'est le cas, nous pouvons craindre le pire. De tous mes bénis, c'est toi qu'on a attaqué. Ce qui signifie que nos ennemis savent exactement les liens qui nous unissent.

Et ça... ça ne me plaisait pas du tout. Comment les démons pouvaient être aussi bien renseignés ? Un traître ? C'était plausible. Mais pour quelles raisons ? Que les anges sachent que Holly était ma préférée, passe encore. Que les démons l'apprennent, c'était plus inquiétant.

- Je pense que nous allons devoir nous renseigner un peu sur nos ennemis... Le savoir est le pouvoir. Je dois absolument m'entretenir avec Gabriel et Azraëlle... Nous ne sommes pas amis, à peine alliés, mais étant donné la tournure que prennent les évènements, il faut que nous prenions les choses en main...

« Ah s’y casser les dents oui. »

Renchéris je en roulant des yeux, absolument pas piégée par son petit air innocent. Parce qu’innocent, il ne l’était pas. Oh, évidemment, il ne s’affichait reine des damnés comme une certaine ailée de ma connaissance, ni bourreau des cœur immortel comme un autre mais il n’en restait pas moins qu’il était redoutable. Mais on le qualifierait plus d’Mais on le qualifierait plus d’ombre angélique.

« Tiens ! Je suis sûre que le serpent de la bible fait référence à toi ! »

Ah oui, ça lui allait bien là ! Mais le sourire que j’affichais était plus tendre et moqueur que réellement insultant. Quoique j’étais sûre que cette comparaison lui plaisait, je ne sais pas pourquoi. Bref, penser à tout cela me faisait un peu oublier la douleur qui parcourait chaque muscle de mon corps et je n’osais pas tout à fait baisser les yeux sur l’état de ma peau. J’imaginais sans peine bleu, coupure et j’en passe. La mousse du bain était plus sécurisante, confortable et je m’y fondis en attendant Raphaël. Maintenant que j’étais en sécurité, un bon verre de vin entre les doigts et la personne la plus important pour moi à mes côtés, je pouvais enfin réfléchir aux évènements de cette soirée. Pour moi, il était naturel de m’en ouvrir à Raph, déjà et sans doute parce qu’il m’écoutait toujours malgré mon jeune âge comparé au sien.

Je fis pensivement tourner le vin dans mon verre avant de soupirer devant son avis. Finalement, je me retournais dans mon immense baignoire et vint croiser les bras sur le bords, à côté de lui, le menton dans le creux de mes coudes. Les mouvements étaient encore bien douloureux mais il y avait de forte chance pour que je n’aggrave rien.

« Honnêtement, je n’en sais rien. Je veux dire…Personne ne pouvait prévoir que je prendrais cette route, personne ne pouvait même prévoir que je sortirais ce soir. C’est pas un truc que je marque dans mon agenda mais si chacune de nos rencontres est un plaisir – ajoutais je avec un clin d’œil amusé avant de reprendre plus sérieusement – Donc on peut déduire que, soit j’étais suivie, soit c’était toi. »

Parce que je ne croyais pratiquement pas à une attaque au hasard, du genre coup de bol.

« Seulement, si c’était toi qu’on filait…Quoique, le type était plutôt du genre discret…Pourquoi s’en prendre à moi ensuite ? C’est idiot, ce n’est pas marqué sur notre front à quel Ange on appartient…Quand a ce qui nous lie…Mmmmh…Suffit d’interroger les anges de l’école pour avoir quinze mille avis différent. Peut-être qu’au final, je n’étais qu’un bonus sur la route ? Mais je n’en avais pas l’impression…Alors si c'est moi qu'on file, je suis une sacrée incapable de ne même pas l'avoir détecté. »

J’avalais une gorgée de vin avant de soupirer de nouveau, posant ma joue sur mon avant bras pour le regarder en coin, un sourire narquois sur les lèvres.

« Oula, une réunion d’urgence ? Quelque chose me dis que ce sera absolument chaleureux comme truc. »

- Oh alors là, tu me flattes.

J'adorerais bien sûr, que le serpent de la Bible soit mon incarnation dans la Bible. Vilain reptile tentateur qui avait séduit Eve et exclut les hommes du paradis. Hélas, non, ce n'était pas le cas et c'était bien dommage. Cela aurait été un fait d'arme des plus glorieux.

- Imagine un peu... Séduire cette dinde d'Eve et bannir les hommes du jardin d'Eden. Ça a de la gueule sur un CV quand même.

J'éclatais de rire, avant de me faire serviteur pour Holly. Qu'elle en profite, cela n'arrivait pas avec tout le monde. Mais elle avait besoin de décompresser, de panser ses plaies et cela allait prendre quelques heures avant que son corps ne soit exempt des stigmates de ce combat, auquel je n'avait pas assisté, mais que j'imaginais sans peine féroce au vu des blessures de ma protégée et du démon que j'avais achevé sans aucune pitié. J'avais un air affable et bonhomme qui était trompeur, mais mieux valait éviter de trop se frotter à moi et me chercher. Je pouvais devenir aussi cruel quAzraëlle.

Je revins avec ce qu'elle m'avait demandé. Après avoir plaisanté, nous étions soudainement plus sérieux alors que nous cherchions à comprendre ce qu'il s'était passé. Pourquoi avait-elle été attaquée ? Assis près de la baignoire, je l'observais alors qu'elle se retournais et venait croiser ses bras sous son visage, tout en réfléchissant. Il était impossible pour nos ennemis de savoir par où elle allait passer. Le coup d'aller en boîte était improvisé. Le fait qu'elle s'arrête sur cette aire également. Que nous soyons suivis ne me plaisait guère, car je n'avais rien remarqué.

- Si je suis suivi, je ne l'ai pas remarqué non plus et alors dans ce cas, on ne parle même plus d'incapacité me concernant...

J'eus un léger sourire, qui n'atteignait pourtant pas mon regard.

- Si nous sommes suivis, ou si c'est toi ou moi, alors il n'est pas très difficile de deviner que nous sommes proches... On se voit souvent, tu es officiellement ma sœur... Je crois qu'on ne saura jamais pourquoi tu as été attaquée. J'aurais sans doute du pousser le démon aux aveux avant de le tuer... Mais je n'étais pas en état de réfléchir rationnellement.

Impossible quand elle était dans cet état, quand j'avais eu si peur pour elle. Et je le lui avouais, la peur prenant le pas sur ma logique en cet instant. Il allait falloir nous réunir, les autres archanges et moi même, on ne pouvait plus laisser la situation nous échapper ainsi.

- J'ai presque hâte d'y être. J'adore ces retrouvailles familiales.

J'avais répliqué avec bonne humeur. Moi, je m'amusais comme un petit fou avec les deux autres coincés.

- Je te raconterais.

Et elle savait que j'adorais raconter ce genre d'anecdotes, en exagérant un peu le trait, en y semant pas mal d'humour. Un vrai conteur. Je changeai brutalement de sujet, redevenant sérieux.

- Tourne toi s'il te plait.

Holly me jeta un regard interrogateur, avant de s'exécuter. Doucement, mes mains se posèrent sur ses épaules, avant de commencer un lent massage, agrémenté d'une pointe de pouvoir guérisseur, petit cadeau pour la soulager.

Je ris devant son enthousiasme, enfin j’essayais par ce que des côtes cassées ça aide pas pour rire voyez-vous. Mais je préférais cette ambiance légère et chaleureuse. Je ne voulais pas penser à la douleur, à la souffrance. A mes blessures. Des blessures qui criaient assez fort que j’avais été faible d’une certaine façon. Et je m’en ouvrais à lui, parce qu’il saurait me comprendre, me conseiller, m’aider. Le fait que je sois nue dans un bain moussant, prêt de lui, prêtait à une ambiance intimiste que j’appréciais, même si il n’y avait aucune ambiguïté…N’est-ce pas ? En fait, même moi, je ne savais plus sur quel pied danser avec lui parfois alors je préférais parler de mes hypothèses et, avouons le, elles n’étaient pas glorieuse pour nous.

Je levai les yeux sur lui :

« Je ne veux pas être considérée comme ta faiblesse Raphaël, je crois que je le prendrais comme une insulte. Je ne sais pas si l’on cherchait à t’atteindre à travers moi ou pas, si ce n’est qu’une coïncidence parmi d’autre. Mais j’ai du mal à y croire, tu m’as appris à ne pas me fier aux apparences. »

Et même si jamais je ne devrais découvrir la vérité, je refusais de devenir une faille dans l’armure de Raph. Hors de question !

« De toute façon, il est mort, il ne pourra rien répéter. »

Cependant, j’étais sensible à ses mots, en devinant le sens cachés sans avoir besoin d’en demander plus. Je n’aurais pas agi avec plus de discernement si la situation avait été inversée. Parfois, je me demandais ce qu’il était réellement pour moi mais une chose restait certaine, quoiqu’il soit, je ne supporterais pas qu’on le blesse ou le tue. Je n’étais pas l’ange la plus terrible, ni la plus forte mais je serais capable de tout pour lui. J’effleurais doucement sa cuisse, en signe de compréhension parce que nous aurions réagi de la même manière et parce que j’avais besoin de le toucher pour m’assurer que j’allais bien. Puis, je plaisantais sur la réunion qu’il prévoyait et je ris a sa réponse.

« Je suis sûre que tu attends cela avec impatience ! Tu adore te moquer d’eux. Fais gaffe qu’ils ne s’allient pas contre toi par contre… »

Mais cela ne risquait pas. Azraëlle se méfiait de Gabriel, autant qu’elle pouvait se méfier de Raphaël, mais ça, c’était valable pour tous. Il n’y avait pas vraiment de cohésion, ni d’attachement et pourtant, les guerres étaient calquées sur le modèle militaire humain.

« J’espère bien ! »

Répondis-je alors qu’il me promettait un compte rendu fidèle. Il le faisait toujours avec humour et prenait un malin plaisir à se moquer des deux autres. J’adorais l’écouter. Puis, je haussais un sourcil lorsqu’il m’ordonnait presque de me retourner, mais je le fis, curieuse d’une certaine façon avant de laisser un soupir de pur plaisir résonner dans la pièce en sentant ses mains agir sur mes épaules raides, ma nuque douloureuse…..

« Oh bon sang…N’arrêtes pas…. »

Je renversai la tête en arrière, les yeux clos alors que la magie de ses doigts se propageait en moi. Malgré notre lien, on ne se touchait de cette manière que rarement, enfin moi surtout j’évitais parfois de le toucher, parce que je n’étais pas un ange de deux mille ans, parce que parfois, je n’étais qu’une femme.

« Oh oui…. »

Nom du patron ! C’était une sensation si pleine, si parfaite ! Je ne me rendais même pas compte que ma voix résonnait sourdement, laissant entrevoir le bienêtre que j’éprouvais soudainement.

« Continue… »

- Je crois que personne ne commettra plus l'erreur de te considérer comme ma faiblesse après la dérouillée que tu lui as mise.

Je souris, tentant de l'apaiser. Alors d'accord, elle n'était pas ma faiblesse si ce terme la chiffonnait. Elle était... Mon talon d'Achille ? Mon point faible ? Pas dans le sens où elle ne savait pas se défendre, loin de là, mais dans le sens où lui faire du mal revenait à me blesser à travers elle. Il était regrettable que l'on sache pouvoir avoir une emprise sur moi par son biais, mais je n'avais pas cherché non plus à cacher notre lien. Avais-je commis une erreur ? Comment faire autrement ? Je n'allais pas mettre mon bel oiseau en cage pour la protéger elle n'aurait pas aimé cela et moi non plus. Je n'avais pas besoin d'une petite chose fragile.

- Il ne répétera rien, mais sa disparition suffira à les rendre plus prudents te concernant. Dommage que je n'ai pas le pouvoir de faire parler les morts.

Holly me caressa la cuisse, juste un effleurement, un soutien, une compréhension. Parfois, les mots étaient inutiles. Je lui fis part de mon désir de voir les archanges se réunir. cela semblait assez vital en fait, même si l'idée de me retrouver coincé entre les deux autres n'était pas forcément des plus réjouissantes. Mais bon, je saurais surement en tirer partie et trouver cela amusant malgré tout, les observant se tacler, avec leurs égos démesurés. On pouvait toujours profiter d'une situation. Holly me comprenait et je souris à son conseil.

- Gabriel et Azraëlle, s'allier ? Je n'y crois pas, ils sont trop différents.

Je lui promis un compte rendu à ma sauce de cette réunion, de quoi lui mettre l'eau à la bouche. Finalement, je lui enjoignis de se retourner et entrepris de la masser, pour la délasse,r pour chasser les dernières traces de cette nuit éprouvante. Au vu de ses commentaires, cela lui plaisait. J'étais doué. Je n'étais pas un démon, mais j'étais tout de même l'ange guérisseur, et pas totalement un charlatan. Je savais me servir de mes mains, ayant apprit bien des médecins, bien des techniques. Je souris à part moi alors que ses petites exclamations me faisaient penser à des soupirs de contentement, alors ce que nous faisions était chaste.

- Tu n'es pas la première à me supplier comme ça tu sais ?

Sauf que les autres, c'était dans des situations bien plus osées. Je me surpris à l'imaginer, frissonnante entre mes mains, moites sous mes doigts... Tremblante de désir et sa voix voilée, terrassée par le plaisir. Des images dérangeantes... Troublante.

- Tu te sens mieux ?

Ne pas laisser voir mon trouble. Jamais.

La dérouillée ? J’avais l’impression d’avoir merdé surtout. Encore plus si on se servait de moi pour atteindre Raphaël. Cette idée avait le don de m’énerver mais je ne pouvais pas l’exclure hélas. C’était un risque que je courais tous les jours d’une certaine manière, même si nous étions discrets ou si nous troublions les cartes. Je n’aimais pas cette idée de faiblesse même si on savait très bien que ce n’était pas tout à fait cela. C’était vrai, j’aurais aimé pouvoir interroger le démon. Ne serait-ce que pour savoir, pour connaitre les plans qui nous visait. En caressant la cuisse de l’archange, je lui faisais comprendre que j’aurais réagi de la même manière, j’aurais sans doute perdu mon sang-froid et fait un véritable massacre. Envahie de colère et de haine. Je le savais parce que rien que cette idée me soulevait le cœur.

« Ou trop semblables… »

Répondis-je tandis que notre conversation glissait sur les décisions qu’il devait prendre. Après tout, avec Azraëlle et Gabriel, il était parmi les plus puissants d’entre eux. Si lui ne savait rien, si les autres non plus, il y avait fort à parier que le reste des anges les attendait au tournant. Alors il avait raison, totalement. Il me promit même un compte rendu a sa saucer et autant le dire, je m’attendais à bien rire. Raphaël savait comme personne me relater ces moments, singeant tantôt l’une, tantôt l’autre avec force de petites piques. Puis, il m’incita à me retourner, posant ses mains larges sur mes épaules, distillant un peu de son pouvoir par la même occasion et, autant le dire, c’était limite aussi bon que de faire l’amour. Et, à mon avis, j’étais un peu trop expressive lorsque sa voix s’élevait, amusée. Ouais, j’imaginais sans peine qu’il avait été plus d’une fois entendu ce genre de truc…Et le problème principal était que je n’aurais pas dût imaginer parce que brusquement, je me demandais quel amant il était. Me demandant sans que je ne puisse m’en empêcher, s’il n’était pas mon mentor, s’il était mon amant, serait-il du genre passionné ? Doux ? Inventif ? Est ce qu’il me caresserait avec possessivité ou indolence ? Et…Et rien du tout ! Merde !

« Arrête ! J’ai l’impression d’apprendre que mes parents ont une vie sexuelle là ! »

Au moins, ça pouvait expliquer ma soudaine gêne alors que je serrais brusquement les cuisses et me félicitant d’être dans un bain. Puis je soupirai de bien être, chassant résolument l’image d’une main large et mâle sur moi, se glissant entre mes cuisses. Très mauvais plan de penser à ça ! Très mauvais !

« Ouais, beaucoup mieux…Tu es sacrément doué mais je suppose que tu le sais déjà. »

Plaisantais-je avant de me soustraire doucement à ses mains, pour ma propre survie voyez-vous ! Je me saisis de mon verre, que j’avais posé et en avala la moitié d’une seule gorgée. Effaçant le trouble de mes yeux avant de le regarder, je souris, amusée :

« Je me ferais blessée plus souvent si j’ai droit à ce genre de traitement. »

Oh bordel ! Tu pouvais pas dire autre chose ?! Ah bravo Holly, vraiment…Bravo !

« Bon plus sérieusement, je vais très rapidement surveiller mes arrières, on ne sait jamais, si c’était ciblé je ne tiens pas à me faire sauter dessus à nouveau. »

J'éclatais de rire quand elle me répliqua qu'elle avait l'impression d'apprendre que ses parents avaient une vie sexuelle alors que je venais de lui dire qu'elle n'était pas la première à me supplier ainsi.

- Je sais pas comment je dois le prendre pour le coup.

Non parce que bon, être comparé à son père, merci bien. Je faisais presque plus jeune qu'elle, cela dépendant de mes rôles, de mes vêtements ou de mes expressions, mais nous avions sensiblement le même âge à notre transformation. Même si j'avais plusieurs centaines d'années de plus qu'elle. Mais qu'elle me voit comme un père était... dérangeant. Et quelque part, cela me blessait presque. Que nous soyons complices, amis, frère et sœur, aucun problème, mais pas de relation filiale, je n'avais rien d'un paternel, bien trop immature par bien des côtés.

Je continuais de la masser alors, ce qui semblait lui procurer un plaisir indicible et je souris, amusé, flatté aussi alors qu'elle me disait doué. Je me penchais à son oreille et murmurais, d'un ton mi figue, mi raisin :

- On m'a déjà dit que j'étais doué avec mes mains, oui...

Pourquoi jouais-je avec le feu ? Aucune idée. Je n'avais jamais crains de parler devant Holly, de laisser sous entendre que j'avais un peu d'expérience avec les autres femmes, même si ma vie sexuelle était atrocement vide comparée à celle de Gabriel. Mais je n'étais pas un moine pour autant, bien que je me sois amusé à me faire passer pour un prêtre. Holly s'échappa alors, avant de me regarder, pétillante de malice et avouant qu'elle se serait blessée plus souvent pour ce genre de traitement. Je souris en coin.

- Tu n'as pas besoin d'être martyrisée pour que je te fasse ça. Il suffit de demander.

Je hochais la tête quand elle reprit son sérieux en parlant des attaques. Oui, elle avait raison, il fallait faire attention. Je me levais alors.

- Je vais te laisser terminer, je t'attends dans le salon.

Besoin de prendre un peu de distance, de réfléchir, de fuir son corps nu, recouvert de mousse... Malgré mon apparente nonchalance, des images me passaient dans la tête. Je quittais la salle de bain et allais m'enfoncer dans un des fauteuil, sirotant mon vin, plongé dans mes pensées et l'air beaucoup plus sombre.

« J’avoue, ce serait presque vexant ! »

Riais je à mon tour, un peu jaune quand même parce que comme excuse à la con, j’aurais pu trouver mieux. Mais comment expliquer un trouble qui, jusque-là n’était jamais devenu imagination ? Aucune idée. Pourquoi maintenant ? Pourquoi après tant de temps ? C’était un mystère. Etre attirée par Raphaël n’était pas une surprise, je l’avais toujours plus ou moins été, après tout, c’était un homme plus que séduisant. Mais de là à commencer à fantasmer, il y avait un pas et il semblerait que je l’ai allégrement franchit. Alors quoi ? C’était à cause de mon agression ? Allons, je n’étais pas une petite poule faiblarde ! Ses attentions ? Ce n’était pas la première fois qu’il prenait soin de moi, bien que les circonstances soient différentes. Son allusion ? Mais bien sûr ! Comme si j’ignorais que Raphaël avait une vie sexuelle tiens ! Alors quoi ?! Et là, pas de réponse. En fait c’était totalement incompréhensible.

J’en étais là de mes réflexions lorsque son souffle glissa sur ma nuque. Je crispais soudainement les mâchoires. Mais qu’est ce qui ne tournait pas rond chez moi bon sang ! Et c’était quoi ce frisson sensuel sur ma peau ? Cette humidité insidieuse entre mes cuisses ?! Merde ! Je fis donc ce que toute femme dans ma situation aurait fait. Je fuis ses mains. Par peur de céder à une impulsion qui ne ferait que nous plonger dans l’embarras, que je pourrais regretter plus tard parce qu’après tout, j’étais vulnérable. Cette foutue attaque m’avait rendue vulnérable. C’était peut-être ça. Ca allait passer. Ca devait passer.

« Mince, je fais dans le redondant alors ?! »

Plaisantais je alors que je n’en menais pas large, adorant soudainement mon verre de vin en me disant que l’alcool allait pas aider. Mais en plus, il fallait que j’en rajoute une couche. Question ? n’en faisais je pas un peu trop ?

« Fais attention, je pourrais en profiter plus souvent qu’à mon tour ! »

C’est cela, cachons nous derrière la légèreté, ça ira mieux. Je n’en étais pas persuadée mais je tentais de me convaincre que ce n’était qu’une passade. Un instant étrange entre nous. Pas de quoi en faire un plat, même si une petite voix me susurrait avec amusement que j’étais dans une panade intersidérale. Et puis, il quitta la salle de bain et sans doute ne pouvait il imaginer a quel point d’en fus soulagée. Ce n’était pas contre lui, après tout, ce n’était pas de sa faute, mais j’espérais tout au fond de moi, que ce n’était que passager. Je ne voulais pas le perdre pour une banale histoire d’hormones.

« Ca marche. Je devrais pouvoir m’en sortir seule. »

Lui souriais je tout en me posant la question. Mon corps allait mieux, voir trop bien même et lorsqu’il disparut derrière la porte, je soupirais en m’enfonçant dans l’eau, fermant les yeux. Le temps d’oublier, enfin d’espérer oublier.

Quelques minutes plus tard….Enfin, une bonne demie heure plus tard, je sortais de la salle de bain vêtue d’un petit peignoir de soie, mon verre à la main. Raphaël était assis sur un fauteuil et je fronçais légèrement les sourcils devant son air sombre. Sans attendre, je me portais à sa hauteur, m’agenouillant devant lui avant de poser une main sur son genou.

« Tu as l’air bien sombre. Quelque chose te tracasse ? »

- Navré, tu n'as pas la primeure de l'information.

D'accord, je n'avais pas la libido débordante de Gabriel, mais je n'étais pas non plus aussi dépourvu de sexualité qu'Azraëlle. J'étais dans un juste milieu, plutôt dans la normale, n'enchainant pas les conquêtes, bien que j'ai su m'afficher au bras des plus belles femmes que la terre ai porté. Mais m'afficher avec elles ne signifiait pas coucher avec, c'était là, la grosse différence. Ma dernière aventure en date remontait déjà à une paire d'années... Et finalement, il n'y avait jamais rien de sérieux, cela ne servait que mes intérêts. Donner mon corps, facile, donner mon âme et mon cœur, il en était hors de question.

- Tu serais la seule à pouvoir en profiter.

Juste un murmure, malgré un sourire amusé au coin de mes lèvres. C'était pourtant vrai, elle était bien la seule à avoir cette chance, cet honneur, appelons cela comme on le voulait. Elle pouvait me demander ce qu'elle voulait ou presque, elle l'obtiendrait, sans contrepartie et c'était la seule dans ce cas. Une vive émotion s'empara alors de moi et je préférais battre en retraite, me replier sagement dans le salon avant qu'un quelconque trouble ne soit décelable par Holly. Je l'abandonnais dans la salle de bain en faisant bonne figure, avant de m'asseoir dans le fauteuil, pensif. Pensif concernant ce qui me liait à elle. De l'amour ? Oui, sans doute, mais jamais encore il n'y avait eu de désir physique de ma part, c'était un amour platonique, une confiance aveugle... Mais aujourd'hui... Je reconnaissais bien le désir qui me poignardait les reins, cette envie de découvrir son corps, de le caresser.

Je ne relevais pas le visage quand le pas léger de Holly se fit entendre plusieurs minutes plus tard. Je ne la regardais que quand elle se mit à ma hauteur, mon regard croisant sa cuisse nue, que je pouvais entrevoir par la fente du fin peignoir en soie. Doucement, je remontais vers son buste, sa poitrine, au décolleté échancré, avant de plonger dans ses yeux tandis que sa main sur ma cuisse me brûlait presque. Oui, j'étais sombre... Ce qui me tracassait ?

- Toi.

Réponse laconique.

- Je crois que je t'aime depuis que je t'ai rencontré, je crois que je suis tombé sous ton charme, alors que tu étouffais dans ce couvent... J'ai une confiance aveugle en toi, je te respecte énormément. Mais... Il n'y a jamais rien eu de tendancieux entre nous. Sauf que maintenant, je ne sais plus. Il y a quelque chose, là.

Il s'empara de la main de Holly, celle qui se trouvait sur sa cuisse et la posa à plat sur sa poitrine, à où battait son cœur un peu trop vite.

- Qui remue. Qui ne devrait pas être.

Il n'avoua pas qu'il la désirait en plus, c'était bien suffisant ainsi. Un Raphaël qui tombait le masque, sincère, sérieux, presque vulnérable, c'était rarissime.

- Je ne suis ni ton père, ni ton frère, ni ton ami, ni ton confident, ni ton amant... je suis tout cela et je ne suis rien à la fois.

Je crois que je m’étais attendu à tout. A cette agression sans queue ni tête. A la perspective de devoir composer avec une frigide et un brasier pathétique. A une guerre telle qu’on en avait pas connu depuis des siècles. Oui, a tous je crois, sauf à ça. Interloquée, je fixais Raphaël :

« Moi ? »

Et comme une enfant prise en faute, je me mis à chercher dans ma mémoire ce que j’avais pu faire ou dire. L’éclat de mes iris s’assombrissant à mesure que je réfléchissais. Mais rien. Je ne voyais rien. On s’engueulait rarement mais lorsque cela arrivait, les murs tremblaient certes, mais…Mais on pardonnait toujours et puis, c’était ridicule, on ne s’était pas engueulé depuis un bail ! Alors quoi ? Et puis il reprit la parole, me foudroyant sur place. Indécise, je me mis a tripoter le bas de mon peignoir et, depuis longtemps, je me sentais dans la peau de celle que j’étais autrefois. Idiote. Naïve. Sauf que là, ça ne venait pas d’un homme quelconque, cela venait de Raphaël. De lui. Et en soi, il y avait de quoi me perturber. Plus que ça en fait. Mon cœur rata un battement alors que mon souffle se bloquait dangereusement. Je crois que d’aussi loin que je me souvienne, je n’avais jamais connu Raphaël ainsi. Cynique. Caustique. Amusé. En colère. Rageur. Joueur. Tendre. Oui, tout cela, c’était des facettes que je connaissais. Pas celle-là. Nouvelle et étrange. J’avais presque envie de croire qu’il s’amusait avec moi, mais non. Non, ce n’était pas cela. Mon instinct me le disait et si son cœur sous ma paume s’emballait, le mien n’était pas en reste. J’aurais aimé retirer ma main avec un rire amusé, me relever, pirouetter sur une bonne blague mais ma voix restait bloquée au fond de ma gorge. Je n’arrivais même plus a respirer. Plus vraiment.

Le chaos régnait. Aussi bien dans mes pensées que mon cœur. Qu’essayait-il de me dire ? Que devais-je croire ? Une lueur incertaine, chaotique s’alluma dans mes iris. Il avait raison, il était tout et rien en même temps. Une étrange position incertaine, trouble qui nous allait jusqu'à présent…Alors pourquoi bousculer les pièces ainsi ? pourquoi faire de tout ce que je croyais un pur mensonge ? Et encore…Mensonge n’était-ce pas un peu fort ? Bon sang ! A quoi joue tu Raph ?!

Ma main trembla légèrement avant que je ne la retire de sa poitrine. Elle me brulait. Je ne trouvais même pas quoi lui répondre. Je restai plantée là à le fixer comme une idiote. Et soudain, tout s’emballa sans que je ne puisse prévenir mon geste. Vive, ma main accrocha sa nuque. Le prenant par surprise. Il n’eut d’autre choix que de suivre le mouvement. Je ne sais pas ce qu’il m’a prit. Avec le recul, je ne trouverais pas de réponse satisfaisante, je le savais. Alors tant pis. J’esquiverais la question. J’esquiverais la réponse. L’embrasser. Juste une fois. Folie ? Oui sans doute. Qu’importe. Et aimer le goût de ses lèvres. Les aimer terriblement. A tel point que je me fis peur. Je le relâchais subitement, plaquant un sourire sur mes lèvres encore incandescentes des siennes avant de me lever prestement sur un rire léger.

« Alors ? T’ais je fais plus d’effet que ta dernière maitresse en date ? Non, évidemment. Je vais te dire ce qu’il y a Raphaël. Il y a que jamais…Jamais tu n’as été aussi prêt de me perdre définitivement. Il y a que, sans me vanter, je suis plutôt bien faite. Il y a que ce que nous sommes l’un pour l’autre ne ressemble à rien d’existant, rien de comparable. Il y a que tu as eu peur pour moi. Tout comme j’aurais eu peur pour toi. Il y a que tu as besoin de me sentir vivante parce que c’est ce que je ferais moi. »

Je contournais son fauteuil, me penchant derrière lui pour entourer son cou de mes bras, la bouche prêt de son oreille.

« Il y a que toi et moi…Ca n’a pas de nom. »

Je lui embrassais chastement la joue avant de me redresser, virevoltante, jouant une comédie que j’étais bien loin de ressentir.

« Je n’aime pas te voir ainsi, regarde-moi, je vais bien. Alors redeviens celui que tu es. Je ne suis qu’une des Tiennes indisciplinées et têtues auquel tu tiens particulièrement. Je ne suis que ta meilleure élève. Je ne suis que celle qui te permet d’être comme tu es et je t’aime pour ça. »

Moment d’abandon.

Cœur mis à nu.

Doutes.

Et surtout faiblesse. Un trouble que je ne pouvais masquer et ce fut avec un naturel étrange que je lui avouais être sombre à cause d’elle. Je lus la surprise dans son regard, l’hésitation également. Je mis mon cœur à nu, lui livrais le secret de mes pensées les plus profondes. Que pouvait-il bien se passer dans son esprit en cet instant ? A quoi pouvait-elle bien penser face à ces aveux qu’elle n’aurait jamais pu imaginer ? Holly me troublait. Elle m’avait toujours fascine, attire, même quand elle n’était qu’une petite noble naïve qui s’était faite piégée et enfermée dans ce couvent où je l’avais délogé, dévoyé. Astre solaire qui ne demandait qu’à briller de mille feux, femme de pouvoir, femme sensible… Aujourd’hui, quelque chose avait changé. Alors que j’avais risqué de la perdre, quelque chose avait changé. Un déclic. Trop violent, qui me laissait incertain. Et incertain, je ne l’étais jamais. Sans afficher l’arrogance des autres anges, j’avais une morgue naturelle qui égalait leur fierté.

Dans un silence presque religieux, Holly retira sa main de la mienne, me regardant sans mot dire, abasourdie sans doute. Et sans que je ne comprenne comment, ni pourquoi, elle s’empara de ma nuque et je sus ce qui allait se passer, alors que nos lèvres se rencontraient alors que pour toute réponse à mon discours, elle m’embrassait. Et que je le lui rendais bien, sentant mon désir s’éveiller de nouveau, alors que je lui rendais ce baiser. Avec envie, avec délectation, me sentant étrangement vulnérable et en colère quand elle y mot brusquement fin, se relevant prestement, légère, tourbillonnante. Fuyante ?

Et elle répondit enfin, ne me laissant pas le temps de reprendre mes esprits, m’offrant une échappatoire bien commode. M’a-t-elle fait plus d’effets que ma dernière maîtresse ? Non, pas spécialement, mais autant, ça, c’était certain. Et de façon différente. Elle trouva des explications à ce trouble nouveau et je ne démentais pas, m’accrochant à cette hypothèse. C’était mieux ainsi. Elle fit le tour du fauteuil, m’enlaçant et susurrant à mon oreille que notre relation ne pouvait être définie, avant de m’embrasser sur la joue, comme un ami, me laissant frustré de si peu. Irrationnel.

- Tu as raison.

Le doute, la vulnérabilité s’envolèrent du regard que je posais sur elle, et je redevins l’archange nonchalant qu’elle connaissait. C’était ce qu’elle voulait, ainsi soit-il.

- J’ai quelques affaires à régler. Avec les autres pontes angéliques. Mais si tu ne veux pas rester seule cette nuit, ça attendra demain.

Je pouvais fuir, me perdre dans mes obligations, dans ce panier de crabes. Je pouvais veiller sur elle cette nuit et m’évaporer au petit matin. Retarder de quelques heures une réunion au sommet. La protéger, de façon illusoire, au cœur des ténèbres.

Pourquoi jeter le trouble sur ce que nous étions ? Je n’en savais rien. Que se soit son aveu ou mon impulsion, j’avais l’impression d’avoir franchi une limite jusque-là soigneusement respectée, aveuglée. Je la sentais brisée, quelque part, comme déchirée par un soupir elle qui, jusque-là, savait si bien décider ce que Raphaël était pour moi.

Lui comme moi étions doués pour nous cacher nos propres vérités, aussi sauta-t-il sur mon explication avec une facilité déconcertante, tout comme je m’efforçais de m’en convaincre. Cela pouvait expliquer le trouble saisissant qui semblait ne pas vouloir me lâcher depuis que j’avais gouté ses lèvres. C’était stupide ! Embrasser un type comme lui retournerait le cœur de n’importe quelle donzelle ! Sauf que…Je n’étais pas n’importe quelle donzelle. Je le côtoyais depuis plus de 4 siècles. Il savait tout de moi et moi, je pouvais me targuer de le connaitre mieux que personne. Totalement ? Non. Le Maitre des Vertus était un mystère trop brumeux pour espérer le cerner, même 4 siècles de plus ne suffiraient pas. Oui, c’était une explication plausible mais là, en lui sortant des conneries ( parce qu’une voix au fond de moi était en train de ricaner et de m’insulter évidemment ) j’espérais moi-même y croire.

Je lui souris. Oui, j’avais raison. Raison. Raison. Alors pourquoi cette sensation démentielle de l’avoir perdue cette raison ?! Frondeuse, je me saisis de son verre avant de me laisser couler sur ses genoux, passant mes bras autour de sa nuque, le verre dansant au bout de mes doigts. Je devrais le laisser partir non ? C’était idiot, j’étais une grande fille, tout à fait capable de me remettre d’une agression, même si j’avais clairement faillit y passer et pourtant l’idée qu’il parte maintenant me dérangeait. Oui, me dérangeait vraiment. Ma bouche se plissa en une petite moue boudeuse, on m’aurait sans doute donner le bon dieu sans confession dans la minute. Jouer les petites filles capricieuses m’allait bien, même si Raph savait que je n’étais pas spécialement infantile.

« Tu m’abandonnerais pour retrouver ces machins ? Allez, reste ! Après tout, cela fait combien de temps que je n’ai pas pu profiter de toi tranquillement ? Outre le lycée, j’ai mon propre boulot, mes petites affaires, très petites comparées aux tiennes, d’accord mais…Et bien, juste que j’ai la nostalgie des soirées passées au coin d’un feu dans une forêt perdue. On pouvait passer des heures à discuter, argumenter sur n’importe quel sujet…D’ailleurs, je dois bien avouer que ce que je sais, c’est un peu à toi que je le dois. »

Il était très rare à l’époque qu’une fille soit éduquée. Raph m’avait poussée a développer mon intelligence naturelle, mon esprit d’analyse, gavant ma curiosité insatiable, ravissant mon besoin constant d’apprendre encore plus. Je voulais oublier que j’avais outrepassé nos liens, oublier l’effet qu’avait eu ses mains sur moi, leur lente caresse. Je voulais retrouver la sécurité de ce que l’on était…Avant ? Qu’est ce qui avait changé ? J’étais bien incapable de le savoir moi-même, mais je le sentais confusément. Trop confusément…J’avais du mal à digérer le désir soudain qu’il éveillait en moi. Beaucoup trop.

« Alors si nous profitions un peu de l’accalmie avant la tempête qui se prépare ? »

Je dissimulais habilement l’étincelle troublée de mes iris avant de le regarder bien en face.

« Et puis, je n’ai pas envie de te laisser partir. »

Holly m'avait offert une porte de sortie, une explication, et le plus lâchement du monde, je m'y engouffrais avec soulagement. Je conservais mes doutes, mais je ne lui en ferais plus art. Je m'étourdirais dans des plans plus audacieux les uns que les autres pour tirer les ficelles de ce monde qui sombrait, mais je ne me poserais plus de questions sur la nature de mon lien avec Holly. C'était une amie très chère, ma bénie préférée, que j'avais failli perdre et de cette peur de la perte était née ce drôle de sentiment qui ne se devait pas d'exister. C'était aussi simple que cela.

Nous ne reparlerions sans doute pas de cet épisode. Jamais. Nous allions l'enfuir dans nos mémoires et ne plus l'évoquer. Elle allait guérir et au petit jour, tout cela ne serait plus qu'un vilain rêve, un cauchemar. Un cauchemar qui avait pourtant eu une saveur bien particulière quand ses lèvres s'étaient posées sur les miennes... Un baiser que j'aurais aimé effacer de ma mémoire, mais qui y restait pourtant imprimé...

Je voulais partir. La laisser se reposer, retourner à la solitude, réflechir à tout cela, provoquer une réunion avec Azraëlle et Gabriel, afin de me détendre, de pouvoir me moquer de ces deux anges qui se pensaient supérieurs. Un moyen de décompresser, de les étudier. Je voulais partir, mais en même temps, je rechignais à la laisser seule, à l'abandonner ainsi. Et elle dut le sentir, car elle en profita pour me supplier de rester.

- Si tu me prends par les sentiments... D'accord, je reste.

Doucement, je m'approchais d'elle, avant de venir me caler contre elle l'entourant d'un bras et posant ma joue contre sa tête.

- Tu vas réussir à me rendre nostalgique de cette époque, tu sais ? Et c'est pas le moment d'être nostalgique après cette soirée riche en évènements. Moi et le sentimentalisme, ça fait deux...

Je ris. Un rire léger qui cachait les méandres devenus fou de mes pensées.

« Pas sentimental ? Alors que je viens de te prendre par les sentiments selon tes propres dires ? Tu te moque ou alors tu es devenu incohérent sans me le dire. »

Rieuse, du moins, en apparence, je balançais les jambes dans le vide, comme une enfant avant de renverser la tête pour le regarder, si bien callée contre lui. Trop bien callée. La sécurité qu’il m’apportait se teintait de quelque chose de plus sombre, de plus versatile, de plus brulant qu’il m’était bien difficile d’apprivoiser, de maitriser. J’avais l’impression immonde de jouer avec le feu, j’aurais dut le laisser partir au lieu de l’attirer a rester contre moi, vers moi. C’était stupide, qu’essayais je de prouver ? je levais un index que je tapotais sur son nez.

« Or, tu n’as pas le droit de me cacher ce genre de truc ! »

Et puis soudainement, mon regard s’assombrit. En fait, on allait où là ? C’était du n’importe quoi ! On pouvait se nier, se défier beaucoup de chose mais ce cacher l’un a l’autre par peur, par lâcheté, était-ce le mieux ? Nier oui, oublier, non, je n’en étais pas capable. Alors oui, oui, oui, trois fois oui, je n’aurais jamais dût franchir cette ligne invisible qui nous séparait. Jamais. C’était jeté un trouble immense, fou. Et pourtant, quelque part, c’était de sa faute à lui. Rien qu’à lui. Je bus son verre, sans un mot avant de soupirer…

« T’embrasser a été la chose le plus débile que je pouvais faire. »

Et pourquoi donc ? Juste la sensation de ses lèvres, le parfum de ses lèvres. Je souris, faussement amusée, un clin d’œil moqueur qui cachait la profondeur de mes iris, brimait le sérieux de mes propres mots. Comme si je jetais des mots sans importance alors qu’ils ne pouvaient qu’en avoir. Et j’eus un rire.

« Parce que maintenant, j’ai très envie de recommencer. »

Je bougeais. Vite. Souple. Me retrouvant à califourchon sur ses genoux. Crever l’abcès, maintenant, sinon, cela me hanterait. Je voulais qu’il me dise que lui oublierait. Facilement. Je lui en voudrais peut être un peu mais plus tard, je ne pourrais que lui en être reconnaissante. Je penchai légèrement la tête sur le côté, une moue mutine sur le visage.

« Tu sais, les paravents c’est sympa avec les autres, mais tu me connais trop bien pour que je puisse faire illusion longtemps alors sois gentil avec moi et balance moi une bonne rebuffade, je te jure que je t’en voudrais pas. »

Enfin pas longtemps, promis. Et je me dirais qu’avoir envie de lui n’était qu’une bêtise idiote parmi tant d’autre.

Je restais muet alors que Holly pointait du doigt mes incohérences. Elle avait raison, je n'étais pas du tout cohérent et je disais n'importe quoi. j'avais le cerveau en berne, et je détestais totalement cette situation. Je me sentais vulnérable, faible. C'était bon que c'était devant Holly et que je n'avais pas peur qu'elle s'en serve contre moi ou qu'elle répande la nouvelle en se moquant de moi. Je ne me serais jamais permis cela devant les autres. Mais aucun autre n'était capable de me troubler à ce point...

- Apparemment, les évènements de ce soir m'ont plus touché que je ne le pensais jusqu'à m'empêcher de réfléchir sereinement. Je ne dirais plus rien avant de tourner 7 fois la langue dans ma bouche.

Parce que là, on aurait dit un adolescent balbutiant face à une fille qui l'intimidait. Or personne ne m'intimidait. Surtout pas Holly, cette jolie fille que j'avais repéré dans un couvent, engoncée dans ces horribles robes amidonnées de nonnes, ses sublimes cheveux blonds dissimulés derrière une coiffure sévère. Je l'avais façonné. Elle était une amie, rien de plus.

Rien de plus.

Pourtant alors qu'elle était calée contre moi, que son odeur m'enveloppait, je me disais que je me trompais et m'aveuglais tout seul comme un grand garçon. Elle m'avait offert un échappatoire, je m'en étais emparé... Et j'aurais du partir d'ici et la laisser seule, mais j'avais succombé à son expression suppliante. Elle avait failli mourir, normal qu'elle ne veuille pas rester seule au moins cette nuit. Normal, mais difficile pour moi. J'avais besoin de m'éloigner pour réfléchir sereinement. Et j'étais tout sauf serein en cet instant. Elle se faisait joueuse et je souris, sans que ce sourire n'illumine mon regard.

- Je peux tout te cacher... Oublies-tu à qui tu as affaire ?

L'un des anges les plus menteurs de la création. Raphaël, Archange guérisseur, Maître des vertus... l'ange bon et soigneur par excellence et pourtant, tout cela n'était que mensonge, il y avait un prix à payer pour mon intervention. Quand on me priait, on appelait le mal, tout simplement. Quant aux vertus... très drôle. J'avais adoré me bâtir cette réputation.

Elle prit mon verre et but, avant d'avouer que cela avait été idiot de m'embrasser. Je lui jetais un regard en coin. Terrain glissant. Holly restait une femme, à prendre avec des pincettes surtout concernant ses actes de séduction. Si j'affirmais que cela l'avait été, elle pourrait se vexer. Quoique non, elle ne parlait même pas d'erreur, plutôt d'idiotie.

- Les actes impulsifs le sont souvent.

Elle rit et se retrouva sur mes genoux, alors que je me figeais, soudain terriblement conscient de son corps si proche du mien. Piégé. Et elle me demanda de mentir. Moi qui venais d'affirmer que je pouvais lui cacher n'importe quoi... Que je pouvais jouer n'importe quelle comédie... La tentation était si grande. Je souris en coin, étendant mes bras de chaque côté du dossier, paraissant totalement à l'aise.

- Ce baiser demeure un baiser donné par une femme superbe, comment ne pas y être sensible ? Qu'est-ce que tu veux entendre ? Que cela n'a aucune importance pour moi ? Que ton corps n'éveille aucun désir en moi ? Que tu n'es que ma bénie préférée et mon amie ?

J'avais dit cela d'un ton très convaincant, comme si je le pensais réellement. Si je m'arrêtais là, elle l'aurais sa rebuffade. Si je m'arrêtais là, elle me ferait la gueule une paire de jours, avant d'oublier et rien ne changerait. Mais si je continuais... Tout basculerait.

- C'est à moi que revient cette décision alors ? J'ai beau avoir 2000 ans Holly, moi aussi je peux faire des trucs stupides si je me laisse guider par l'impulsivité.

Et soudain, mes mains enserrèrent ses hanches alors que j'approchais mes lèvres de son oreille :

- Tu sais ce que me dicte cette impulsivité Holly ?

« Non, je n’oublie pas, ce serait une belle erreur ! »

Riais-je doucement alors que j’avais pointé ses incohérences. Cela dit, ça ne me gênait pas, ou très peu. Je connaissais Raphaël si sûr de lui, si certain de ses décisions. Il savait toujours où il allait, quelles étaient les conséquences de ses actes…Et moi, en cet instant, je sus que je n’étais pas capable de mesurer l’étendue des miennes. Pourquoi l’avoir embrassé ? Juste pour lui prouver que sa vulnérabilité était normale ?...Humaine ? Sauf qu’humain, nous ne l’étions plus justement. J’avais quatre siècle, il n’était pas le premier homme que j’embrassais, ne serait pas le dernier. Beaucoup était aussi séduisant que lui mais sans doute pas aussi charismatique, sans doute que beaucoup ne me fascinais pas comme il était capable de le faire. Mais jusqu'à présent, c’était son intelligence, son répondant, sa manière d’être qui me fascinait. Pas la sensualité latente qui imprégnait ses gestes ou son sourire. Sensualité qui semblait me frapper de plein fouet soudainement. Pourquoi maintenant ? Ici ? Je n’en savais strictement rien, je savais juste que mes lèvres me brulaient encore. Regrets ? Non, du moins, je ne le pensais pas, mais je savais que c’était un terrain dangereux. Que le désir entre nous n’avait pas sa place, mais j’avais beau le penser, tenter de m’en convaincre, mon ventre n’était pas d’accord. Foutue libido de merde ! Pourtant, ce n’était pas comme si j’étais en manque, j’avais un ou deux amants réguliers, sans prise de tête alors pourquoi là, maintenant, le fait de l’embrasser ai pu autant m’embraser ? Juste sentir ses mains sur mes épaules en un massage innocent était-il capable de briser les frontières qui nous définissaient l’un pour l’autre ? C’était idiot, aberrant, fou.

Tout d’abord, je cru qu’il me donnait raison, qu’il allait accéder à ma demande. Il était détendu, pas du tout troublé, oui, c’était le mieux. Sans doute un peu vexant pour mon égo, mais tellement rassurant. Un petit air mutin sur le visage, dissimulant mon trouble sous des airs amusés, je l’écoutais. Une légère grimace parfaitement calculée passa sur mon visage :

« Aucun effet…tu es dur… »

C’était tout ce que je demandais. Qu’il me repousse, qu’il me remette les idées en place d’une phrase bien sentie. Je n’y arriverais pas seule, je ne pourrais pas effacer les images sensuelles qui me traversaient l’esprit sans lui. Et puis le doute s’installa soudainement alors qu’il reprenait la parole, s’attirant un regard étrange de ma part. Où est ce qu’il voulait en venir ?

« Toi ? Impulsif ? A d’autre ! »

Répliquais-je en ne comprenant pas vraiment ces mots, ce qu’ils impliquaient. J’espérais que je n’avais rien brisé, rien changé entre nous mais il me prit a revers, se saisissant soudainement de mes hanches, ses mains s’étalant sur la soie de mon peignoir, soie trop fine pour que je ne sente pas la brulure de ses paumes sur ma peau. Bien trop sensible. Il se redressa, effleurant le lobe de mon oreille. Son souffle sur la chair tendre de mon cou, l’intonation de sa voix, si caressante soudainement, basse, emplie de promesses langoureusement charnelles. Bon sang ! Je le savais charmeur, il avait déjà utilisé son charme contre moi mais là…Là, tandis que je sentais mes seins se tendre délicieusement sous la soie, qu’une humidité pernicieuse, sournoise se logeait au creux de mes cuisses, je me dis qu’en fait, il n’avait jamais fait assaut de charme avec moi. Jamais. La bouche sèche, je papillonnais légèrement des paupières, cherchant une échappatoire, quelque chose, n’importe quoi…

« Je ne suis pas sûre de vouloir le savoir… »

Répondis je d’une voix un peu hésitante, à peine plus puissante qu’un murmure, luttant difficilement contre l’envie démente d’agripper ses boucles à pleines mains, de plaquer mes hanches contre les siennes, d’onduler suavement…Dans quoi m’entrainait il ?!

A quoi jouions-nous ? Que voulait-elle de moi ? Et moi, que voulais-je ? Il était facile de me retrancher derrière l'archange de mensonges que j'étais. De jouer aux faix semblants, de prendre tout cela comme une vaste blague, quelque chose d'amusant, qui ne me touchait pas. Mais c'était faux, Holly m'avait troublée dans cette salle de bain, et j'avais eu besoin de prendre l'air, de cesser d'être confiné avec elle, pour reprendre mes esprits. Et son baiser... Difficile d'oublier la sensation de ses lèvres sur les miennes, quand bien même cela ne serait qu'une démonstration de sa part que je ne tenais pas plus à elle que je ne le pensais. Cela aurait été facile d'en rester là, mais rien n'était jamais facile, j'aurais du le savoir et alors qu'elle basculait sur mes genoux, qu'elle me priait de lui dire qu'elle ne me faisait rien, de la renvoyer dans ses pénates, j'entrevis en une fraction de secondes les possibilités qui s'ouvraient à moi.

Et je ne pus résister à ma nature, à l'envie de la prendre à son propre piège. Il était trop facile de me séduire et d'ensuite me laisser le mauvais rôle. J'avais 2000 ans, elle 400, une petite leçon à lui rappeler. Et une façon aussi de me protéger. Alors je me fis cynique, comédien. J'étais doué pour cela non ? Faire semblant de ne rien ressentir pour ce corps si proche du mien et je vis que je l'avais touchée. Naturellement. Je retins un trait d'esprit tout à fait déplacé et qui ruinerait sans aucun doute l'effet que je voulais produire alors qu'elle me qualifiait de dur. Oui, je l'étais et dans les deux sens alors qu'elle exsudait la sensualité soudainement.

Je lui tins alors un autre discours, qui la déstabilisa. Penser que je suis impulsif semblait la surprendre. Et pourtant... Ne l'avais-je pas choisi sur une intuition, comme beaucoup de mes bénis ? C'était l'instinct qui me poussait vers eux, et même si je ne faisais jamais rien de façon totalement irréfléchie, je suivais mon instinct. En cet instant, j'avais envie d'elle, tout simplement.

- Je reformule alors. Instinctif.

Je m'emparais de ses hanches, ma voix se faisant caressante, la piégeant ainsi, comme j'avais pu en piéger d'autre. Et je souris contre son oreille quand elle sembla soudain faire machine arrière.

- Quand tu déclenches quelque chose Holly, fais le en sachant que tu pourras mener ton projet jusqu'au bout. Faire machine arrière n'est pas toujours possible ou permis.

Je ne lâchais pas ses hanches. Je ne lui laissais aucune échappatoire.

- Tu me demandes de te dire que tu ne me fais aucun effet. Je pourrais te le dire. Que désires-tu entendre ? Et que désires-tu avoir ?

J’entrais en terrain inconnu, je m’en rendais parfaitement compte, incapable d’endiguer la lente descente qui semblait se faire notre. Ou mienne plutôt. Je n’étais pas assez naïve pour penser que Rapahël n’avait pas les armes pour éviter un écueil. Merde ! Mon esprit jurait mais pourtant je n’étais pas capable d’inverser ne serait-ce qu’un instant de me détacher de lui. C’était ce que je devrais faire, l’alarme qui résonnait, assourdie, au fond de moi me le criait. La prudence me commandait d’y obéir et j’allais y céder lorsqu’il enfonça le clou, s’attirant un regard épinglé d’une lueur colérique. Mes doigts se crispèrent sur ses épaules sans que je n’en aie réellement conscience sur le moment. Un sourire mesquin joua un instant sur mes lèvres :

« On peut me taxer de beaucoup de choses Raph, mais tu es bien placée pour savoir que la lâcheté n’en fait pas partie. »

Si j’avais la possibilité de réfléchir ne serait-ce qu’un peu. Si je n’étais pas troublée par ses mots, la façon dont il les prononçait ou son souffle sur ma peau, sans doute aurais-je flairé le piège tendu mais autant le dire, je n’étais pas spécialement en état de réfléchir. Pourtant j’essayais mais cela me semblait terriblement difficile alors qu’il semblait envahir totalement mon espace, infiltrant ma peau de la chaleur de ses mains ou le venin de son souffle sur ma nuque. Je pensais le connaitre, oui, je l’avais cru, mais cette facette provoquante de lui…Comme si il jetait soudainement un voile entre nous, s’éloignant dans un jeu dont j’avais peur de comprendre les règles, encore plus de les suivre. Mais la peur n’évitait pas le danger paraissait il.

Je fermai a demi les yeux, ne laissant filtrer qu’un éclat bleuté entre les cils sombres. Il serait facile de lui dire tout et n’importe quoi, mais ma fierté, piquée, semblait décidée a me faire dire n’importe quoi. Totalement folle tandis que je me faisais féline, me coulant contre lui. Je n’étais pas capable d’assumer ? Vraiment ? Arrêtes maintenant me disait une petite voix, mais je la fis taire. De toute façon, ça n’engagerait à rien. Strictement à rien.

« Je me demande surtout quelle réponse tu attends… Voyons… »

D’un index malicieux, je m’amusais à jouer avec sa lèvre.

« Ce que j’aimerais entendre…Ouuh..Difficile…Que tu as envie de moi peut être ? »

J’eus une moue amusée, voir totalement moqueuse avant de reprendre :

« Ce que je désire avoir…Voyons…Pourquoi pas toi ? Tu en penses quoi ? »

Touché.

Il était si facile de pointer du doigt un défaut, une fierté, d'en faire à sa guise et de manipuler n'importe qui par ce moyen. Holly réagit au quart de tour et je me fendis d'un mince sourire en susurrant, suave :

- Qui a parlé de lâcheté ? Tout de suite les grands mots... Je voyais plutôt un retrait stratégique... Ou une prise de conscience tardive ?

Parce que oui, jusqu'à maintenant, Holly s'était laissée guider par ses pulsions, se faisant plus entreprenante, plus joueuse, me séduisant et voulant de moi que je cède. Même si elle me demandait le contraire. Son regard sur moi avait changé, comme le mien se modifiait également et nous étions en train de passer au stade supérieur de notre relation. Après 400 ans à s'estimer, de respecter, se confier, s'apprécier, s'aimer même, voilà qu'une nouvelle composante s'infiltrait entre nous : le désir physique. Et maintenant que j'entrais dans le jeu, que je ne me montrais pas si insensible, que je lui posais des questions gênantes, je devinais son incertitude soudaine. Avait-elle raison de continuer dans cette voie ? Sans doute pas. Mais je titillais sa fierté, obtenant le résultat voulu : tout viendrait d'elle et seulement d'elle. Les avances, entreprenantes... Le baiser était d'elle, sa façon de se coller à moi aussi.

J'attendais ses réponses alors qu'elle se faisait lascive, mettant réellement mon contrôle de moi-même à mal. Plus qu'elle ne pouvait le deviner, infiniment davantage que je ne le laissais voir. Je ne quittais pas ses yeux du regard, l'affrontant, dans l'attente. Même sans être la maîtresse du jeu, elle demeurait reine dans la défaite. Son index joua sur ma lèvre et je me demandais quelle serait ma réaction si soudain, elle s'écartait, me plantait là et me disait bonne nuit. Mauvaise sans doute, tant j'étais déjà certain qu'elle continuerait dans la voie qu'elle semblait suivre.

Elle voulait entendre que j'avais envie d'elle.

Elle me voulait moi, maintenant.

Et soudain, je me demandais si ce n'était pas elle qui me piégeait. Hum... Peut-être avais-je été un meilleur professeur que je ne le pensais. Lui céder serait-il une victoire pour elle, une façon de se prouver qu'elle avait réussi à faire faiblir un archange qui se vantait d'être le roi du mensonge et de la duplicité ? Ou bien ceci n'était-il qu'un masque pour pouvoir s'y retrancher une fois le mal fait, comme il m'arrivait souvent de le faire ?

- Si j'ai envie de toi ? Tu n'as pas une petite idée de la réponse ?

Je m'emparais de sa main, la faisant glisser le long de mon torse, jusqu'à effleurer mon entrejambe, où se trouvait là une preuve incontestable qu'elle me faisait énormément d'effet. Ma main se crispa sur son poignet quand je sentis ses doigts à cet endroit sensible, seule manifestation de mon inconfort, de mon désir. De l'envie d'être libérée.

- Je pense que c'est une erreur.

Je marquais une pause, lui relâchant le poignet, avant de m'emparer de son visage.

- Mais même à 2000 ans, on peut en commettre et trouver la chute délicieuse.

Et cette fois, ce fut moi qui m’emparai de ces lèvres qui me hantaient, retrouvant leur goût unique, exquis, fruité. Je lâchais son visage, pour caresser les courbes de son dos.

Je le savais : jamais chute ne serait plus exquise et méritée que celle ci.

Je faillis lui exploser de rire au visage. Une prise de conscience ? Vraiment ?

« Un ange avec une conscience serait terriblement hilarant. »

Mais, quelque part, j’en avais une et je savais que j’étais en train de faire une erreur, me laissant avoir comme une bleue, incapable de réfléchir, de même penser à autre chose que le nid ardent qui c’était niché entre mes cuisses. C’était idiot, avoir 400 ans et se découvrir soudainement un penchant pour les papys aux cheveux bruns. Je ne savais pas vraiment ce qu’il s’était passé pour que cela naisse brusquement en moi. Peut-être le fait de frôler la mort ? Une excuse facile qu’il serait tentant d’utiliser mais si j’étais honnête avec moi-même, je reconnaitrais qu’au fond de moi, je l’avais toujours trouvé séduisant, voir bien plus que cela. Avais-je toujours eu envie de lui ? Peut-être, c’était des notions étranges et auquelle il m’était difficile de réfléchir. Alors au lieu de cela, je suivais mes impulsions tandis qu’une petite voix me susurrait que je faisais n’importe quoi. Je n’aurais pas dût lui répondre, pas de cette façon, ni même me plaquer contre lui de cette manière, jouant à un jeu dont je n’étais pas sûre de maitriser les règles. Je frémis légèrement lorsqu’il me répondit et un éclat de surprise s’alluma quelques secondes dans mes yeux avant que je ne le laisse faire, sentant sous ma paume ce que cachait sa chemise. Je l’avais déjà touché, mais j’avais pourtant l’impression de redécouvrir ses formes. Je retins un gémissement en le sentant si dur sous mes doigts alors qu’il me poussait à l’effleurer. J’aurais sans doute aimé répondre d’une manière amusé, balançant une phrase bien sentie, mais j’en fus incapable. Et tandis qu’il affirmait ce que c’était une erreur, je ne pus qu’acquiescer :

« Une belle erreur… »

Un murmure alors que je ne pouvais résister à l’envie de le caresser, de sentir sa force mâle avec un soupir d’aise, lourd, rauque, peut-être un peu tremblant. Une belle erreur, sans doute la plus terrible mais j’étais bien incapable d’y résister alors que mon self control explosait devant son murmure. Advienne que pourra mais j’avais trop envie de lui pour réfléchir aux conséquences de tels actes.

La sensation de ses lèvres sur les miennes m’arracha un gémissement. Si le baiser que j’avais pu lui donner avait été trop bref, trop imparfait, celui-là…J’accueillis sa langue, jouant avec, la peau hérissée de frissons alors que ses paumes redessinaient mon dos. L’une de mes mains s’accrocha à ses boucles, le retenant dans une peur irrationnelle qu’il ne s’éloigne soudainement dans un rire moqueur parce que finalement, je n’étais pas mieux que toute les autres qui lui avaient céder…Sans doute que la différence était que j’étais bien plus pour lui que ces autres…Ma seconde main fit sauter habilement le bouton de son jean, fébrile, en écarta les pans…Je voulais le toucher, j’en avais…besoin soudainement. Défiant le tissus, sans honte aucune, je l’enfermais entre mes doigts, m’enivrant de son baiser, sentant mon intimité brûler de son absence, avide. Mes seins me faisaient mal tant ils étaient tendu vers lui et, durant une fraction de seconde, je fus effrayée de l’intensité de mon désir…

« Touche moi…J’ai envie de sentir tes paumes sur ma peau… »

Finis je par lacher, l’abandonnant un instant pour défaire la ceinture de mon peignoir, pour le faire glisser sur mes épaules, la douceur de la soie intensifiant la douleur de ma peau…

- Ou pathétique...

Et ce n'était même pas une conscience au sens savoir ce qui était bien ou mal, mais plutôt savoir que ce qui suivait risquait de tout chambouler. Holly jouait à un jeu dont les règles lui échappaient. Comme à moi d'ailleurs, alors qu'au lieu de simplement me lever en la faisant descendre de mes genoux en un éclat de rire narquois et pas du tout affecté, j'aurais fais demi tour et lui aurais souhaité bonne nuit, la laissant seule avec ses frustrations. Et vivant avec les miennes. Pourtant, je commis l'erreur de céder, de céder à sa beauté, à son charme fou, à ce parfum de souffre... Enhardi, je saisis sa main, lui faisant effleurer ma virilité tendue rien qu'à imaginer la suite, rien qu'à la savoir perché ainsi sur moi, à la sentir m'effleurer. Elle avait un pouvoir énorme en ce moment. Je n'étais pas Gabriel, je n'avais jamais été faible à cause des femmes.

Mais jamais aucune n'avait eu autant d'importance que Holly.

Je l'embrassais, passionnément, alors qu'elle enfouissait ses mains dans mes boucles sombres, agrippant ma tête, m'empêchant de fuir peut-être, mais je n'en avais nulle intention en cet instant. Sa main glissa vers la ceinture de mon jean, défaisant les boutons, avant d'effleurer le renflement créé par mon désir. Et elle me pria de la toucher. Je soupirais contre ses lèvres, avant de m'exécuter, tandis qu'elle défaisait son peignoir et me révélait sa nudité resplendissante, pour embrasser sa poitrine dure et tendue, pour jouer de ma langue sur les monts jumeaux, sur sa peau frissonnante. J'étais perdu, elle était perdue...

Elle pouvait se vanter d'être la seule à pouvoir me faire perdre ainsi la tête, à pouvoir m'empêcher de faire semblant, de perdre ce contrôle que j'exerçais tout le temps. Taquin, je remontais vers sa gorge, avant de susurrer :

- Oups, tu avais dis toucher avec les mains...

Ma voix rauque, tendu de désir que je n’étais plus capable de cacher, je murmurai doucement :

« Tu ne fais jamais ce que l’on te dit… »

Et je ne pouvais pas lui en vouloir alors que je brulais de la sensation de ses lèvres sur ma peau. Je savais qu’il était doué, disons que je m’en étais doutée mais je ne m’attendais pas à réagir avec autant d’envie. Des langues de lave incandescentes qui parcouraient ma peau pour se lover au creux de mon ventre, creusant ma frustration, me donnant envie de m’empaler sur lui sans attendre, de le sentir se loger profondément en moi, brulant. Mais j’y résistais, vaillamment pourrait-on dire. Au fond de moi, je savais que cela n’arriverait qu’une fois. Juste une unique fois. Comme un pressentiment ancré en moi. Que jamais plus il ne céderait de cette manière, que jamais plus je n’avouerais l’envie qu’il savait faire naitre en moi. Alors…Je voulais prendre mon temps, l’apprendre, comme un souvenir sulfureux dans ma mémoire. Je n’oublierais jamais mais je ferais semblant. C’était une erreur, lui comme moi en avions conscience, une erreur que je ne serais pas capable de regretter. Je le voulais. Je le voulais tellement…

Avide, je m’attaquais aux boutons de sa chemise, repoussant le tissu sur ses épaules pour pouvoir enfin le toucher, connaitre la douceur de sa peau, le mouvement de ses muscles sous mes doigts. Je remontais dans ses cheveux, tirant doucement pour qu’il lève la tête, qu’il m’offre sa bouche si tentante. Mes dents taquinèrent la pulpe de sa bouche, griffant légèrement son torse, joueuse et affamée dans le même temps. Je glissais sur son ventre, exhalant un soupir tremblant alors que mes doigts le touchaient, le flattaient. Je voulais cette force en moi, j’en avais besoin. Une petite voix me disait que je risquais d’y perdre beaucoup plus que je ne le songeais mais je ne pouvais plus faire machine arrière. Alors autant la faire taire et me maudire moi-même. Il me faisait gémir, haleter, mon corps se faisait soie sous ses doigts. Mutine, décidée à profiter de cette nuit unique, je me laissai glisser entre ses jambes, lentement, dévorant sa poitrine de baisers joueurs avant de refermer les lèvres avec douceur et avidité sur sa virilité. Sans honte aucune, maitresse accomplie, généreuse, je voulais tout de lui…

Même si c’était se perdre et s’oublier dans un gouffre instable, même si c’était oublier ce que nous étions l’un pour l’autre avant que le désir ne nous submerge. Ne me submerge.

Je ris. Un rire voilé, mais un rire ténu alors que Holly me répliquait que je ne faisais jamais ce que l'on me disait. C'était vrai, malgré mon air bonhomme, l'illusion que j'étais facilement approchable, je n'en restais pas moins un ange, un archange même, au caractère affirmé et bien trempé malgré les apparences.

« Mais je ne fais non plus jamais ce que l'on attend de moi... »

J'étais imprévisible, jamais là où l'on m'attendait. Holly avait du compter sur le fait que coucher ensemble risquait de me poser des problèmes moraux plus tard, qu'elle ne m'intéressait pas, que j'étais plus sage qu'elle et plus résistant à l'appel de la chair pour me séduire en pensant essuyer une rebuffade. Cela avait été tentant. Pour que les choses ne changent pas entre nous. Pourtant, je ne l'avais pas fait. Parce qu'au fond, j'aspirais à la même chose qu'elle, parce que finalement, je la voulait tellement fort désormais. Je ne l'avais jamais considéré comme une femme désirable avec laquelle je pourrais entretenir une relation plus sexuelle. Je la savais belle, magnifique même, j'avais perçu sa beauté hypnotisante derrière l'habit sévère de jeune sœur il y a des siècles. Même la bure rêche, la coiffe amidonnée n'avaient réussi à éclipser cet éclat solaire. Qui tenait tout autant de sa beauté que de son âme fougueuse et insoumise qui ne demandait qu'à être libérée.

Mais ce soir, il s'était passé quelque chose, ce soir, mes œillères étaient tombées, j'avais manqué la perdre et découvert combien mon immortalité me paraîtrait fade, vide même, sans elle pour l'égayer. Je savais tenir à elle, mais pas à ce point, et le déclic avait eu lieu, son corps nu et malmené me troublant plus que de raison, son baiser m'enivrant. Et je sombrais dans le désir, l'embrassant sans vergogne, partant à l'assaut de ce corps magnifique qu'il me tardait de découvrir.

Holly ne restait pas inactive, retirant les boutons de ma chemise, repoussant les pans sur mes épaules, parcourant ainsi mon torse mis à nu de ses doigts explorateurs. Elle se fit plus impatiente, déclenchant le même sentiment chez moi alors que je lui prouvais sans doute possible combien je la désirais tandis que ses doigts jouaient sur une virilité dressée et toute prête à découvrir les secrets de cette femme. Mais elle semblait encline à laisser traîner les choses et elle échappa soudainement à mes lèvres et mes mains, glissant à terre, avant de me lancer un regard digne d'une démone tentatrice. D'une succube... Avant que ses lèvres ne se referment sur la hampe de mon désir, me faisant gémir à mon tour. M'offrant un plaisir que je ne demandais pas et qui me ravissait pourtant, comme n'importe quel homme... Qu'importe que j'eus 2000 ans et non 20. Les sensations restaient les mêmes, grisantes.

Il nous fallait profiter de cet instant, il serait le premier et le dernier, un souvenir que nous conserverions en mémoire, avant d'admettre que c'était délicieux, mais que cela ne nous apportait nul avantage autre que le plaisir. Je ne voulais pas perdre ma confidente, mon amie, ma complice. Pas ainsi. Et pourtant, cela était si tentant... Mais c'était offrir le flanc à des ennemis qui savaient déjà qu'elle était ma faiblesse. Sans se douter encore à quel point.

Je haletais, avant d doucement, m'emparer de son visage et la faire me regarder, lui faisant cesser cette délicieuse torture avant qu'il ne soit trop tard. Je me laissais glisser au sol à mon tour, avant de l'allonger, de caresser la courbe magnifique d'un sein, pour aller me perdre dans son intimité, lentement, malgré l'urgence de mon désir qu'elle avait si brillamment titiller. Mais il ne serait pas dit que je serais le seul à recevoir. Je savais également donner. Et les femmes étaient si belles dans l'abandon de l'extase que je voulais la voir.

D’une erreur pouvait naître un désastre, je le savais parfaitement, mais j’étais bien incapable de réfréner mon envie de lui. C’était totalement idiot et, même sans nous le dire, nous savions déjà qu’on n’en parlerait jamais. Il se perdra en moi et je jouirais entre ses bras, j’adorerais certainement cela parce qu’une partie de moi l’avait toujours voulu sans jamais l’avouer, mais ce plaisir naîtrait dans une bulle et y resterait.

J’espérais ne pas en être hantée pour l’éternité et j’essayais d’y croire mais ma peau, ma chair, réagissait tellement fort que je savais déjà qu’il ne pourrait pas être remplacé, qu’il resterait peint dans ma mémoire et qu'inconsciemment, je n’aurais de cesse de rechercher cette extase auprès d’autres amants. C’était couru d’avance, c’était se condamner à courir après quelque chose que l’on avait possédé qu’avec éphémère. Tant pis. Ce serait ainsi. Et tandis que je le flattais d’une langue mutine, le caressait de lèvres gourmandes, repoussant une urgence qui me torturait le ventre, enivrée du plaisir que je lui donnais, je savais que j’en souffrirais.

Son souffle saccadé me ravissait et j’aimais l’expression de son visage alors qu’il m’arrachait à son désir avec douceur mais avidité. J’avais envie de lui hurler de me prendre, de me clouer au sol et de perforer mon ventre mais je ne dis rien. Pas encore. Pas tout de suite, plongeant dans ses iris assombries, tournoyantes de désir et je ne résistai pas lorsqu’il m’allongea, me cambrant suavement à sa caresse lascive, enivrante qui couvrait mon ventre de frissons délicieux. J’ouvris les cuisses, langoureuse et me mordit violemment la lèvre lorsqu’il me toucha, traversée d’une vague de plaisir intense, d’une violence inédite comparée à la tranquille arrogance de ses gestes, de ses caresses au creux de mon aine. Il ne me quittait pas des yeux, attentif et je n’avais aucune hésitation a lui offrir la douce torture de mon plaisir qui tordait mon corps, le forçant à onduler, osciller doucement, lascivement.

Bientôt, il m’arracha des gémissements que je n’arrivais plus a taire alors que les ondes d’un plaisir brutal cisaillaient mon ventre encore et encore, au rythme de ses attentions, indécente, je le laissais faire, jouer avec moi, chaque fibre de ma chair qui se consumait de l’avoir en moi. Fière, je serrai les dents, amusée, enchantée…C’était si bon ! Je pouvais faire preuve de résistance mais celle-ci avait toujours ses limites et jamais je ne les avais pensé si proches alors que, soudainement, une jouissance violente arqua mon corps sur le tapis luxueux. Il y avait de la surprise dans le cri qui déchira ma gorge mais plus encore…Juste des non-dits qui n’avaient plus de barrières. Sous l’extase mes ongles se plantèrent dans la chair de ses bras…Mais je voulais tellement plus encore. Affamée, encore insatisfaite par ce prélude savoureux, je me jetais sur ses lèvres plissées dans un sourire amusé, arrogant. Mes mains s’accrochèrent a ses reins, la rondeur de ses fesses, l’attirer entre mes cuisses tremblantes…Je ne voulais que cela.

Enivrante sirène que le cri de sa jouissance arraché après une délicieuse bataille. Une bataille, pas la guerre. Fière, Holly avait mis du temps à me laisser entendre son doux chant et pourtant, il était tout ce que j'attendais alors que j’œuvrais subtilement, mais avec détermination, à lui rendre au centuple le plaisir qu'elle m'avait procuré. Et quand j'y parvins, alors même que je ne l'avais pas encore faite mienne, un lent sourire triomphant recourba mes lèvres tandis que je lui jetais un regard sombre, affamé d'elle.

Mais après ces préliminaires, qu'attendions nous finalement ? Etait-il encore possible de faire machine arrière ? De me relever et de la laisser là, pantelante, écartelée de désir, prête à m’accueillir ? Oh, oui, si j'avais un un soupçon d'envie de passer à côté de l'ivresse, sans doute l'aurais-je fait... Si elle avait été une autre, cela n'aurait pas été si difficile. Mais avec une autre, je n'aurais pas été assailli par ce flot de questions.

Alors je muselais ma conscience, cette empêcheuse de tourner en rond, n'écoutant pas cette petite voix qui me soufflait que les choses ne seraient jamais plus pareilles, qu'un retour en arrière ne serait pas possible après avoir franchi cette limite. Mais c'était-il pas déjà trop tard de toutes façons ? Si sans doute. Je baisais ses lèvres avec révérence, parce qu'elle n'était aucune autre, parce que je la respectais, parce que je l'aimais. Avec elle, je faisais preuve de tendresse, d'attentions. Non pas que je sois un amant brutal ou désintéressé, mais ce que je feintais de ressentir pour les autres, je le ressentais réellement cette fois. Et c'était en cela que tout était différent. J'exhalais un soupir contre ses lèvres.

Et avec douceur, je me glissais entre ses cuisses. Me frayant lentement un chemin en elle, tout en me saisissant de ses lèvres gonflées de plaisir, qui n'attendaient que mon bon vouloir. Ou le sien. Ses mains sur mes fesses, son désir impérieux de me sentir en elle ne m'échappaient pas tandis qu'elle m'avait attirée. Finalement, aucun de nous n'était maître du jeu. Pour une fois, il n'y aurait ni gagnant ni perdant. Nous serions à égalité. Restait à savoir comment nous allions vivre avec cela. Nos corps semblaient être faits l'un pour l'autre alors que je me mouvais contre elle, dans elle, avec profondeur et lenteur tout d'abord. Ses mains sur mes fesses imprimaient un rythme plus impatient et je ne pus m'empêcher de sourire, tout en suivant le mouvement, impérieux.

Et à force de se taquiner, vint forcément le moment où je pus enfin me libérer dans un râle de jouissance, au diapason de son gémissement si délicieux, de nouveau. Mais cette fois, elle n'était pas seule, je l'accompagnais ; admirant son magnifique visage nimbé des brumes du plaisir, ses joues rosies, sa bouche entrouverte, son corps arc bouté. Je posais mon front contre le sien, en un geste intime de tendresse et sans doute d'abandon. Plus aucune barrière. Momentanément.