Divagations

Age : 34 Messages : 191 Date d'inscription : 22/03/2012

En deux mille longues années d'existence, j'ai eu l'occasion de porter tellement de prénoms, de singer tellement de comportement, d'apprécier tellement de gens. J'ai vécu des centaines et des centaines d'existence, appris sans cesse. Essayer, toujours essayer, sans se soucier de réussir ou d'échouer. J'ai engrené des connaissances, de ce siècle et des autres. Parfois, j'ai l'impression d'avoir oublié mais mon corps, lui, ne demande qu'à se souvenir. J'ai traversé les âges, mais j'ai pris grand soin d'abandonner toute notion d'identité. Aujourd'hui, je n'ai plus de nom, sinon celui que je choisis. Plus d'histoire, sinon celle que je m'approprie. Je n'ai plus d'existence en dehors de mes mensonges et de mes faux semblants. Quand je quitte un endroit, j'emporte tout avec moi et ceux que je laisse n'ont de moi que des souvenirs qui déjà, s'effacent lentement.

Je suis une menteuse, une manipulatrice, une illusion et je ne voudrai être rien d'autre. J'aime ma vie, mon existence est faite de découvertes, de défis. Je me laisse portée, certains diraient que je dérive, mais c'est parce qu'ils sont trop attachés à leur illusion de contrôle. Ils se noient et je survis. Ils se perdent et je me retrouve.

Isaac m'a fait ce cadeau de me laisser découvrir par moi-même, d'affronter ce monde avec des yeux vierges, dénués d'idées préconçues. Depuis, j'avance fièrement, à ma façon. Si j'abandonne mes éveillés à la Salvare, ce n'est pas par cruauté... Par égoïsme, sans doute, mais aussi parce que, libéré de cette figure écrasante que peut incarner le démon qui leur a offert une seconde naissance, ils peuvent évoluer de façon plus libre et légère.

J'ai beaucoup de défauts. Mais qu'on me laisse au moins ça : je sais vivre. J'ai eu deux mille ans pour l'apprendre, après tout.

Age : 34 Messages : 191 Date d'inscription : 22/03/2012

Elle est une gentille fille, du genre que n'importe quelle mère rêverait d'avoir comme premier enfant. Sage, débrouillarde et surtout, brillante. Elle est une touche à tout très productive. Bien entendu, elle triche un peu, il y a peu de gamine de son âge qui ont été inventée de toutes pièces par un démon plusieurs fois millénaires. Ça ne l'empêche pas, cependant, d'être incroyablement tête en l'air ; un défaut qu'on lui pardonne d'autant plus facilement tant elle apporte la bonne humeur et la légèreté dans une conversation.

Elle habite seule, ce qui démontre une maturité certaine. Elle vient de France et a déménagé à Londres pour une raison encore inconnue. Il faudra bien que je me décide, bien sûr... Mais j'ai toujours été très bonne dans l'improvisation. Pour l'heure, Elle est encore comme une vague connaissance. Je lui parle beaucoup, l'interroge sur sa vie, mais il y a des pans entiers de son existence dont elle refuse de me parler. S'inventer une identité, c'est comme apprendre à connaître quelqu'un : ça prend du temps et parfois, il arrive que l'on se trompe. Je n'ai jamais compris ces gens qui pense qu'il suffit de quelques papiers pour se faire passer pour quelqu'un d'autre. Ces techniques rustiques marchent peut-être un temps, mais elles n'ont rien à voir avec ce que je fais.

Dès l'instant où j'ai posé le pied sur le sol britannique, je suis devenue Elle Maria Greece. Des papiers ne permettent pas cette prouesse. Des cours de théâtre non plus. C'est au delà de tout ça. J'ai hâte que Elle me livre ses derniers secrets. J'ai hâte de vivre sa vie, pour elle. Parce que si, malheureusement, elle n'est jamais née, elle n'en demeure pas moins réelle, avec ses aspirations, ses craintes, ses angoisses.

Un jour, je l'abandonnerai, comme j'ai abandonné toutes les autres. Elle ira les rejoindre dans le cimetière de mes vies. Je me détournerai d'elle, sans regret. Et ses rêves, ses espoirs et ses déceptions seront autant d'étincelles qui cesseront de briller. C'est mieux ainsi.

Elles risqueraient de me consumer, si je n'y prenais pas garde.