Sasha "Blue" Erwin FINI

Un jeune garçon a peine pré pubère. Voilà ce que je vois quand je me regarde dans la glace. Des traits oscillants entre féminité et masculinité, des yeux étirés hérités de mon père japonais. Des puits noirs et sans fond qui semblent regarder le monde avec un certain ennui, comme si ils en avaient trop vu ou pas assez. Une bouche étrangement pleine qui ne sourit que rarement et qui s’ouvre trop souvent pour vous dire en face ce que vous m’inspirez. De mon côté asiatique, j’ai encore hérité des cheveux raides et noirs, ils me tombent souvent devant les yeux voilant encore plus les traits de mon visage, de toute manière, le plus souvent je porte une casquette ou une capuche, habituée a vivre la nuit, j’en ai prit les travers. Trop fluette, trop petite, j’ai l’air aussi fragile qu’un vase de cristal mais ce n’est qu’une illusion, j’ai la rapidité et la souplesse pour moi.

Je possède un mélange étrange de contraires mais tout cela se marie avec harmonie laissant une impression de malaise a ceux qui me croise. Un regard adulte dans un visage qui vous parait enfantin. Des manières trop franches pour être féminines sur des traits trop fins pour êtres masculins. Une démarche aérienne mais une vraie force lorsque les baguettes heurtent la peau tendue de ma batterie. Peut être est ce plus facile de me prendre pour un mec et je m’arrange de cela étouffant ce qui fait de moi une fille pour continuer cette vie en décalée que je me suis choisie. Mes jeans sont larges, sans véritable formes, pratiques sans fioritures, mon torse trop fin nage dans des sweat immenses et aucun bijou ne viendra se poser sur moi. Pourtant, malgré cela, on pourrait se retourner sur moi dans la rue, pas parce que je suis d’une beauté a tomber, pas parce que mon fessier se balance en rythme, mais juste parce que je dégage l’assurance de ceux qui vivent ce qu’ils ont désiré vivre sans se poser de question, sans regarder en arrière. Ni féminine, ni masculine, j’erre entre les deux provoquant un trouble presque malsain autour de moi. Ma voix est rauque, un peu basse, comme si elle commençait seulement sa mue, est ce parce que je ne l’utilise pas souvent ?

Ce que je suis. Ce que je pense. Ces qualités ou ses défauts qui semblent régir les lois de la société sont pratiquement indéfinissable chez moi. Trop franche, trop bourrue, trop silencieuse, trop froide et pourtant un véritable volcan lorsque je m’assois a ma batterie. Je dégage une énergie peu commune qui semble s’apprivoiser lorsque le jour se lève. Je suis cette présence que l’on ne remarquera pas vraiment avant que son silence ne vous heurte de plein fouet. De moi, personne ne sait rien, pas même mon prénom, pas même mon âge véritable, non, de moi on ne connait que Blue et c’est très bien ainsi. Blue c’est ce musicien qui manie les baguettes avec une maestria sans pareille, comme un don. Blue, c’est ce batteur sur lequel s’allume en premier les projecteurs, Blue c’est un prodige qui connait l’Underground, qui est l’Underground..Juste un fantôme, une illusion que j’entretiens avec un soin presque maniaque.

Mais j’ai mes peurs, mes faiblesses, mes secrets jalousement gardés. Mes blessures qui explosent lorsque le soleil se lève et que l’ombre de Blue me quitte pour ne laisser que Sasha, trop fragile, trop seule. Je connais la vie, trop bien, ces travers comme ses pièges, j’ai trébuchée, je suis tombée, je me suis relevée, suis-je pour autant forte ? Je ne m’ouvre jamais totalement, j’offre juste une façade, un miroir déformé, parfois un sourire en coin qui s’amuse de l’ignorance de la vie. Je parle peu mais chaque mot prononcé a son importance, je discours au rythme enflammé, endiablé de mes baguettes.

Ainsi est Blue, ainsi est Sasha, juste une vie de plus dans l’univers si sombre de Londres. Je ne pense pas a l’avenir, ou si peu. Je ne regarde pas derrière moi. Je vis comme j’ai décidé de vivre, peut être n’était ce pas le plus facile, mais je vis bien plus fort que ceux nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Mon cœur tamponne bien plus dans ma poitrine que le leur. Je vis tout simplement…Oui, juste simplement.

Pour une histoire, il faut un début et une fin. Mais ais je seulement un début ? Sans doute oui, comme tout le monde. Je ne connais pas ma date de naissance exacte, a l’hopital, ils ont dit entre 2 et 3 jours, une seule certitude, mon année de naissance. Je suis née il y a 17 ans. Quel jour ? Quel mois ? Je ne sais pas. Premier choix, première douleur. J’ai décidé de naitre un 25 Décembre. Un vieux rêve d’enfant, de cet enfant que j’étais pensant que le père Noël m’apporterait des parents sous la cheminée. De ces rêves innocents qui nous aide a supporter la vie. Un jour, ma mère viendra me chercher. Je suis l’enfant d’une riche famille et quelque chose les empêche de venir me chercher. Je suis une princesse chinoise. Je suis la fille d’une actrice célèbre…Mais en fait, je ne suis rien de tout ça. Je ne sais pas qui je suis. Du moins, je ne le savais pas. Bercée par des illusions, j’ai grandis dans un orphelinat, abreuvant les nourrices, les assistantes sociales de mes espoirs infantiles, de mes chimères. La réalité vient en grandissant. La vie vous heurte avec violence. Non, vous n’êtes rien en vérité. Juste un gosse de plus a l’assistance. Juste un poids nourrit sur l’argent de vos impôts. Je n’avais pas les étreintes douces et chaudes d’une mère, ni la main affectueuse et bourrue d’un père dans les cheveux. Je n’avais que des frères et sœurs, beaucoup, tous aussi blessés que moi, tous avec cette étincelle trop fragile au fond des yeux, tous avec les même rêves que moi.

Des milliers de reflets sous une apparence différente.

J’aurais aimé restée une enfant, mais non, le temps suit son cours, les années passent,s ans joie, sans douleur sauf celle de notre naissance. Je crois que la seule chose que ma mère m’ai donné fut mon prénom. Sasha. Cela sonnait noble, cela sonnait russe et pourtant mes traits me disent le contraire. J’avais dix ans lorsque j’ai voulu savoir, si fort, si terriblement que j’ai frôlé les limites. J’ai frappé a tant de porte, vu tant de visage que tous me paraissent flous. Je voulais savoir, je voulais tellement savoir. C’était comme un espoir qui meurent dans un cœur nécrosé, une pensée lancinante qui vous hante sans jamais véritablement vous quitter. Je voulais mettre un visage sur un nom, je voulais que mes lèvres forment le mot « maman », je voulais un sourire attendrit. Je n’ai rien eu de tout cela, j’ai obtenu les regards compatissants, les sourires indifférents. Les mots « trop jeune » « trop petite » « tu ne peux pas comprendre »…Autant de coup de couteau creusant encore plus la plaie de ma vie.

J’avais 11ans lors de ma première fugue, j’ai plongé droit dans le monde de la nuit, croisant prostituées et mac…Paumés et mendiants. Quelque part, je me suis reconnu dans leur regard. Trop vieux, trop loin. J’étais comme eux, je n’étais personne. Personne encore. Parce que l’ombre ne relâche que ceux qui ose la combattre, j’ai choisis ma propre voie. A douze, j’étais tombée dans le piège trop facile de la drogue. Oubliant ainsi mes blessures, mes rejets, m’offrant un monde que je voulais mien, a mon image. Cette aiguille dans mon bras était mon billet pour le paradis, pour l’enfer…Le rêve offert, éveillé. Cette molécule qui me susurrait que le monde était a ma portée, soumis a ma volonté, que je pouvais tout faire, tout entreprendre, que j’étais si forte, si puissante que rien n’était que néant a écraser sous mon talon…Juste un écran de fumée…Il m’en fallait toujours plus, encore plus…Je devenais Dieu sous son influence, je devenais Blue, sa naissance se fit dans le lit neigeux d’un rail.

Ce don offert, oublié dans l’enfance renaissait sous l’influence du mal. Sans lui, je ne pouvais plus rythmer, plus frapper, plus cadencer. Sans lui je n’étais plus rien. Blue est né dans la drogue absorbée jour après jour. Je m’enfuyais pour la trouver, pour me l’injecter. Jour après jour, j’ai volé, cambriolé. Je n’étais qu’un gosse paumé a utiliser qu’importe qui les flics me mettait la main dessus, une quantité négligeable, jetable a la tête de laquelle on jette les billets et sur lesquels elle se jette. J’ai frôlé la prostitution de si prêt, de trop prêt. Une gosse de plus dans la rue…Les services sociaux ont abandonné, on-t-il jamais essayé en fait ? Je ne m’en souviens plus vraiment maintenant. Risible n’est ce pas ? Un loque aurait elle eut plus de classe ? aurait elle inspiré plus de pitié ? Sans doute pas. J’étais au-delà de ça.

Je me détruisais sans même en prendre conscience et c’est Dark Heal qui me sauva. Adepte du monde Under, je trainais souvent dans les sous sols de Londres, parcourant « le tube » en trainant mon mal être jusqu'à buter littéralement sur Crazy Dog. Je ne sais pas ce que je lui ai inspiré a ce moment là, un mélange étrange de pitié et de reconnaissance, voilà ce qu’il m’a dit plus tard. Crazy Dog c’était un mec aussi perdu que moi, délinquant, impulsif, instable mais doté d’une sagesse étrange. Il m’a prit sous son aile, moi le pauvre gosse abandonné, les flics ne se donnaient même plus la peine de me chercher, de me ramener a l’orphelinat, alors a quoi se raccrocher ? Il m’a donné une raison, un but. Il m’a frappé souvent, m’a soutenue alors que je tremblais comme une feuille, frigorifié et que l’instant d’après je croulais sous une chaleur intense. Il m’a tenu la tête alors que je vomissais ma dépendance. Un jour, je lui ai demandé pourquoi et il a sourit « c’est con, tu me rappelle mon petit frère » J’ai rit avec cynisme devant cette idiotie mais j’ai accepté son aide. Il m’a fait engager par Dark Heal. Pas de nom, pas d’âge, juste la musique hurlante, indomptable. J’étais douée, comme un don, avec des baguettes entre les mains, je devenais quelqu’un d’autre. Je n’avais plus peur, plus froid ni faim. Il me trouva un appart un peu miteux, un peu délabré, un petit boulot pour la journée et mes nuits dans l’alcôve rocailleuse d’un sous sol. Peu à peu le poison a quitté mon corps, remplacé par les vibrations intenses de mes batteries, comme un rythme cardiaque qui s’accélère, qui ralentit, qui meurt doucement lorsque la musique s’arrête. Trois ans. Trois ans a vivre ainsi, libre, totalement libre. Rien n’était facile, rien n’était simple mais j’aimais ça. J’ai grandis comme ça, j’ai mûris comme ça. Aujourd’hui, Crazy Dog est en tôle pour meurtre et Dark Heal s’est détruit sans son leader…Mais moi, moi je hante toujours l’Underground de ma silhouette encapuchonnée.