Dangsin-eul saeng-gagnage | Ryu

-Amusant ?

M'étranglai je en le vant les yeux sur son visage. Qu'y avait il d'amusant dans leur histoire ? Qu'y avait d'amusant a l'idée de corrompre un être pour lequel l'honneur était la chose la plus importante ? Incompatible avec l'amour qu'il avait pu porter pour Amaya. Une faiblesse qu'elle avait exploiter. Je frémis doucement.

-Je ne vois rien d'amusant. Rien du tout.

Murmurai je en crispant les doigts sur mes draps, me souvenant de la douleur que j'avais ressenti dans mon rêve, ce gouffre immense de noirceur, la vie sans la vie. Un étrange état que je n'avais jamais ressentit. Mais je savais que ce serait de nouveau ainsi si il me quittait, si il disparaissait. Ces histoires d'ange, de démon, me faisait tourner la tête. Je sentis un vertige me saisir mais je le repoussai.

-Pourtant, tu ne lui dois rien. Qu'a-t-elle fait mis a part te tuer ? Mis a part nous détruire ? Comment peux tu lui être loyale ?

Comment pouvait on l'être a quelqu'un d'aussi retorse ? Je me sentais perdue dans ce monde qui n'était pas le mien, qui bousculait tout ce que je croyais savoir, tout ce que j'avais appris. Une douce caresse effleura mon épaule et je me fis la reflexion absurde que ces ailes étaient aussi douce qu'un nuage de soie, que ces mains sur moi lorsqu'il m'avait fait l'amour. Je secouai la tête.

-Ca va...Enfin je crois.

J'eus un rire embarrassé.

-C'est juste que c'est si énorme, si....

Je haussai les épaules, incapable de mettre un mot sur tout cela.

-J'ai toujours eu un esprit cartésien, préférant l'approche scientifique plutôt que fantasmagorique. Pourtant, une partie de moi a toujours voulu que certaine légende soit vraie. Je suis confuse mais j'ai aussi envie de connaitre ton monde et ses règles. La curiosité est un vilain défaut parait il.

Ajoutais je avec un sourire timide.

Je venais de choquer Yue Hue, qui reprit le terme amusant, totalement estomaquée. Et bien oui, amusant était le terme, aussi bizarre cela puisse paraître. Azraëlle était tordue, il ne fallait pas chercher plus loin et pouvoir détourner du droit chemin un homme vertueux était sans doute un défi à la hauteur de sa vanité. Et malheureusement, elle y était parvenue. Pas totalement, car je gardais certains principes, c'était ma propre satisfaction, ma petite revanche.

- Moi non plus Yue Hue, mais je te dis juste sa façon de penser.

Ses questions me transpercèrent. Elle ne comprenait pas vraiment la puissance de ma créatrice, ni la façon dont les choses pouvaient fonctionner. Et comment le lui expliquer ? Je cherchais mes mots, cherchant surtout à lui faire accepter ma condition et comprendre ce mode de vie et cette loyauté étrange.

- Je ne lui dois rien, c'est vrai. Mais elle est âgée et très puissante. Elle pourrait m'anéantir d'un claquement de doigt. Elle a une emprise sur tous ses bénis, c'est un lien indéfectible, même si je ne lui suis pas beaucoup attaché.

Elle s'était rappelée à mon bon souvenir que très récemment finalement. Elle ne m'avait jamais embêté, mais elle restait une menace. Je voulais rassurer Yue Hue, qui semblait totalement perdue. Elle me rétorqua que ça allait, pas forcément très convaincue... ni convaincante. Elle ajouta que c'était tellement incroyable, elle qui avait un esprit cartésien et je hochai la tête, la comprenant.

- Non, ce n'est pas un défaut, c'est une façon d'accéder à la connaissance. A vrai dire, je n'espérais pas que tu prennes les choses aussi bien. J'avais tellement peur que tu me rejettes et je n'aurais même pas pu t'en blâmer.

Je souris, avant de m'installer plus confortablement.

- Alors si tu es prête à en apprendre davantage, j'écoute tes questions. Je ne te cacherais rien.

Sa façon de penser. Cette façon me dégoutait, m'horrifiait même. Comment pouvait on détruire une vie, deux vies pour un satisfaire un simple amusement ? Qu'y avait il de jouissif dans cet acte ? Non, c'est vrai, je n'arrivais pas a comprendre, pas a saisir un tel mode de reflexion. Mon regard déjà noir s'assombrit lorsqu'il continua, exprimant sans doute la colère et la tristesse. Des regrets aussi, mais le passé était le passé, rien ni personne ne pouvait remonter le cours du temps.

-Comment as-tu vécu tout cela sans te haïr toi même ?

Parce qu'il était droit et honnête avec moi, je le savais, comme ces relents de passé qui étaient remontés a la surface. Des images de lui, de nous. Des sensations si fortes, si douces en même temps.

-Je n'imagine pas comment tu as pu vivre auprès d'une telle femme.

Se parjurer ainsi. Ce n'était pas une critique, loin de là, il n'y avait pas d'amertume dans ma voix, il avait dût souffrir de tout ça, cela lui ressemblait si peu. Dévoyer la vie humaine, la manipuler a sa guise pour finalement la détruire. C'était étrange et je souris pauvrement alors qu'il s'étonnait de me voir si bien accepter cette histoire terrible d'une certaine manière. Mais je secouai doucement la tête.

-Il est trop tard, je ne pourrais pas me détacher de toi, même si je le voulais. Et c'est bien la dernière chose que je veux. j'ai confiance en toi, tu ne me feras jamais de mal. Tu n'as jamais souhaiter devenir ce que tu es, je ne peux pas te blamer de quelque chose dont tu n'es pas responsable.

il s'installa plus confortablement, prenant ces aises et je me fis la reflexion que j'adorais le voir ainsi, détendu au creux de mes draps. je soupirai doucement avant de m'allonger a mon tour, en travers de sa poitrine. Des questions ? j'en avais des milliers et je ne savais pas par où commencer. Mes doigts jouaient doucement sur la peau nue de son torse, un geste inconscient tandis que je buvai son visage des yeux.

-Crois tu qu'un jour, elle te laissera partir ? Qu'elle te laissera vivre avec moi et oublier cette guerre dont tu parle ?

Je souris un peu contrite.

-Je suis égoïste...Mais quelque soit les guerres, c'est toujours la même chose, même si elle se déroule dans l'ombre et l'ignorance du monde. Et...J'ai peur pour toi.

Sa question me laissa pantois l'espace de quelques secondes. Comment avais-je pu vivre ainsi sans me haïr moi-même ? Devais-je sentir là un reproche sur ma vie ? J'étais incertain quant à l'interprétation de ses paroles, de sa pensée. A vrai dire, j'étais incapable de savoir ce qu'elle pouvait bien penser de moi et cela était déstabilisant. Qu'elle m'aime était une chose. Qu'elle cautionne mes actions et ma vie, une autre.

- L'école te formate, t'apprend la fourberie, la duplicité, la trahison. J'ai appris tout cela, me montrant un élève attentif et plutôt doué. Mais là...

Je posai la main sur mon cœur.

- Et là.

J'indiquai ma tempe.

- J'ai toujours su qui j'étais et qui je ne voulais pas devenir.

Mes actes ne reflétaient pas forcément mes penses profondes. Je faisais mon devoir, mais cela ne signifiait pas forcément que j'en tirais un quelconque plaisir.

- Et surtout, j'ai toujours su que je te retrouverais.

C'était cela qui m'avait aidé à tenir, à me parjurer, à faire des choses que je réprouvais. Parce que c'était la seule façon de la revoir, dans une autre vie, de pouvoir de nouveau communiquer avec mon âme sœur.

- Je n'ai pas vécu avec elle... Azraëlle garde un œil sur ses bénis masculins, mais ne s'en occupe pas vraiment. Il faut juste ne pas lui déplaire et savoir lui obéir. C'est différent avec ses bénies féminines. Elle les couve.

Quoique, elle avait à l’œil Aaron et il vivait même à ses frais. Ce qui n'avait pas été mon cas. Mais j'étais bien différent d'Aaron. Je lui fis part de ma peur qu'elle ne se détourne de moi après ces révélations, mais ses paroles suffirent à me réconforter, même si je me sentais avili de la rendre dépendante et de l'entrainer dans ce monde. Mais rassuré qu'elle ne me considère pas comme un monstre, même si elle aurait toutes les raisons de le faire. Je m'installai donc confortablement, mes ailes disparaissant, tandis que Yue Hue venait se blottir contre moi, là où avait toujours été sa place. Je l'enjoignis à poser les questions qui lui traversaient la tête si elle le désirait et elle ne tarda pas à se lancer. Concernant Azraëlle surtout.

- C'est possible. Quand je deviendrais Séraphin, elle aura moins d'influence et il est toujours possible de... négocier.

En revanche, pour ce qui était de vivre ensemble tous les deux, tranquillement... Là... J'en doutais fortement.

- Oublier la guerre... Si c'était aussi facile... Ne plus bénir, se détourner de Dieu et de tout ça, revient à jouer en solitaire... Et c'est assez dangereux. L'indépendance a un prix.

Que j'étais prêt à payer, s'il le fallait. Si j'étais certain de pouvoir protéger Yue Hue. Je souris doucement à l'aveu de son égoïsme et sa peur pour moi.

- Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi... Je ne suis pas le plus puissant des anges de par mes pouvoirs, mais je suis un redoutable combattant et je pense que les autres y réfléchissent à deux fois avant de me défier...

-"Une école ?!"

Comment pouvait il y avoir une école apprenant a ses élèves comment devenir une Némésis intraitable ? A tromper ? A parjurer ? A trahir ? Plus il m'expliquait, plus je comprenais que ce n'était pas lui. Il n'aurait jamais dût être comme ça. Il aurait du mourir dans l'honneur, renaitre dans le corps d'un autre. Nous aurions dût nous chercher a travers les siècles et vivre ensemble, encore et encore. Construire quelque chose. Faire des enfants par exemple et je me choquai moi même a le songer en cet instant.

Mes lèvres sourirent doucement alors que je m'émouvai de ses mots, calmant mon indignation a le voir ainsi, lié a une femme qui n'était qu'une conspiratrice, une manipulatrice qui ne méritait pas de l'avoir.Jalousie de femme amoureuse sans doute, car je n'étais pas assez aveuglée pour ne pas comprendre qu'elle lui avait donné une vie éternelle, qu'il avait gardé ces souvenirs de nous alors que moi, je n'avais que quelque bride. Il avait pu me chercher, me trouver, m'aimer encore même si a l'époque, je portais un autre nom. J'étais celle qui lui fallait il y a deux siècles, j'étais celle qui lui fallait maintenant. C'était étrange de penser ainsi.

Je me couchai presque sur lui, ayant besoin de sa présence physique, de sa chaleur avant de hausser les sourcils.

-"Négocier ?"

Alors je voulais qu'il le fasse pour nous défaire de cette ombre menaçante. Je ne connaissais pas cette femme, je n'avais pas envie de la connaitre. Elle me faisait peur de part l'influence qu'elle avait sur Ryu. Egoïstement, je ne le voulais qu'a moi, qu'il se débarrasse de ce poids qui le comprimait ! Je le voulais tellement ! Mais...

-"Oui mais tu pourras toujours trouver plus puissant que toi..Je suis désolée Ryu, je réagis comme une idiote, je le sais."

soupirai je doucement, mais je ne voulais plus revivre la douleur et le vide de le perdre....Je posai ma joue sur sa poitrine, fermant les yeux.

-"Je ne me souviens pas vraiment de ma vie d'avant...Mais sur ma langue, il y a l'amertume, le vide, la haine aussi...une souffrance continuelle....Je ne veux pas revivre ça. Je sais que c'est égoïste, mais si tu le peux...Si tu le veux...Je voudrais que tu t'éloigne de cette guerre...Si cela t'es possible fais le. Je ne supporterais pas une seconde fois ta mort."

Je me contentai de hocher la tête alors qu'elle semblait surprise qu'il existe une école pour devenir un ange. Évidemment, il fallait bien un endroit où apprendre à devenir le parfait petit ange en 10 leçons. Bon, il en fallait plus, mais on apprenait à masquer ses émotions, à en simuler d'autres, à inspirer la confiance, à manipuler, à se renseigner... Le parfait criminel en somme. Tout cela je l'avais appris, assimilé, en avais usé et abusé pour certaines bénédictions, mais sans jamais y adhérer totalement. J'espérais simplement que Yue Hue comprendrait que j'étais presque le même. Qu'au fond de moi, je n'avais pas changé, bien que je sois sans doute beaucoup moins naïf et moins pétri d'idéaux. Mais je l'aimerais de la même façon qu'avant, avec la même intensité, avec la même pureté.

Je me rallongeai et Yue Hue vint se coller contre moi, se demandant si nous avions un avenir ensemble. Oui, peut-être, si je parvenais à me défaire de l’influence d'Azraëlle ou du moins, de ne lui donner aucune raison de vouloir me nuire. Elle n'en avait pas eu jusqu'ici, je n'avais jamais rien fait pour la contrarier et malgré que cela me coûte de l'admettre, qu'il suffisait qu'elle agite la laisse pour que je revienne vers elle. Je n'avais jamais désobéi, même si je frôlais parfois les limites. Je hochai la tête quand elle reprit le terme négocier.

- Dans ce monde, rien n'est gratuit ou offert, mais on peut toujours faire donnant donnant. Il me suffit de trouver le moyen et de faire en sorte qu'elle n'ai nulle envie de me nuire. Jusqu'à maintenant, je m'en suis très bien sorti à ce niveau.

Mais cesser de bénir, c'était ne pas gagner de la puissance, alors que d'autres ne se privaient pas, c'était risquer de devenir plus faible et de prêter le flanc aux attaques. Je n'étais pas faible et mes compétences martiales me valaient une certaine sécurité. Mais de là à jouer en solo, devenir un paria, c'était délicat.

- Non, tu réagis comme une femme amoureuse.

Je baisai sa tempe avec douceur.

- Cela fait plus de 200 ans que je suis un guerrier, tu n'as pas à t'en faire pour moi... Il n'y a pas que la puissance ou l'habilité à l'épée qui font d'un homme un bon guerrier, il y a aussi la stratégie, le jeu des alliances... Si je suis encore vivant aujourd'hui, c'est parce que je possède toutes ces qualités, alors ne t'inquiète pas.

Elle se laissa alors aller contre moi et je caressai son épaule du bout des doigts, écoutant sa requête... non sa supplique. Je soupirai légèrement, avant de souffler très doucement :

- Tu sais que je ne peux rien te refuser. Je ferais ce que je peux. Je ne mourrai pas cette fois Yue Hue, l'histoire n'est pas condamnée à se répéter...

Décidemment, je n'aimais pas le monde qu'il me dépeignait, où tout n'était que faux semblant et tromperie. Une école pour les former, des contraintes, des obligations. Non plus il m'en parlait plus je haïssais ce tableau. Je n'osais imaginer comment il avait pu vivre ainsi, sous le joug d'une femme qui n'avait que ce moquer de lui, de ses principes, de notre amour. Le détruisant d'un battement de cil. Mais quelque part, j'étais aussi fière de lui parce qu'il n'avait pas été brisé. Il faisait ce qu'il fallait faire pour survivre très certainement, mais n'y prenait pas gout, gardant ancré en lui ces principes avec lesquels il avait vécu. Des principes que j'avais partagé certainement a son époque, des idéaux qui c'étaient presque éteint dans une époque comme la notre. Dans la modernité et le capitalisme. Oui, dans ce monde, les anges devaient avoir le travail facile, l'homme était pétrit de travers tous exploitables les uns après les autres.

Néanmoins, très égoïstement, je voulais le voir se détacher de cette femme qui se dressait comme une ombre invisible mais présente. Je l'entendais dans sa voix ou sa façon de se crisper. Et lorsqu'il me parla d'un moyen, je fonçais littéralement dans la brèche ouverte. Qu'il le fasse, si il en avait la possibilité.

-Des négociations sont elles seulement possibles avec ce genre de femme ? Je veux dire, si elle est telle que tu la décris, ne cherchera-t-elle pas plutôt a t'asservir et te tromper ?

Et puis ce monde me faisait peur. En perpétuelle guerre d'après ce qu'il m'avait expliqué et j'avais peur pour lui. Terriblement. Je soupirai sous sa caresse apaisante, réconfortante alors qu'il m'assurait être capable de se débrouiller, qu'il le faisait depuis deux siècles maintenant.

-Je crois que je ne pourrais jamais cesser de m'inquiéter pour toi. Tu m'as décris un panier de crabe, un monde en guerre éternelle...

Je me laissai aller contre lui, ayant besoin de sa force soudainement tandis que mon univers si fortement ébranlé tentait de retrouver son équilibre avec ces nouvelles données.

-Je l'espère...

Parce que le perdre encore une fois était intolérable, je le savais, je ne m'en remettrais sans doute pas.

-Tu...Ca marche comment en fait ?

Demandais je soudainement presque timide en caressant ses épaules, là où se trouvaient ses ailes auparavant.

-Tu as déjà pensé a faire pareil avec moi ?

C'était une question qui me taraudait depuis un moment déjà et je n'étais pas très sûre de pouvoir vivre dans ce monde là. Je n'étais pas foncièrement mauvaise, ni manipulatrice. J'avais mes travers comme tout être humain, mais je n'étais pas diabolique...Enfin, angélique au demeurant.

- Si elle cherchera. Écoute Yue Hue, ne te préoccupe pas de cela, ce sont mes affaires.

Je ne pouvais pas la rassurer davantage mais je notais qu'elle avait très bien cerné Azraëlle en peu de mots de ma part. Bien sûr que le Séraphin chercherait à épaissir encore les chaines qui me retenaient à elle, à me rendre redevable, à retourner tout marché contre moi, mais j'étais préparé à ces éventualités et je ne parlais jamais pour ne rien dire ou sans réfléchir. Je m'en occuperais quand il le serait nécessaire, pour le moment, ce n'était pas la peine de se polluer l'esprit avec ça. Je regrettais que Yue Hue s'inquiète pour moi. J'avais toujours été un guerrier, j'avais toujours vécu au son des combats. Je n'étais pas fait pour la tranquillité. Et il était dommage qu'elle ne puisse s'empêcher de se faire du soucis pour moi. Mais je ne pouvais pas l'en empêcher, juste la rassurer et lui promettre d'être extrêmement prudent.

- Mon monde est un panier de crabes, mais le tien ne vaut guère mieux. Je sais juste à quoi m'attendre.

Je la pris dans mes bras, la caressant pour l'apaiser et lui assurer que l'histoire ne se répéterait pas. Je ne mourrais pas et elle ne se tuerait pas de chagrin. J'avais déjà sa précédente mort sur la conscience, inutile de rajouter celle là. Elle me demanda alors comment ça marchait et je stoppais ma caresse, ne saisissant pas de quoi elle voulait parler exactement.

- Comment marche quoi ?

Je me raidis quand elle me demanda alors timidement si j'avais songé lui faire cela. Voilà la question délicate justement.

- Oui, j'y ai songé. J'y songe encore.

Je ne voulais pas lui mentir, mais je décidai de m'expliquer.

- Quand on devient un ange, on va à l'école, jusqu'à ce que l'on ai béni 100 humains... Qui deviennent donc des anges à leur tour. Une fois ces 100 mortels bénis, l'ange devient un Séraphin. Plus puissant qu'un ange. Plus on a de bénis à notre actif, plus on est puissant. On peut aussi se lier à un humain, mais cela est long et on... se nourrit de son âme. Si bien que quand il meurt, il devient le néant. Son âme disparait totalement. Cela le protège d'une bénédiction ou d'un éveil, mais le condamne au vide. Si cela t'arrivait, je ne pourrais jamais te retrouver une fois que tu serais morte... Mais on ne peut te forcer à te lier à un ange. Quant à la bénédiction... Il faut que l'ange ai l'entière confiance de l'humain. A ce moment seulement, il peut le bénir. Et quand l'humain meurt, il devient un ange.

C'étaient les grandes lignes et j'espérais ne pas la perdre en cours de route.

- C'est la même chose pour les démons, mais c'est plus difficile pour eux, ils ont une mauvaise réputation, contrairement à nous. Même si tout cela n'est qu'un vaste mensonge.

Je caressai doucement son dos à la peau veloutée :

- Alors oui, j'ai songé à te bénir... Quand tu mourrais, tu deviendrais un ange, immortelle et nous pourrions nous aimer éternellement. Mais cela ne serait pas sans sacrifices de ta part... Comme de rejoindre un camp de menteurs, de tricheurs, d'arrivistes... Et je sais que tu ne serais pas heureuse dans cette vie là... Je ne sais plus Yue Hue, ce qui est le mieux pour toi, pour moi, pour nous. Raison et envies ne s'accordent pas toujours.

Je crispai légèrement les traits lorsqu'il m'assura encore une fois qu'il s'en sortirait très bien tout seul. Il avait raison, il naviguait dans ce monde depuis bien trop longtemps pour ne pas en connaitre toutes les ficelles, mais malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter. C'était idiot mais le spectre de la mort ne me lâchait pas vraiment. Ni même le souvenir de la douleur qu'avait été son absence. Alors je me tus, décidant de lui faire confiance, si il disait pouvoir agir, alors c'est qu'il le pouvait. Je croyais en ces capacités n'est ce pas ?

Un léger sourire ombra mes lèvres alors qu'il retournait mon argument contre moi. Je ne pouvais pas dire le contraire, c'était un fait.

-"Helàs...Un vrai terrain de jeu pour vous j'ai l'impression."

Parce que l'homme était foncièrement corruptible, c'était comme ça. L'ambition, l'argent le pouvoir ou la convoitise n'avaient pas réellement de limite pour lui. Alors finalement, je décidai de l'interoger sur autre chose, délaissant le côté dérangeant de sa mort ou de sa non mort pour me pencher sur ce qu'il était. Le fonctionnement. Je ne pouvais pas dire être émerveillée, par après ses révélations. Un autre monde en parallèle du notre, jamais je ne l'aurais imaginé. Non jamais.

Je le sentis se raidir contre moi a ma question. Je n'avais pas tourné autour du pot et je pâlis légèrement lorsqu'il acquiésa. Oui, il y pensait. Je pouvais presque deviner pourquoi. Pour que l'on puisse toujours être ensemble. Pour qu'il n'ai pas a souffrir ma mort et recommencer a m'attendre. Mais je ne savais pas si j'étais prête pour ce genre de monde. Fait de tromperie et de trahison. Je n'étais pas de ce bois là. Je ne ferais sans doute jamais un ange parfait. Attentive, je l'écoutai me raconter, m'expliquer et plus il avançait dans ces explications, plus je haïssai ce monde, moins il m'attirait. Je frissonnai, autant de sa caresse que de ce qu'il me laissait entrevoir...

-"Non, je ne serais pas heureuse. Je ne suis pas quelqu'un de manipulateur, oh peut être un peu parce que la vie de nous en laisse pas le choix, mais je serais incapable de survivre longtemps dans ton école. Je ne me vois pas tromper pour mieux piéger. Ce ne serait pas moi et, en cours de route, je risquerais de me perdre, d'oublier qui je suis...Alors c'est vrai que rester avec toi éternellement est tentant, réellement. Posséder la vie éternelle, quel homme n'en a jamais rêvé, surtout si c'est pour la passer avec toi. Je voudrais t'éviter aussi la douleur de ma perte et encore des siècles a me chercher...Alors je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je répondrais si tu me posais la question maintenant."

J'étais franche, ne lui cachant rien de mes pensées en cet instant. Oui, j'étais tiraillée entre désir et peur d'une certaine façon. Désir de vivre avec lui, le protéger d'une certaine manière de ma perte programmée. Mais peur, terriblement peur qu'au fil du temps, je ne sois plus moi. Qu'il se détourne de moi parce que je n'aurais pas eu la force nécessaire de me préserver.

-"Je ne sais pas si je serais assez forte pour ne pas me laisser corrompre."

Je n'aimais pas avouer mes faiblesses, mais je savais que Ryu ne me jurerait pas, je n'étais qu'une femme, pas une déesse ou un être parfait. J'avais mes failles helàs.

La question de la bénédiction était délicate. Cela serait mentir que de lui dire que je n'y pensais pas, et je devais lui expliquer la situation. Évidemment que j'y songeais, pour ne pas la perdre. Et elle touchait du doigt le nœud du problème en fait. Parce qu'égoïstement, bien sûr que je la voulais éternellement à mes côtés, mais je savais aussi que c'était là une vie qui ne lui correspondait pas. Yue Hue était quelqu'un de droit, d'honnête... Absolument pas faite pour être un ange et comme je m'étais posé la question, l'aimerais-je si elle devenait un monstre comme tous les anges que je côtoyais sans cesse ? Non, sans doute et jamais je ne me pardonnerais de l'avoir perdue ainsi. Je la préférais morte et intègre.

Je comprenais Katsuo. Beaucoup trop à mon goût d'ailleurs. Le jeune homme avait connu le même genre de tourments et avait laissé mourir celle qu'il avait tant aimé. Son erreur avait peut-être été de tout garder pour lui et de ne pas lui offrir le choix. A moins que cela soit du courage, un courage que je ne possédais pas alors que je lui livrais les tenants et aboutissants de toute cette affaire. Mais Katsuo était l'exemple même que l'école ne vous changeait pas forcément, qu'il y avait des chemins de traverse, un moyen de contourner cette fatalité. J'avais marchandé sa liberté... Pourrais-je acheter celle de Yue Hue, en faire mon élève et pas celle des autres anges ? La soustraire à leur influence néfaste ?

Mon cœur semblait s'être changé en pierre alors qu'elle me répondait, alors que je comprenais que la réponse n'était pas évidente pour elle. Qu'elle n'était pas prête à vendre son intégrité pour moi. Je l'admirais pour ça, mais j'en souffrais également, car je restais dans l'incertitude... Si je la mettais au pied du mur, que choisirait-elle ? Il n'y avait pas de blanc ou de noir, aucune décision ne serait la bonne, car il y avait des inconvénients et des avantages.

Rester jeune éternellement, rester auprès de moi jusqu'à la fin des temps, ou une mort violente... Et devoir changer, apprendre la duplicité, l'hypocrisie, la cruauté, le mensonge...

Rester celle qu'elle était, cette femme merveilleuse et honnête, franche et pleine de vie, vieillir et finir par mourir, me plongeant de nouveau dans un chagrin abyssal.

De son point de vue, refuser la bénédiction était sans doute le plus sage, elle en souffrirait moins. C'était moi qui serais blessé...

- Je ne t'imposerais aucun choix Yue Hue. Et surtout pas maintenant. Mais au moins sais-tu la vérité et as-tu toutes les cartes en main désormais. Rien ne presse.

Je prenais sur moi en cet instant. Mais Yue Hue faisait preuve d'honnêteté et je lui devais la même franchise alors qu'elle m'avouait ne pas être certaine de ne pas se laisser corrompre.

- Je ne peux rien te promettre à ce sujet, sinon celui de faire tout mon possible pour que tu n'oublies pas qui tu es... Et accessoirement, chercher un moyen de te prendre sous mon aile, sans que tu ne passes par la case école. C'est possible, tu sais...

Mais ce n'était pas la voie la plus simple. Et si Yue Hue refusait de bénir, elle resterait faible et une proie facile à abattre et je refusais que cela arrive. Humaine, elle pouvait se réincarner. Une fois devenue ange, si la mort l'emportait, jamais je ne la reverrait et il ne me resterait plus qu'à me donner la mort à mon tour et rejoindre le néant qui l'aurait accueillie.

- Mais je ne te cacherais pas que si tu ne bénis pas également, tu resteras faible et une proie facile. Et si tu meurs, ton âme disparaîtra. A jamais.

J'avais murmuré ces paroles, la gorge nouée. Je ne faisais que la pousser à choisir de rester humaine... Mais jamais je ne lui mentirais. Quitte à dépérir.

-"Je sais que tu ne m'imposeras rien. Rien que je n'aurais voulu."

Affirmais je parce que je savais que c'était la vérité. Il ne m'obligerait a rien. Si je refusais cette vie éternelle auprès de lui qu'il me proposait, je le blesserai, je le savais, mais il respecterait ma décision. A vrai dire, tout cela me plongeais dans un océan d'incertitude. Je n'étais pas faite pour le monde qu'il me dépeignait et j'étais persuadée qu'il le savait aussi. J'avais mes défauts, c'était vrai, mais je n'étais pas ce monstre d'égoïsme qu'il fallait devenir pour survivre. Quelque soit ma décision, je savais que je pourrais compter sur lui. Sa force qui ne me ferait pas défaut. Mais plongée dans ce monde, j'avais terriblement peur de le décevoir au final et cela, je ne le voulais pour rien au monde.

Cependant, je levai un regard sur son visage, peut être emplit d'espoir d'ailleurs, je n'en savais rien et je déglutis avec un peu de difficulté parce que ma gorge était serrée.

-"Tu pourrais ? Tu dois me trouver bien faible quelque part. Je ne le suis pas. Mais je suis aussi lucide, des années d'endoctrinement peuvent détruire une éducation, des valeurs...Toi, tu es resté le même mais moi ? En serais je capable ? Ne risquerais je pas de te décevoir en me détournant des idéaux qui sont les miens ? M'aimerais tu vénale et ambitieuse ? Non. Tu ne m'aimerais plus parce que je ne serais plus moi."

Répondis je dans un souffle, pourtant accrochée quelque part a ce qu'il venait de me dire. Il était possible que je puisse vivre sous sa coupe, seulement éduquée par lui. Et là, je savais qu'il ne me laisserait pas oublier qui je suis, qui je serais toujours.

Je penchais doucement la tête. L'idée de..bénir, ce mot était encore difficile a [/color]prononcer, ne me tentait pas. Je ne me voyais pas condamner une existence a la manipulation, la tromperie. Je n'étais pas dieu ironiquement. Je me pelottonai contre son flanc.

-"Comment as tu fait ? Toi, tu as survécu dans ce panier de crabe, tu as bénis n'est ce pas ? Alors comment as tu fait ?"

Parce que je comprenais soudainement, rester humaine pouvait me permettre de renaitre, encore et encore...Devenir ange, c'était être condamnée a disparaitre a jamais. Le laissant seul. Je ne voulais pas voir la souffrance sur ces traits, la douleur...

Qu'elle sache déjà que ses choix étaient les siens et que je n'interviendrais pas était important. Yue Hue avait toujours confiance en moi, malgré mon identité, malgré mes précédents mensonges dont je n'étais pas spécialement fier, mais qui étaient, hélas, nécessaires. Quoique je n'avais pas réellement menti, juste répondu de façon à ce qu'elle l'interprète comme elle le désirait. De travers de préférence. Comment aurait-il pu en être autrement ? jamais elle n'aurait pu penser que ce jeune homme rencontré dans un musé pouvait avoir plus de 200 ans et l'avoir aimé dans une autre vie... Ni qu'il puisse être un ange. Et encore, elle prenait relativement bien cet abattage d'informations qui venaient ébranler tout ce qu'elle pouvait connaître. Toutes ses certitudes.

Et voilà que s'offraient devant elles deux voies, bien différentes : rester humaine, vieillir, être aimée de moi, vivre sa vie, en sachant des choses, mais sans s'en mêler et y être directement confrontée, mourir de façon naturelle et peut-être renaître, me brisant une fois de plus, mais m'offrant également un nouvel espoir... et une attente interminable. Ou devenir un ange, faire de moi un Séraphin, rester éternellement jeune et avec moi, mais pervertir son âme au passage et risquer de mourir dans un conflit qui nous dépassait, sans aucun espoir de réincarnation ou de renouveau.

Yue Hue posait les questions dérangeantes, celles que je me posais également sur son endoctrinement. Sur la façon dont cela pourrait se passer et la changer. Moi, je n'avais guère changé, en général, assez fort pour toujours garder en tête mes valeurs. Je ne pouvais que lui promettre d'être là et de ne pas la laisser oublier qui elle était.

- Non, je ne t'aimerais plus de la même manière si tu devenais comme les autres anges... Si tu perdais totalement ta bonté, ton altruisme... Mais je ne laisserais pas cela arriver. Tu es forte Yue Hue, tu l'as toujours été et je ne pense pas que tu puisses tout oublier. Et je serais le point d'ancrage qui t'empêchera de dériver.

Mais si elle devenait ange, il lui faudrait bénir pour ne pas rester faible et être tuée et c'était un autre point délicat. Elle me demanda comment j'avais fait et je soupirai, l'entourant de mes bras plus étroitement.

- La plupart du temps, j'observe et je vois en certaines personnes l'ambition démesurée, la perdition... Des âmes faciles à corrompre qui adoreront cette existence. Je ne fais que leur offrir leur chance, et je me trompe rarement. Il est possible de bénir les paumés, les alcooliques, les violeurs, les drogués, les tueurs. C'est beaucoup plus facile et cela pèse moins sur la conscience de leur offrir un immortalité au service du chaos et de la destruction...

Sa confiance en ma force m'étonnais. Il pensait que je pourrais résister a l'endoctrinement durant des siècles, l'empêcher de me modeler comme on le voulait, comme on le désirait. Si j'avais le moindre doute quand a ses sentiments, il se serait envolé, évanouit même et je souris légèrement.

-" Peut être me prête tu une force que je n'ai pas."

Même si je me sentais comme invincible avec lui, je me voyais dans ses yeux, pas telle qu'il me voyait, mais telle que j'étais. C'était troublant d'une certaine manière mais terriblement rassurant. Je plongeais dans ses iris noires, profondes et je soupirai doucement, une certaine douceur se lisant dans mes iris.

-"Ou peut être me sous estimais je...Laisse moi le temps d'y réfléchir."

Parce que je ne pouvais pas prendre de décisions comme cela, c'était impossible, combien serait fort mon désir de rester avec lui. De vivre pour toujours avec lui. mais ce que cela mpliquait me faisait peur et je n'avais pas honte de le lui dire, m'étonnant qu'il ai sût garder ce qu'il était, conserver ses valeurs aussi facilement. La curiosité me poussa a lui poser une question intime, d'une certaine façon. Je me mis a jouer des doigts sur sa poitrine, l'écoutant me parler.

-"Je suppose que tu as raison, mais bon ou mauvais, cela reste des êtres humains. Bien que...L'homme est parfois si mauvais qu'il ne peut être que né ainsi je suppose."

Je levai les yeux sur son visage, disséquant ces traits magnifiques.

-"Laisse moi un peu de temps..."

Parce que j'en avais besoin pour me décider. un mois ? Deux ? je ne savais pas vraiment, mais je savais qu'il me le fallait. Je voulais passer le reste de ma vie avec lui, a moi de décider si elle serait éternelle ou non.

- Ou peut-être ne te connais-tu pas aussi bien que je te connais ?

J'avais connu la femme qu'elle était, je découvrais celle qu'elle était devenue. Et peut-être que mes 200 ans d'existence m'avaient apprit à voir des choses qui échappaient aux autres. Aux principaux concernés. J'avais acquis une certaine sagesse, même en étant mortel et humain. Cela s'était accentué avec le temps, bien que je sois loin d'être l'ange le plus âgé. Mais j'avais toute confiance en elle et de toutes façons, je ne la laisserais pas tomber, lui insufflant la force si elle venait à chanceler.

- Tu auras le temps qu'il te faudra.

Si je lui parlais de tout cela, ce n'était pas pour la presser, bien au contraire. Au moins avait-elle tout en tête, toutes les cartes en main, et du temps pour y réfléchir et prendre sa décision. Cette fois, le destin ne s'en mêlerait pas, la fatalité ne nous arracherait pas l'un à l'autre, je le refusais. Elle me demanda alors comment je bénissais et je choisis soigneusement mes mots alors qu'elle jouait, distraite, sur ma poitrine. Je ne répondis pas de suite à son commentaire. Je n'avais pas à juger qui était bon ou mauvais, je n'étais pas juge, ni bourreau, mais j'offrais une opportunité à ceux qui semblaient enclins à accepter l'offre.

Je l'embrassai doucement quand elle me demanda encore du temps. Je n'avais plus rien à ajouter à ce sujet et je m'installais pour m'allonger, l’accueillant contre moi.

- Rendors-toi Yue Hue. Il sera toujours temps d'y réfléchir demain. Repose toi, nul cauchemar ne viendra troubler ton repos cette nuit. Et je serai là à ton réveil.

cela ne serait pas un rêve, ni une chimère. Je serais là, près d'elle, la gardant dans mes bras, la protégeant de tout mal... Avant de le lui insuffler si je devais la bénir. Je préférais ne pas y penser et me contentai de caresser ses longs cheveux étalés du bout des doigts, en un rythme hypnotisant, jusqu'à ce que son souffle se fasse plus régulier, sa respiration profonde. Je m'autorisai alors à lâcher prise, fermant les yeux et me laissant emporter à mon tour dans le sommeil.