Dangsin-eul saeng-gagnage | Ryu

Yue Hue ne restait pas inactive. Si elle fut peut-être surprise de mon soudain embrasement, de mon empressement, se laissant caresser, se laissant embrasser, se laissant déshabillée, elle sembla se rendre compte de ce qu'il se passait entre nous, soulevant son bassin pour se débarrasser de son pantalon, laissant apparaître sa fine culotte. Il y avait des avantages dans cette époque et les sous-vêtements en étaient un. Les femmes étaient magnifiques en dessous, excitant le désir des hommes avec leurs sous-vêtements qui les mettaient en valeur et incitaient à les en délester. Je repoussai son chemisier, le faisant glisser le long de ses bras, avant de l'envoyer par terre. Le soutien gorge prit le même chemin alors que ses baisers étaient plus ardents.

Ses mains partirent à l'aventure, se faufilant sous ma chemise, découvrant les déliés de mes muscles, avant de se décider à retirer les boutons, s'égarant sur la peau élastique, sur mon torse sculpté par des années de disciplines martiales. Je n'étais pas particulièrement imposant, mais j'étais indéniablement athlétique. Et il suffisait qu'elle se souvienne comment je l'avais débarrassée de son agresseur pour deviner que j'avais de la force, plus que mon gabarit ne le laissait supposer. Particularité angélique, que je ne pouvais lui expliquer pour le moment.

La chair de poule me prit quand ses mains fraîches caressèrent mon corps, alors que mon sang s'échauffait. J'avais si douloureusement besoin d'elle. Si douloureusement envie d'elle. Ses mains descendirent, avant de s'arrêter au niveau de ma ceinture. Là, je cessai de l'embrasser, retenant mon souffle, pour la regarder, la laissant faire, se battre avec la ceinture, avec le bouton et la fermeture éclair, avant de libérer ma virilité, si tendue pour enfin se fondre en elle. Un soupir m'échappa, presque tremblant.

- Je t'ai attendue si longtemps... j'ai tellement envie de toi, de me fondre en toi...

Mon souffle brulant sur ses lèvres, le sien sur ma peau. Je ne savais plus où je commençais, où il finissais. Comment pouvions nous être a ce point si parfaits ensemble ? Comment si on ne s’aimait pas réellement, si nous n’étions pas fait l’un pour l’autre, comme une évidence. Nous étions passionnés. Brutaux peut être dans notre désir, trop empressés. Une telle déferlante aurait pu me faire peur, vraiment, si je n’avais une telle confiance absolue en lui. Il ne me ferait jamais de mal. Jamais. Non, il m’aimerait. Il m’aimerait totalement. Inconditionnellement. Irrationnellement même.

J’étais totalement folle de lui. Je l’avais toujours été. Mon corps, mon âme, mon cœur, tout était a lui si il le désirait. Absolument tout. Et alors que je glissai mes paumes sur sa peau si chaude sous mes doigts, que j’apprenais ses déliés, il me vint la sensation de déjà tout savoir de son corps. Du grain de sa peau a sa possession complète…Pourquoi ? Je m’en fichais totalement alors qu’il me ravageait d’amour, alors que mon corps brulait de lui, avide. Je le voulais tellement. Profondément enfouit en moi, qu’il soit moi, que je suis lui. Qu’importe…Je le libérai, mon souffle se bloquant subitement alors qu’hésitante, je posai délicatement mes doigts sur sa virilité, retenant un gémissement félin a sentir sa puissance, sa douceur…Avec adoration, je le caressai lentement, sentant mon envie de lui décupler.

« Alors fais le…Comble moi…Aimes moi... »

Murmurais je doucement, langoureusement, la voix si rauque de mon désir, de mon amour et, je ne savais pas vraiment pourquoi, j'avais la sensation d'avoir déjà prononcé ces mots... Je me sentais mourir sans lui. Je me sentais perdue sans lui. Mes paumes, affamées, remontèrent sur son corps, s’agrippèrent a ses épaules, s’enfouirent dans ses cheveux, l’attirant si prêt de moi…

Mon regard suivit sa main, hésitante, alors qu'elle se dirigeait vers ma virilité, avant de s'y poser doucement, me coupant la respiration. Ce contact... Il m'était si doux, il était si attendu. Sa caresse alluma un brasier en moi. Je ne pouvais plus attendre... Je ne voulais pas la prendre comme un sauvage, mais cela m'était si difficile de garder le contrôle. Je lui demandais presque la permission, respectueux jusqu'au bout. Et elle me la donna, aussi avide que moi.

Je n'avais franchement pas eu l'intention que cela se déroule ainsi, sur une table de cuisine. Mais tant pis, tout ne pouvait pas toujours se prévoir ou se contrôler. Elle s'agrippa à moi et ma main se glissant au creux de ses reins, l'attirant à moi. Plus d'obstacle entre nous... Ses jambes s'écartèrent, elle m'accueillait et je me glissais avec une fébrilité palpable entre ses cuisses, avec une certaine douceur pourtant, ne souhaitant pas la blesser. Quand je la sentis se refermer autour de moi, je marquais un temps d'arrêt, le souffle coupé alors que des souvenirs affluaient, me terrassant.

Mes lèvres avides surent trouver les siennes et je me mis à bouger en elle, alors qu'elle ondulait comme une sirène, nos corps se retrouvant, nos âme se scindant de nouveau. Elle m'avait tant manqué... Cette fois, personne ne nous interromprait, personne ne nous surprendrait, personne ne nous jugerait. Elle était enfin mienne, après ces longues années à l'attendre, à l'espérer.

Nos corps enlacés s'enflammèrent, alors que le rythme s'accélérait et ce fut rapidement la jouissance. Je n'avais pas la patience de la faire attendre, de me faire attendre, pas après tout ce temps. J'étais resté chaste depuis ma mort, aucune femme n'avait su me rendre infidèle à sa mémoire. Il me fallait réapprendre... Je saurais la contenter par la suite, quand je serais rassasié d'elle... Cela arriverait-il jamais ? Je restais immobile, le visage dans le creux de son cou, légèrement essoufflé, mais aussi complètement comblé.

Pour la première fois en presque deux siècles, j'étais entier.

J'eus un petit rire gêné, avant de relever la tête et de plonger dans ses yeux.

- Je suis désolé, la prochaine fois, je serais moins... impatient.

Je baisai ses lèvres, avant de compléter, un brin malicieux :

- Je crois.

Me serait-il seulement possible de ne pas la désirer si ardemment que des années de contrôle s'évaporaient comme par magie à son contact ?

Je le voulais tellement que j'en avais mal. Une douleur autant physique que mentale. C'était étrange quelque part cette fébrilité qui m'animait dans l'instant, ce besoin terrible de le sentir se glisser en moi, comme si il devait disparaitre demain. J'avais intensément besoin de lui et je ne fus pas capable de le cacher, de toute façon, je n'en avais pas envie. J'étais a nue devant lui, totalement, mon âme délestée des oripeaux qui la couvrait pour n'apparaitre que totalement a lui.

Un gémissement m'échappa, comme un soupir, lorsqu'il pénétra mon ventre et mes doigts se crispèrent sur ses épaules, tout mon être tendu vers lui, chaque lambeau de mon esprit enchassés au sien. S'unir n'avait jamais prit un sens aussi vrai que maintenant, j'avais la sensation d'être un morceau de lui perdu depuis longtemps et enfin retrouvé. Mais toutes ces pensées se noyèrent sous le plaisir qui ravageait mon ventre. Qu'importe l'endroit, il n'y avait que nous et ce plaisir sauvage qui nous engloutissait. Je perdais toute notion de réel, ondulant contre lui, me donnant entièrement, me laissant aimer presque violemment alors qu'il existait une certaine douceur dans ses gestes malgré la passion débridée.

L'extase qui me submergea subitement était si forte, si parfaite que je me sentis mourir sur ses lèvres, le corps couvert de frissons violents et délicieux. Personne ne m'avait aimé comme ça et personne ne m'aimerait plus jamais sauf lui. Toujours lui.

Le souffle me manquait. Haletante, je tentais de reprendre mes esprits, le corps encore secoué mais si apaisé soudainement. Totalement comblée, totalement entière...J'eus un léger rire a ses mots.

"Je ne peux pas dire que j'ai été très maitre de moi non plus..."

Non pour moi tout cela n'avait pas d'importance, cela avait été parfait. Je m'étais sentie aimée, passionnément aimée et la jouissance qu'il m'avait donnée n'avait pas de nom. Je soupirai doucement, comblée au delà de toute mesure. Je ne voulais pas qu'il me quitte, qu'il se sépare de moi, on était complet ainsi scellés...Mais la réalité devait reprendre ses droits, sinon, le rêve n'aurait plus de raison d'être.

"Je n'ai jamais été aimée comme ça..."

murmurais je doucement en nichant mon visage au creux de son cou, non, jamais...

Non, elle n'avait pas été maîtresse d'elle-même, mais elle n'avait pas 209 ans non plus... Et plus de 200 ans de discipline stricte, à ne pas céder au moindre caprice, à la moindre envie, au moindre sentiment. Là, j'avais complètement oublié un enseignement qui avait été ma vie. Et j'en concevais une certaine honte, même si elle pouvait trouver cela idiot. J'avais voulu l'aimer tendrement, la vénérer, la découvrir, la conduire sur les rives du plaisir, jouer avec son désir, mais j'avais échoué. Il me faudrait me rattraper la prochaine fois. Ma faim étant apaisée, la prochaine fois devait être davantage sous contrôler me concernant.

Elle se lova contre moi et je resserrai mon étreinte, avant de l'entendre murmurer qu'elle n'avait jamais été aimé ainsi. Détrompe-toi mon amour, tu as été aimé ainsi, il y a bien longtemps, quand tu t'appelais Amaya, quand j'étais un jeune samouraï plein d'avenir... Quand notre amour était interdit et condamnable. Je baisai sa tempe avec tendresse.

- Tu ne seras plus jamais aimé autrement.

Car je la vénérerais jusqu'à la fin de ses jours. Et même au delà. Parce qu'elle était tout, absolument tout pour moi. Je l'aimais au delà de la raison. Doucement, je la soulevai, ses jambes arrimées autour de mon bassin et je l'emmenai jusqu'à sa chambre, non sans tâtonner en découvrant son intérieur, qui lui correspondait tellement.

Je rejetai la couette sur lit, y posai un genou pour la déposer avec précaution sur le matelas. Son regard était magnifique et elle tendit les bras, m'attirant à elle, alors que je me laissais aller à l'embrasser de nouveau. En tant qu'homme, il était trop tôt pour la combler de nouveau, mais en tant qu'ange, c'était une autre histoire. Avec un sourire, je caressai son corps magnifique, recueillant un sein au creux de ma paume, en baisant la pointe avec fièvre.

Cette fois, je me rattrapai, l'aimant avec tendresse et prenant tout mon temps pour stimuler chaque zone nerveuse de son corps, jusqu'à la faire mienne de nouveau et nous laisser nous échouer sur les rives du plaisir. Pour la première fois de ma vie, je m'endormis aux côtés d'une femme, sans crainte d'être découvert, sans crainte de l'avenir.

« Sans doute oui. »

Parce qu’il n’y avait que lui pour savoir m’aimer totalement. Je n’avais jamais vécu cela, une telle fusion, une telle communion. Si je pouvais concevoir le moindre doute nous concernant, je n’en avais plus aucun dorénavant. Il était ce que j’avais attendu toute ma vie, ce vide immense qui était resté longtemps dans l’ombre, c’était de son absence qu’il était né, maintenant qu’il n’avait plus de raison d’être, il disparaissait, lentement, surement, me comblant totalement. Etant enfin moi.

J’eus un petit rire lorsqu’il me souleva sans effort, il fallait dire que j’étais un poids plume et je croisai les chevilles derrière ses reins, m’arrimant solidement a son corps. Je n’eus même pas besoin de le guider vers ma chambre, enfin, mon appartement n’était pas très grand de toute façon, elle était facile a trouver. Il me déposa entre mes draps et je l’attirai a moi sans pudeur aucune. Qu’il dorme avec moi me paraissait naturel, et j’en avais envie aussi, comme quelque chose qui me manquait. Juste sa présence apaisante a coté de moi tandis que le sommeil nous emporterait. Mais ce ne serait pas pour maintenant non…Se penchant vers moi, me surplombant, il réouvrit pour nous un monde fait de plaisir, de tendresse, de sensualité, d’amour. Et je me laissais aller entre ses bras comme jamais auparavant et lorsque, épuisée, le sommeil me prit, j’étais nichée contre son épaule, mes jambes enroulées autour des siennes, comme un reflexe inconscient de le garder a jamais.


Lui aurait il arraché le cœur directement a sa poitrine que la douleur aurait été délicieuse. Las. La mort n’était rien comparé a cette souffrance sans nom, sans limite. Lentement, une a une, les épingles glissaient dans une chevelure d’ébène, raide et brillante. Le miroir renvoyait l’image même de la douleur et d’une volonté de fer. D’une résignation sans doute aussi. Les mains ne tremblaient pas lorsqu’elles caressaient une pommette pour étaler le fard. Elle n’avait pas demandé de servante, non, elle était seule et le serait a jamais. Même cette vie qui grandissait dans son ventre la révulsait. Elle n’était pas de lui. Miracle ont clamé les médecins, malédiction a-t-elle pensé. Mais qu’importe, là était son rôle. Son avenir. Jusqu'à cette nuit là. Jusqu'à cette souffrance sans fin. Connaitre le bonheur pour sombrer dans la démence. Cela faisait une semaine qu’elle n’était pas sortit de sa chambre. Une semaine qu’aucune de ses servantes n’avaient osé la déranger. Une semaine qu’elle n’était que cris et pleurs sans fin. Des jours aussi sombres que l’enfer. Aurait il mieux valu qu’il la tue. Vraiment. Cet époux haït. Qu’il la tue. Mais non, amoureux, il ne voyait que la vie de son épouse alors que le sang de son rival s’écoulait sur les nattes. Tache carmin s’agrandissant. La folie était douce, songea-t-elle en appliquant délicatement le pinceau sur la peau fine de ses lèvres, étalant ce rouge qui hantait sa vision désormais morte. Ses yeux s’était éteints. Son sourire était mort. Son âme rampait de douleur et de souffrance. D’une violence latente aussi, d’une haine terrible. Elle était vide. Terriblement vide. « Aimes moi » avait elle murmuré, comme une prière, une supplique, elle l’avait condamné a mort dans un soupir extatique. Alors que lui restait il dans cette vie ? Elle avait tout perdu par égoïsme, désir, amour. Et ce dans un cri extatique, ravagée par un plaisir qu’elle n’avait jamais connu, détruite par son amour, trop fort pour être jugulé. Ils avaient cédés. Une fois. Une unique fois et elle le payait si cher. Et pourtant, jamais elle n’aurait changé quoique ce soit. Jamais. Son unique bonheur, son unique amour, celui qui la torturait depuis plus de 10 ans. Elle se souvenait encore de ses yeux, lorsqu’ils avaient croisé les siens la première fois. Elle c’était sentit si forte et si vulnérable en même temps. Aspirée par son regard. Dès cet instant, ils avaient été scellés l’un a l’autre. Elle ne voyait que son regard alors qu’il c’était oublié en elle. Qu’elle c’était oublié en lui. Et maintenant, il ne lui restait que la souffrance, la douleur aigüe, terrible.

Doucement, elle reposa son pinceau. Ses gestes étaient si mesurés, si lents, comme un automatisme. Ce soir, elle dînait avec son époux. Un vœux qu’elle avait exprimé, qu’il avait cru renouveau alors que ce ne serait qu’une fin. Délicatement, elle glissa un petit poignard au manche de nacre dans ses manches évasées, le caressant avec amour avant de se lever. Des épingles distillaient des perles sur ses cheveux. Elle était belle. Elle le savait. Magnifique. Comme elle aurait aimé l’être pour lui. Uniquement pour lui. Et elle faillit étouffer sous la douleur qui lui serrait la poitrine. Son visage ne laissait rien transparaitre alors qu’elle se dirigeait vers les portes de ses appartements. Une dignité sans faille, un honneur inébranlable. Dieu que son amour la crucifiait, la tuait et la tuerait sans doute.

Son époux était là. Digne. Assis devant cette table basse. Elle n’avait souhaité aucuns serviteurs pour ce diner, non aucun.

« Entrez Amaya….Oserais je dire que vous êtes magnifique ma femme ? »

Elle sourit délicatement. Discrète. Silencieuse. Elle s’installa dans un froissement soyeux. Baissant les yeux devant cet homme qui l’avait tué. Qui lui avait arraché le cœur, l’âme.

« Votre médecin m’a annoncé une bonne nouvelle…Confirmez vous ? »

Son âme se tordit mais elle ne répondit rien.

« Je pourrait vous pardonnez votre offense Amaya. »

Cette fois, son regard étincela, se plantant sans fard dans celui de son époux.

« Il n’y avait nulle offense. Jamais il n’y en aura. Vous m’avez ôté ce que j’avais de plus précieux en ce monde…Je vous prendrais ce que vous avez de plus cher. »

Il sembla ne pas comprendre alors que pour elle, cela était si limpide, si vrai…Son geste fut vif, rapide, précis. La chair tendre de sa gorge céda devant la lame affutée. Elle avait visé juste, si juste. Ne plus vivre sans lui. Jamais. La vie n’avait plus d’intérêt. Plus aucun.

Le sang gicla, chaud, rouge et s’abattit sur la nappe immaculée.

On ne pu rien pour elle. Plus rien. Il était bien trop tard…

Je me réveillais en sursaut, haletante, la peau couverte de sueur, un cri silencieux au bord des lèvres…J’étais morte…J’étais morte…

- Amaya...

Je m'éveillai en même temps qu'elle, alors que sa terreur avait trouvé un écho en moi, alors que cette nuit fatidique où j'avais perdu la vie avait hanté mes rêves, les transformant en cauchemar. Il y avait eu le délice, oh, cela avait été si doux de découvrir son corps à gestes tremblants tant je l'avais vénérées. Lentement, j'avais ôté ses vêtements, découvrant sa peau d'albâtre que j'avais embrassé avec adoration. Elle était ma déesse, la plus pure qui soit. Je l'avais aimé dés le premier regard, je l'avais désiré tout aussi vite, mais je m'étais sagement abstenu de céder à la tentation, jusqu'à ce que le serpent, aux yeux verts, entre dans ma vie et me susurre d'obsédantes possibilités. Je l'avais honoré avec douceur, avec amour, j'avais joui en elle, trouvant un écho dans son propre cri.

Et son mari nous avait ainsi cueilli. Depuis cette nuit, depuis que je connaissais Azraëlle, je n'avais de cesse de me demander si elle n'avait pas poussé le seigneur à s'apercevoir de l'absence de sa femme, à la découvrir en ma présence. L'ange le connaissait, elle savait que la mort était préférable au déshonneur. Quelque part, j'avais abandonné Amaya cette nuit-là, en me donnant la mort... Abandonné avec son époux furieux d'avoir été trompé.

Le dernier regard qu'elle m'avait lancé resterait à jamais gravé dans ma mémoire, de même que la morsure de la lame dans mon ventre. Ma main s'y était portée machinalement, alors que je m'étais réveillé brusquement, me redressant alors pour m'apercevoir de la respiration hachée de Yue Hue. Son regard était exorbité, sa peau moite de sueur. Elle transpirait la terreur en fait. Je me tournai vers elle et refermai mes bras sur elle.

- Yue Hue ?

Peut-être n'avait-elle pas entendu ce nom qui avait franchi la barrière de mes lèvres, le nom d'une autre, qu'elle risquait de prendre pour une rivale, alors que c'était elle, de tout temps... Je n'étais pas encore prêt à lui expliquer cela, à lui dire qui elle avait été. Mais j'étais curieux de connaître la cause de son cauchemar. Un souvenir ?

- Yue Hue, tu as fait un cauchemar. C'est fini.

Oui, il devait être fini, cette vie si ne serait pas la reproduction de nos erreurs passées, cela ne serait pas, je ne le tolérerais pas. Le cauchemar avait prit fin avec nos retrouvailles dans ce musée. J'y veillerai. Pourtant, il y avait tant de choses qu'elle ignorait encore et qu'elle allait devoir apprendre, c'était capital. Que je l'avais aimé, il y a 170 ans de cela. Que j'étais un ange également et que j'étais dans le mauvais camp quand mon âme aspirait à la noblesse.

Je repoussai presque violemment les bras qui tentait de me saisir, etouffant un grondement de panique, de peur aussi. Il me semblait que tout avait été si vrai, je sentais encore la douleur a ma gorge, la chaleur même du sang qui s'étalait sur ma peau devenant a chaque battement de coeur plus pâle, plus froide, cette étrange exaltation a quitter une existence qui n'était que douleur aussi. Je portai une main tremblante a mon cou, croyant un instant sentir le liquide chaud de ma vie percer a travers mes doigts. J'entendis a peine que l'on m'appelait, ne souhaitant que me défaire de cette étreinte, ces bras inconnus dont je ne voulais pas...

Et puis la réalité reprit soudainement ses droits, brutalement vidée, parcouru de tremblements violents, je regardai le visage qui me faisait face d'un oeil hagard avant de me laissais aller entre les bras, bras que j'avais presque haït l'instant d'avant, avant de me souvenir que Ryu dormait avec moi, que c'était la douce caresse de ses mains sur mes épaules, sa voix aussi, son parfum.
Je me jetai contre son torse, éclatant soudainement en sanglots, serrant convulsivement les mains sur sa chair. Je ne comprenais pas la peur intense qui m'avait saisit, ni même le soulagement sans nom qui me parcourait alors que j'avais fini par comprendre qu'il était toujours là, qu'il n'était pas mort, que ce n'était qu'un rêve, juste un cauchemar né de mon angoisse de voir ma vie m'échapper non ?

"Tu...."

Je ne réussis pas vraiment a finir ma phrase, traversée d'une douleur violence qui décupla mes pleurs, ma panique...

"Mort...Tu étais mort....Et moi, moi...Je n'avais plus rien..."

Le reste de ma phrase se perdit dans un gémissement alors que j'enfouissais mon visage au creux de sa nuque, le serrant fébrilement contre moi, m'assurer qu'il était encore là, qu'il ne m'avait pas quitté de la plus horrible des manières...

Juste un cauchemar ?

Elle était tellement paniquée qu'elle me repoussa, aveugle au présent et encore totalement envahie par son cauchemar. Cauchemar violent puisqu'elle n'était pas encore revenue à la réalité, puisqu'elle ne savait pas que c'était moi qui l'enlaçais. J'aurais voulu la protéger de tout, même de ses cauchemars qui la laissaient dans un état de panique totale. A quoi avait-elle bien pu rêver ? Des réminiscences de son ancienne vie ? Je tentai de la rassurer, de percer la brume de sa panique et cela finit par fonctionner alors qu'elle s'éveillait tout à fait et se réfugiait dans mes bras en éclatant en sanglots. Je refermai mes bras autour d'elle avec tendresse, avant de me figer quand elle me dit que j'étais mort et qu'elle n'avait plus rien.

Alors voilà nous y étions... Il avait fallu que nous couchions ensemble, que nous dormions ensemble pour qu'elle se souvienne, pour que son inconscient joue son rôle et lui rappelle ce qu'elle avait vécu, que nous nous étions connus dans une autre vie. Elle se réfugia contre moi, son visage dans mon cou alors que je la laissais pleurer, restant silencieux en me demandant ce que je pouvais bien lui dire. Était-elle prête à entendre parler de réincarnation ? C'était le moment ou jamais, il n'y aurait pas de plus belle occasion et je ne voulais pas lui mentir.

- Parfois, les rêves sont le reflet de l'inconscient...

je caressais doucement son dos, ses longs cheveux noirs, m'enivrant de son odeur, si familière, si désirée.

- Ce rêve...

J'avalai ma salive, péniblement, avant de la repousser doucement, me saisissant de sa main et la portant à mon ventre, là où s'étalait la cicatrice de ma mort. Je m'étais tué pour elle, pour lutter contre le déshonneur. Une longue balafre me barrait le ventre, exactement à l'endroit où le sabre avait mordu la chair.

- Crois-tu à la réincarnation Yue Hue ? Crois-tu que deux êtres qui s'aiment sont fait pour se retrouver, à travers les âges ?

C'était notre histoire. Ce n'était pas qu'une simple croyance de ma religion, c'était réel et elle l'avait vécu. Pas moi.

C'était idiot, débile, immature et pourtant, je sentais encore la morsure de la lame sur mon cou, dans ma chair, la douleur si puérile face a celle qui me ravageait le coeur, l'âme. Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer, sanglotant dans les bras de Ryu qui ne devait pas comprendre ma panique, ne pas en comprendre la raison. Je l'avais vu mourir, dans d(atroce souffrance tout cela pour l'honneur comme cela se faisait voilà des années dans le Japon médiéval. Cela avait l'air si vrai, si fort, je sentais encore sur ma langue l'acidité du sang qui giclait. Son odeur si forte, terrible, son corps qui s'affaissait sous la morsure de la mort. Mort dans l'honneur ? Mort idiote, il n'y avait pas d'injure...

Mais ce n'était qu'un cauchemar n'est ce pas ? Je sentais les mains de Ryu caresser mon dos, apaisantes, calmantes et je m'apaisai doucement, sereine entre ses bras qui étaient fait pour moi. Non, il n'était pas mort, il était bien présent, prêt de moi, m'entourant de sa chaleur, de sa présence. Je levai timidement le regard vers lui alors qu'il me disait que parfois, les rêves étaient les reflets de l'inconscient. Non, mon inconscient ne rêvait pas qu'il meure de cette manière, mon inconscient ne voulait pas que je meure ainsi, un bébé en mon sein que je haïssais...

Il me repoussa doucement et je suivis le mouvement avec réticence, je voulais rester prêt de lui, contre lui. Il se saisit de ma main, le glissa sur sa peau alors que je le regardais incompréhensive, je sentis sous mes doigts un renflement étrange, que j'avais déjà caressé d'ailleurs, pensant a une cicatrice légère...Mais a la reflexion, elle était trop épaisse, trop longue pour que ce ne soit qu'une blessure banale et, subitement, des images me revinrent, violentes, douloureuses et je retirai ma main comme si je m'étais brulée.

"Je...Non...Enfin...C'est...Je veux dire..."

balbutiais je, fébrile en ramenant ma main contre moi, le regardant les yeux agrandis, que me racontait il ? C'était totalement fou n'est ce pas ? Pourtant...Je réfléchis soudainement a ce que j'avais vu...J'avais vu son visage se torde de douleur mais son regard, ancré dans le mien, amoureux, désespéré...Mais celui que j'avais vu dans le miroir...Dans ce miroir où je me regardais, ce n'était pas le mien. Machinalement, je levai la main sur ma joue, caressant mes traits si connu et en même temps...

"Je sais que je t'aime, que je t'ai toujours aimé...il y avait un vide là, dans ma poitrine avant que tu n'apparaisse, un manque atroce..."

Je déglutis, accrochée a ses épaules...

"Regarde-moi Amaya. Deux âmes aussi liées que les nôtres ne peuvent rester séparées longtemps. Cette vie-ci ne nous permet pas de nous aimer. Je te retrouverai dans la prochaine. Mon âme ne peut oublier l'empreinte de la tienne. Je meurs pour mieux te retrouver...
Aucun homme ne t'a autant aimé et ne t'aimera jamais davantage, je t'appartiens, cœur et âme. A jamais je suis tien."

citais je soudainement, presque brutalement avant de hoqueter, totalement perdue. C'était impossible n'est ce pas ? Pourtant mes croyances enfantines revenaient parfois...Mais ces mots ? Ces mots...

"Non, non...."

Je secouai la tête...C'était impossible n'est ce pas ?

L'heure n'était plus à la dissimulation ou aux mensonges, mais bel et bien aux révélations. Je savais qu'elle avait confiance en moi et me savait sain d'esprit, mais je savais aussi qu'elle était assez cartésienne pour rejeter de prime abord tout ce qui pouvait s'écarter de la logique froide. La réincarnation était une conception assez abstraite, basée sur la foi pour les cartésiens. Et il ne me serait pas facile de lui faire admettre que ses cauchemars n'étaient que des réminiscences d'une vie qu'elle avait vécu. D'une existence passée.

J'attendis qu'elle soit moins bouleversée pour aborder le sujet, doucement, avec une preuve à l'appui. Sa main glissa sur mon torse puis mon ventre, avant que ses doigts ne touchent le renflement de ma cicatrice. Une blessure terrible, une agonie que je ne souhaitais à personne. Cette marque coïncidait avec ses songes, avec cet homme qu'elle avait aimé et vu mourir sous ses yeux, une lame plantée dans l'abdomen.

Elle retira sa main comme si elle s'était brûlée, avant de la porter à son visage, comme essayant de caresser ses traits. Ses traits qui avaient changé, contrairement aux miens. Lentement, elle répliqua que je lui avais toujours manqué, comblant un manque atroce désormais. Et là, elle prononça des paroles qui restaient marqués au fer rouge dans ma mémoire. Mes dernières paroles à vrai dire, rien que pour elle, comme une promesse. Sans proférer un son, mes lèvres citèrent pourtant les mêmes mots, l'accompagnant, avant de s'immobiliser tandis qu'elle refusait de croire à l'évidence.

- Je suis désolé de te projeter comme ça dans l'inconnu, dans un monde de mystères... Mais la réincarnation existe bel et bien...

Doucement, je repoussai ses cheveux de son visage, avant de murmurer :

- Je t'ai aimé, il y a 192 ans... Pendant 10 longues années, j'ai soupiré après chacun de tes sourires, chacun de tes regards, alors même que c'était interdit. Tu as été et demeures mon âme sœur. Je t'ai cherché sans relâche, parce que je savais que je te retrouverais. J'ai aimé Amaya, follement. Et j'aime Yue Hue, passionnément.

Je l'embrassai pour sceller mes paroles, avant de reprendre, à voix basse :

- Réfléchis... Cette impression de m'avoir toujours connu, cet amour si brusque entre nous, cette confiance en moi, cette attirance pour le Japon, ce malaise en touchant mon katana chez moi... Tu avais raison, il est chargé de mauvais souvenirs... Il m'a ôté la vie.

Je ne savais pas si elle était assez lucide pour se demander pourquoi moi je me souvenais aussi bien de tout, pourquoi moi, j'avais le même visage que dans ses souvenirs. Je préférais ne rien brusquer et attendre les questions, la laisser assimiler les révélations à son rythme.

Je le regardai bouche bée, incapable de comprendre pleinement ce qu'il insinuait. Pourtant, ces mots là, je ne les avait pas rêver, c'était comme si ils étaient enchassés en moi depuis ma naissance, affleurant ma bouche sans jamais en franchir la barrière et qu'ils renaissaient soudainement sans que je ne puisse les retenir.

Ces images ne me quittaient pas, me hantaient, terrifiantes de douleur intense mais aussi d'une étrange mélancolie. J'avais effleuré son corps, cette boursoufflure et je ne savais pas si j'étais capable d'accepter ce qu'il tentait de me faire comprendre. C'était impossible et pourtant, sa façon de dégager mes cheveux de mon front moite me semblait si familière. Tout ces gestes que j'avais aimé immédiatement, son sourire aussi. Inconsciemment, je l'avais reconnu, l'aimant sans concession dès cet instant précis où il c'était retourné au musée. Mais malgré tout, je ne pouvais pas croire ce qu'il me disait, c'était impossible. La réincarnation...Ce n'était qu'une croyance, au même titre que l'âme s'envolant au paradis après la mort, et pourtant, chacun de ses mots étaient empli d'une vérité que j'avais tant de mal a concevoir, tant de mal a imaginer. J'hoquetais doucement, encore bouleversée mais je ne pouvais nier que le gout de ses lèvres étaient exactement le même, la saveur, la douceur. Je me rapellais avec acuité le malaise violent qui m'avait prise lorsque j'avais touché son katana. Je secouai doucement le tête, gardant ses bras autour de moi, combien même ces paroles étaient totalement folles, elles trouvaient un écho étrange en moi.

Je fermai doucement les yeux, me laissant aller contre son épaule. Combien ces révélations étaient folles, je ne pouvais m'éloigner de lui parce que ce rêve...Ce rêve avait l'air si vrai, la douleur et la morsure de la lame sur mon cou...

"Je...Je..."

J'avalai ma salive avec difficulté, cripant les doigts sur ses épaules, presque convulsivement.

"Ton visage...Ton visage n'a pas changé....C'est impossible..."

Je voyais encore mon reflet dans le miroir, ce n'était pas moi, pas mon visage et pourtant, il y avait la même lueur dans les yeux entre elle et moi.

La vérité était difficile à avaler. Je lui laissais le temps de digérer l'infirmation. La réincarnation existait, nous nous étions aimés il y a presque deux siècles, elle était morte et avait retrouvé un corps. Je m'étais tué et je n'étais pas réellement mort. Mais là s'arrêtaient les révélations. Il y avait encore ma nature d'ange, mais est-ce qu'elle était prête à entendre cette vérité là ? Je n'en étais pas vraiment certain. Elle ferma les yeux et se colla contre moi, bafouillant quelques mots, avant de se rendre compte que si elle, elle avait changé, ce n'était pas mon cas. Je soupirai doucement.

- C'est assez compliqué...

Comment est-ce que j'allais lui expliquer que j'avais été béni et étais devenu un ange ? Lui montrer mes ailes ? Ça risquait d'être un poil brutal. Je pris une profonde inspiration, avant de commencer :

- Quand j'étais samouraï, au service de ton... époux, j'ai rencontré une femme, une européenne. Elle a vu le désir et l'amour qui me consumaient. Elle a su l'exploiter et m'a poussé à la faute. C'est un peu grâce à elle que nous avons pu nous aimer, comme c'est à cause d'elle que nous sommes morts.

Je m'humectais les lèvres, faisant preuve d'une hésitation qui ne m'était pas coutumière. Ce que j'allais lui dire était quelque peu difficile à avaler. Plus qu'une réincarnation ? J'eus un mince sourire, à cette pensée, qui était pourtant quelque peu douloureux.

- Je suis mort... et je suis devenu... un ange. J'ai 209 ans Yue Hue.

Ce n'était pas compliqué, c'était totalement fou. Pourtant, je ne m'éloignais pas de lui, au contraire même.Mais comment croire ce qu'il me disait ? Pourtant, c'était ancré dans mes croyances aussi, le symbole de la réincarnation, un bouclier contre la peur de la mort, de la pouriture au sein d'une terre que l'on avait foulé. Comment croire que cela existait ? Et combien même...Pouvait on se réincarner au sein de notre propre corps ? Non, c'était impossible. Pourtant, je ne l'interrompis pas, le laissant parler, accrochée a ses épaules comme une naufragée au coeur d'une tempête trop forte, indomptable.

Mes doigts se crispèrent sur sa peau alors qu'il évoquait une européenne et je fermai les yeux, cherchant dans mes souvenirs, ou plutôt...Ceux d'Amaya. Mais je n'y avais pas accès, non cela m'était tout de même interdit combien même Ryu disait la vérité...Néanmoins, je n'eus qu'un éclat d'iris claires et je ne savais pas d'où cela venait. Nous avait elle fait du mal ? Nous permettant de nous aimer enfin pour ensuite nous détruire ? Disait il la vérité ? Pouvais je le croire ? Une partie de moi refusait ce qu'il disait, tout simplement parce que c'était inconcevable. L'autre mourait d'une totale confiance en lui. Il ne mentait pas. Pas à moi et pourtant, je m'écartais soudainement, ouvrant des yeux incrédules alors qu'il se disait ange, qu'il se disait centenaire. Bicentenaire même.

"C'est impossible ! Les anges n'existent pas ! Ce n'est qu'une vision allégorique, une...idée..."

J'étais choquée oui, terriblement même et pourtant, incapable de le penser fou, aliéné. Non, il ne l'était pas. Mon instinct me le disait, me le hurlait même. Je passai mes mains nerveusement dans mes cheveux, les repoussant de mon visage, essuyant un peu mes joues encore humides. J'inspirai profondément.

"Tu me demande de croire en des choses totalement...Totalement...Farfelues ! Impossible, scientifiquement impossible..."

insistais je dans un murmure, la voix un peu hésitante pourtant. Malgré tout même.

"Tu ne me mentirais pas...Pourtant."

J'eus un petit sourire douloureux alors qu'elle rejetait l'idée que les anges puissent exister. Une allégorie, vraiment ? Le fait que je sois toujours là, que je sois vivant était bien la preuve que les anges n'étaient pas une simple idée pour réchauffer le cœur des croyants. Comme la réincarnation n'était pas un simple principe. Si cela avait été le cas, jamais je n'aurais vécu si longtemps sans elle. Je n'aurais pas pu vivre cette nouvelle vie sans être certain qu'elle reviendrait. Je ne savais juste pas quand. Et j'avais attendu... longtemps.

- Bienvenue dans mon monde.

Il n'y avait pas de place pour la science dans mon monde. Les anges, les démons, Dieu, Satan, tout cela existait bel et bien et j'étais en plein dedans, alors même que je n'avais pas été chrétien de mon vivant. Je ne l'étais toujours pas d'ailleurs, à bien y regarder. Mais force était d'admettre que tout cela existait bel et bien.

- Non, je ne te mentirais pas.

Je soupirai, hésitant un instant, avant de lâcher, d'une voix douce :

- Serais-tu comme Saint Thomas ? As-tu besoin de voir pour croire ?

Il était facile de lui prouver que ce que je disais était vrai. Même si j'avais peur d'une réaction de peur chez elle, voire de dégoût en s'apercevant que l'homme qu'elle aimait n'étais pas du tout humain et ne le serait plus jamais. Jusqu'où allait son amour en vérité ? Le mien était absolu, mais si elle avait été Amaya, elle était aussi Yue Hue, une autre femme, une autre personnalité, qui n'était peut-être pas prête à tout accepter... Mon cœur se serra brutalement à l'idée de la perdre, que tout cela n'ai été que des retrouvailles trop brèves...

- Je t'aime Yue Hue, quoiqu'il arrive... Ne doute jamais de cela.

Je la pris dans mes bras, avant de murmurer à son oreille :

- Ferme les yeux.

Lentement, je déployais mes ailes, ces ailes symboles de pureté, une vaste farce, une duperie, la plus grosse supercherie de la création... Pourtant, face à cela, elle ne pourrait plus douter, face à cela, elle ne pourrait que croire. Qu'accepter le fait que la science n'expliquait pas tout et ne savait pas tout. Il y eut un bruissement soyeux, avant que je ne la relâche, attendant son verdict, suspendu à son expression, à ses lèvres...

Dans son monde ? Mais c'était quoi son monde ? La folie ? L'aliénation ?! J'aurais sans doute voulu lui hurler ces mots alors que j'étais confrontée a quelque chose que je ne pouvais concevoir, comprendre. C'était quelque chose d'impossible. Si les anges existaient alors depuis le temps, l'homme l'aurait sut...Mais justement, ils étaient évoqués dans la bible, loué comme des sauveurs, même si j'avais un point de vue plus...cartésien. Mais là, c'était trop, beaucoup trop a avaler d'un coup. Je fus presque tentée de me pincer, parce que tout cela ne pouvait être vrai. Mais une intime conviction me disait que je ne rêvais pas. Qu'il me disait bien toutes ces choses.

"Non. Si...Je ne sais pas..."

Etais je comme ce saint ? Avais je besoin de voir ? Je n'en savais rien, je pouvais croire sans preuve, comme je pouvais parfois douter en voyant. Je souffrais de l'avoir repoussé dans un sursaut incrédule mais cela avait été plus fort que moi, trop fort. Je le regrettais mais j'avais besoin de recul, de pouvoir réfléchir. Je ne pouvais pas réfléchir en vérité, assommée par ces révélations qu'il m'assénait une à une. J'aurais voulu rire en me jetant a son cou tout en disant que ce n'était pas une blague très drôle. Mais son regard ne mentait pas. Ces mots ne mentaient pas. Il me répéta qu'il m'aimait, que je ne devais pas l'oublier malgré tout. Je ne pouvais pas oublier, je le savais, il était mon autre moi, comment pouvais je l'oublier ?

J'hoquetais doucement lorsqu'il me prit dans ses bras, ne pouvant pas résister a cette étreinte douce malgré la peur qui me tordait le ventre. Pas la peur de lui non, la peur de l'inconnu, de perdre mes repères dans ce monde pour le suivre les yeux fermés et il y avait quelque chose de symbolique dans mon geste lorsque je lui obeïs.

Je sursa utai en plissant les paupières lorsqu'un froissement soyeux résonna dans ma chambre, semblant se répercuter sur les murs sans fin. je voulus le retenir lorsqu'il fit mine de s'éloigner, d'ouvrir les bras, d'ailleurs mes doigts se crispèrent un peu sur lui, comme si je refusais d'ouvrir les yeux pour ne pas être confrontée a ce qu'il m'avait dit. Mais je n'eus pas d'autre choix que de le faire et lorsque mes paupières s'ouvrirent totalement, un léger cri m'échappa tandis qu'un brusque mouvement de recul secouait mon corps.

les yeux écarquillés, choquée, je ne pouvais que contempler l'immensité blanchâtre d'une paire d'aile déployée. Je secouai la tête par reflexe, peut être une hallucination...Mais non, le blanc envahissait ma rétine. Je portai une main a ma bouche entrouverte. Figée. Incapable de dire un mot ou d'esquisser un geste. Je le fixai. Puis, au bout de longues secondes, je déglutis avec difficulté tant ma gorge était nouée parce qu'en vérité :

"Tu es magnifique..."

Je pouvais dire que mon cœur était suspendu à ses lèvres, j'attendais son jugement et cela faisait longtemps que je n'avais pas éprouvé cette angoisse. C'était insupportable. Yue Hue suscitait en moi des sentiments que j'avais longtemps étouffé, qui avaient été endormis. J'avais eu peur pour elle dans la soirée et voilà que j'avais peur à cause d'elle, peur de son rejet. Il était facile de la séduire, de l'aimer, tant qu'elle ignorait dans quoi elle s'engageait, mais je ne pouvais pas lui mentir éternellement, lui cacher ce que j'étais et ce que cela impliquait de m'aimer. Et malheureusement, ce n'était pas sans conséquences... Je ne vieillirais pas, je ne mourrais pas, à moins que l'on ne me tue.

Mais elle... Elle, elle était mortelle, sa beauté se fanerait, son corps subirait les outrages du temps. Non pas que cela soit un énorme problème pour moi, si j'avais la chance de pouvoir vieillir à ses côtés. Mais malheureusement, ce ne serait pas le cas et je verrais sa vie s'étioler petit à petit, jusqu'à ce que la mort ne me l'arrache... Alors oui, j'avais l'intention de la bénir, mais je ne le ferais pas dans son accord. Je lui expliquerait ce que c'était qu'être un ange et cela ne correspondait en rien à l'idée qu'elle pouvait en avoir.

Je dépliai alors mes ailes, avant de la relâcher, mais elle ne semblait pas décidée à se confronter à la réalité, s'accrochant désespérément à moi. Je la savais courageuse. Et elle finit par ouvrir les yeux. Et comme je le pressentais, comme je le redoutais même, elle hoqueta de surprise, ou d'horreur ? avant de se reculer vivement, pour contempler ce spectacle insolite. Et là, je la regardais avec une certaine appréhension, une certaine détresse, alors que mon bonheur était totalement entre ses mains. J'aurais compris qu'elle me repousse...

Et quand elle parla enfin, je fus tellement soulagé que j'éclatai de rire. Parce qu'en vérité, elle ne me fuyait pas, mais ne faisait que se laisser leurrer par la beauté de ces ailes blanches, si trompeuses.

- Je préfère ça, que tu es un monstre, je dois le reconnaître.

Doucement, je les repliai, sans pour autant les lui cacher, histoire qu'elle prenne bien conscience de ça et ne pense pas à une hallucination. Au point où nous en étions...

- Mais cette pureté est trompeuse Yue Hue... Les anges ne sont pas ce que vous pensez...

A vrai dire, il se déchainait toute une tempête d'émotion en moi alors que je le fixai, les yeux agrandit. Il ne me rebutait pas. Ne me révulsait pas. D'ailleurs comment aurait il pû ? En vérité, je ne savais pas ce qu'il était, ni même ce que cela impliquait, ce que cela voulait dire. je ne comprenais pas mais j'étais subjuguée par la beauté immaculée de ses ailes, c'était comme un voile virginale jeté autour de lui, l'entourant d'un halo étrange, fascinant. Je sursautai presque en l'entendant rire et il provoqua une réaction un peu nerveuse de ma part sous forme d'un sourire un peu bancal. Evidemment que je ne le voyais pas comme un monstre, il me semblait même que cela était impossible...Je résistai a l'envie d'y porter la main alors même qu'elles se repliait élégament...

La voix de Ryu m'arracha a leur contemplation et mon regard prit des accents curieux bien qu'un peu angoissé. Je crois que c'était un peu trop d'un coup et pourtant, je ne craquai pas. Etrangement. Malgré tout ce que cette scène avait d'iréel, d'imaginaire...

"Que cherches tu a me dire ?"

Finis je par murmurer, crispant les doigts sur les draps, les froissant en un geste inconscient. Et soudain...Savait il comment j'étais morte ? Alors même qu'il me semblait que ma vie m'avait quittée en même temps que la sienne s'écoulait sur le sol...Je déglutis avec un peu de difficulté. J'aurais aimé que ce cauchemar soit a l'image des autres, éphémère, oublié dans le réveil et pourtant, je ne cessais d'en voir chaque moment. Sans doute aurais je même pu décrire avec précision le visage de mon époux. Son expression horrifiée, paniquée alors qu'un dernier sursaut de conscience m'envoyer comme un écho sa voix qui m'appelait tandis que mon sang s'échappait en gros bouillon. Machinalement, je portais une main a ma gorge, sans même en avoir conscience...Quels secrets me cachait il encore ? Quel avenir maintenant ? Pouvait on aimer un ange ?

Elle prenait les choses bien mieux que je ne l'aurais pensé, mais je ne savais pas si cela était simplement à cause du choc, qui la faisait tout assimiler sans vraiment réaliser, ou si elle avait simplement de grandes capacités d'adaptation. En quelques minutes, elle venait d'apprendre qu'elle avait été une autre, qu'elle m'avait aimé, que j'étais devenu un ange, et que j'attendais sa réincarnation depuis que je l'avais perdu, incapable de me détourner de cet amour que je ressentais pour elle. Pouvais-je rajouter qu'être un ange ne faisait pas de moi quelqu'un de bon ?

- Ce que je cherche à te dire, c'est que les anges ne sont pas les sauveurs que l'on décrit dans les écrits... Dieu et Satan existent et se livrent une guerre et les anges et les démons sont des soldats, œuvrant chacun pour leur camp.

Les démons guérissaient les blessures, pactisaient avec les humains et dévoraient leur âme... Ils n'étaient pas bénéfiques parce qu'ils nous affrontaient et ils pouvaient être aussi retors. Y avait-il seulement un bon camp dans cette guerre ridicule ? Je n'en étais pas certain. Mais les anges trompaient et semaient le chaos...

Je la vis porter la main à sa gorge, le regard hanté par je ne savais quel souvenir exactement. Doucement, je m'emparai de son poignet, me rapprochant d'elle avant de baiser son cou avec amour. Je ne savais pas ce qu'il était advenu d'elle après ma mort, il ne m'avait pas été permis de revenir et je n'en avais pas eu le courage. Comment lui expliquer que j'étais en vie ? Une fois mort, ma vie était ailleurs.

- J'évolue dans un camp que je n'ai pas réellement choisi. Je trompe les mortels, ils me font confiance et j'en abuse, pour les embrigader dans cette guerre dont ils n'ont pas idée. J'étais soldat étant humain, je suis soldat en étant immortel. Mais toi... Toi, je ne peux pas et je ne veux pas te tromper.

Les anges. Des anges. Ces entités magnifiques que le commun des mortels désignaient comme les sauveurs. Pouvaient ils exister alors même qu'il me le prouvait ? Mais par dessus tout, pouvais je l'aimer comme un homme ? Je ne comprenais pas vraiment pourquoi je ne hurlais pas de peur, le traitant de fou, d'aliéné. Non, en fait, auréolé de cette blancheur, il était superbe, le coeur battant si fort que je n'entendais que lui, je le lui dis...Pourtant, tout n'était pas vérité selon lui. Non, rien n'était comme cette bible que l'on aimait raconter le dimanche. C'était une religion qui n'était pas la mienne quelque part. J'étais née taïociste, non chrétienne et pourtant j'avais entendu ces mythes et légendes puisqu'ils parsemaient l'histoire. Je l'écoutais sans l'interrompre, suspendue a ses lèvres alors qu'un malaise palpable me prenait. Il avait vécu alors que moi j'étais morte. Réincarnée comme il disait, comme il l'affirmait. Je ne pouvais que le croire alors même que mes rêves me le prouvaient. Que cet amour si fort, trop fort, me submergeait.

Je fémis lorsqu'il déposa délicatement ses lèvres là où c'était ouvert une entaille mortelle, fermant doucement les yeux a la caresse. Mais je frissonnais a ces mots, ouvrant subitement les yeux pour le regarder...

"Comment ?"

Il...Manipulait ? Il faisait naitre la confiance ? L'amour peut être ? Tout ceci n'était il qu'une vaste manipulation, une machination dans le but de me faire rejoindre cette guerre ? Le doute, perfide, se frayait un chemin en moi, me déchirant littéralement tant que je l'aimais.

"Jigai...C'est ainsi que je suis morte. Parce qu'il ne me restait plus rien. Je ressens encore ce vide, si noir, si froid...J'ai tué l'enfant que je portais, sans remords, sans regrets...Il n'était pas de toi...Ne me trahis pas...Je peux vivre avec ce que tu es, pas sans toi."

pourtant, j'étais forte. pourtant, je ne comprenais pas comment l'on pouvait s'ôter la vie...Avant. maintenant, maintenant que j'avais gouté, même si ce n'était qu'un rêve, qu'un souvenir trop vieux, a son absence, a cette douleur intolérable...Je me disais que la mort avait été alors, le seul moyen de la fuir.

Je ne voulais rien lui cacher et pour cela, je devais absolument briser l'image idyllique qu'elle avait de moi. Parce que je n'avais rien de la perfection. j'accomplissais une mission qui dépassait, et de loin, mes ambitions personnelles ou même mes aspirations. C'était mon travail, pas mon essence. Mais à chaque fois que je bénissais un humain, j'avais l'impression de perdre davantage mon âme ou mes valeurs, tout ce qui avait fait de moi un guerrier honorable et respecté.

Et alors que je lui avouais ce que j'étais, ce que je faisais, ses yeux s'ouvrirent brusquement alors qu'elle semblait ne pas vraiment y croire, me regardant sans comprendre, craintive soudainement. J'avais comme l'impression d'entendre le miroir de son opinion me concernant se briser, se fracasser en mille morceaux, en un tintement de verre insupportable.

Mais surtout, je ne m'étais pas attendu à la suite de ses paroles. Des paroles qui me glacèrent. Je cillai alors qu'elle me parla de sa mort, que j'avais ignoré jusque là. Je ne savais pas qu'elle s'était donnée la mort et je ne savais pas qu'elle était enceinte de son mari... Ce qui ne l'avait pas contentée... Parce qu'il n'était pas de moi. Oh lui faire un enfant aurait été quelque chose de merveilleux.

Je l'embrassai alors avec douceur, avec amour, m'emparant de son visage à deux mains avant de la regarder et de lui déclarer, avec gravité :

- Je t'ai aimé dés le premier regard, quand tu n'étais qu'une jeune fille promise à un seigneur et moi un de ses guerriers. Je t'ai pleuré pendant plus de 170 ans... Je ne savais pas que tu t'étais donnée la mort, ni que tu étais enceinte. Mais quoi qu'il en soit, si je te dis tout cela, c'est pour ne plus rien te cacher. Ce que je fais, en tant qu'ange, n'a rien à voir dans ce qui se passe entre toi et moi. Ton absence a été cruelle pour moi, durant tout ce temps, mais j'ai tenu le coup, parce que j'espérais... non je savais que je te retrouverais, tôt ou tard. J'ai aimé follement Amaya. Et j'aime passionnément et profondément Yue Hue. Tu es elle et tu es toi à la fois, et j'aime celle que tu es aujourd'hui.

J'espérais que cela suffirait à ôter tous ses doutes, à lui assurer mon amour et ma sincérité. Cela ne pouvait être remis en cause dés lors qu'il s'agissait d'elle.

Je ne savais plus vraiment quoi penser. Tout s'écroulait. Tout ce en quoi j'avais pu croire, non animée de certitudes cependant car n'ayant pas été elevée dans la religion catholique justement. Pourtant, mes recherches m'avait souvent amenée a la cotoyer, sans le vouloir mais tout de même. On prend pour acquis ce que l'on nous surine devient obsedant ou trop présent alors lorsqu'on vous soutenait le contraire, il ne naissait qu'incompréhension.

il y avait le doute oui, mais aussi ces relents de rêve qui ne semblait pas me quitter, comme collés a ma peau, la souillant d'une certaine manière. Jamais je ne m'étais imaginée mourir ainsi, j'avais un trop grand respect de la vie...Mais d'un autre coté, lorsque cette vie n'est plus que vide et douleur, assombrie au point de ne plus avoir la force de le supporter ? Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui parlai de cela. peut être pour qu'il prenne conscience de ce que son absence m'avait fait, sans pour autant lui en vouloir, non, j'en avais voulu a cette époque là, ses devoirs, ce mari...A toutes et tous mais jamais a lui.

J'avais fermé les yeux et mes paupières se soulevèrent de nouveau lorsque je sentis ses paumes sur mes joues, qu'il cherchait mon regard comme pour s'y noyer. Sa voix vibrait d'un accent si vrai. Il m'avait dit qu'il mentait, qu'il le faisait pour avoir ce qu'il voulait, mais je ne pouvais pas croire qu'il ai prit le risque que je le fuis pour me piéger. C'était beaucoup plus risqué que de m'aimer.

Des larmes affleurèrent a mes paupières sans pour autant couler a ces mots. Je n'avais pas d'image précises de ce qu'il me disait, mais des sensations, des sentiments qui s'agitaient sans fin. Me souviendrais je un jour de tout cela ? Des moments qu'il disait avoir vécu juste avec moi ? Quelle avait été notre vie a cette époque là ? J'étais mariée, inaccessible, noble...Cela nous avait tué. Aujourd'hui, l'ère avait changé, le monde avait évolué...Mais lui aussi, moi aussi sans doute. Mon mariage c'était toujours dressé entre nous avant, sa nature ferait elle de même maintenant ? Je voulais croire que non.

-Est...est ce qu'on peut seulement être ensemble ?

Parce que je ne connaissais rien des lois qui régissaient son monde, je nageai dans l'inconnu...Avait il seulement le droit de m'aimer a nouveau ?

Je ne m'attendais pas à ce qu'elle pose cette question là, précisément. Pas aussi rapidement. En fait, j'avais appréhendé sa réaction, pensé qu'elle aurait peur de ce que j'étais, n'y croirait pas, me demanderait de partir, au moins le temps de digérer la nouvelle, mais le fait était que non, elle avait toujours à l'esprit notre avenir ensemble, notre amour étant plus fort que les épreuves. Et voilà qu'avec toutes ces données, qui semblaient singulièrement compliquer notre relation, elle désirait avoir toutes les cartes en main pour le futur. Je la regardais longuement, cherchant comment lui répondre le plus justement possible. Je baisai ses yeux, goûtant le sel de ses larmes, me faisant rassurant, protecteur. J'étais peut-être un ange, une créature vouée au mal par l'essence même, mais pour elle, je serais un gardien et qu'importe ce que cela devait me coûter. Je serais plus conforme à l'idée que se faisaient les humains des anges.

Pour elle.

Mais pour cela, j'allais devoir négocier avec Azraëlle. Elle était le seul véritable obstacle. Dieu ne se préoccupait pas de moi, mais Azraëlle était la directrice de l'école, ma créatrice et elle n'hésiterait pas à se servir de Yue Hue pour parvenir à ses fins. Elle étant en danger tant qu'Azraëlle avait du pouvoir sur moi.

- On le peut oui... Rien n'interdit une relation entre un ange et un humain. Sinon le bon sens. A moins que je ne sois tué, je resterais figé à cet âge là. Toi, tu vieilliras et tu mourras.

A moins que tu ne deviennes comme moi, mon tendre amour. A moins que tu sois celle qui me fasse devenir Séraphin, qui me libère davantage de mes chaînes. Mais cette décision là, elle lui revenait. Entièrement. Doucement, je l'amenais à envisager la possibilité de devenir comme moi. A me le demander.

- Mais ma... créatrice, est une femme dangereuse. Et pour être sincère, j'ai peur pour toi. Peur qu'elle se serve de toi comme moyen de pression à mon égard. Tu restes ma faiblesse, à moins que je ne parvienne à faire en sorte qu'elle détourne son regard de moi.

Mais si Yue Hue devenait un ange, il lui faudrait aller à l'école, où l'influence d'Azraëlle serait toute puissante. Katsuo l'avait déjà déçu. Je doutais qu'elle me laisse faire ce que je voulais de Yue Hue, à savoir, ne surtout pas la changer. Aimerais-je une Yue Hue embrigadée ? Maléfique ? Je craignais bien que la réponse ne soit évidente...

Je ne savais pas ce qui agitait ses pensées, ni ce que voulait dire les ombres de ses iris lorsque je levai les miennes vers lui. Il semblait surpris d'un certain coté. Surpris que j'accepte aussi facilement ? Sans doute mais comment nier lorsque l'on a lévidence sous les yeux ? C'était difficile. Peut être que le plus dur était de s'imaginer qu'il ne véhiculait pas cette image si belle et si pure des anges comme tout le monde les connait. Alors il y eu comme la morsure empoisonnée du doute. Mais la confiance que je pouvais lui porter faisait un efficace contre poison. Il n'avait aucune raison de me mentir, absolument aucune, même celle de m'attirer vers le coté sombre qu'il peignait ne pouvait en être une. Alors oui, j'avais choisis de le croire, même si ce qu'il m'avait raconté était fou, totalement fou.

Je soupirai, rassurée lorsqu'il m'affirma que si, que cette vie là, on pourrait la passer ensemble avant que la réalité ne me frappe avec la force d'une gifle. Il ne vieillirait jamais. Ne mourrais que si il était tué et moi...Moi, je subirai les outrages du temps, mon visage se couvrirait de rides, mes cheveux de blanc. Et pour finir, je mourrais.

Je déglutis avec un peu de difficulté.

"je le sais."

Ou alors devenir comme lui. Mais je ne savais pas si c'était possible, si c'était ce dont j'avais envie. Abandonner une mortalité, une vie même pour une autre dont je ne savais rien. Je frémis doucement lorsqu'il reprit la parole. Sa créatrice ? Je fronçai les sourcils.

"Pourquoi t'a-t-elle choisit ? Pourquoi rester prêt d'elle si ce que tu me dis est vrai ?"

A vrai dire, je ne pouvais pas comprendre la complexité de son monde, ni ces règles. Je ne comprenais pas tout, il était évident qu'il me manquait des éléments.

"A vrai dire, je ne comprend pas tout..."

Soupirai je doucement en secouant un peu la tête, me sentant subitement épuisée.

Oui, cette vie là était possible. Mais pas sans quelques difficultés, pas sans quelque sacrifices. Soit le mien, alors que je devrais la regarder vieillir, se faner, et mourir... Malgré moi, je songeai à Katsuo... Il avait été dévasté par la mort de sa compagne, il ne l'avait pas sauvée en faisant d'elle un ange et il le regrettait. Mais cela n'aurait-il pas été dénaturé ce qu'elle était, ce qui avait fait qu'il soit tombé amoureux d'elle ? Je le comprenais maintenant mieux que jamais. Parce que c'était exactement la même question que je me posais au sujet de Yue Hue. Si je la bénissais, je deviendrais Séraphin et n'irais plus à l'école. Je n'aurais plus aucune obligation et je ne pourrais pas la préserver de l'influence néfaste des professeurs qui l'endoctrineraient... Mais n'était-ce pas là manquer de confiance envers Yue Hue ? Elle avait peut-être la force de caractère nécessaire pour rester fidèle à elle-même... Comme moi.

J'abordais alors le sujet d'Azraëlle, le fait que je me méfiais d'elle et qu'il valait mieux qu'elle ne se mêle pas de notre vie. Elle était capable du pire, j'en savais quelque chose et cela interpela Yue Hue qui ne manque pas de m'interroger à ce sujet. J'eus un petit rire amer.

- Normalement, les anges sont faits d'assassins, de voleurs, de violeurs, de crapules, de drogués et j'en passe. Je dis bien normalement. Parce que certains Anges ont d'autres victimes en vue... Elle m'a remarqué parce que j'étais quelqu'un de droit et honnête, avec des valeurs qui étaient à l'antipode de celles des anges. Je pense qu'elle a du trouver cela amusant de m'en détourner... Et c'est ce qu'elle a réussi à faire en me poussant dans tes bras...

Cela nous avait été fatal, même si je ne parvenais pas vraiment à regretter de l'avoir aimée, une seule fois. Mais Azraëlle m'avait piégé et j'en venais à me demander si elle n'avait pas alerté notre seigneur pour m'avoir plus rapidement.

- J'aimerais qu'il soit simple de me détourner d'elle, mais ce n'est pas le cas... Elle a une certaine emprise sur moi. Je ne reste pas prêt d'elle par plaisir, mais par devoir et loyauté, même si je ne ressens aucun amour, quel qu'il soit, pour elle.

Yue Hue était perdue et je soupirai. Mes ailes se déployèrent, les plumes soyeuses effleurant sa peau.

- Cela fait peut-être beaucoup d'un coup... Nous avons tout le temps de parler de tout cela plus tard si tu préfères...